⭐29. Le choix
Je venais de rentrer chez moi après une journée plus que fatigante. Insatisfait de la performance des gars sur l'instrumental de la sixième chanson, j'avais donc exigé qu'on recommence plus d'une fois, même si ça impliquait que je le fasse aussi.
Je poussai donc un gros soupir de soulagement en arrivant finalement chez moi. Cependant, à peine avais-je refermé la porte d'entrée que des bras m'étreignirent par-derrière.
— Putain, tu m'as fait peur ! m'écriai-je en reconnaissant leur propriétaire qui se raidit aussitôt, apparemment vexé de ma réaction.
La peau foncée, cette chemise en denim, l'odeur poivrée légèrement citronnée, ce ne fut pas bien difficile de deviner qui.
Pourtant, il devait bien savoir que je détestais les contacts surprises. Il n'y avait aucune histoire louche derrière. Je ne les supportais pas, c'est tout. Dans mes mauvais jours, rien que ça pouvait me faire péter un câble. Cependant, là, je me contentai de me dégager doucement afin de ne pas trop le froisser. Ensuite, je lui fis face et m'enquis d'un air enjoué, totalement feint :
— Qu'est-ce que tu fais là ?
Il sourit, mais ne répondit pas tout de suite. Ce qui m'agaça quelque peu, et me donna de plus en plus de mal à cacher ma tension.
— Comment es-tu entré ? insistai-je. Marcos, tu sais qu'il ne faut jamais venir chez moi.
— Relax ! dit-il doucement. C'est mercredi, non ? T'as pas d'employés ce jour-là ; je m'en souviens. À part Nan bien sûr, mais elle partait quand je suis arrivé. Tes gardes me connaissent comme ton cousin, t'as oublié ? Attends, tu n'avais pas envie de me voir ? termina-t-il en fronçant les sourcils.
Pas vraiment. Je voulais juste me doucher et me reposer. Cependant, je répondis :
— Non, ce n'est pas ça. Tu sais qu'il faut être prudent.
— TU dois être prudent Rick, rectifia-t-il d'un ton étrange. Pas moi.
Suite à cela, il tourna les talons et je fus bien obligé de lui emboîter le pas. Il arriva dans la cuisine et se plaça devant le plan de travail où il se mit à émincer des poivrons. Il se tenait droit comme un piquet, et rien qu'à sa position, je pouvais sentir que quelque chose clochait.
— On ne va pas avoir cette discussion encore une fois ! repris-je en adoptant mon ton le plus aimable pour ne pas le vexer. C'est moi qui vais chez toi, pas l'inverse.
— Je te prépare à manger. Nan a déjà cuisiné, mais je n'aime pas rester sans rien faire. T'en veux ? fit-il, mine de rien.
— Marcos, c'est sérieux, insistai-je. Ne reviens plus chez moi !
Il leva les mains en signe de reddition et pivota pour me faire face.
— J'ai compris Rick ! C'est juste que je t'avais appelé ce matin pour te dire qu'on devait parler, mais tu n'avais pas décroché.
— Je n'avais pas fait attention à mon téléphone, répondis-je avec un haussement d'épaules.
C'était la vérité. Au studio, on avait établi quelques règles, dont le premier était : pas de distraction. J'avais dû me faire violence toute la journée pour ne pas sortir mon portable et appeler Sara, même si je savais que ce serait en vain. Elle filtrait mes appels, c'était évident.
— D'accord, reprit Marcos. Où est ta... femme ?
— Elle est partie quelque temps, admis-je en insérant mes deux mains dans les poches arrière de mon slim, mal à l'aise.
Embrouilles, plus qu'à quelques mètres...
— Bien ! Installe-toi, Rick. Comme je te l'ai dit, on doit parler, fit-il d'un ton plus sérieux.
On savait tous que dans une relation de couple, qu'elle soit dite par une fille ou un garçon, cette phrase n'augurait rien de bon.
Génial ! Tout ce qu'il me fallait en ce moment...
— Je préfère rester debout, affirmai-je en me dandinant.
— Bien ! Un nouveau piercing ? observa-t-il, apathique, comme si en réalité, il s'en foutait.
— Ouep !
On regardait partout sauf dans la direction de l'autre, une tension palpable planant entre nous. Il finit par se croiser les bras sur le torse et lancer :
— Qu'attends-tu de moi ?
— Hum ? feignis-je de ne pas avoir entendu afin de repousser l'inévitable.
— Rick, je suis sérieux, soupira-t-il en déposant ses mains à plat sur le plan de travail. Qu'est-ce que tu attends de moi ? Ou d'elle ? Qu'attends-tu de tout ça ?
— J'ai pas envie d'en parler Marcos.
Il rit, mais sans entrain. Il me détailla ensuite de la tête au pied et reprit, placide comme toujours, malgré la situation :
— Ne me dis pas que d'habitude ça marche ? J'attends des réponses, et tu vas me les donner... maintenant.
— Seulement si j'en ai envie, et là, ce n'est pas le cas, tranchai-je avant de faire demi-tour.
— Pas si vite !
Il contourna l'îlot et me fit barrage de son corps. Mes yeux contrèrent finalement les siens, marrons, qui exprimaient une profonde amertume. La culpabilité m'envahit et je détournai le regard tandis qu'il prononçait :
— Alors c'est vrai ! C'est arrivé. Tu me trompes avec elle.
Ce n'était pas une question. Il savait. Nier ne servirait à rien, néanmoins je tentai :
— Ce n'est pas ce que tu crois...
