🌟67. La carte de l'honnêteté
— Maman. Oui, oui, je rentre bientôt. Juste, j'ai un petit truc à te demander. Tu peux me rappeler exactement de quoi est mort papa ?
Quoi ? Pourquoi cette question ? Je fouillai ma mémoire pour essayer de me souvenir de ce que je savais à ce sujet, mais rien ne me revint. Pensait-elle avoir hérité d'une maladie génétique... mortelle ?
Le cœur battant, les sens en alerte, je me collai encore plus à la porte pour ne pas manquer sa prochaine réaction.
Je ne sus pas ce qu'elle reçut comme réponse de sa mère, mais elle prononça un « Ah » à peine audible qui me fit paniquer. Ensuite, elle reprit d'une voix plus pressante, comme angoissée :
— Je n'en ai jamais présenté aucun signe quand j'étais petite ?
Encore une fois, je fus déçu de ne pas pouvoir entendre les propos de Diane. Par contre, la réplique de Sara, elle, ne tarda pas :
— Non. Non. Ne t'inquiète pas. Je me posais juste quelques questions. Apparemment, je me suis inquiétée pour rien. On se reparlera demain... Moi aussi, je t'aime.
Elle raccrocha et je l'entendis souffler par la bouche. De soulagement ou autre chose ? Je ne saurais le deviner. Avait-elle menti à sa mère ? Ses soupçons, se trouvaient-ils confirmés ou réfutés ? Autant de questions qui tourbillonnaient dans mon esprit et auxquelles je n'avais aucune réponse. Cependant, je me fis la promesse d'en trouver bientôt.
Les pas de Sara se rapprochèrent et je m'empressai de m'éloigner en faisait le minimum de bruit possible. C'était sans compter sur ce vase placé sur cette petite table, qui fit un boucan de tous les diables en touchant le sol, après que mon pied ait accidentellement heurté son support.
Merde !
Inutile de me sauver. Il se trouvait seulement à un mètre de la porte, Sara allait vite faire le lien. J'étais foutu !
Lorsqu'elle sortit de la salle de bain, j'étais encore debout sur le lieu du délit, résigné. Et pour me donner contenance, je me passai nerveusement les mains dans les cheveux en prévision de la suite.
Comme je m'y attendais, elle regarda la porte derrière elle, puis le vase et sa proximité avec moi, et ses traits se durcirent.
— Tu m'espionnais ! cracha-t-elle avec aigreur.
— Ce n'est pas ce que tu crois ! protestai-je en l'implorant du regard. Je n'avais entendu aucun bruit et je voulais m'assurer que tu ne t'étais pas évanouie à nouveau.
Ce n'était pas un mensonge, mais son expression sceptique, teintée de mépris, exprimait clairement son opinion sur mon attestation.
Elle n'ajouta plus rien cependant. Elle me jeta un dernier regard incendiaire, releva le menton et tourna les talons.
— S'il te plaît, ne pars pas ! la priai-je, mais elle m'ignora.
Elle s'avançait dangereusement vers la porte et je savais que je n'aurais plus d'autres chances si je la laissais partir. Alors comme un psychopathe, je la contournai, l'attirai contre moi et la serrai dans mes bras.
C'était un câlin forcé, comme le prouvaient bien ses efforts pour s'extraire de mon étreinte, mais j'espérais que l'alchimie qui existait entre nous me vienne en aide. J'avais besoin qu'elle m'écoute. Il fallait que je réussisse à la convaincre. Il était pour moi vital qu'elle reste.
— Je t'en prie, Sara. Ne m'abandonne pas. J'ai besoin de toi. Je ne pourrais pas continuer seul.
Elle ne répondit pas et continua à se débattre pour me repousser. Mais elle n'avait aucune chance. J'étais beaucoup plus fort qu'elle.
L'avoir dans mes bras dans ces conditions me tuait. Sa délicieuse odeur de lavande et de miel faisait remonter tellement de souvenirs en moi. Je ne pouvais me résoudre à accepter qu'on n'en aurait plus d'autres ensemble. C'était trop douloureux !
— Qui grimpera sur mon piano ? murmurai-je d'un ton nostalgique dans ses cheveux, tout près de son oreille. Qui m'apprendra à lâcher prise ? Qui réussira à me faire rire quand je serai d'une humeur exécrable ? À qui jouerai-je des tours ? Qui écoutera mes chansons que personne d'autre ne veut entendre ? J'ai besoin de toi, ma belle ! T'es magnifique, Sara ! T'es la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie. J'ai merdé, mais j'ai appris. Je veux juste une chance. J'ai envie de construire des bonshommes de neige avec toi. Promis, cette fois, je ne shooterai pas dedans. J'apprendrai à cuisiner. Je ne critiquerai plus Game of thrones... Je ne pourrai plus vivre sans toi, m'exprimai-je avec tout mon désespoir. Avec qui passerai-je des nuits torrides qui pourraient rendre jaloux Damon et Elena ?
