🌟5. Le contrat
– Donc elle n'a même pas de maison ? s'insurgea Maryse, perchée sur les talons vertigineux qui complétaient sa robe cintrée aux manches trois-quart...
Je me demandais comment elle faisait pour supporter des échelles pareilles. Et maintenant que j'y pensais, je ne l'avais jamais vu sans escarpins.
J'avais fait l'erreur de lui envoyer un texto la veille ou plutôt ce matin-là en rentrant, pour l'informer que j'avais changé de plan. J'étais donc de bonne heure dans ma cuisine en inox et marbre veiné, mal réveillé, mon mug en main à regarder Maryse faire les cent pas.
– Rick ! Tu me réponds ! exigea-t-elle d'une voix dure en déposant ses paumes de l'autre côté de l'îlot central en face de moi.
Que je lui réponde quoi ? Sa question était purement rhétorique, car je lui avais déjà expliqué de but en blanc tout ce qui s'était passé la veille.
– Tu peux parler plus bas, s'il te plaît ? râlai-je d'une voix traînante avec ma meilleure expression je-m'en-foutiste. Il n'est que six heures du matin.
Non pas qu'elle risquât de déranger les voisins. J'habitais dans une grande maison blanche de deux étages, à l'architecture moderne. Elle comportait de multiples baies vitrées, une grande fontaine au centre de la cour à l'entrée, une piscine en forme de haricot et un garage pouvant accueillir au moins cinq voitures. À Beverly Hills, au moins deux cents mètres carrés de jardin séparaient chaque habitation, donc personne d'autre n'allait supporter la voix stridente de ma manager.
J'étais juste mécontent du fait qu'elle m'avait littéralement tiré du lit dans le simple but de me vriller les tympans.
– Déjà, ton mec pourquoi il accepte que tu sortes à six heures du matin ? maugréai-je en avalant une gorgée de mon café.
Son expression s'assombrit d'un coup et je m'administrai mentalement une baffe. Je savais que son mariage était un sujet sensible ces derniers temps. Son mari voulait divorcer après huit ans de vie commune, parce que Maryse n'arrivait pas à lui donner d'enfants. La situation la chagrinait, mais elle refusait d'en parler.
Son seul refuge, c'était le boulot, à savoir m'organiser des rendez-vous, planifier tout un tas de trucs pour moi et me réveiller à six heures du matin pour me dire que j'étais stupide.
Comme ma question semblait l'avoir plongée dans ses pensées. Je décidai de ramener le sujet à moi pour éviter qu'elle ne se fasse encore plus de mal à ruminer quelque chose qu'elle ne pouvait pas changer. Si me crier dessus la soulageait, bah tant mieux.
– Sara est celle qu'il faut, Marysa, enchaînai-je avant d'aspirer bruyamment mon café, histoire d'avoir toute son attention.
De plus l'appeler Marysa me garantissait une réaction de sa part, car je savais qu'elle n'aimait pas ça. Pourtant, elle avait bien des ascendances dominicaines. Elle ne m'avait jamais dit pourquoi ça la dérangeait autant quand je l'appelais comme ça et moi, je n'avais jamais arrêté, car j'adorais tout ce qu'elle détestait.
– Tu rencontres une inconnue et tu lui confies ton destin, juste comme ça ? reprit-elle moins fort, mais avec la même expression scandalisée en levant les bras. Donc tu n'as pas écouté un seul mot de ce que je t'ai dit ? En plus, elle emménage déjà chez toi ? Mais c'est quoi ton problème Ricardo ?
– Elle et moi, on s'était déjà rencontrés, fis-je nonchalamment remarquer avant de roter. Techniquement, c'est pas tant que ça une inconnue.
– Sois sérieux pour une fois ! s'excita la sœur de ma mère, que mon attitude désinvolte face à une situation qu'elle considérait comme catastrophique, semblait mettre hors d’elle.
– Mais je suis on ne peut plus sérieux, assurai-je en m'accoudant sur l'îlot en marbre noir. Je te l'ai dit, je ne veux pas de Daphney et Alexie risquait de compromettre ma santé mentale. En plus, tu l'auras ton mariage crédible. C'est ça l'important après tout, non ? N'est-ce pas comme ça dans les romans ? Qu'un beau gosse comme moi, riche et tout, tombe amoureux d'une fille toute banale ?