— Bien sûr que c'est ce que je crois ! s'excita-t-il. Pourquoi faut-il que tu sois toujours si égoïste ? Tu étais censé m'aimer... même un peu. Après tout ce que j'ai fait pour toi, Rick. J'ai été patient, j'ai attendu encore et encore que tu assumes enfin. J'ai même mis mon amour-propre de côté et toléré ce stupide mariage ! Mais là? Je suis perdu, souffla-t-il, dépité. Je ne sais même plus dans quel but, je me bats. Je ne sais pas pourquoi je suis là à attendre que tu me dises qu'il ne s'était rien passé entre vous, alors que je sais pertinemment que c'est faux.
Une larme échoua sur sa joue et je sentis des griffes me labourer de l'intérieur. Il avait mal. Sara avait mal. Je ne me sentais pas en droit d'avoir mal, mais c'était trop tard, moi aussi j'avais mal.
— Je ne sais pas quoi dire, admis-je dans un murmure. Tout ce que je sais, c'est que je ne veux pas te perdre.
Je levai ensuite une main pour lui toucher la joue, mais il pivota la tête pour l'éviter. Découragé, je laissai lourdement mon bras retomber le long de mon corps et repris difficilement, la gorge nouée :
— Crois-moi, Marcos, je t'aime. J'ai besoin de toi. Ce qui est arrivé avec Sara était... une erreur et je...
Il m'interrompit d'un geste de la main et entama une longue respiration. Ses yeux étaient voilés de larmes et il lutta longtemps afin de les ravaler, sans succès.
— Tromper n'est pas une erreur, reprit-il d'une voix chevrotante. Ça ne l'est jamais. Quand on aime vraiment une personne, on ne peut pas toucher à une autre, sans penser au mal que ça va lui faire. Si ton désir pour quelqu'un d'autre peut-être assez fort pour faire taire l'amour que tu es sensé me porter, on ne parle pas d'amour. Je ne sais pas ce que tu ressens Rick, mais ce n'est pas de l'amour.
Il tourna les talons et se rendit dans la salle à manger au décor minimaliste contiguë à la cuisine. Il attrapa ensuite sa veste qu'il avait soigneusement déposée sur le dossier d'une chaise et l'enfila.
— Ne pars pas, l'implorai-je d'une voix rendue faible par l'émotion.
— C'est ça le problème Rick. Je m'en vais, mais je ne pars pas, déclara-t-il avec une expression dépitée. J'aimerais franchir cette porte et ne plus revenir, mais je ne vais pas me mentir. Je sais que je reviendrai, car ces miettes que tu me donnes sont devenues ma drogue. Voilà ce à quoi l'amour m'a condamné.
Je m'écroulai contre le mur le plus proche lorsque le bruit de la porte d'entrée qu'il refermait derrière lui me parvint. À ce moment-là, j'aurais tout donné pour n'être qu'un spectateur de ma vie, et pouvoir dire que je n'aimerais pas être à la place du type qui serait moi.
Mais hélas !
Je finissais toujours par blesser les gens autour de moi. Pas grand-chose n'avait changé après toutes ces années finalement. Ça me faisait du mal de le voir dans cet état, mais à quoi m'attendais-je exactement ?
Le pire, c'était que je ne pouvais pas dire que je regrettais ce qui s'était passé avec Sara. Pourtant, je ne voulais pas perdre Marcos.
C'était ce qui s'appelait vouloir le beurre et l'argent du beurre.
Je respirai un bon coup avant de me lever en direction de la salle de sport. Je réfléchissais toujours mieux après avoir fait de l'exercice. J'espérais que l'effort m'aiderait à voir plus clair à la situation.
Pourtant ça ne marcha pas cette fois. Après plus de deux heures à fatiguer mes muscles, j'étais crevé, mais je n'avais toujours aucune idée de la décision à prendre.
Il était plus de minuit lorsque n'arrivant pas à trouver le sommeil, je décidai d'appeler Daphney.
— Daph, je peux venir chez toi ?
— Enfin, il se rappelle de mon existence ! soupira-t-elle de façon théâtrale.
Je l'imaginais accompagner ses paroles de grands gestes de la main et je souris. Effectivement, ça faisait un bail qu'on n'avait pas eu de vraies conversations comme au bon vieux temps. Mais ce soir-là, je n'avais vraiment pas vu vers qui d'autre me tourner.
- Viens donc, reprit-elle, de façon plus avenante. En fait merci de m'avoir appelé, je cherchais mon téléphone depuis plus d'une heure.
Ça ne m'étonnait pas le moins du monde. Daphney avait la manie de perdre tout ce qu'elle touchait.
— Je vais chercher de la glace, ajouta-t-elle comme pour me convaincre en cas d'hésitation.
— Je ne mange pas après vingt-trois heures, rappelai-je.
— C'est ce qu'on va voir ! lança-t-elle avant de raccrocher.
En effet, pas plus d'une demi-heure plus tard, j'étais dans son salon bleu au décor industriel, en train de me gaver de crème à la glace — gros doigt d'honneur à mon régime — alors que ce n'était même pas mon cheat day. Le jour de relâche, comme je l'appelais le plus souvent, était le seul jour dans une semaine, où j'avais le droit de manger toutes les cochonneries qui me plaisaient.
Oui, je faisais très attention à mon corps, à mes cheveux et... à mon apparence en général. C'était normal, elle représentait une bonne partie de mon gagne-pain. Mais aussi, je prenais soin de moi, car j'aimais être fier de mon reflet dans le miroir. Mon corps avait tendance à stocker rapidement du gras et je détestais quand ça arrive. À mon avis, ne pas pouvoir me faire plaisir tous les jours afin de protéger mes abdos, c'était la moindre des choses.
