⭐52. I love you too

— Argh !
Ce cri à l'étage m'arracha un petit sourire, car cela signifiait que Sara s'était douchée, puis avait découvert mon petit cadeau.
Assis, un mug à la main, face à la fenêtre panoramique, je me fabriquai le masque le plus impassible dont j'étais capable, en attente de ce qui allait suivre.
Des pas rageurs se firent entendre dans l'escalier et je me réajustai pour adopter une pose plus nonchalante afin de parfaire mon rôle d'innocent. Sara finit par se placer devant moi les mains sur les hanches en m'ordonnant d'un ton froid qui dissimulait à peine sa colère :
— Regarde mes pieds !
Je levai les yeux vers elle, l'expression faussement harassée, l'air de dire « quoi encore » , puis je soupirai :
— Drôle de requête, mais pourquoi pas ?
Je m'exécutai en parvenant à contenir mon hilarité devant son pied nu et l'autre chaussé, en jetant :
— C'est fait ! Maintenant, peux-tu dégager un peu ? J'aimais bien le paysage sous mes yeux.
Elle ne bougea pas d'un pouce. Au contraire, elle plissa les yeux comme pour faire appel à un quelconque don de télékinésie afin de m'arracher la tête. Je me composai alors un visage artificiellement agacé et sifflai :
— Sara, s'il te plaît, sors de là. Depuis quand t'es devenue aussi collante ?
Son visage se durcit sous l'effet de la colère et je dus user de toute ma volonté pour ne pas éclater de rire après ma blague pourrie. Au moment même où on parlait, son pied devait être glutineux dans sa bottine, après la petite surprise que je lui avais laissée et ça me comblait de bonheur.
Je m'étais réveillé inhabituellement tôt ce matin-là. Par pur hasard, j'étais tombé sur un pot de peinture à l'huile dans le parking, et je n'avais pas pu résister. Elle dormait dans ma chambre, alors j'étais allé dans la sienne et avais pris le soin de verser une bonne quantité du produit dans l'intégralité de ses chaussures. J'imaginais bien que la sensation devait être très désagréable et j'avais de plus en plus de mal à cacher ma joie.
C'était elle qui avait commencé la guerre. Elle devait en assumer les conséquences.
— Pourquoi t'as fait ça ? s'exclama-t-elle, furibonde. Je pensais que c'était fini maintenant que...
Elle laissa tomber sa phrase, en même temps que ses bras lâchés lourdement le long de son corps. Ensuite, elle me dévisagea, l'expression confuse, partagée entre désillusion et énervement.
— Maintenant qu'on est trop amoureux et qu'on passe nos journées à faire des câlins nus ? rétorquai-je avec un sourire sardonique. Tu m'as empoisonné, Sara. Je t'aime, mais ça ne finira jamais. Enfin, sauf si tu te rends et demandes l'absolution comme il se doit en te prosternant devant moi. Alors, peut-être, reconsidérerais-je ta requête après deux ou trois pipes bien...
— Tu peux toujours rêver, grinça-t-elle en me fusillant du regard. Et il paraît que l'autofellation fonctionne à merveille quand on est assez souple. Faudrait plutôt penser à commencer le yoga.
Elle n'avait même pas terminé sa phrase que j'étais parti d'un immense fou rire qui m'arracha même quelques larmes à la fin. J'aimais cette fille, putain !
— Ah, Sara ! Que serait ma vie sans toi ? déclamai-je en posant théâtralement une main sur mon cœur.
— Je te hais, clama-t-elle en relevant le menton, signe qu'un plan diabolique s'était formé dans sa tête.
— Je sais, m'amusai-je avant de la prévenir avec plus de sérieux : Mais tu ne touches plus à mes cheveux, OK ? Ni à mon estomac.
— Tes couilles ça va mieux ? grommela-t-elle.
— Ça, je suis tranquille, assurai-je avec un rictus lascif. Tu ne le feras pas, car je ne serais pas le seul à en pâtir. Pas vrai, chérie ?
