🌟41- Imperfect couple
Il l'avait fait pour le show, non ?
Bien sûr idiote, qu'il l'a dit pour le show. Le mec a déjà une, ou même plusieurs copines. Qu'est-ce que tu crois ?
Pourtant, mon cœur avait littéralement bondi dans ma poitrine. Entendre cette phrase de sa bouche faisait partie de mes plus grands souhaits, depuis le jour où j'avais compris que je l'aimais.
C'était vraiment la première fois qu'il prononçait ces mots devant moi. Pendant tout le temps qu'avait duré notre comédie, jamais il n'était allé jusque-là, même si ça aurait pu rendre notre relation plus crédible. Tout au fond de moi, j'avais espéré que lorsqu'il les dirait, ce serait uniquement quand ce serait vrai. Et là, sans scrupule aucun, voilà qu'il me balançait ce mensonge en pleine tronche.
Imaginez-vous qu'enfant, vous rêviez d'un nouvel animal de compagnie ou d'un nouveau jouet. Imaginez que vous le vouliez de tout votre cœur. Ensuite, visualisez votre joie lorsque finalement, un jour, l'un de vos parents vous annonçait qu'il vous l'avait eu. Et enfin, essayez de concevoir ce que vous ressentiriez plus tard dans la journée, après avoir compris que non, vous n'auriez pas votre cadeau ; que votre parent avait dit cela dans le simple but d'impressionner un quelconque invité. Vous voyez le tableau ? Imaginez maintenant l'état de mon cœur à ce moment-là.
— Coupez, m'écriai-je entre deux toux. Je... je ne vais pas bien. Je reviens.
Je pus parfaitement entendre le bruit de mes talons lorsque je quittai le plateau devenu subitement silencieux, comme si toute âme vivante l'avait d'un seul coup déserté. Pour être honnête, leur réaction était le cadet de mes soucis. Je voulais juste être seule un moment pour me calmer. Et j'y arrivais parfaitement, accoudée au comptoir de notre loge, la tête entre les mains, à essayer de m'éclaircir les idées... Jusqu'à ce que Rick arrive quelques secondes plus tard et que son « Je t'aime » me revienne à l'esprit.
— OK, je n'aurais pas dû, admit-il, appuyé contre la porte d'entrée.
— Bien sûr que non, tu n'aurais pas dû, explosai-je en essayant de ne pas trop élever la voix. J'accepte tous les mensonges, mais s'il te plaît, pas ça.
— Qui a dit...
— Arrête, coupai-je d'un geste de la main. Je ne veux rien entendre.
Je fermai les yeux pour stabiliser les battements de mon cœur et il relança de façon circonspecte :
— C'est à cause de ton ex que tu n'acceptes pas qu'on te dise qu'on t'aime ?
— Caleb n'a rien à voir là-dedans. Je joue ce rôle, tu mens, je mens. Mais ça, c'est ma limite ! Je ne veux plus jamais l'entendre...
Tant que ce n'est pas la vérité, ajoutai-je intérieurement. Cependant, je ne le mentionnai pas, car sinon ça signifierait que j'espérais que ça arrive un jour. C'était le cas, mais je ne voulais pas passer pour une désespérée. Plus jamais.
Je l'aimais, mais je m'aimais encore plus. Et j'avais décidé de ne plus le laisser jouer avec mon cœur. Enfouir mes sentiments avait été la première étape, et j'y arrivais à merveille, jusqu'à ce qu'il me sorte cette phrase...
— Tu sais que je n'ai jamais fait la cour à personne ? annonça-t-il quelques secondes plus tard comme s'il s'agissait d'une information classée secret défense.
On aurait presque pu croire que ce qu'il s'apprêtait à dire ensuite le mettait mal à l'aise. Mais je m'en foutais d'avance. Je ne voulais rien savoir. Ce fut donc d'un ton cassant que je lui informai :
— Je me contrefous de ta vie sentimentale, Rick.
— Par contre, tu sais que t'es casse-couille ?