Mais il faut dire que Daphney était douée pour me convaincre. Je ne savais pas comment elle avait fait pour dégoter ce gros pot de Ben & Jerry's, saveur framboise — ma préférée — à une heure aussi tardive. J'avais vécu pendant plus de seize ans à Pacific Palissades, et à ma connaissance, il n'y avait pas des supermarchés ouverts aussi tard. Peut-être que ça avait changé après mon départ.
Pacific Palissades était un quartier résidentiel avec de grandes villas, quelques maisons anciennes, des condos et des appartements modernes, qui donnaient sur des rues calmes et impeccables.
Daphney y habitait dans un deux-cents mètres carrés de style méditerranéen, avec une vue imprenable sur la côte et les eaux vives du Pacifique. Elle avait vendu l'immense demeure de ses parents, voisine à celle de Dant, pour s'installer dans une autre, plus petite à seulement quelques kilomètres.
Ça paraissait fou, mais je comprenais parfaitement. C'était dans les grands espaces que la solitude se faisait le plus sentir ; j'en savais un rayon sur le sujet.
On demeura tranquillement, pendant plus d'un quart d'heure, à nous gaver de cochonneries sur son canapé : elle, en position de lotus dans un short et un débardeur en satin, moi, dans un survêtement gris enfilé à la va-vite.
On matait Gossip girl ou plutôt « terrain de critique de Daphney Bross », car à chaque nouvelle scène, elle lançait des commentaires du genre : « Non, mais la meuf elle peut pas porter ça ! » , « Non, mais je rêve ? ».
Eh oui, c'était Daphney ; il n'y avait qu'elle seule qui savait s'habiller.
— T'es allé voir ton père ? demanda-t-elle au bout d'un moment sans quitter la télé des yeux.
— Rouge ! prononçai-je la bouche pleine de crème glacée.
— Quoi rouge ? s'intrigua-t-elle en pivotant la tête d'un mouvement vif, qui fit voltiger sa queue de cheval.
— C'est mon mot-clé pour dire que tu es allé trop loin, expliquai-je.
— C'est pas un truc sadomasochiste ça ? fit-elle, pensive. J'étais même pas au courant qu'on baisait. T'es un super mauvais coup alors, je ne ressens rien du tout.
Et ce fut comme ça qu'elle m'arracha mon premier rire de la journée.
— Demander pourquoi t'as l'air de porter le monde sur tes épaules, c'est rouge aussi ? reprit-elle en embrochant un chips.
— J'ai couché avec Sara, admis-je en gardant mes yeux sur l'écran pour éviter de croiser les siens.
Oui, depuis le début, elle avait dit que j'étais égoïste et que je ne pourrais pas m'empêcher de me la faire sans penser aux conséquences sur Marcos. Et moi, je détestais plus que tout qu'on me dise : « Je te l'avais dit. »
— Tu parles d'une surprise ! commenta-t-elle, sarcastique.
— Et j'ai aimé, ajoutai-je.
— Preuve de ton manque de goût.
— C'est différent avec elle.
— Sa soumission t'excite ?
— Tu te trompes sur elle, protestai-je avec véhémence. Elle est loin d'être soumise. Je sais que tu ne l'aimes pas, mais j'ai besoin de ton aide.
— Ce n'est pas que je ne l'aime pas, corrigea-t-elle en passant négligemment ses doigts dans sa blondeur. Je la hais ! Je ne te parle même pas de son look, on dirait une clocharde qui...
— Daphney ! grondai-je, agacé.
— Bon, ça va, céda-t-elle en levant les yeux au ciel. Crache le morceau !
— Marcos en a marre.
— Arrête de déconner ! Va le trouver ! C'est simple.
Je déposai le pot de glace par terre et m'accoudai sur mes cuisses, le visage dans les paumes.
— Non ce n'est pas simple. Je ne comprends pas ce que je ressens pour elle... C'est étrange, j'ai toujours envie de plus. Mais en même temps, Marcos ne mérite pas ce que je lui fais.
— Attends ! s'exclama Daphney en mettant la télé sur mute comme pour mieux se concentrer. Es-tu en train de me dire que tu es amoureux de cette... fille ?
— Non, m'écriai-je en me posant intérieurement la même question. Je... Je ne sais pas ce que je ressens, OK ? C'est totalement inédit pour moi. Je ne comprends rien... Je n'arrive pas à démêler tout ça.
— Ah d'accord, commenta-t-elle d'une voix neutre.
— C'est tout ? m'étonnai-je. Ah d'accord ?
— Que veux-tu que je te dise ? s'emporta-t-elle.
— OK, calme-toi ! Pas la peine de s'énerver.
Pourquoi elle s'excitait d'ailleurs ? Ça n'avait pas de sens !
— Tu sais, reprit-elle. Je pouvais encaisser le fait que tu sois gay. Mais que tu l'aimes...
— Je n'ai pas dit ça, contrai-je d'un ton dubitatif, comme si je n'étais pas entièrement sûr de ce que j'avançais.
Elle se leva du canapé et déclara de façon trop hésitante pour être honnête :
— Je... je dois aller... nourrir K-pop.
— K-pop dort, observai-je en désignant le Shih Tzu de l'autre côté de la pièce.
— Je vais me coucher alors, retenta-t-elle, de moins en moins convaincante.
Je voyais bien qu'elle essayait de s'échapper, je ne comprenais juste pas pourquoi.