Je m'excusai intérieurement auprès de Sara, car elle était loin d'être banale. Je voulais juste que Maryse saisisse ce que je voulais dire.
– On n'est pas dans un roman ou dans une chanson, nom de Dieu !
Elle semblait sur le point de faire une crise, tellement elle était en colère contre moi. Je me redressai sur mon tabouret et repris plus sérieusement :
– Écoute, elle fera ce qu'il faut. Et s'il te plaît quand tu la verras, sois sympa pour qu'elle ne change pas d'avis. Il m'a fallu un temps fou pour la convaincre. Elle est sensée Marysa, je me présente comme la chance de sa vie. Tu penses qu'elle foutrait tout en l'air ?
– Tu ne la connais pas, Rick. L'idée, c'était d'arranger la situation. Toi, tu choisis de remettre ta vie entre les mains d'une inconnue. Tu sais ce qui arriverait si elle te trahit ?
– Ça n'arrivera pas !
Maryse et moi, nous tournâmes de concert vers la provenance de la voix à l'entrée de la cuisine et y découvrîmes Sara.
Génial ! Ma chère tante l'avait réveillée. Je me repassai rapidement notre conversation, pour voir si j'avais dit quelque chose qu'il ne fallait pas, au cas où Sara écouterait depuis le début et découvris avec bonheur que non !
Elle s'avançait pieds nus sur le carrelage sombre, avec un tee-shirt de taille XXL tagué « vive moi » et s'arrêta finalement au bout de l'îlot. Une autre adepte des fringues à slogan ? On allait vraiment s'entendre elle et moi.
Son regard dévia un moment sur mes abdos en tablette de chocolat et elle enchaîna avec mon pantalon de pyjama gris qui était assez bas sur ma taille. Une minute encore, et j'aurais parié qu'elle allait baver, parce que oui, je savais que j'étais à tomber.
– Ça n'arrivera pas, reprit-elle en s'éclaircissant la gorge pour masquer son trouble.
Je lui fis un clin d'œil pour l'informer que je l'avais vue me reluquer et elle détourna rapidement le regard pour se concentrer sur Maryse, ou plutôt pour essayer.
– Rick m'a expliqué ce qui m'arrivera si je révèle quoi que ce soit. Et même s'il ne m'avait pas menacée, je n'en soufflerais rien à personne. Je... je lui suis redevable. Hier soir, j'allais probablement dormir dans la rue. Il m'a prise avec lui, sans même me connaître.
– Tu es certaine que tu n'avais personne chez qui aller ? demanda la manager, la voix dure et l'expression dubitative.
– Je n'ai personne, répéta Sara, en soutenant son regard.
– C'est ça ! Ils sont où tes parents ?
– Maryse ! intervins-je, estimant que la quadragénaire était allée trop loin.
– Non laisse ! soupira Sara d'un ton résigné. Je comprends, elle a le droit d'avoir des doutes, je sors de nulle part après tout. Mes parents... enfin, ma mère vit à Houston, au Texas. Je me suis enfuie de chez moi pour des raisons que je préfère ne pas dévoiler. Mais sachez que je n'avais pas le choix. Je ne me sens pas encore la force de retourner à la maison.
Elle parlait comme si prononcer ces mots lui en coûtait. Je pouvais presque percevoir la douleur que l'évocation de ce sujet suscitait chez elle. Peu importait la raison derrière son départ, elle lui avait beaucoup fait souffrir. Et ça ne fit que renforcer mon désir de la protéger.
Mais je souris à un détail, car j'avais vu juste. Sa façon de manger les mots lui venait bien du Texas.
– Ça va ! Lâche-la, Maryse, tu vois bien qu'elle ne ment pas.
La manager la regardait différemment. Elle aussi avait dû percevoir sa douleur. Elle n'avait pas l'air de vouloir la prendre dans ses bras comme moi, mais je pouvais remarquer qu'elle s'était détendue un tout petit peu.
– Je comprends que vous ayez peur que je dévoile à tout le monde que Rick est sans le sou et qu'il se marie pour hériter de la fortune de sa tante, ajouta Sara qui s'était recomposé une expression neutre. Je la comprends aussi, car vu le mode de vie de Rick, c'est normal qu'elle ait eu peur qu'il finisse sa vie seul.