Elle me jeta un dernier regard incendiaire puis tourna les talons, les poings serrés, me laissant heureux et m'esclaffant comme un fou. Ah qu'est-ce que la vie était belle !
Je restai là, la demi-heure suivante, à regarder la neige tomber, un sourire sur les lèvres en repensant à ces derniers jours. Enfin, jusqu'à ce que quelqu'un trouble ma paix en sonnant à la porte.
— Bonjour ! Je suis le cuisinier, m'informa un homme au crâne rasé avec un accent allemand prononcé.
— Mais on veut pas de cuisinier ! protestai-je en maintenant la porte à moitié fermée.
— Si, on veut ! intervint rapidement Sara depuis l'étage supérieur. On l'a même appelé pour qu'il vienne, pas vrai, chéri ?
— Non !
— Si, contra-t-elle, la voix de plus en plus proche. Fais pas le gamin !
Elle descendit les marches, puis s'adressa poliment au monsieur qui portait un gros sac :
— Entrez, je vous attendais.
Après un coup d'œil inquiet dans ma direction, l'homme obtempéra et emprunta le chemin suggéré par Sara.
— À quoi tu joues ? demandai-je en retenant celle-ci par le bras.
— À ne pas nous laisser mourir de faim, par exemple, répliqua-t-elle d'un ton condescendant.
— Mais tu vas cuisiner !
— Je ne suis pas ta bonne, Rick.
— Je ne dirais jamais une chose pareille, me vexai-je. C'est juste que je ne veux personne d'autre ici.
— Alors cuisine toi-même, me nargua-t-elle.
— Mais je ne sais pas cuisiner !
— Voilà ! trancha-t-elle avec ironie.
— Je ne veux pas de lui, Sara, insistai-je pitoyablement. On ne sait pas quand on va repartir. Je veux profiter de toi, tout seul autant que possible.
— Fallait penser à ça avant de remplir mes chaussures de peinture, me cracha-t-elle avant d'arracher son bras de ma main.
Je ne remarquai qu'à ce moment-là qu'elle s'était débarrassée de sa bottine. Elle avait enfilé des chaussettes qu'elle portait avec ses pantoufles à hauts pailletés, accompagnées de son pull oversize et son jean boyfriend. Dans une autre situation, j'aurais peut-être ri de ce look, mais je n'étais franchement pas d'humeur.
— OK, cédai-je à contrecœur. Il reste, mais prête-moi ton ordi.
— Quoi ? s'étrangla-t-elle.
— J'imagine que tu vas passer l'heure à discuter avec lui. Je n'ai rien à faire, justifiai-je. Prête-moi ton ordi.
— T'as qu'à regarder la télé !
— Tu ne veux pas que je tombe sur ton historique bourré de film porno ? la provoquai-je.
— Je ne regarde pas de porno, démentit-elle en levant le menton.
— Personne ne regarde jamais de porno, ironisai-je.
Je n'avais jamais rencontré quelqu'un de ma vie qui admettait être un amateur de porno. Pour ma part, je n'irais jamais le crier sur tous les toits, mais ce n'était pas pour les raisons que les gens imagineraient. Par exemple, je serais incapable de faire ce que Sara fit ensuite, sans courir effacer mon historique.
— Bon d'accord. Je te le prête, mais promets de ne pas fouiller dans mes affaires.
Je promis, elle me remit l'appareil et je m'installai à la table de la cuisine juste en face d'eux derrière l'îlot central.
C'était fou, je venais de passer près d'une semaine sans internet et ça ne m'avait même pas manqué. À mon avis, le fait que je vivais dans un vrai de conte de fées ces derniers temps avait beaucoup aidé. Quant au moment où il prendrait fin, je refusais d'y penser le plus possible. Et si vous étiez à ma place, croyez-moi, vous auriez réagi pareil.