Je lui adressai un regard torve dans le miroir et il leva les yeux au ciel. Il souffla ensuite par la bouche comme pour se donner du courage, puis s'exprima d'une voix douce qui me laissa interdite quelques instants :
— Dîne avec moi ce soir !
S'il s'agissait de quelqu'un d'autre, j'aurais vraiment cru à la sincérité de son ton. Mais c'était Rick. Ça devait sûrement faire partie du jeu pervers auquel il se livrait, qui consistait à naviguer entre plusieurs femmes à la fois. Ce serait sans moi, décidai-je.
— Non ! répondis-je fermement.
— Je viens de te proposer un rendez-vous galant ! Rien que nous deux. Sans aucune arrière-pensée. Certains tueraient pour ça, assura-t-il l'expression scandalisée, comme si je l'avais giflé et pas juste refusé un dîner.
— Propose-le à M.S., suggérai-je froidement.
— Serais-tu jalouse Sara ?
Oh que oui, s'écria ma conscience.
— Même pas en rêve, niai-je avec un petit rire méprisant. Je te remettais juste à ta place.
— Ma place est auprès de toi... Ou en toi. Tout dépend de tes envies, ma belle, rétorqua-t-il avec mon sourire.
— Pft ! jetai-je en levant les yeux au ciel.
— Dîne avec moi, répéta-t-il avec le plus grand sérieux.
Pourquoi insistait-il ? Il n'avait qu'à appeler l'une de ses putes et se débrouiller pour ne pas être vu ; si c'était ça qui l'inquiétait.
— Pourquoi ? m'intriguai-je en veillant à ne pas exprimer trop d'intérêt dans ma voix.
— T'es ma femme. J'ai envie de passer du temps avec toi, enchaîna-t-il avec la même intonation grave.
— Trouve autre chose ! fis-je en claquant la langue d'un air suffisant. M.S. est occupée ? Ou alors, fatiguée après au autre baise torride ?
— La seule baise torride que j'ai eue hier soir, c'était avec toi, dans mes rêves, après l'érection monstre que tu m'as donné. D'ailleurs, où diable as-tu appris à danser comme ça ?
Je priai fort qu'il n'ait pas remarqué comment je m'étais raidie à la suite de sa question. En tout cas, je souhaitais de tout cœur qu'il n'obtienne jamais sa réponse.
Et sincèrement, je devrais vraiment prendre mes distances avec l'alcool. Qu'est-ce qui m'avait pris de danser pour lui ? En me réveillant ce matin, j'avais tellement eu honte !
Il suffisait de quelques verres pour me laisser complètement aller. Et la façon dont je lui avais demandé de m'embrasser ? Pathétique ! Rien qu'à l'évocation de ce souvenir, ma joue chauffa, et je détournai mon visage de son reflet pour qu'il ne le voie pas.
Dire que j'avais été si offerte et qu'il n'en avait pas profité, sous prétexte qu'il voulait l'avis de la Sara sobre ! Vous comprenez maintenant l'effet de vague auquel était constamment exposé mes sentiments ? Comment ne pas l'aimer dans ces moments-là ? Et comment ne pas le haïr quand il rentrait, couvert de marques de dents, et se sentait le droit de rigoler avec moi ? Swan Ricardo Rivera était dangereux pour mon cœur et plus je mettrais de distance entre celui-ci et lui, mieux ce serait.
Cependant, la veille j'avais tellement été stressée que j'avais sauté sur son invitation comme une planche de salut. Lancer cette marque demandait plus de boulot que je ne l'avais pensé. Mettre des phrases sarcastiques sur des tee-shirts, ça paraissait si simple, eh ben non. Même si j'avais Corine qui me filait un coup de main depuis chez elle, c'était un travail assez fatigant.
De plus, en bonne chieuse suspicieuse que j'étais, j'avais demandé à Nina, la femme avec qui Lucas m'avait mise en contact, de m'autoriser à prendre part à toutes les étapes. Du coup, on avait engagé moins de monde, et moi, je crevais de travail.