— Tu m'as dit que t'avais passé l'après-midi à dormir...
— Alors la vérité, c'est que je ne veux plus te voir, Rick ! finit-elle par exploser. Qu'est-ce que t'espérais que je te dise ? Je te connais depuis la maternelle où t'avais ta petite salopette de merde et tes horribles lunettes à la Harry Potter. Je t'ai vu sauter toutes ces filles, alors que moi, je...
Elle interrompit ses grands gestes et ses mains retombèrent lourdement contre ses cuisses. Elle ferma les yeux longuement avant de poursuivre d'une voix lasse :
— Quand tu m'avais confié que t'étais gay ; en quelque sorte, j'avais été satisfaite. Je me suis dit, tu vois Daphney, ce n'est pas toi le problème. Vingt putains d'années que je te connais ! Cette salope avec ses mochetés à fleurs ridicules arrive, depuis quoi ? Quatre mois et... tu l'aimes ? répéta-t-elle comme si elle n'en revenait toujours pas. Ferme la porte derrière toi, Ricardo ! intima-t-elle d'une voix dure en tournant les talons.
Ce n'est pas vrai ! Ce béguin ne pouvait pas encore être là ! Je préférais croire que c'était l'injustice de la situation qui la révoltait. De plus, je n'avais jamais dit que j'aimais Sara. Daphney faisait toujours dans l'excès.
C'était de l'excès, non ? Pourquoi avait-elle conclu que c'était de l'amour ? Pourquoi pas autre chose ?
Ça lui passera, pensai-je en me levant pour rentrer chez moi.
Oui, on se connaissait depuis tout petit. Et après notre fausse relation en seconde, on avait essayé de sortir ensemble en terminal. Je me souvenais bien qu'un jour, dans ma chambre, nos baisers simples jusque-là, avaient pris de l'ampleur. On serait certainement allé plus loin si je n'avais pas décidé de tout arrêter.
Malheureusement, elle l'avait pris comme une offense, parce que j'avais franchi le cap avec la majorité de ses amies. Cependant, si j'avais couché avec elle, je savais ce qui se serait passé : je l'aurais jetée comme toutes ses copines dont elle estimait chanceuses d'être passées dans mon lit.
Je n'avais pas vu comment lui expliquer que si j'enchaînais autant les filles, c'était parce qu'aucune n'arrivait à me combler totalement. À chaque fois, je croyais que c'était la bonne ; on passait de bons moments, mais à la fin je me retrouvais comme rassasié, mais jamais satisfait.
Ensuite, je passais à une autre, je finissais encore une fois déçu, puis une autre... Tout ça plutôt que d'avouer que ce n'étaient pas elles le problème ; que Crysta avait raison depuis le début ; que j'étais gay.
J'avais décidé que Daphney m'était trop précieuse pour que je prenne ce risque. Parce que peu importait son mauvais caractère, c'était ma plus vieille amie et elle comptait beaucoup pour moi. Cependant, elle ne l'avait pas compris comme ça.
Sur le point de perdre son amitié, je fus bien obligé de lui avouer la vérité. J'admis que j'avais commencé tout ça pour donner tort à Crysta ; que les filles ne m'intéressaient pas vraiment, mais que j'étais arrivé à un point où je ne pouvais plus faire marche arrière.
Je pensais qu'elle avait fait une croix sur moi, puisqu'elle était au courant pour moi et Marcos... et Sara. Quoique Sara, c'était une autre histoire : je ne comprenais toujours pas comment cette fille arrivait à me faire ressentir toutes ces choses.
Notre situation avait quelque chose de perturbateur et d'excitant à la fois. Et même si c'était insensé, je me sentais si vivant, si à l'aise avec elle. Mais peut-être que ça allait nous perdre tous les deux. Elle devait être aussi troublée que moi d'ailleurs. De plus, sa disparition après le texto prouvait bien sa position. Je doutais fort qu'elle s'ouvre encore une fois à moi après ce coup-là.
Finalement, il fallait mieux que j'ignore ces « trucs » que je ressentais. Daphney avait peut-être raison : c'était simple, il fallait que j'aille voir Marcos. Notre relation avait au moins l'avantage d'être confortable, paisible et ... rassurante. Il faudrait juste que j'arrête de déconner. Il avait tant supporté depuis le début, il le méritait bien après tout.
C'est ce que tout le monde aurait choisi, si ?
La seule chose que Marcos ait fait dans cette histoire, c'était trop m'aimer. Et moi, j'avais profité de sa tolérance pour le blesser. Ce que je lui faisais n'était pas juste ! J'en avais totalement conscience.
Mais et Sara alors ? me souffla une petite voix.
Je savais ce que je voulais : ne pas avoir à faire de choix. Cependant, je savais aussi ce qu'il fallait faire : choisir.
Ce que je fis à contrecœur...
29-l'accueil
Marcos, les sourcils froncés, me dévisagea, moi et mes courses à travers l'entrebâillement de sa porte d'entrée. Nullement impressionné, je lui adressai un grand sourire de réceptionniste qui avait l'habitude de faire céder plus d'un. Cependant, son expression demeura obstinément austère et un chouïa ennuyée.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— C'est ce qu'on appelle un accueil glacial, grimaçai-je. Peu importe, vous avez bien demandé un cuisinier sexy ? repris-je d'une manière enjouée, composée spécialement pour l'occasion.
— Non !
— Je corrige ; c'est ce qu'on appelle un accueil polaire, commentai-je dans ma barbe, avant de m'exclamer gaiement, aucunement découragé : mais on s'en fout ! Vous devez accepter la livraison.
