⭐39. Beautiful Angel

— Je sais que tu me détestes, enchaînai-je le regard suppliant. Mais je ne vais vraiment pas bien ce soir. Ça te dirait de déposer la hache de guerre pour quelques heures ?
Le front plissé, elle me détailla pendant de longues secondes durant lesquelles je crus qu'elle ne se déciderait jamais. Au moment où j'allais tenter autre chose pour essayer de la convaincre, elle me surprit en disant :
— À une seule condition : que tu signes mon contrat, et que tu respectes les termes.
J'acquiesçai en essayant de paraître le plus sincère possible et elle se leva du lit.
— OK, juste ce soir. Et uniquement, parce que je me sens comme une merde aussi.

Voilà donc comment les deux adultes de vingt-trois et de vingt-deux ans que nous étions s'étaient retrouvés à jouer au billard complètement bourrés, à deux heures du matin, dans la salle de jeu voisine du bar.
— Je crois que tu as dû confondre la table avec un terrain de golf, me marrai-je devant son jeu.
Depuis un moment, elle tenait la queue avec deux mains, façon batte de baseball et envoyait de gros coups dans les billes. À chaque fois, qu'elle ne touchait que du vent, elle éclatait de rire en rejetant ses boucles brunes en arrière. Moi, je la laissais faire, car ça faisait un moment qu'on ne jouait plus vraiment pour gagner.
— Mais j'ai eu celle-là, non ? estima-t-elle avec un grand sourire plein d'espoir.
— Absolument pas ! rigolai-je.
Elle était sur le point de répliquer quelque chose lorsqu'elle s'immobilisa un moment avant de s'écrier :
— Oh, mon Dieu ! C'est ma chanson !
C'était au moins la dixième fois qu'elle disait cela depuis qu'elle avait connecté son iPod au haut-parleur Bluetooth de la salle. Elle avait lancé la playlist de ses chansons favorites et c'était désormais Beautiful de Bazzi, featuring Camila Cabello qui emplissait la pièce constituée principalement d'une table de billard et de quelques sofas.
Elle avait fermé les yeux d'un air béat, comme pour savourer chaque note, chaque parole ; se balançant d'un pied à l'autre au rythme langoureux de la musique. Elle semblait vraiment détendue et je remerciai intérieurement ces quelques verres pour avoir fait disparaître, Sara la grincheuse.
Quelques secondes plus tard, elle ouvrit les yeux et surprit mon regard brûlant sur elle. Se méprenant sur son sens, elle s'enquit en plissant légèrement les yeux d'un air troublé :
— Tu n'aimes pas la chanson ?
— Je devrais ?
— Quoi ? s'étrangla-t-elle comme si je venais de gifler un bébé. Ce son est un chef-d'œuvre.
— Je ne lui trouve rien d'exceptionnel, admis-je avec un haussement d'épaules nonchalant.
C'était vrai !
Hey ! Beautiful, beautiful, beautiful, beautiful angel. Love your imperfections every angle. The way that Gucci look on you, amazing.
But nothing can compare to when you're naked... Pas mal !
Les paroles étaient intéressantes, mais je ne comprenais pas la fascination de Sara. Pour moi, c'était une bonne chanson, sans plus. Je ne lui trouvais pas ce truc qui l'aurait démarqué des autres bonnes musiques pour en faire un chef-d'œuvre.
Sara continuait de me fixer de ce drôle de regard avant d'entamer une longue expiration et de décider d'un air déterminé :
— Je vais arranger ça !
Elle déposa la queue au milieu des billes et me prit par la main. Je la laissai faire et elle me poussa doucement contre la table. J'y pris appui dans une pose décontractée et allongeai mes jambes, curieux de découvrir la suite.
Sous mon œil intrigué, ma compagne attrapa son iPod, remit la chanson, puis se tourna vers moi avec un regard... lascif ? Était-ce vraiment la fille qui avait l'air de vouloir de tuer tout à l'heure ?
Elle s'avança ensuite avec une lenteur calculée et déposa ses paumes sur mon torse en s'installant progressivement entre mes jambes. Et là, elle fit quelque chose à laquelle je ne m'attendais pas... non, mais pas du tout : elle m'offrit un lap dance.
Son regard brûlant planté dans le mien, les lèvres entrouvertes de manière totalement séductrice, elle commença à bouger doucement en se passant lascivement les doigts dans les cheveux. Et là Mesdames et Messieurs, je deviens aussi dur qu'une queue de billard. Putain de putain de putain ! Elle était tellement sexy !