Sara et moi étions retournés deux fois de suite à la station de ski. Ensuite, elle m'avait convaincu de faire de la motoneige, où elle était encore une fois plus douée que moi. Cependant, ça ne m'avait pas empêché d'y prendre un plaisir fou. Mon ego commençait à encaisser plutôt bien ces derniers temps, et bizarrement, je n'allais pas plus mal.
Et pas plus tard que la veille, on avait fait une randonnée nocturne. Juste comme ça, sur un coup de tête, on était descendu dans le village, main dans la main. On s'était promené dans les rues calmes, au milieu des maisons construites pour la plupart en forme de tours à plusieurs étages – l'architecture typique dans cette région.
Nous étions ensuite entrés dans un petit bistro, où la propriétaire, une femme âgée au visage sympathique, avait manqué de nous faire faire une overdose de chocolat.
Après avoir réussi à nous échapper, Sara avait voulu qu'on fasse un bonhomme de neige. J'avais fini par céder après ses nombreuses supplications. Cependant, quelques minutes plus tard, trouvant cette activité complètement stupide, j'avais shooté dans le bonhomme sous les yeux scandalisés et furieux de ma compagne.
C'en fut suivi d'un combat de boules de neige, où elle pestait tandis que je rigolais à chaque coup. Je l'avais ensuite attrapé par la taille, mais elle s'était débattue et on avait atterri dans la neige. Je l'avais coincée sous moi, et elle s'était finalement calmée, puis on s'était embrassé dans cette étendue d'or blanc, comme les grands gamins qu'on était.
Après, on était rentré et nous avions fait l'amour devant la porte d'entrée, avant de recommencer dans le salon, puis dans la cuisine... Cette même pièce où elle était désormais avec quelqu'un d'autre en train de parler une langue que je ne comprenais pas, histoire qu'elle puisse s'améliorer.
Autant dire que je détestais désormais l'allemand. Pourquoi elle avait choisi de l'apprendre, déjà ? J'avais découvert pas mal de choses sur elle ces derniers jours. Il faudrait peut-être que je lui questionne sur ça aussi.
Plus d'une heure s'écoula pendant laquelle je fus surpris de découvrir tout le potentiel imaginatif meurtrier de mon cerveau. À chaque fois qu'ils riaient, une nouvelle idée de torture plus macabre que la précédente surgissait dans mon esprit. Au moins, je savais désormais que j'avais de l'avenir dans la littérature d'horreur si ma carrière de chanteur partait en fumée.
Je regardai distraitement quelques vidéos de mode sur YouTube en me tenant loin d'Insta, de Twitter et tout ce qui aurait rapport avec moi. Sara, elle aidait toujours le cuistot, et à un moment donné, ils éclatèrent de rire en regardant dans ma direction. Génial ! Ce mec voulait vraiment m'apprendre à utiliser une pelle dans la neige.
Sara savait qu'il me serait difficile de renvoyer ce blaireau de cuisinier sans passer pour un connard sexiste. Je ne savais pas cuisiner et je n'avais pas le droit d'insister pour qu'elle le fasse. Avec Maria, je pouvais proposer qu'elle revienne un autre jour, car il n'y avait pas d'urgence à faire le ménage. Là, j'étais pieds et poings liés.
Elle allait me le payer, c'était certain. D'ailleurs, une idée bien tordue venait de prendre vie dans mon esprit à ce moment-là.
Je savais que j'avais promis de ne pas fouiller dans ses affaires, mais explorer son historique était trop tentant. Lui foutre la honte en tête de mes objectifs, de quelques clics, j'avais déjà commis l'irréparable.
Pour commencer, je ne tombai pas sur des pages de X comme je l'espérais, mais sur une série d'articles qui finirent par capter mon attention à cause de leur similitude. Ils étaient tous à propos d'elle.
Je cliquai sur l'un deux par hasard et dus admettre que je n'étais pas prêt pour la quantité de haine que j'y découvris.