Elle était restée silencieuse pendant tout ce temps, même si elle n'avait jamais cessé de s'agiter pour se libérer de mon câlin. Je n'avais nullement l'intention de la lâcher. J'avais besoin d'une réponse. J'avais l'impression qu'à ce moment-là, ma prochaine respiration ne tenait qu'à sa décision.
Je partirais en vrille si elle me quittait pour de bon. Je le savais, je le sentais.
Mon cœur battit la chamade d'anticipation lorsque je l'entendis finalement parler, mais tout mon espoir partit en fumée lorsqu'elle cingla :
— Avec qui tu passeras des nuits torrides ? T'as qu'à appeler à nouveau, cette salope qui t'a fait ce suçon.
Je fermai les yeux d'abattement. Comment avais-je pu oublier ce détail ? Je n'étais qu'un idiot. Mais au point où on en était, il fallait mieux jouer le tout pour le tout. Alors, après une grande inspiration pour me donner du courage, j'avouai :
— Je n'ai touché à aucune fille. C'est Jason qui a fait ce suçon.
Elle se figea et je regrettai de ne pas pouvoir interpréter son expression. Était-elle surprise ou choquée ? Cette information, m'avait-elle encore plus enfoncé ?
Peu importait. Je n'allais plus commettre la même erreur. Je risquais peut-être cher, mais je lui dirais toute la vérité. Je voulais qu'elle voit que je pouvais changer. Mais en même temps, j'avais tellement peur...
— C'est lui qui l'a fait. Il m'a dit que je lui plaisais et qu'il avait envie de moi. Dans un moment d'égarement ; je l'admets, on s'est embrassé. Mais il ne s'est rien passé de plus, tu peux me croire, l'implorai-je. Je te le dis, car je ne veux plus te mentir. Je ferai tout, Sara. Reste ! Dis-moi quoi faire, je t'en supplie, mais ne pars pas.
— Tu veux savoir quoi faire ? Commence par enlever tes sales pattes de moi et retourne baiser ton blond. Tu en as mis du temps pour découvrir ton vrai amour. Je suis sûr que lui, tu ne le traiteras pas de salope.
J'accusai le coup en silence, mais la serrai encore plus fort. Elle était blessée. Je l'avais blessée. Je le regrettais de toute mon âme, mais je ne pouvais rien d'autre à part la convaincre que j'étais prêt à arranger les choses... Ou alors à essayer.
— Je suis tellement désolé. Je ne vais même pas tenter de me justifier. Je t'ai manqué de respect... J'ai vraiment dépassé les bornes, reconnus-je. Mais je peux changer. Regarde, j'aurais pu inventer n'importe quoi, mais je t'ai dit que c'était lui qui l'a fait. Il ne s'est vraiment rien passé de plus, crois-moi, s'il te plaît bébé. Je ne veux plus te mentir. Demande-moi n'importe quoi. Je te dirai tout. Je serai honnête Sara. Je serai tout ce que tu veux que je sois. Je t'en prie, ne m'abandonne pas. Je partirai en couilles, sinon. J'en ai la certitude. J'ai besoin de toi. Pardonne-moi, je t'en supplie.
Était-ce la détresse dans ma voix ? Ou alors mes mots avaient finalement réveillé quelque chose en elle ? Je ne saurais le dire, mais pour la première fois, je la sentis se détendre entre mes bras.
Mais était-ce le calme avant la tempête ? Accepterait-elle de rester ? Mon cœur battait jusque dans mes tempes, tellement j'étais nerveux. En même temps, l'envie me démangeait de déposer un baiser sur son front ou sur sa joue, mais je savais qu'elle le trouverait déplacé.
On resta debout au milieu de la chambre, immobile, silencieux, alors que dans ma tête, c'était le vacarme, avec toutes ces questions qui tournaient en boucle. Je me demandais à quoi, elle devait bien penser.
Je crus que j'allais défaillir quand elle ouvrit enfin la bouche. Tous mes sens étaient en alerte et chacun de mes muscles était tendu lorsqu'elle bascula sa tête en arrière pour croiser mon regard, le front plissé, la mine absorbée :
— Écoute...
Je ne saurais jamais ce qu'elle s'apprêtait à dire, car à ce moment même, une voix s'éleva derrière elle, et accapara toute l'attention :
— Tiens tiens. Mais qui vois-je là ?
Jason !
Sara se dégagea pour lui faire face et je la laissai faire avec un soupir dépité.
Je détestais le bassiste plus que tout à cet instant précis. Il ne pouvait pas tomber à un pire moment. De plus, son expression et sa posture désinvolte, après ce qu'il venait de faire ne fit que décupler ma colère.