Mais était-ce bien d'en profiter alors que je savais qu'elle n'aurait jamais fait ça sobre ? me mis-je à douter. Cependant, après quelques secondes de réflexion, je finis par réaliser que je ne faisais rien de mal. Au contraire, ce serait moi qui allais me retrouver avec une terrible érection pendant un bon moment. Ma conscience apaisée, je me remis à profiter du spectacle-torture, sans en rater une miette.
Sans rompre notre connexion visuelle, ma vamp bougea ses hanches dans un lent balancement circulaire en rythme avec la musique. Je déglutis difficilement en me remémorant de ce même mouvement sur moi, la dernière fois qu'on avait fait l'amour. Ça avait tout simplement été divin !
Elle poursuivait sa danse terriblement sensuelle et provoquait des chairs de poule sur tout mon corps à chaque fois qu'elle laissait ses cheveux m'effleurer. Je me sentais capable de jouir rien qu'en la regardant bouger.

La musique continuait, eurythmique, envoûtante tandis que Sara glissait doucement ses mains sur son corps et... c'était con, mais j'étais jaloux de sa peau. Elle me caressait du bout des doigts, s'approchait puis s'éloignait, laissait nos lèvres se frôler avant de reculer, plongeait son regard libidineux dans le mien avec un sourire coquin, se touchait, gémissait doucement en fermant les yeux, me rendait complètement fou... Merde, pourquoi elle me faisait ça ?
Je n'osais même pas l'effleurer. J'avais peur que ça brise le charme ou qu'elle pense que je profitais de la situation. Mais putain, qu'est-ce que c'était dur de résister ! Ses mouvements sur le rythme languide de la chanson risquaient à tout moment de me faire perdre la tête.
Et elle n'avait même pas à faire beaucoup d'efforts, bordel ! Elle me rendait fou, vêtue d'un simple tee-shirt XXL accompagné de pantoufles tête de cochon.
J'adorais les cochons, j'adorais cette chanson, j'adorais chaque milliseconde de ce putain de moment. J'aurais tout donné pour qu'il ne prenne jamais fin.
Je crus que j'allais mourir, et serrai le rebord de la table jusqu'à m'en blanchir les jointures, lorsqu'elle pivota et frotta doucement ses fesses contre mon entrejambe. Le sang pulsait violemment dans mon gland, et sans que je ne puisse me contrôler, une plainte s'échappa de mes lèvres sous ses caresses envoûtantes.
Elle était si sexy, si offerte... mais si saoule, et je n'étais pas ce type de connard.
La chanson touchait presque à sa fin. Mon cœur rata un battement lorsqu'elle se retourna et noua ses bras derrière mon cou, replongeant son regard de braise dans le mien. Elle continua à bouger sensuellement sur les dernières notes et rapprochait dangereusement nos deux lèvres à chaque seconde.
Pourrais-je résister si elle m'embrassait ? Merde, juste un petit baiser alors, décidai-je. Ses lèvres me manquaient tellement !
Nos souffles s'emmêlaient désormais, tellement, on était proche. Je fermai les yeux, le cœur battant à plein régime en attente de la suite. Sauf qu'elle se contenta d'effleurer ma bouche, et déposa de préférence un bisou sur ma joue. Je rouvris les yeux sur son expression satisfaite et bizarrement au lieu d'être frustré comme je le devrais, je me mis à rire
J'aimais cette fille ! J'étais putain de fou d'elle. Elle était tellement imprévisible, tellement unique... Je la voulais tous les jours. Je l'aimais putain. Mon cœur était gros d'amour. J'étais bordel de fou d'amoureux d'elle...
La chanson était depuis un moment terminée, remplacée par Thunderclouds de LSD. Cependant, on avait gardé la même position : elle, entre mes jambes, les bras noués sur ma nuque...
— Alors, souffla-t-elle. Tu ne trouves toujours rien de particulier à cette chanson ?
— Je l'ajoute tout de suite à ma playlist favorite, promis-je d'une voix rauque.
Elle gloussa délicieusement, et le son se répercuta dans tout mon corps. Tout ce dont je mourrais d'envie de faire à ce moment-là, c'était d'enlever son satané tee-shirt et de la baiser sur cette foutue table de billard, jusqu'à ce qu'elle parle hollandais.
Pourquoi hollandais ? Je n'en savais fichtrement rien ! Pourtant, au lieu de mettre mes plans à exécution, je ramassai le peu de volonté qu'il me restait et me dégageai de son étreinte.
— Pourquoi tu ne m'embrasses pas ? demanda-t-elle le front plissé par la concentration, comme un enfant demanderait pourquoi le ciel était bleu.
Pourquoi elle me faisait ça ? Je bénissais et maudissais en même temps l'alcool de la mettre dans cet état.