C'était un blog assez fréquenté, comme le laissait deviner le nombre de commentaires sous le titre le plus récent : « La fille la plus chanceuse au monde. »
Le blogueur ou la blogueuse en question avait posté plusieurs photos de Sara, avant de retracer mon histoire publique avec elle, depuis le premier cliché pris par les paparazzis à Fairfax, près de Canter's deli. Il y avait ensuite des extraits de vidéos du festival où j'avais arrêté le concert pour m'assurer qu'elle allait bien. Aussi, des photos plus récentes, comme celles de mon petit grabuge à la fête de Lucas et une autre de nous à la station, complétaient la panoplie.
J'aurais dû savoir que certaines personnes n'auraient pas pu résister de révéler notre emplacement.
Mais ce n'était pas ça le plus choquant. Les réactions et les propos haineux qui suivirent me laissèrent hagard un bon moment.
« Cette salope ne le mérite clairement pas. »
« Il a abandonné un concert pour elle, maintenant une tournée promotionnelle. C'est quoi la suite ? Sa carrière ? Cette fille, c'est satan.. »
« Elle sort de nulle part et maintenant Rick est prêt à tout pour elle. Moi, je vous dis qu'elle lui a jeté un sort. »
Je ne pris même pas le temps de tous les lire, car je savais que ça n'allait que décupler ma colère.
Je quittai cette page et essayai avec un autre. Les gens n'étaient pas tous méchants, mais la même question revenait sans cesse. Pourquoi elle ? Comme si ces idiots savaient la personne merveilleuse qu'elle était.
Beaucoup de mes fans étaient en colère à cause des concerts reportés puis annulés, alors ils s'en prenaient à elle. Mon équipe avait essayé de calmer le jeu en leur assurant que j'étais malade et qu'il me fallait ces vacances avec Sara, mais les gens n'étaient pas moins furieux pour autant.
Comme ça, j'étais malade ? Mais bon, je savais comment les choses fonctionnaient ; tout ce qui se passait en coulisse restait en coulisse. Enfin, sauf si c'était susceptible de générer un énorme buzz médiatique, rentable bien sûr. J'appris aussi que ma psy allait m'accompagner en tournée pour éviter que mon état s'aggrave. Ah, je n'étais pas juste malade, j'étais cinglé ? J'en avais marre ! Je fermai les yeux et me pris la tête entre les mains.
Mais sérieusement, pourquoi Sara ne m'en avait-elle pas parlé ? Comment avait-elle pu me cacher ça ? Et encore, depuis quand est-ce que ça durait ?
J'étais vraiment furieux contre elle, et la façon dont je fermai l'ordi en contractant les mâchoires d'irritation le prouvait parfaitement. Cependant, lorsque ses yeux rieurs derrière l'îlot croisèrent les miens, une partie de ma colère s'évapora d'un coup. Elle était tellement rayonnante quand elle était contente. C'était comme si elle brillait littéralement.
— Sara ! l'appelai-je avec moins de fermeté que je ne l'aurais souhaité.
— Hum ? s'intrigua-t-elle.
— On doit parler.
— Je ne peux pas maintenant, affirma-t-elle en me désignant le désordre autour d'elle. Je suis...
Elle s'interrompit et fronça les sourcils, perplexe après la façon dont je m'étais levé de ma chaise et avançais dans sa direction.
Je parvins rapidement derrière l'îlot et l'attrapai par les épaules. Mais au lieu de crier qu'on devait immédiatement parler, comme j'avais envie de le faire, à la surprise collective, je la plaquai contre le réfrigérateur, et l'embrassai.
Oui, elle me rendait complètement dingue. Et je savais que je me comportais comme un vieux mâle dominant, mais quand on était habitué à ce que des milliers de fans soient suspendus à ses lèvres et n'aient d'yeux que pour soi, on ne supportait plus que les gens accordent l'attention à quelqu'un d'autre quand on était dans la même pièce.
— Là, j'ai toute ton attention, soufflai-je contre ses lèvres.
— Calme-toi, bad boy, rigola-t-elle doucement. Il m'apprenait juste à finaliser la décoration d'une polenta en m'aidant aussi avec mon allemand, rigola-t-elle doucement.