Cependant, ça ne me dérangeait pas le moins du monde. J'avais certes été méfiante, mais au fond, je ne voulais pas laisser des gens faire tout le travail de ma marque à ma place. Lorsqu'on lancera la première collection, je voudrais être pleinement fière pour avoir travaillé dessus, et pas simplement utilisé l'argent et le nom de Rick pour créer quelque chose.
Quant à Corine, elle avait retrouvé une joie de vivre toute neuve depuis que je lui avais demandé de l'aide. Si seulement elle m'avait confié dès le début que ce qui la chagrinait le plus dans sa situation était cette sensation d'inutilité !
Il fallait voir son enthousiasme lorsqu'elle avait trouvé le nom et le logo. Personnellement, je ne les aimais pas tant que ça. Après tout, dans Saracastic, il y avait Sara, et je trouvais que ça faisait trop narcissique. Cependant, je n'avais pas eu le cœur à le lui dire et je les avais gardés. De plus, comme Nina avait donné son accord, ça ne devait pas être si terrible.
Malgré cette nouvelle joie apparente, pour être honnête, je ne lui faisais pas totalement confiance. Après tout, elle avait fait semblant d'aller bien pendant tout ce temps, alors que c'était faux. Elle pouvait me trouver collante, mais j'aimais savoir ce qu'elle faisait à toute heure du jour ou de la nuit. Je voyais bien que ça commençait à la gonfler, mais je m'inquiétais vraiment, et je ne savais pas quoi faire d'autre.
— On reprend ? suggéra Rick devant mon long mutisme.
J'avais presque oublié qu'il était dans la pièce, tellement j'avais été perdue dans mes pensées. Je me levai en soupirant et le suivis sur le plateau où on reprit notre quiz comme si de rien n'était.
On répondit aux autres questions avec une bonne humeur feinte, enjolivant un peu quand c'était nécessaire et on termina en un rien de temps. Le résultat était plutôt cool à la fin. On pouvait voir une vraie complicité entre nous dans la vidéo qui serait postée sur le site du magazine, d'ici une semaine, après les montages.
Bizarrement, personne ne m'interrogea sur ma réaction. On m'avait juste promis de couper la partie après le « je t'aime » inattendu. Évidemment, celui-là, on l'avait gardé. C'était quand même pas chaque jour que Rick Rivera exprimait son amour pour une femme. Si seulement ils savaient la vérité !
Comme on n'avait plus rien à faire dans le local du magazine, on fila récupérer nos affaires que l'assistante de Rick avait déjà pris le soin de ranger. J'attachais mes cheveux devant le large miroir de la loge, lorsque Rick verrouilla la porte derrière lui sous mon expression perplexe.
Que voulait-il encore ? Il avançait dans ma direction avec un regard de prédateur et bientôt, il se retrouva trop près de moi... Beaucoup trop près.
— Tu envahis mon espace personnel là, grognai-je.
Il m'ignora et continua d'avancer. Du coup, je reculai, jusqu'à me heurter contre une chaise et perdant mon équilibre, je m'y retrouvai assise, prise au piège, comme une conne. Il s'appuya sur les deux accoudoirs et nos visages se retrouvèrent à seulement quelques centimètres l'un de l'autre.
— Dîne avec moi ! rechargea-t-il en plantant son regard d'azur droit dans le mien.
— Non !
— OK ! dit-il comme si son esprit avait déjà été accaparé par autre chose.
Puis il partit. C'était quoi ce mec ? Non, mais quel barjot !
Je sortis à mon tour, mon sac sous les bras, et remarquai très vite que toute l'attention du studio était sur moi. En arrivant dans la salle en blanc où moi et Rick avions posé quelques heures plus tôt, je devins de plus en plus perplexe et mal à l'aise sous les regards étranges des techniciens. Je me mis à faire de grands pas afin de me soustraire rapidement à toute cette attention, mais la styliste désagréable me stoppa.