— Parce que t'en as pas vraiment envie, Sara, répondis-je difficilement.
— Qu'est-ce que t'en sais ? demanda-t-elle en arquant un sourcil.
— La Sara d'il y avait deux heures ne m'aurait pas laissé faire.
— Et qui avait dit que c'était elle la vraie Sara ? insista-t-elle.
— Personne. Mais j'ai besoin de son accord à elle, décrétai-je malgré moi.
Elle me regarda longtemps d'une étrange façon, comme si j'étais un problème particulièrement complexe qu'elle n'arrivait pas à résoudre.
— Qui es-tu, Rick Rivera ? finit-elle par dire de manière tout aussi étrange.
Un mec qui est fou de toi, pensai-je. Cependant, pour une raison que j'ignorai, les mots n'arrivèrent pas à franchir mes lèvres.
Elle s'installa par terre, le dos contre la table et me désigna la place à côté d'elle. Je m'assis à mon tour et ramenai un genou contre moi. On resta comme ça, dans un silence agréable, la voix de Taylor Swift qui chantait Love story en arrière-plan et j'en profitai pour la contempler.
— Tu es très belle, susurrai-je en détaillant ses traits uniques.
Elle balaya ma remarque d'un geste de la main sans faire de commentaire, l'air d'être complètement absorbé dans ses pensées d'ivrogne. Je n'insistai pas et me délectai de sa présence en laissant les minutes s'égrainer. J'étais à mon tour perdu dans mes réflexions, jusqu'à ce qu'à la fin de l'une des chansons, Dirty mind s'élève dans le haut-parleur.
— Dis rien ! lança-t-elle dès les premières notes.
— Mais je n'allais rien dire, rigolai-je.
— C'est faux, je vois ton petit sourire satisfait, en coin-là.
— Je n'ai pas de sourire en coin, protestai-je.
Je mentais : elle avait raison, je souriais. Et il y avait de quoi : c'était la playlist de ses chansons préférées et l'une des miennes en faisait partie. Autant dire que mon ego avait twerké de joie.
— Enfoiré, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel d'un air amusé.
— Rappelle-toi que l'enfoiré est souvent ce mec que tu aimes, mais que tu trouves insupportable. Arrête, où j'aurais tendance à croire...
Avant que je ne termine ma phrase, ses yeux s'arrondirent et elle se toucha le ventre.
— Qu'est-ce qui va pas ? m'alarmai-je.
Elle fut ensuite prise d'un haut-le-cœur et plaça ses mains devant sa bouche. Ce fut là que je compris enfin. Comme j'étais le moins bourré, je m'empressai de me lever et la portai jusqu'aux toilettes les plus proches.
À peine l'eus-je déposé devant la cuvette qu'elle se mit à vomir ses tripes. Je lui retins les cheveux et elle continua ainsi pendant une bonne dizaine de minutes, entrecoupée de quelques brèves pauses pendant lesquelles elle jurait et gueulait. Cette fille, c'était clairement autre chose !
Lorsqu'elle ses contractions s'arrêtèrent enfin, elle leva ses émeraudes fatiguées vers moi.
— Tu me trouves toujours aussi belle, le nez dans les cuvettes ?
— Un peu moins, j'avoue !
On rigola tous les deux et je l'aidai à se relever pour se rincer la bouche et le visage. Je la conduisis ensuite à sa chambre et l'allongeai avant de lui souhaiter bonne nuit.
— Reste ! m'invita-t-elle alors que j'avais une main sur la poignée.
— Demain, tu vas de nouveau être distante et revenir à la charge avec ce stupide contrat ? demandai-je, circonspect.
— C'était le marché, me rappela-t-elle.
— Alors je préfère partir.
— Ce n'était pas comme si tu ne me donnais pas de bonne raison d'être froide ! lâcha-t-elle d'un ton cassant.
Je ne voulais plus de miettes, ça ne me suffisait plus. Je n'avais pas envie qu'on passe la nuit dans le même lit pour ensuite se gueuler dessus le lendemain. Je ne savais pas encore comment, mais j'allais me débrouiller pour la conquérir entièrement. Et après, je ne dormirais plus jamais dans d'autres lits. Après, ce serait parfait... J'étais prêt à attendre.
— Bonne nuit Sara ! soufflai-je une dernière fois, avant de sortir.
Je ne saurais dire si c'était mon cerveau qui me jouait des tours ou si elle l'avait vraiment dit, mais en fermant la porte derrière moi, je crus l'entendre grogner : Idiot !