Je poussai la porte de mon épaule pour entrer et il la referma derrière moi avec un soupir découragé.
Il m'emboîta ensuite le pas dans la vaste pièce lumineuse parée de baies vitrées sur la quasi-totalité de son pourtour. Il comprenait : le salon à l'avant, la salle à manger plus loin, et la cuisine au fond, où le mur en verre rencontrait celui, en pierre. Lorsque j'y arrivai, je déposai mes courses sur le plan de travail et sortis mon livre de recettes. Je le pliai ensuite à la page que je cherchais et me frottai les mains d'anticipation.
— Voyons voir !
Une expression légèrement curieuse remplaça momentanément celle, blasée, sur le visage de mon hôte. Il détaillait chacun de mes gestes, les mains croisées sur son torse dans un tee-shirt blanc à manches longues, en total contraste avec sa peau chocolatée. Pourquoi recouvrait-il toujours son tatouage d'ailleurs ? Je devrais penser à lui demander un jour.
— Tu fais quoi là au juste ? m'interrogea-t-il.
— Je vais cuisiner ! C'est ce que font les cuisiniers sexy, non ? En plus d'être super sexy, bien sûr.
— Tu ne sais pas cuisiner, souligna-t-il calmement.
— Bien sûr que si ! protestai-je avec une fausse expression vexée.
— Ne compte pas sur moi pour te laisser saccager ma cuisine, ou pire provoquer une explosion.
Je feignis de recevoir une balle en plein cœur suite à sa pique.
— C'est blessant !
— Sors de ma cuisine, Rick, formula-t-il d'un ton las.
— Ok, mais comment veux-tu que je transporte le four, les ustensiles et mes courses jusqu'au jardin ? Je ne suis qu'un cuisinier sexy !
J'écartai les bras avec un sourire aguicheur et il me répondit d'un regard incendiaire. Je levai les mains en signe de reddition et repris plus sérieusement :
— Je ne vais nulle part Marcos, mets-toi bien ça dans le crâne. Ensuite, je vais faire ce plat. Conchiglioni farcis au veau, lus-je dans le livre que j'avais acheté exprès, car je savais qu'il aimait la cuisine. On raconte que c'est le dîner qu'il faut pour se faire pardonner. Je paie rien pour essayer ! Et si tu tiens autant à ta cuisine, t'as pas d'autre choix que de m'aider. Sinon, tais-toi et rédige ton testament au cas où on exploserait pour de bon, car je n'ai aucune idée de comment fonctionne ce truc antique. OK, tu aimes les pièces uniques, mais il était à qui ce four ? Christophe Colomb ?
— Haha ! ironisa-t-il en levant les yeux au ciel. Dégage ! Passe-moi la recette. Toi, tu touches à rien.
Il avait enfilé un tablier par-dessus son tee-shirt et son jean noirs. Il tendit ensuite la main pour saisir le livre, mais je lui fis barrage avec mon corps. On commença alors à se dévisager, nos visages seulement à quelques centimètres l'un de l'autre.
— On dirait que tu n'as pas compris, murmurai-je en détachant chaque syllabe pour être sûr de bien me faire comprendre. Je ne vais nulle part, et on réalisera cette recette ensemble.
— Tu sais que ça ne va pas arranger les choses ? me prévint-il, le front plissé, en parcourant lentement mon visage de ses yeux ambrés.
Je connaissais ce regard. Si on ne s'était pas engueulé, il m'aurait sûrement embrassé. Cependant, il réussit à tenir bon. Pour cacher ma déception, je me remis à déballer les ingrédients et dis :
— Peu importe. Je voulais juste être avec toi.
— Parce qu'elle n'est pas là ?
— Parce que c'est ce que je veux, corrigeai-je sans croiser son regard. Je ne suis pas amoureux de Sara.
— Mais tu es marié avec elle. Pourquoi déjà ? Oh, pour cacher le fait que tu sors avec moi, fit-il, sarcastique.
J'interrompis mes gestes, fermai les yeux, respirai un bon coup et annonçai :
— J'ai l'intention de le faire.
— Quoi ? s'intrigua-t-il.
— Dévoiler notre relation, mais...
— Car oui, il y a toujours un mais, coupa-t-il sans parvenir à cacher son irritation.
— Mais ! répétai-je en pivotant pour lui faire face. On devra attendre un an.
— Mais bien sûr !
— Marcos, je sais que dès le début, j'aurais dû le faire, mais j'avais peur, m'excitai-je devant ses piques sarcastiques.
Je comprenais qu'il soit blessé et fâché. Mais moi, je faisais de grands efforts. D'aussi loin que je me rappelle, c'était la première fois que je m'en donnais la peine. OK, depuis le début, j'avais fait fi de ses sentiments et me comportais comme un gros connard. Mais justement, j'essayais de changer ça, et son comportement n'était franchement pas encourageant.
— Putain, j'ai encore peur même là maintenant. Cependant, tu as raison, soupirai-je. Quand on aime quelqu'un, le désir ou autre chose pour quelqu'un d'autre ne devrait pas pouvoir faire de l'ombre à cet amour. Je me suis dit que la peur non plus. Je ne sais pas quelle conséquence ça aura sur ma vie, ni sur ma carrière. Mais... mais tu mérites que je prenne le risque.
Un ange passa, il inséra ses mains dans les poches de son jean, les enleva, les remit... Et moi, je me dandinais sur place en attente d'une réponse. Un lourd malaise planait dans la pièce, et je n'étais visiblement pas le seul à le sentir.