— Je peux t'apprendre d'autres langues si tu veux, affirmai-je en lui caressant la joue de mon pouce.
Elle haussa un sourcil, incrédule et dit :
— Toi, tu parles d'autres langues ?
— Oui, confirmai-je. Et je peux t'apprendre.
— Ah bon, lesquelles ?
— Celle du désir, du plaisir et de la luxure.
Elle se tendit et déglutit difficilement, en battant plusieurs fois des paupières comme pour s'éclaircir les idées. Je souris d'un air triomphant et déposai un bisou sur son cou qui finit tôt d'emballer son rythme cardiaque.
J'ignorais peut-être encore des choses sur elle, mais pas sur ce qui la faisait réagir ou qui pouvait l'envoyer en moins de deux au septième ciel.
— Dis-lui de s'en aller et je commence le cours... tout de suite, chuchotai-je dans son oreille.
Elle parut se souvenir à l'instant de la présence du cuisinier et celui-ci comprit que sa compagnie n'était plus du tout requise.
— Je... j'ai fini de toute façon... Ça vous dérangerait de mettre les couverts ? bafouilla-t-il, embarrassé.
— Merci, je m'en charge, répondit Sara d'une voix étonnamment maîtrisée, malgré son état excitation.
Le cuistot rassembla ses affaires en moins de deux et s'en alla presque en courant.
— Enfin seuls, soupirai-je
— T'es qu'un grand gamin, commenta Sara avec amusement.
— Raison de plus pour toujours avoir ton attention.
— Tu n'es pas possible, fit-elle en haussant pour m'embrasser.
Je me rappelai à cet instant, la raison pour laquelle j'avais commencé cette petite scène.
— On doit parler, annonçai-je avec un sérieux qui lui fit sourciller de curiosité.
Elle avait dû pressentir que le sujet n'allait pas lui plaire, car elle hésita longtemps avant de soupirer :
— Quoi ?
— J'ai vu les commentaires et toutes les conneries qu'on dit sur toi. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?
— Tu n'es pas mon père, Rick. Je ne vais pas venir pleurnicher à chaque fois que ça va pas.
J'en restai un bon moment hagard devant la rudesse de ses propos. Pourquoi réagissait-elle de la sorte ? Je voulais juste l'aider.
— C'est quoi cette réponse ? m'offensai-je.
— La mienne, répliqua-t-elle le visage fermé.
— Ça ne peut pas fonctionner comme ça ! m'énervai-je à la fin.
Ma voix avait un peu grimpé dans les octaves et la sienne me surpassa de loin lorsqu'elle répliqua :
— Quoi ? Tu ne vois pas à quel point, je suis dépendante de toi ? Et je dois en plus te laisser t'occuper de mes problèmes ? J'en ai marre, Rick. Je vis chez toi et tu m'as payé pour ça, tu t'en souviens ? Dès qu'on me voit dans la rue, on me pointe : oh voici la femme de Rick. Et le plus souvent, pas aussi gentiment que je viens de le dire, crois-moi. T'es partout dans ma vie. J'ai l'impression de n'être qu'un gros parasite, et toi, tu veux que je vienne pleurnicher en plus de ça ? Dis-moi, il me resterait quoi ?
Elle avait débité tout cela en prenant à peine une pause. Elle semblait vraiment excédée de cette situation. Moi, qui ne m'attendais pas du tout à ce pétage de plombs, je ne sus pas trop comment gérer et je buggai un instant.
— Il me resterait quoi Rick ? relança-t-elle avec la même véhémence.
— Je...
— Rien ! me coupa-t-elle. Je peux gérer ça toute seule. Je ne veux pas que tu me sauves... Et c'est bien qu'on parle de moi. Il n'y a pas de mauvaise pub. La première collection, c'est pour début décembre. Ils ne pourraient pas s'empêcher de venir voir ce qu'offre la petite pute de Rick qui vient de nulle part, ironisa-t-elle avec un rire sans joie. Je suis sûre que je pourrai bientôt commencer à te rembourser ton argent.