— T'aurais pu mettre un tampon, cracha-t-elle avec dégoût.
— Quoi ? m'intriguai-je.
Pourquoi j'aurais dû mettre un tampon ? Mes règles étaient parties la semaine dernière. C'était quoi son problème ?
— Oh ma chérie ! On dirait qu'on devrait réessayer pour le bébé, s'exclama Rick qui venait de surgir de nulle part derrière moi.
Il n'était pas censé être déjà dehors ?
— Quoi ? répétai-je ayant bien conscience d'avoir de plus en plus l'air conne.
Obéissant à mon instinct, je suivis le regard de la styliste et remarquai enfin la tache rouge sur mes fesses. En quelques secondes seulement, mon visage adopta la même teinte écarlate que le faux sang.
— Oh non ! poursuivit théâtralement Rick.
J'avais envie de faire disparaître son air faussement embarrassé d'un coup de sac en pleine poire. C'était lui qui m'avait acculée sur cette foutue chaise. Ça avait donc été un putain de piège ! Et moi, comme une idiote, j'avais vraiment été tentée de croire que son intérêt pour sortir avec moi était sincère.
Pourquoi n'avais-je pas senti l'humidité ? En fait, je ne le ressentais toujours pas. Mon jean était assez ample. Peut-être qu'il n'avait que légèrement imbibé un tissu avant de le placer sur le fauteuil. Je haïssais Rick Rivera ! Je voulais qu'il crève ! J'allais vraiment lui faire très mal.
— Le téléphone ou les doigts ? s'éleva froidement la voix du coupable en s'adressant à quelqu'un d'autre.
Personnellement, je ne pouvais toujours pas bouger, encore sous le choc de mon humiliation récente. J'aurais vraiment tout donné pour pouvoir me plier sur moi-même et rouler jusqu'à la porte.
— Qu... quoi ? entendis-je bégayer l'un des gars tandis que Rick reprenait d'une voix tranchante :
— Lequel préférerais-tu que je brise en premier ?
Maintenant que l'attention de tout le monde était ailleurs, j'osai enfin tourner la tête pour découvrir la nouvelle star de la pièce. Le pauvre mec s'était figé, l'expression hagarde et tous ses coéquipiers avaient regardé dans une autre direction. Les lâches !
De ses longues jambes, Rick combla rapidement la distance entre lui et le blond et lui arracha son téléphone des mains. Il effaça les photos que je supposais être celles de mes fesses ensanglantées. Ensuite, il laissa tomber l'appareil par terre en regardant fixement le technicien dans les yeux d'un air de défi. Il était vraiment obligé de faire ça ?
Finalement, il se tourna vers moi, m'attrapa par le bras et claironna :
— Allons-y, fesses rouges !
Je pouvais parier qu'à ce moment-là, mon visage battait la teinte de mes fesses à plate couture. Rick me traîna dans une pièce voisine, puis en ressortit et revint quelques minutes plus tard avec une jupe moulante en cuir. Il me détailla avec un sourire gouailleur sur le visage, comme preuve encore plus flagrante de sa culpabilité - non pas que je doutais encore de celle-ci. Je ne lui demandai pas où il avait dégoté le vêtement, je le lui arrachai des mains et il partit en riant.
En sortant, je le trouvai appuyé à la limousine du studio qui était venue me chercher à la maison. On monta tous les deux dans le véhicule luxueux, sauf qu'un détail me chiffonnait : l'habitacle avait désormais une drôle d'odeur. Rick détourna mon attention dessus en susurrant avec un sourire en coin :
— Tu vois, j'ai empêché ton humiliation de tourner viral. Dîne avec moi.
— C'était toi derrière mon humiliation, connard, aboyai-je, vraiment tentée de le gifler. Va te faire foutre !
Il rigola et la voiture continua à rouler en silence, jusqu'une pensée surgisse dans mon esprit.
— Elle est où ton assistante ? m'intriguai-je en remarquant soudainement l'absence de la gothique aux multiples piercings.