— Je... tu veux que je réponde quoi à ça ? balbutia-t-il d'un air penaud.
— Je sais pas, moi. N'importe quoi. Dis-moi que tu comprends, ou que tu me crois. Je ne vais plus te faire de la peine, Marcos. Je te promets qu'il ne se passera plus rien entre Sara et moi. Ou entre moi et quiconque...
— Un an, c'est long, fit-il remarquer.
— Je sais, admis-je. Je dirai tout à Sara, dès son retour. Mais je ne peux pas le dire à d'autres personnes pour le moment. Comprends-moi. Dans un an, après mon divorce, je pourrai être le mec qui finalement découvre qu'il aime les hommes, dont un en particulier. Mais si je le fais maintenant. Je serai le mec qui aime les hommes, mais qui a orchestré un mariage pour le couvrir. J'ai pas besoin de ça ! Je prépare un album.
— On s'occupe de ce plat ? fit-il, le visage fermé, en passant de coq à l'âne.
Je détestais quand il faisait cela et presque involontairement mes mâchoires se contractèrent de frustration.
— Qu'est-ce que ça veut dire, on prépare ce plat ?
— Ça veut dire : est-ce que tu es toujours d'humeur pour réaliser cette recette à laquelle tu tenais tant à ton arrivée ?
Suite à ça, il me tendit un tablier pareil au le sien. C'était là, sa façon de mettre fin à la conversation.
Je l'avais blessé. Je ne m'attendais quand même pas à ce qu'il oublie tout du jour au lendemain. Le fait qu'il ne m'ait pas rejeté était déjà très généreux de sa part. Mais malgré tout, je ne pouvais m'empêcher d'être en pétard. Je n'arrivais pas à croire que je venais de dire tout ça, juste pour... cette réaction quoi ! Je faisais des efforts, putain ! Finalement, être un connard égoïste n'était pas si mal que ça.
Mais bon, j'étais déjà là, et laisser exploser ma colère ne risquait pas d'arranger les choses. Je n'insistai pas, attrapai le maudit tablier et me contentai de suivre ses instructions, puisque comme il l'avait énoncé plus tôt, j'étais nul en cuisine.
On cuisina donc ensemble, ou plutôt, il cuisina pendant que je faisais le con. On mit ensuite la table et on s'installa pour manger. Il avait réussi la recette avec brio. C'était très délicieux, et ça ne m'étonnait même pas : Marcos était un vrai cordon bleu.
— C'est bon ? s'enquit-il au bout d'un moment pour meubler le silence.
— Non !
Suite à ma réponse, il s'immobilisa, sa fourchette à mi-chemin vers sa bouche. Devant son expression choquée, je ne réussis pas à garder mon sérieux bien longtemps : j'éclatai de rire. Je l'avais eu !
— C'est pas drôle, Rick ! marmonna-t-il, bougon.
— Tout ce que tu fais est parfait ; t'avais pas à poser la question.
Je désignai la pièce tout droit sortie d'un magazine de décoration autour de nous afin d'illustrer mes propos.
— Tu vois, rien ne dépasse. D'ailleurs, pourquoi es-tu si pointilleux ? C'est quoi ton délire avec l'ordre ?
Il ne répondit pas et garda obstinément ses yeux dans son assiette en piquant dedans.
— Bon, j'imagine que je n'ai pas encore le droit à toutes les réponses. En tout cas, c'est délicieux, ajoutai-je plus sérieusement.
— Merci, dit-il tout simplement sans daigner m'accorder un regard.
Après cela, on se remit à manger en silence. Sauf qu'au bout d'un moment, j'en eus marre.
— Parlons ! Je déteste être ignoré.
Il demeura muet et mon agacement redoubla. Je décidai alors de jeter ma fourchetée par terre et ses yeux écarquillés croisèrent finalement les miens.
— Rick !
Je savais bien que salir ou déranger quelque chose était le moyen le plus rapide d'avoir toute son attention. Sans rompre notre contact visuel, je poussai mon assiette de la table et celle-ci s'écrasa en couvrant le parquet de pâtes, de viande, de salade et de débris de porcelaine.
— Mais pourquoi t'as fait ça ? s'horrifia-t-il.
— Tu vois, c'est ce que j'aime, m'amusai-je. Les conversations...
Je me levai de la table et attrapai le pot de jus.
— Rick non ! cria-t-il.
— Les échanges... poursuivis-je en versant le liquide rosé sur le parquet vitré, tout en me déplaçant dans la salle d'un air nonchalant.
— Non !
Il se leva et se couvrit le visage de ses deux mains, comme s'il luttait pour se réveiller d'un cauchemar. Il rouvrit les yeux, regarda le carnage et se barra la bouche de ses doigts dans un geste scandalisé.
— Tu vois ce que je veux dire ? le narguai-je avec un sourire mauvais.
— Non, non, non, débitait-il comme un robot en scrutant la pièce autour de lui avec une expression incrédule.
— Pardon, tu comprends pas ? Bof ! fis-je avec un haussement d'épaules avant de verser tout le contenu du récipient par terre.
— Arrête ça, bordel ! finit-il par crier, hors de lui.
Ce n'est pas trop tôt, hein !
Il semblait à bout. Je suppose que c'était la première fois qu'il y avait un tel désordre chez lui. Lui qui affectionnait tellement l'ordre ! Moi par contre, je jubilais de l'avoir fait réagir. Cette froideur m'étouffait.