Peut-être qu'elle avait raison, ou peut-être pas. Moi, si j'étais quelqu'un d'autre et qu'on m'avait proposé cette vie, j'aurais trouvé facile de quitter Marcos, de choisir Sara et d'avoir plein de petits bébés avec elle. Parce que seul un aveugle ne verrait pas à quel point, elle était géniale. Mais si j'étais quelqu'un d'autre, je ne tiendrais pas à Marcos et ça ne m'arracherait pas le cœur de devoir le briser encore une fois.
Malgré tout, je savais que je devrais bien le faire. Déjà, il faudrait qu'il sorte de cet hôpital et que je découvre ce qu'il me cachait. Ensuite, je pourrais me concentrer entièrement sur comment prouver à Sara que je n'étais pas uniquement un connard.
Oui, c'est comme ça que ça va se passer, pensai-je une dernière fois avant de fermer les yeux.
Le lendemain, je me traînai tôt hors du lit, car j'avais deux interviews dans la journée, dont une à huit heures exactement. J'avais aussi le shooting avec Sara pour le magazine GQ et quelques autres trucs à régler au studio. Ça allait être une journée chargée, et je bâillais d'avance d'épuisement.
Je me fixai longtemps dans le miroir avant de décider de me raser complètement la barbe. Juste comme ça ! Sur un coup de tête, au lieu de la tondeuse spéciale que j'utilisais pour me donner l'effet barbe de trois jours, j'attrapai la crème à raser pour me débarrasser entièrement de ma pilosité faciale.
Sauf que bizarrement, il n'y avait plus de crème à raser. Je n'y comprenais rien, car la bouteille n'était même pas à moitié entamée la dernière fois que je l'avais utilisée. Comment était-ce possible ?
Était-ce un signe que je devrais laisser ma barbe comme elle était ? Je soupirai et finis par juste enlever les poils rebelles sur mon cou avant de me brosser les dents et d'aller sous la douche. Je soupirai sous le jet d'eau chaude en fredonnant, puis attrapai le shampoing afin de me laver les cheveux. Sauf qu'une chose me frappa à ce moment-là, la bouteille était trop remplie.
Je me rappelais bien qu'elle était assez basse avant mon départ pour Rio, la dernière fois que je l'avais utilisé. Je m'en souvenais parfaitement, car j'avais prévu de le remplacer à mon retour, et je ne l'avais pas fait la veille...
Attendez, la bouteille de crème à raser vidée, plus le récipient de shampoing trop rempli. Serait-ce...
Sara !!!!!
~ Point de vue de Sara ~
J'attachais mon sac banane sur ma taille pour aller courir lorsque la porte de ma chambre s'ouvrit à la volée et qu'un Rick fulminant, le visage rouge de colère, vêtu uniquement d'un pantalon de jogging, déboula au milieu de la pièce.
Il me fallut un contrôle énorme pour ignorer son torse sculpté, encore ruisselant d'eau, et me composer une fausse expression colérique.
— Frapper, tu connais ? crachai-je dédaigneusement en désignant la porte grande ouverte après son tumultueux passage digne d'un ouragan.
Il ne releva même pas remarque, m'empoigna violemment par les épaules et m'accula brutalement contre le mur.
— Je te jure, petite idiote, que si j'avais perdu une seule mèche de cheveux ; je t'aurais fait regretter de m'avoir connu, d'avoir ne serait-ce que croisé ma route, et même d'être venue à L.A., grinça-t-il tout près de mon visage, les yeux lançant des éclairs.
Le choc d'avoir été presque projetée contre un mur passé, je luttais désormais pour ne pas éclater de rire. Je l'avais rarement vu aussi en colère ; il devait vraiment aimer ses cheveux. C'était noté !
— Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles, réussis-je à prononcer d'un ton égal. Et t'as intérêt à ne plus jamais reposer tes sales pattes sur moi, pour ton propre bien, connard. Dégage, tu me fais mal, merde !
Il enleva précipitamment ses mains comme si ma peau venait de le brûler à l'instant. Et pendant quelques secondes, un bref soupçon de culpabilité traversa ses yeux d'azurs... Très bref.
Les narines frémissantes, il se força à calmer sa respiration en reculant et fermant les yeux. Lorsqu'il s'exprima de nouveau, se fut d'une voix posée, un chouïa méprisante :
— Comme ça, tu veux la guerre ?
Il me toisa comme si je n'étais qu'une petite chose qui lui faisait pitié. Rick ne me regardait jamais comme ça. J'avais donc vraiment touché là où ça faisait mal. Et dire qu'il n'avait même pas encore tout vu !
— Bien ! jeta-t-il d'un ton cassant avant de sortir comme il était rentré.
Oui, connard, bien !

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