⭐44. Imprévus

Moins d'une demi-heure plus tard, j'avais atteint le riche quartier de Brentwood où Lucas habitait avec sa mère. Je me rappelais bien que plus d'une fois, les gars s'étaient foutus de sa gueule à cause de cette situation, mais le pianiste avait toujours répondu la même chose : pourquoi chercherait-il une maison après avoir acheté une villa à sa maman qui vivait toute seule ?
Son argument tenait bien sûr la route, d'autant plus que Suzan, sa mère, était si cool. Lucas pouvait rentrer tard, avec plusieurs meufs ; organiser des mégas soirées qui finissaient jusqu'à l'aube, et elle ne se fâchait jamais. C'était normal dans un certain sens, car son fils était adulte, mais quand même... J'avais connu des mamans moins sympas.
J'imaginais qu'en ce moment même, elle devait être dans sa chambre, ses écouteurs bedphones vissés aux oreilles, tandis que son fils faisait la fiesta en bas comme un malade.
J'étais presque arrivé à la villa aux multiples terrasses, lorsque mon téléphone se mit à sonner. C'était Jason.
— C'est pas trop tôt, décrochai-je avec un soupir théâtral.
J'avais à plusieurs reprises essayé de le joindre pour être certain que la fête se déroulait bien chez Lucas ; sans succès. Ayant obtenu le même résultat avec Sam et Lara, j'avais finalement mis le cap sur la villa ; advienne que pourra ! Je n'avais même pas essayé d'appeler Ty ; ce dernier supportait à peine le pianiste aux longs cheveux. Il y avait vraiment très peu de chance qu'il soit à cette soirée ou qu'il sache quoi que ce soit à propos.
— Il y avait trop de bruits à l'intérieur, expliqua Jason. Je viens de sortir pour fumer. Je t'ai rappelé dès que j'ai remarqué l'appel manqué.
Effectivement, je pouvais entendre un morceau de metal qui faisait rage en arrière-plan. La fête devait battre son plein au moment même où on parlait.
— OK, j'arrive ! J'y suis presque.
— Vraiment ? s'étonna-t-il.
Tout le monde était au courant des tensions entre moi et Lucas ces derniers temps. Pourtant, pas plus tard que l'année dernière, j'avais été l'un des premiers à arriver à sa fête. Le lendemain, je m'étais réveillé la tête dans le gazon, n'ayant aucune idée de comment j'avais atterri là. Ça avait vraiment été une soirée de malade !
Pour des raisons évidentes, cette fois-ci, je n'avais pas été invité. Et bizarrement, ça ne m'atteignait pas plus que ça.
— Oui, je suis déjà à Brentwood, confirmai-je.
— Ah merde ! pesta le bassiste. C'est vrai que Lucas ne t'a pas prévenu. L'année dernière, ses invités ont mis la maison sens dessus dessous. Sa maman n'a pas apprécié.
Ah bon ! Je m'étais trompé. Suzan savait se fâcher alors.
— La fête, c'est au Boulevard3, poursuivit Jason sur un ton navré.
— Le club qui a l'apparence d'un palace sur Sunset boulevard ? voulus-je m'assurer.
— Ouais, désolé pour le trajet dans le mauvais sens.
— Ça va. T'en fais pas !
Ça faisait une sacrée distance quand même ! De chez moi, j'aurais pris à peine quinze minutes pour arriver au club, car Sunset Boulevard n'était pas très loin de Beverly Hills. Alors qu'en partant de Brentwood, ça allait me prendre minimum trois quarts d'heure. C'était vraiment chiant de savoir que j'étais venu jusque-là pour rien. Sara par contre devait sûrement être arrivée depuis longtemps à la fête ; en espérant qu'elle n'avait tué personne en chemin.
- Rick ? reprit le bassiste avec une drôle d'intonation.
— Oui, répondis-je, perplexe, en attendant la suite.
— J'ai à te parler. Je t'attendrai à la soirée.
Vu le ton qu'il avait employé, peu importait ce qu'il avait à me dire, je savais que ce serait sérieux. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Projetterait-il de partir ? J'espérais que non, parce que j'accepterais peut-être que Lucas s'en aille, mais pas lui. De toute façon, il avait un contrat. Turner ne plaisantait pas avec ce genre de choses. Je souhaitais de tout cœur que ce ne soit pas ça. J'avais hâte d'arriver pour en avoir le cœur net.