— OK, OK, je ne t'ignore plus, promit-il, d'une voix désespérée. Laisse ma maison tranquille !
— Voilà ! m'écriai-je. C'était pourtant facile. En fait, désolé, conclus-je, pas navré pour deux sous en laissant tomber le pot qui se brisa au contact du sol.
— Riiiick ! hurla-t-il, bouillonnant de rage.
Il s'avança à grands pas vers moi tout en faisant attention à ne pas piétiner les morceaux de pâtes, ou les débris de verre et de porcelaine. Un sourire arrogant sur le visage, je l'attendais en escomptant un coup-de-poing ou même une gifle. Je ne savais pas pourquoi, mais je voulais qu'il me frappe.
Cependant, en arrivant en face de moi, il m'adressa un regard incendiaire et serra les poings en fulminant sur place.
— Vas-y ! Sers-t'en, le provoquai-je en désignant ses mains.
Il ferma les yeux pour se forcer à rester calme, et je levai les yeux au ciel. Je m'attendais à quelque chose : peut-être une bourrade... ou un baiser, qui sait ? Je ne savais pas quoi exactement, mais je voulais qu'il me fasse ressentir quelque chose. Et là, sincèrement j'étais déçu.
— Quoi ? Encore le silence ? Attends, je vais...
— Non ! me stoppa-t-il dans mon élan en m'empoignant par le bras.
On resta un bon moment dans cette position et il finit par lancer :
— J'aurai l'air de quoi si je fais une croix sur tout et que je te pardonne ?
— Ça ne va plus se reproduire, assurai-je avec fermeté.
— Dis-moi juste de quoi j'aurai l'air !
— De toi, avec un grand cœur ? hasardai-je avec une petite moue dubitative et un haussement d'épaules.
Il regarda encore une fois tout autour de lui, l'expression vaincue, atterrée...
— Pourquoi je t'aime enfin ?
— Je suis drôle ? Irrésistible ? Trop craquant ? B...
Je parlais, mais ses yeux paniqués ne quittaient pas le bordel que je venais de faire dans la pièce. Ce mec était un vrai malade ! Je me promis de ne plus toucher à ses affaires, même pour rigoler.
— Bon OK, soupirai-je, dépité. Je vais tout nettoyer.
Ce n'était pas de ma faute, mais je ne pus m'empêcher d'imaginer Sara dans la même situation. À mon avis, elle se serait énervée et m'aurait sali à son tour avec de la bouffe. Ensuite s'en serait suivi un beau carnage, mais j'étais certain qu'on aurait fini par en rire.
Avec le petit sourire qui avait pris naissance au coin de mes lèvres en imaginant la scène, je filai chercher l'aspirateur et une serpillière.
— Laisse-moi t'aider ! proposa Marcos à mon retour.
— OK ! répondis-je sèchement.
C'était désormais mon tour d'être froid. Non, je ne m'attendais pas à ce qu'on se réconcilie sur l'oreiller. Enfin si, un peu. Mais voilà, je ne pouvais rien changer au fait que j'étais déçu.
On rangea tout en silence. Et lorsqu'on eut fini, ne supportant plus cette ambiance pesante, je décidai de partir. Je lui en informai avant d'attraper mes clés et il fronça les sourcils :
— Déjà ?
On passe tellement un bon moment !
— J'ai un morceau à jouer à un anniversaire, expliquai-je.
En fait, ce n'était que pour très tard, mais je ne voulais vraiment plus rester. Cependant, devant son expression déçue, je me surpris à ajouter :
— Je reviendrai demain au sortir du studio. Tu veux que j'apporte de quoi cuisiner à nouveau ?
L'époque où j'étais un gros connard commençait sérieusement à me manquer. C'étant chiant de se soucier des sentiments des autres.
— Ouais, ce serait cool, sourit-il légèrement.
Il semblait vaguement plus détendu, maintenant que tout était bien rangé et nettoyé. C'était quoi cette obsession ?
— Cool ! répétai-je sans parvenir à me forger un sourire cette fois-ci.
Il me suivit ensuite jusqu'à la voiture, dans la cour protégée par une haute grille et une barrière en fer forgé, munie d'un digicode que moi seul après lui pouvais déverrouiller.
Par politesse, je baissai la vitre du côté conducteur. Il s'inclina et me dit doucement :
— À demain alors !
— Ouep.
— Au revoir et je... je t'aime.
Le vinyle sur le siège passager me dispensa de répondre. Et à ce moment-là, j'arrivai presque à ne pas regretter toutes les démarches que j'avais dû faire pour l'obtenir.
— Ah merde ! Je t'ai apporté ça. J'avais oublié.
Je lui tendis le disque dans sa pochette d'origine et ça provoqua un sourire sincère sur son visage.
C'était un amateur de ces genres de trucs, comme le prouvait bien le tourne-disque dans un coin de son séjour, plus l'étagère avec la grosse collection de vinyle.
J'aime les pièces uniques, m'avait-il confié.
Alors quand Jason m'avait parlé de ce collectionneur qui décidait de céder sa pochette de Bob Dylan, je m'étais empressé d'entrer en contact avec lui. Après tout, cinq chiffres, c'était trois fois rien pour moi. Ce serait tellement facile de le remplacer. Rien que mon contrat pour le shooting du nouveau parfum Gucci, la semaine prochaine, en valait le quadruple.
Je finis par prendre la route et montai le son sur Everything I didn't say des 5sos en conduisant à toute vitesse sur la voie déserte.
Je n'arrivais toujours pas à me défaire de ce sentiment d'insatisfaction. Je n'étais pas heureux de mon choix, pas la peine de me mentir.