— Mais c'est le tien, protestai-je d'un ton quasi implorant. On avait un contrat. Je m'en fous de cet argent.
— On couche ensemble, cria-t-elle comme si je l'ignorais. Je ne joue pas le rôle de t'aimer. Je ne veux plus de cet argent, car j'ai l'impression d'être payé pour te sucer et te dire je t'aime. J'en ai raz le bol de cette situation. Et ne compte même pas sur moi pour venir me plaindre à chaque fois qu'on dit une connerie sur moi.
J'avais envie de cogner contre quelque chose. Cette discussion n'avançait pas, contrairement à mon état d'irritation. Pourquoi était-ce si important ? C'était quoi le problème si elle m'en avertissait ?
— Sara, je n'accepte tout simplement pas qu'on dise de la merde sur toi. Ça me fout dans un état de fureur que tu ne peux même pas imaginer.
Si je peux faire quelque chose, et je peux. Alors laisse-moi le faire !
— Que vas-tu faire ? Crier de laisser ta petite femme tranquille et m'enfoncer encore plus ? Rick, j'ai enfin trouvé quelque chose qui me passionne vraiment. Je veux écrire les mots que les autres n'ont pas le cran de dire. Je veux que ce tee-shirt « Je vais le faire », soit un moyen de nourrir secrètement le rêve de ce petit garçon qui n'a pas le courage d'avouer à ses parents qu'il veut danser. Je veux que la blague sur le tee-shirt de quelqu'un puisse faire sourire un autre et égayer sa journée. Tout le monde autour de toi vit dans ton ombre. Laisse-moi m'en sortir, s'il te plaît. J'en ai besoin.
Je ne savais pas quoi dire. J'étais content qu'elle ait un but aussi noble, mais ça n'expliquait pas pourquoi je devais regarder des gens dire de la merde sur elle sans réagir.
— Que dois-je faire ? soufflai-je, vaincu et perdu.
— M'aimer et me soutenir me suffisent, répondit-elle d'un ton étonnamment doux. Mais c'est mon combat. C'est à moi de prouver que je suis plus que ce qu'on pense de moi.
— C'est sensé être mon combat aussi, objectai-je d'une voix faiblarde en désespoir de cause.
— Que si je t'appelle à l'aide.
— OK, m'inclinai-je à contrecœur. Mais promets-moi que tu m'en parleras toujours. Je respecterai ta volonté, Sara. Mais à partir de maintenant, il faut me dire tout ce qui va pas.
Elle acquiesça et je la pris dans mes bras en soupirant de soulagement. Je ne pensais jamais aimer quelqu'un à un tel niveau. Pourtant, c'était le cas. Mon amour était fort au point que j'acceptais de me taire et de la laisser faire, même si ça me tuait d'agir de la sorte.
— Toi aussi ? miaula-t-elle quelques secondes plus tard, la tête contre mon cœur.
— Quoi ? m'enquis-je.
— Toi aussi, tu me dis tout ? voulut-elle s'assurer en me caressant les cheveux.
— Promis.
— OK. J'ai essuyé la graisse de ma main dans tes cheveux, m'annonça-t-elle calmement comme elle aurait commenté la météo.
J'avais subitement envie de lui faire très mal. La serrer fort jusqu'à ce qu'elle pleure fut l'une de mes premières pensées à ce moment-là. Cependant, d'une façon ou d'une autre, je trouvai la force de prendre sur moi en murmurant, sans rompre notre étreinte :
— Je te hais, Sara.
— Je sais, répondit-elle avec la même désinvolture qu'avant.
C'était ça elle et moi. C'était ça notre amour. Je pourrais parier tout ce que je possédais qu'il n'y avait pas deux comme nous sur terre. Et c'était exactement ce qui rendait ce qu'on avait si spécial, si précieux, si digne d'être protégé...

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