Je fis demi-tour et m'engageai de l'autre côté de l'autoroute en appuyant sur l'accélérateur... Peut-être un peu plus que je ne le devrais, en fait. Mais plus les souvenirs de la party de l'année dernière me revenaient, plus j'avais envie d'arriver pour récupérer Sara. Elle n'avait rien à faire là-bas.
Je filais sur l'autoroute, la musique à plein volume. J'étais à un quart d'heure du Boulevard3 lorsque je remarquai qu'une voiture de patrouille me faisait signe de m'arrêter.
Non ! Pitié, non !
Il y avait des jours où j'étais le pire chauffard de la Californie et aucune trace de la police. Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi maintenant ?
Sur le coup, je vérifiai mon compteur et fus bien obligé de pester devant les chiffres : 50km/h au-dessus de la vitesse maximale autorisée. Cette fois-ci, on allait m'enlever mon permis pour de bon. Avec un soupir résigné, je me garai près d'un petit restau vegan et écrasai mon visage sur le volant.
J'étais fichu !
Quelques minutes plus tard, un agent fit le tour de la voiture avant de cogner contre la vitre. J'abaissai celle-ci en gardant mon visage dans la même position en attente de mon destin.
— Vos papiers s'il vous plaît.
J'attrapai l'enveloppe dans la boîte à gants d'une main, la fis passer dans l'autre et la lui tendis ; le tout sans lever la tête.
Merde, merde, merde ! c'était tout ce qui tournait comme une litanie dans ma tête. On m'avait déjà enlevé tellement de points dans mon permis, cette fois-ci, j'étais cuit.
— Vous savez pourquoi je vous ai arrêté ? me questionna le policier.
Vous êtes l'un des producteurs de Fast and Furious et vous avez vu mon potentiel. Je me trompe ?
— Non, grognai-je toujours contre le volant.
— Saviez-vous à quelle vitesse vous rouliez ?
— Non, mentis-je.
— Aviez-vous bu ?
— Non.
— Monsieur, je vais vous demander de descendre du véhicule, exigea le policier sur le ton qu'utilisaient tous les flics pour signifier que les choses sérieuses avaient commencé.
Alors je suis engagé ? Je vais rejoindre l'équipe de Dominic Torreto ?
Je m'extirpai lentement de l'habitacle, les mains bien en évidence, comme l'exigeait le protocole. Le policier à la moustache fournie qui suivait chacun de mes gestes me somma ensuite de l'attendre pendant qu'il filait chercher un éthylotest. De frustration, je me passai un peu rudement les doigts dans les cheveux avant de m'adosser lourdement à la voiture en jurant intérieurement comme un charretier.
Je ne résistais jamais avec les forces de l'ordre. Pourquoi ? Parce que si pendant quelques secondes, on pouvait avoir l'impression d'être trop badass ; ce sentiment disparaissait à la minute même où on t'écrasait le visage contre un capot pour te passer les menottes. Et perso, ces bouts de métal étaient loin d'être mes bracelets préférés.
— Soufflez dessus, m'ordonna l'officier en revenant avec son éthylotest électronique.
Quel drôle de gâteau !
En plus, ce n'est même pas mon anniversaire.
Heureusement qu'il avait placé un embout neuf devant moi, car je ne faisais pas confiance à l'hygiène de ces appareils avec tous ces gens que les flics contrôlaient. J'avais toujours peur qu'ils aient oublié de changer l'extrémité et que mes lèvres entrent en contact avec toutes sortes de salive dégueulasse.
Rassuré, je fermai les yeux, pris une grande inspiration et soufflai dans l'Alcooltest. Ensuite, je m'adossai à la voiture en tapant du pied, attendant le résultat. C'était une perte de temps. Je n'avais pas touché à une seule goutte d'alcool de la journée, mais quelque chose me disait que l'agent n'en aurait que faire de mon avis. Une minute s'était écoulée et je commençais à perdre patience.
— Je sais que normalement vous devriez m'enlever le permis, mais j'avais vraiment une urgence.
Moustachu resta de marbre et mon agacement redoubla. Je crispai les mâchoires et me passai encore les mains dans les cheveux en tapant plus rapidement du pied. Finalement, le résultat apparut, et comme je m'y attendais, il était négatif. Moustachu ne sembla pas convaincu et fronça les sourcils.
— Souffle encore !
Si tu aimes mon haleine, il suffit de demander le nom de mon dentifrice.
On patienta encore deux minutes, mais le résultat demeura obstinément le même.