Maryse haussa un sourcil à mon intention, l'air de dire « sérieusement Rick ? ». Bah, ouais, c'était l'histoire que j'avais racontée à Sara : ma tante super blindée du côté paternel – que je ne savais pas si elle existait ou non, car mon père avait coupé les ponts, pour je ne savais quelle raison avec tous les siens — venait de mourir et elle m'avait légué toute sa fortune. Mais étant Italienne catholique jusqu'aux os, elle avait veillé à ce que j'accède à son argent qu'une fois marié. Et désormais, j'avais besoin d'une femme et je souhaitais que mes fans ne soient pas au courant de mes soucis financiers.
Elle cherchait un boulot, non ? C'en était un, facile de surcroît. Elle avait dû finir par admettre que ses arguments pour refuser n'étaient pas assez pertinents.
Elle m'avait ensuite demandé où est-ce que je trouverais l'argent pour le mariage si j'étais ruiné ? Je lui avais répondu qu'on n'avait pas la même perception de la pauvreté. À court d'argent signifiait juste pour moi que je courais sur mon dernier million. Et ce ne serait pas un problème pour moi de les dépenser puisque l'héritage de ma tante le valait vingt fois.
Alors, elle m'avait questionné sur pourquoi, je la voulais, elle ? Je lui avais avoué que ce ne fut pas elle mon premier choix, mais que l'idée était venue en la croisant ce soir-là. Et puis, j'avais pensé que ça pouvait le faire à cause de notre histoire de baiser et tout.
C'était une fille intelligente ! Elle savait qu'elle ne rencontrerait jamais pareille occasion deux fois. Elle avait acquiescé. À cause de sa situation économique déplorable ou de mon sourire d'ange ? Rien n'était sûr. Mais je pencherais plus pour mon sourire d'ange.
– Je comprends, renchérit ma future femme, d'un air déterminé. Il n'est pas question que quiconque découvre cela. C'est clair ! Mais réfléchissez, j'ai plus à perdre qu'à gagner si je bousille tout. Je suis fauchée jusqu'au cou, s'il ne vous l'avait pas communiqué, souligna-t-elle avec un petit rire. Vous me pensez vraiment conne au point de tout gâcher ?
– Je te l'avais dit, Marysa, elle est futée, commentai-je en adressant un petit sourire de soutien à Sara.
On regardait tous les deux Maryse, en l'attente de sa réaction, mais elle ne pipait mot.
– Écoutez, je ne vous demande pas de me faire confiance, mais d'essayer, insista Sara. Jusqu'à hier, quand je pensais à l'avenir, je ne voyais que du noir. Et maintenant je vais vivre à Beverly Hills. De plus, je crois que c'est le meilleur boulot que j'ai eu jusque-là : un million juste pour jouer un rôle ! Que demander de plus ? Et tout ce qu'on me réclame, c'est mon silence et des baisers.
– Que tu prendras un malin plaisir à donner, complétai-je d'un air enjôleur, avec un clin d'œil.
Appelez ça comme vous voulez, mais je savais que j'étais beau et que quatre-vingt-dix-huit pour cent des femmes normalement constituées devaient être attirés par moi, ou alors me jetteraient un regard sur mon passage.
Prétentieux ? Non, réaliste !
– Soit, admit-elle en haussant à nouveau les épaules.
Elle ne niait même pas le fait que je lui faisais de l'effet. Elle me plaisait vraiment, cette fille.
– En plus, elle a bon goût, ajoutai-je à l'attention de Maryse.
Elle me jeta un regard noir comme celui qu'elle m'avait jeté quand Sara avait mentionné le million. Il n'était jamais question que je lui donne tout cet argent. Mais une fois que Sara et moi avions fait la paix, on avait passé presque toute la nuit à discuter. Je m'étais tellement vite pris d'affection pour elle que j'avais décidé que même si on aurait à se séparer un jour, plus jamais je ne voudrais qu'elle ait de problème d'argent. Elle aurait la moitié de la somme juste après avoir signé les papiers. C'était mon argent et Maryse devrait l'accepter. Celle-ci prit finalement la parole et décréta d'un ton sec :
– Écoute, ne crois pas que c'est gagné. Je ne sais pas comment ni pourquoi Rick t'a accordé sa confiance aussi rapidement, mais la mienne, il faudra la mériter. En attendant, je t'aurai à l'œil. Et je te préviens, si quoi que ce soit lui arrive, je te détruirai moi-même.