— Tu n'as pas le droit d'entrer comme ça dans ma chambre, aboyai-je en le pointant du doigt.
— Ah bon ! Pourtant, tu ne disais pas ça les dernières fois, s'amusa-t-il d'un air méchant.
Il l'avait fait exprès. D'ailleurs, son sourire s'élargit lorsqu'il remarqua que Sara avait contracté les poings en signe de colère et que sa mâchoire avait tressauté.
— Arrête ! intervins-je avec acrimonie. Il ne s'est rien passé entre nous.
— C'est elle qui vient de te faire ce suçon ? s'exclama-t-il d'un air curieux feint, accompagné de son rictus sardonique.
Soit le blond détestait vraiment Sara, soit il était une pourriture. Comment pouvait-il tirer autant de plaisir à lui faire du mal ? Je crois que je l'aurais regretté toute ma vie si j'avais couché avec lui. Même le souvenir de notre baiser me rebutait désormais. Je n'aurais jamais dû me laisser aller. Et j'aurais encore eu plus de remords si je n'avais pas confessé la vérité à Sara.
— Ne perds pas ton temps, Jason, crachai-je. Je lui ai dit que c'était toi. Et surtout qu'il ne s'était rien passé d'autre, ajoutai-je en appuyant bien chaque mot.
La surprise traversa pendant quelques secondes ses traits et il haussa les sourcils. Il ne s'y attendait visiblement pas. Mais rapidement, son cynisme rappliqua et il claqua la langue avant de commenter d'un ton morgue :
— Vous avez décidé de jouer la carte de la sincérité. Bien ! Sara, je suppose donc que tu lui as parlé de ton passé de traînée.
Un lourd silence suivit sa phrase et je jetai un regard intrigué à Sara qui avait dégluti en fermant les yeux, comme si elle venait de recevoir un coup de poing à l'abdomen.
C'était quoi cette histoire ?
— Ah ! L'honnêteté, c'est dans un seul sens alors, observa Jason avec un sourire sadique. Tu ne lui as pas parlé de tes petites virées nocturnes de l'époque, Sara ? Attends, tu faisais ça pourquoi déjà ? Pour te sentir belle, rit-il avec méchanceté. Comme s'il y avait moyen !
Des larmes s'étaient mises à ruisseler sur le visage de Sara qui toisait le bassiste avec une haine pure.
Alors, je ne m'étais pas trompé. Ils se connaissaient... et pas en de bons termes. J'étais complètement largué. Pourquoi Sara ne se défendait-elle pas ?
— Tu sais, si je voulais, j'aurais pu la sauter, poursuivit Jason avec un haussement d'épaules blasé. Il aurait juste suffi que je lui mente en lui disant qu'elle était magnifique, ricana-t-il comme si c'était la meilleure blague au monde. Mais je baisais sa copine à l'époque. Celle-là même qui l'a « sauvé », fit-il en mimant les guillemets. Moi, je dis que c'est impossible. Une catin reste une catin... à jamais, conclut-il avec une grimace satisfaite, devant son petit effet.
C'en était trop ! J'avais compris que Sara avait un lourd passé et je m'en foutais que ce fut la vérité ou pas. Jason allait fermer sa grande gueule ! Je ne pouvais plus le regarder la torturer comme ça.
Fou de rage, je l'attrapai par le col et le frappai brutalement contre le mur. Il ne parut pas s'en formaliser et applaudit plutôt de façon théâtrale :
— Un plan à trois ! Bonne idée ! Mais je te préviens, je ne la baise pas. Elle me dégoûte.
Je fis disparaître son rictus d'un coup de poing, et au moment où j'allais lui en administrer un deuxième, je remarquai Sara qui s'enfuyait en courant.
Je laissai tomber le bassiste, non sans lui avoir jeté un dernier regard haineux et attrapai la veste posée sur le dossier d'une chaise, pour la rattraper.
Devant la porte, le blond me barrait le passage, la lèvre fendue et une expression contrite sur le visage.
— Je suis désolé. Je ne voulais pas te mettre en colère.
— Dégage de là, gueulai-je en serrant les poings
— Rick, elle n'en vaut pas la peine. Je te jure, tu ne sais pas les choses qu'elle a faites.
— Fous le camp ! aboyai-je comme dernier avertissement.
Son expression perplexe et déconfite fut la goutte d'eau qui fit déborder la vase. Je le bousculai avec force et courus en direction de l'ascenseur.
Donc il avait vraiment fait tout ça pour que je la laisse tomber ? Qu'il aille se faire foutre, lui et toutes ces infos aussi inutiles les unes que les autres. Je ne savais pas quelle Sara il avait connue, mais celle que moi je connaissais, et dont j'étais amoureux, méritait qu'on se batte pour elle.
Et c'était ce que j'allais faire...
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