— Taux d'alcool nul, grommela le policier, comme s'il était déçu de ce constat. Peu importe ; je vais devoir quand même garder votre permis. Vous avez largement dépassé les limitations de vitesse, et j'ai l'impression que c'est plutôt une habitude.
— Non, priai-je, consterné. Vous ne pouvez pas garder mon permis. J'en ai besoin.
Dire que mon père voulait que je fasse avocat. On est d'accord que cette argumentation était nulle à chier ! J'étais certain que même K-pop s'en serait mieux sorti. Moustachu haussa ses sourcils broussailleux dans un geste de défi et se croisa les bras sur le torse.
— Ah bon ? Pourquoi je ne peux pas le garder ?
Pitié, non, pas ça ! À plusieurs reprises, de nombreux policiers m'avaient déjà fait chier avec leur « Monsieur se croit donc au-dessus des lois parce que c'est une star ? » . Alors que le plus souvent, je voulais juste être tranquille, comme en ce moment.
Pourquoi n'avait-ce pas été Sara dans cette situation ? J'aurais vraiment été plus enthousiaste d'aller la chercher au poste qu'à cette foutue soirée.
— Écoutez, repris-je de mon ton le plus éloquent. Je ne veux pas de problèmes. Il y a juste ma femme qui est juste trop bourrée à une fête et on m'a appelé pour venir la chercher. Vous aussi, vous vous seriez précipité pour votre femme, non ? Vous avez bien une femme, pas vrai ?
Il me scruta, les bras croisés sur le torse, le visage inexpressif ; puis il finit par s'exprimer d'une voix tout aussi monocorde :
— Je garde le permis.
Je tournai sur moi-même, et de frustration, tirai violemment sur mes cheveux. Sauf qu'après quelques secondes, j'eus comme une illumination.
— Emmenez-moi la chercher, m'écriai-je. OK, gardez le permis, mais emmenez-moi, s'il vous plaît. C'est à à peine vingt minutes d'ici. Il faut vraiment que j'y aille.
Il continuait de me regarder d'un air tout à fait indifférent et je fus à deux doigts de lui hurler que j'étais un putain de citoyen américain et qu'il me devait service et protection. Cependant, je décidai de prendre sur moi à la dernière seconde, passai mes mains sur mon visage et tentai en désespoir de cause :
— Je paierai pour l'essence !
Il resta silencieux et je me mis à scruter les alentours, désespéré. Mais je savais que c'était en vain : je n'allais pas trouver de taxi de sitôt dans cette zone.
— Je vous en prie ! retentai-je. Il faut que j'y aille.
Il décroisa les bras sans un mot, rédigea un avis de rétention d'un air impassible, me le remit et tourna les talons. Je fus tenté d'attendre qu'il s'en aille pour remonter en voiture tout en ayant conscience des lourdes conséquences que j'encourrais, mais Moustachu m'évita cette connerie. Il ouvrit la portière de sa voiture et patienta en regardant dans ma direction. Je compris alors qu'il avait accepté de me conduire au club et je soupirai de soulagement.
Bien évidemment, il ne me laissa pas monter devant. Je grimpai à l'arrière en songeant à mes mauvais souvenirs d'adolescent dans un véhicule de police. Ces moments d'angoisse où je m'escrimais à rester de marbre, en appréhendant la confrontation avec mon père quand il viendrait me récupérer au poste. Ça semblait si loin désormais.
J'envoyai ensuite un texto à Daphney lui indiquant l'emplacement de la voiture et des clés sous l'amortisseur pour qu'elle vienne les récupérer. Elle répondit par un message ponctué de quelques adjectifs peu flatteurs sur ma personne, mais je les ignorai. Je savais qu'elle viendrait quand même.
Le trajet se déroula dans un silence quasi total uniquement perturbé de temps à autre par la radio du policier. Moustachu me déposa à l'adresse que je lui avais indiquée, mais peine avais-je mis les pieds à terre, que ce dernier partit en trombe sans me laisser le temps de dire ouf. À mon avis, il devrait peut-être songer à s'enlever son propre permis, un de ces quatre.

En cette nuit fraîche, une petite brise fit bouger la mèche sur mes yeux, et je ne pris conscience qu'à ce moment-là d'avoir oublié de cacher ma face de gnome. Je rabattis immédiatement la large capuche sur mon visage avant de reprendre ma progression. En fait, mes paupières et mes lèvres avaient considérablement dégonflé, mais j'étais encore trop complexé pour me pavaner sans les couvrir.