Je levai les yeux au ciel, car des fois cette tendance qu'avait Maryse à me couver m'agaçait.
Sara répondit pourtant d'un ton calme à la menace à peine voilée de ma tante :
– Je comprends votre inquiétude, elle est fondée. Mais on ne devrait pas avoir de problème, car je compte respecter ma part du marché.
– Ok ! trancha Maryse, en se détendant un tout petit peu, sans pourtant avoir l'air convaincue. Au moins, il t'a tout expliqué dans les détails ? relança-t-elle en s'asseyant pour la première fois depuis son arrivée sur l'un des tabourets autour de l'îlot central.
– Je ne sais pas ce que tu veux dire par tout... Attendez, je peux vous tutoyer ?
Elle se passa une main dans les cheveux et poursuivit d'une façon plus assurée lorsque la manager acquiesça :
– On a fait connaissance. Il m'a expliqué pourquoi il devait se marier et ce que cela impliquerait pour moi et pour lui. C'est tout.
Elle s'installa elle aussi autour du comptoir et compléta avec un petit sourire :
– On a plus parlé de séries et de musique.
Maryse me fusilla du regard et je levai les yeux au ciel.
– Quoi ? Elle adore Vampire diaries et The originals, soulignai-je d'une façon outrée, comme s'il s'agissait d'éléments vitaux..
Et ça l'était... enfin presque. Ces séries déchiraient.
Je me levai par politesse pour leur servir du café, car j'étais le seul à en avoir.
– Je t'apporterai le contrat dans la semaine, annonça Maryse de sa voix de femme d'affaires. Tu pourras le lire, mais je vais t'expliquer en quoi il consiste. En gros, tu devras prendre un peu de distance par rapport à tes anciens amis. Tu devras aussi être accompagnée d'un garde du corps partout où tu iras.
– Mais...
– Ce n'est pas négociable ! coupa la quadragénaire.
Et sans laisser le temps à Sara d'ajouter autre chose, elle enchaîna sur un ton professionnel :
– Tu n'auras pas de petits copains, tu seras obligé de rompre si tu en as un, enfin si tu acceptes toujours ce mariage.
– Mais Rick et moi ne serons même pas vraiment ensemble, objecta Sara en sourcillant d'un air confus.
– Pas pour les gens, pointa Maryse. Il a un public. Tu veux vraiment qu'ils s'aperçoivent que ce mariage n'est qu'une vulgaire mise en scène ? Rester fidèle est une condition obligatoire à ce contrat.
– D'accord, pas de petits copains, concéda la brune avant d'avaler une gorgée de son café. J'en ai pas de toute façon, ajouta-t-elle comme pour elle-même.
– Sara, reprit Maryse d'un air grave. Pour le moment, tu ne vois que le bon côté de ce mariage. Mais saches que tu seras confrontée aux médias, aux fans qui vont te harceler, aux ennemis de Rick qui voudront t'acheter. C'est pour cela que je voulais quelqu'un de notre connaissance... Mais bon, es-tu prête à supporter tout ça ? Tu devras avoir l'air d'être amoureuse de lui, sans être amoureuse de lui, je dis ça pour ton bien. En tout cas, c'est toi qui vois.
– Impossible ! intervins-je en levant un doigt.
Maryse me lança un de ses regards qui tue, mais comme j'y étais habitué, ça n'eut pas vraiment d'effet sur moi.
– OK, j'arrête ! Mais je disais juste la vérité. Il est quasiment impossible de ne pas tomber amoureux de moi, plussoyai-je en plaisantant à moitié.
Sara leva les yeux au ciel l'air de penser à nouveau que mon ego ne pourrait pas tenir dans son sac et ça me fit sourire.
– Je disais, poursuivit Maryse en m'ignorant. Ce que vous choisirez de faire en privé vous regarde. Mais en public, personne ne devra se douter qu’il ne s’agit pas d’un mariage d'amour. Sara, tu es certaine d’être parfaite pour ce rôle ?
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