— Elle est rentrée seule, m'informa Rick qui avait allongé ses pieds sur la banquette perpendiculaire à la nôtre.
— Ce n'est pas la copine de ton batteur déjà ?
— Oui.
— Et il est d'accord qu'elle s'occupe comme ça de toi ? m'étonnai-je.
— C'est son job, répondit-il d'un haussement d'épaules nonchalant.
— Tu lui fais vraiment confiance ? rechargeai-je, curieuse de comprendre cet aspect-là de sa vie, malgré ma colère.
— Hum ! Elle s'occupe de mon agenda, d'un tas de trucs et parfois même de mon shopping. Quatre ans qu'elle a tous mes mots de passe et rien n'a jamais fuité. Quoique, j'utilise pas vraiment les réseaux pour socialiser, donc n'y a pas grand-chose à cacher sur mes comptes. Mais quand même ! Alors la réponse à ta question, c'est : oui. Je lui fais confiance, c'est une fille bien.
— Attends, m'étranglai-je. Elle a tous tes mots de passe ?
— Tous, confirma-t-il. Enfin, sauf celui de mon iPhone. Mais voilà, elle passe plus de temps sur mon Insta que moi. Elle s'occupe de mon feed, veille à poster régulièrement et c'est elle qui répond le plus souvent aux rrivers...
J'étais totalement abasourdie. Je n'arrivais pas à y croire.
— Donc tous ces gens qui hurlent de joie quand tu likes une photo, hurlent quand Lara les likes, c'est ça ?
— Un peu ça, confessa-t-il en croisant ses mains sur sa nuque. Mais je like parfois aussi, hein ?
— Mais c'est pas juste ! me révoltai-je.
— Et tu veux que je fasse quoi ? me défia-t-il avec un haussement de sourcil. Je suis tout le temps occupé et ces gens ont besoin d'attention. Désolé si les choses ne se passent pas de la même façon loin des projecteurs. Bienvenue dans la réalité !
— La réalité craint, prononçai-je entre mes dents en regardant la vitre.
— Ce n'est que des messages Sara, des commentaires ou des likes !
— Mais tu sais ça représente beaucoup pour certaines personnes ? m'exprimai-je avec un peu trop d'ardeur. Mets-toi à leur place. Imagine, tu te sens spécial, ton idole te répond enfin. Alors qu'en fait, non ; c'était juste son assistante.
— Mais pourquoi tu te prends la tête pour ça ? Comment sauront-ils que c'est mon assistante ?
Il fronça soudainement les sourcils d'un air absorbé et comprit enfin :
— Tu m'as écrit par le passé et as reçu une réponse ? C'est ça ? souffla-t-il.
Je l'ignorai et me concentrai sur le paysage sans vraiment arriver à le voir. Je n'avais pas vraiment été prête pour cette révélation.
— Désolé. Mais peut-être que c'était moi, tenta-t-il de se rattraper.
Je continuai de faire silence et il poursuivit :
— Je t'enverrai tous les messages que tu veux, Sara. Je suis désolé.
Il tira son téléphone de sa poche et le mien se mit à vibrer quelques secondes plus tard.
J'essayai de l'ignorer, mais ne pus continuer bien longtemps, car les notifications ne cessaient de le faire trembler. Je pris l'appareil en soupirant et tombai sur ses nombreux messages. Il m'avait envoyé mot à mot : « Dîne avec moi. " et me regardait en souriant.
Encore cette histoire ? C'était quoi son problème ? Me rappelant de ma récente humiliation, je ne pris même pas la peine de répondre non cette fois. Mon regard torve le fit à ma place.
Apparemment, ce nouveau refus le mit en colère et il m'ignora le reste du trajet ; les traits durs, les mâchoires contractées. Sérieusement ? Se pourrait-il qu'il veuille vraiment de ce dîner ? Non ! me sommai-je. Je n'allais plus me laisser avoir.