J'étais désormais devant le club en forme de palace dont le portail en fer forgé du club était tenu par deux colosses en costume. Ils avaient chacun une liste dont j'étais persuadé à 100 % de ne pas être inscrit dessus. J'appelai Jason pour qu'il vienne me chercher, mais tombai plus de deux fois sur son répondeur. Après un cinquième appel sans succès, je perdis patience et décidai d'avancer afin de tenter ma chance.
— Ton nom, me stoppa l'une des armoires à glace.
— Pardon ? feignis-je de ne pas avoir entendu.
— Je veux ton nom. Ensuite, je dois te fouiller pour vérifier si tu n'as pas d'armes. Sinon tu rentres pas, à moins que Monsieur Chase ne vienne lui-même te chercher.
— Votre monsieur Chase travaille pour moi, grinçai-je. Je suis Rick Rivera, du con. T'as intérêt à me laisser passer.
D'habitude, mon nom m'ouvrit presque toutes les portes, mais pas ce soir-là.
— Il n'y a pas de Rick Rivera sur la liste, décréta le garde, impassible, après avoir parcouru son bloc-notes et celui de son partenaire des yeux.
Vous avez vécu de ces moments où vous encaissez, encaissez, puis d'un coup, une simple petite chose vous faisait exploser ?
Je m'étais contraint à rester calme tout le long de ma conversation avec Sara, plus tôt dans la soirée. Puis ensuite, j'avais continué même en apprenant mon trajet inutil à Brentwood. J'avais contenu mon irritation durant toute mon interaction avec le policier, mais là, c'en était trop...
À la suite de la mention de mon nom, lorsque l'un des invités de Lucas à l'allure de motard avait attrapé son téléphone pour filmer la scène, j'explosai. J'avais horreur de ces gens avec la caméra facile. Je lui arrachai l'appareil des mains et le flanquai par terre de toutes mes forces.
Le téléphone était désormais foutu. Les gens qui faisaient la queue avaient tous poussé une exclamation choquée à la suite de mon geste, et cuiré accompagné de son pote aux bras énormes, me dévisagèrent d'un air menaçant qui n'augurait rien de bon. Bizarrement, l'éventualité d'une bagarre me faisait jubiler. Toute cette frustration allait enfin sortir ! Je fermai les poings en prévision de la suite avec un sourire carnassier et attendis.
— Rick ! s'écria quelqu'un derrière moi, mettant fin à mon affrontement visuel avec les deux types à l'allure de motard. Il est avec moi, informa Jason aux colosses et ceux-ci acquiescèrent.
Un chouïa déçu, je jetai un dernier regard noir aux deux cuirés avant d'emboîter le pas au bassiste. À mon grand étonnement, ce dernier me prit la main lorsqu'on pénétra finalement dans l'enceinte de bâtiment. Un frisson de déplaisir, provoqué par ce contact inattendu parcourut tout mon corps. Mais je ne me dérobai pas en me répétant qu'il l'avait fait pour qu'on ne se perde pas à travers cette marrée humaine.
J'avais le souvenir qu'en plus d'être confortable et bien décoré, le Boulevard3 était surtout très spacieux. Pourtant, il n'y avait presque plus de place où circuler, tellement il était bondé ce soir-là. Ça ne m'étonnait pas vraiment, car contrairement à moi dont le carnet d'adresses ne dépassait pas les trente contacts, Lucas était très sociable.
Et c'était fou comme presque tous ses amis se ressemblaient : pour la plupart gothiques ou affectionnant les tatouages et les smokey eyes comme le pianiste. J'avais commencé à jeter quelques coups d'œil à gauche et à droite, dans l'espoir d'apercevoir celui-là, ou alors Sara, mais c'était sans succès.
Le club comprenait deux niveaux, et Jason m'emmena à l'étage qui comportait les carrés VIP où quelques couples se tétaient les lèvres sans prêter attention à nous lorsqu'on passa.
On s'arrêta dans un coin assez sombre et je m'appuyai sur le balcon avant de concentrer toute mon attention sur la foule pour essayer de repérer Sara. De la mezzanine, j'eus tout le loisir de scruter l'énorme piste de danse baignée de sons, de lumières et de lasers où les gens se mouvaient aux rythmes entraînants de Break the rules de Charli XCX. Des strip-teaseuses se trémoussaient sur un espace élevé derrière le vaste bar rectangulaire devant la piste, et des cracheurs de feu achevaient de rendre l'ambiance tout à fait magnétisante.
Ce ne serait vraiment pas chose facile de trouver Sara au milieu de tout ce monde. J'espérais que Jason m'aiderait. Celui-là d'ailleurs ramena mon attention sur lui en tirant sur ma main. Déjà pourquoi la tenait-il encore ? Je la lui arrachai et l'insérai dans la poche de mon sweat.
Je rêvais ou il avait l'air... déçu ? Le blond semblait vraiment bizarre. Pourtant, il avait la même gueule que d'habitude : cheveux mi-longs coiffés de façon négligée ; blouson cuir sur une tenue totalement noire.
Avait-il bu avant mon arrivée ? Ça faisait tellement longtemps que pour une raison mystérieuse, il n'avait pas touché à une seule goutte d'alcool. Se pouvait-il que ce changement ait rapport avec ce qu'il avait à me dire ?
Comme il se dandinait d'un pied à l'autre, je devinai qu'il n'était pas prêt à avouer ce qu'il avait à dire et j'en profitai pour demander :
— T'as pas vu Sara ?
— Je... oui, éluda-t-il. À propos de ce que j'ai à te confier : promets-moi de ne pas me juger.
OK, là, il avait toute mon attention. Qu'avait-il fait ? Pourquoi je ne devrais pas le juger ? Je l'avais rarement vu aussi mal à l'aise. En fait, je ne l'avais jamais vu comme ça. Je ne connaissais que deux versions de Jason : celle ténébreuse et arrogante, et l'autre quand il se laissait aller. S'il y avait quelque chose d'aussi grave pour le mettre dans un état pareil, pourquoi me le dire à moi et pas à Lucas, son meilleur pote ?
Lucas !
Je l'avais enfin aperçu sur la piste alors que mes yeux s'étaient momentanément détournés du visage anguleux de Jason. Je pourrais reconnaître entre mille, ce chignon de samouraï lâche qu'arborait le pianiste quand ses cheveux longs n'étaient pas relâchés. Il dansait, l'attitude totalement détendue et tout près de lui... Sara.
Mon cœur effectua un saut périlleux lorsque je la remarquai enfin. Elle rigolait, l'air heureux, rejetant de temps en temps sa queue de cheval bouffante en arrière. Avait-elle bu ? Se livrerait-elle à Lucas comme à moi ? Cette pensée me donna des frissons dans le dos et je décidai de la chasser.
Le brun me tournait le dos, je ne pouvais donc pas voir son visage à lui. Par contre, je ne manquai pas leur intrigante proximité qui réveilla mes envies de meurtre. Ce connard avait ses sales pattes sur la taille de Sara qui se balançait légèrement sur Ribcage d'Andy Black. Je détestais désormais cette chanson, je détestais ce DJ, je haïssais Lucas... J'avais envie de vomir.
La voix puissante d'Andy qui chantait qu'il n'avait plus de cœur à briser emplissait le club. Qu'est-ce que j'enviais cet enfoiré à ce moment-là ! Tout le monde dansait sur la piste, mais mon regard haineux ne pouvait se détacher de ma femme et de mon pianiste qui avaient l'air si bien ensemble. Quelques secondes plus tard, Lucas lui glissa quelque chose à l'oreille et cette dernière éclata de rire en basculant la tête en arrière. Je ne savais pas quelle était la blague, mais je la détestais elle aussi.
Sara noua ensuite ses bras derrière le cou de son compagnon et peut-être celui-ci l'interpréta-t-il comme une invitation, car ce connard l'embrassa. J'essayai de me convaincre que je rêvais, mais on ne pouvait pas avoir aussi mal dans un rêve. Cet-enfoiré-avait-osé déposer ses putains de lèvres de futur macchabée sur celles de la femme que j'aimais !
Je ne savais pas si ce qui s'était produit ensuite était normal, mais mon cœur avait raté un battement. Je jure que pendant la seconde qui avait suivi le baiser, c'était comme si le temps s'était arrêté autour de moi ; me figeant sur la vision cauchemardesque de leurs lèvres qui se touchaient. Et lorsque celui-ci avait repris son cours, en m'envoyant un gros coup de poing au cœur au passage ; l'adrénaline s'était déversée dans tout mon corps. Mais aussi, une image claire et nette avait pris vie dans mon esprit : « 22 Octobre 1992 - 22 Octobre 2018 ; RIP Lucas Chase »
Ce connard était mort !

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