Il sortit de la limo lorsqu'on nous déposa devant le portail, mais moi, je n'arrivais pas à me détacher de ma place.
— Rick ! m'écriai-je.
— Quoi ? grommela-t-il en s'appuyant sur la carrosserie et la portière.
— Je n'arrive pas à décoller.
— Ah, on dirait que tu t'es malencontreusement assise sur de la colle ultra forte, résuma-t-il d'un air blasé.
— C'est quoi ce bordel ? vociférai-je.
— Banquette cuir, jupe cuir. Si c'est de la colle forte pour cuir, t'es foutue, énonça-t-il, flegmatique, comme un mécano ferait part d'une panne à un client. Il ne te reste qu'une option : déchire la jupe.
— Et rentre dans la maison en petite culotte ? m'étranglai-je.
— Est-ce que j'ai l'air d'en avoir quelque chose à faire ? souffla-t-il d'un air furieux. Tu as essayé de me scalper !
Il exagérait bien sûr. J'avais juste voulu qu'il perde ses cheveux et qu'il devienne moche. Je ne savais pas si ça allait marcher, mais je n'avais rien eu à perdre à essayer. Pourquoi ? Je ne savais pas, OK !
Peut-être parce que j'étais en colère, ou que j'en avais marre que tout le monde l'adore ou qu'on bave presque sur son passage. Ou alors parce que je voulais qu'il me respecte ou juste par envie de lui faire mal. Je n'en savais rien ! Mais sincèrement, me faire ce coup-là n'était franchement pas le meilleur moyen de me faire arrêter.
— Tu vas me le payer, promis-je, les yeux lançant des éclairs.
— OK, fit-il en bâillant d'ennui, avant de tourner les talons.
Et il me laissa là, seule et prisonnière de mon siège. Après quelques minutes de vain effort pour me lever. Je n'eus pas d'autre choix que de sortir de ma jupe. Je vous épargne les détails acrobatiques.
Je me demandais bien comment les gars du magazine allaient prendre le fait qu'on ait abîmé le siège de leur limo. Puis finalement je décidai que c'était le cadet de mes soucis.
Ça avait été bizarre de traverser la cour en caraco et bottine, mais j'y étais arrivé. Je montai ensuite rageusement les escaliers après avoir claqué toutes les portes sur mon passage. Ensuite je pris une douche et m'apprêtais à descendre pour manger lorsque je remarquai l'absence de mes pantoufles.
J'en ai marre ! Merde !
Si je n'étais pas aussi obstinée, j'aurais déclaré forfait. Il ne fallait pas attaquer Rick. Il n'aimait pas perdre, j'avais compris. Malheureusement, j'avais le même problème. On était vraiment mal barré.
— T'as volé mes monsieurs Tchu, soufflai-je d'un ton las en le trouvant dans la cuisine.
Il continua de déguster son gratin de côtelette d'agneau aux pommes de terre en m'ignorant. Il alla même jusqu'à pousser un soupir de satisfaction après avoir avalé une bouchée. Je songeais sérieusement à lui balancer son assiette sur la tête lorsqu'il daigna enfin lever les yeux sur moi.
— Hum ?
— Mes pantoufles, je ne les vois plus.
— Il semble que pas mal de malheurs t'arrivent aujourd'hui. On pourrait presque croire que le Karma s'acharne sur toi, ma pauvre ! Attends, tu donnes des noms à des objets ? pouffa-t-il.
— Seulement si j'y tiens, répondis-je la tête haute en le défiant de se moquer.
Il me sortit son rictus de pervers : un pan des lèvres légèrement relevé en même temps qu'un sourcil, preuve qu'il allait dire une connerie :
— Hum, et tu l'as baptisé comment ma bite ?
— Aaaargh ! rageai-je en quittant la pièce à grands pas vifs.
J'avais vraiment envie de le taper !
Son rire résonnait encore derrière moi lorsque je grimpai les dernières marches des escaliers. On verrait bien qui rirait le dernier...
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