Je ne sais pas ce que tu ressens Rick, mais ce n'est pas de l'amour.
Il avait raison. Si j'avais un doute, j'en étais désormais certain : je n'étais pas amoureux de lui. Malheureusement, lui l'était et je n'avais plus le cœur à le faire souffrir.
Tu vois Daphney, je ne suis pas si égoïste.
***
J'arrivai aux environs de 22 h dans le club privé déjà bondé de monde. Par monde, je parlais là de gosses de riches chacun plus pourri gâté et arrogant que les autres. Je disais ça parce que je savais les reconnaître, vu qu'il n'y avait pas encore longtemps, j'étais l'un d'entre eux.
C'était une soirée à thème « Anges et démons ». Des canapés aux coussins blancs et argentés étaient disposés d'un côté, des rouges et des noirs d'un autre. La déco était super réussie. Il y avait bien le coin ange et le coin démon, mais au plafond, des guirlandes noires, blanches et rouges ; des nuages en carton et des fourches du diable se mêlaient tous harmonieusement.
Côté buffet, les plats étaient tous blancs chez les célestes et des serveurs avec des ailes servaient du vin blanc. Chez les démons, c'était bien sûr le contraire : des pommes d'amour, des plats aux aspects douteux que je n'arrivais pas à identifier, et des serveurs en cuir moulant noir et rouge servant de vin rouge. C'était vraiment cool !
Pourquoi n'y avais-je pas pensé pour mon anniversaire de seize ans ?
Bien que je ne portais pas d'accessoires comme la plupart des gens présents, j'étais entièrement vêtu de noir : veste-cape longue par-dessus un pantalon en similicuir et un tee-shirt à col montant, plus des bottes de motard. Heureusement qu'il y avait la clim dans ce club, sinon je serais fichu.
J'étais uniquement accompagné de Grant, car j'allais seulement chanter un morceau acoustique et partir. J'aurais pu rester plus longtemps, mais c'était le devoir de ma manager de donner l'impression que j'étais tout le temps occupé, et ce, même si une demande avait été faite par le maire en personne.
Je m'impatientais, et ces cocktails de fillettes qu'on servait au bar étaient tout sauf intéressants. Il n'y avait aucun alcool fort ! Mais j'imaginais bien qu'on se devait de donner l'exemple quand on était fille de maire, en public en tout cas.
Une demi-heure plus tard, la reine de la soirée fit son entrée. Elle portait une petite robe blanche qui devait coûter une fortune, accompagnée de minuscules ailes d'anges plutôt mignonnes.
Oui, ce fut tout ce qui retint mon attention, car la fille du maire en elle-même était banale. Cependant, je savais que ça n'allait pas durer. Les petites riches ne restaient jamais moches bien longtemps. Elle s'avança toute souriante dans ma direction, encadrée de deux copines, dans le bar des démons où j'étais assis dos contre le comptoir à me faire chier.
Sur le point de me faire un câlin, Grant la stoppa dans son élan et ça m'incita sérieusement à penser à l'augmentation du colosse, avant de me rappeler que son chèque n'était pas sous ma responsabilité. En tout cas, je penserais à lui faire un high five, pour tous ces contacts non désirés qu'il m'avait évités.
— Oh, mon Dieu, t'es là ! s'écria la fille du maire, tout excitée, une fois sa déception de ne pas pouvoir me toucher passée.
Bien qu'à mon avis, elle avait plus envie de dire : tout le monde, regardez bien ! Mon papounet d'amour a personnellement fait venir Rick Rivera à mon anniversaire. Qui peut faire mieux ?
Tous les mêmes ces filles et fils de ! soupirai-je intérieurement.
Mais bon, ce n'était pas comme si j'avais été différent, adolescent. Même si personnellement, mon père à moi ignorait ma présence, je n'avais jamais manqué d'argent. Je faisais donc en sorte que les plus grosses soirées, les plus belles filles, les plus belles caisses, bah, c'est moi qui les aie.
Je souris vaguement à Ella et lui souhaitai un joyeux anniversaire. Elle s'en alla avec un sourire radieux et j'attrapai ma guitare acoustique en direction de la scène.
Je saluai le public et soufflai un bisou à la reine de la soirée qui s'éventa de ses mains en devenant toute rouge. Les invités avaient fait silence et j'étais en train d'entamer les premières notes lorsque quelqu'un tapota son micro sur l'un des haut-parleurs, créant ainsi un feedback qui poussa tout le monde à se boucher les oreilles.
Quand on se tourna vers la provenance du bruit. Le coupable s'avança sur le devant de la scène.
— OK, maintenant que j'ai toute l'attention... Salut tout le monde , Salut Rick !
Cet enfoiré !
— J'ai longtemps réfléchi à ce que j'allais offrir à Ella pour son anniversaire. Mais quand je t'ai vu arriver en démon, c'était comme si une ampoule s'était allumée au-dessus de ma tête. Chère Cousine, poursuivit-il avec un sourire goguenard en se tournant vers Ella au pied de la scène. Je t'offre le battle du siècle !
Il pivota ensuite dans ma direction et me provoqua avec son petit rictus :
— Rien que toi et moi, Rivera ; nos guitares et ce beau public pour juge. Tu ne vas quand même pas refuser ?
Les invités d'Ella se mirent aussitôt à scander : « Un battle, un battle, un battle... » Alors que moi, je voulais juste chanter le morceau et partir.
— Michael, je...
— Ange Michael, corrigea-t-il avec une petite courbette en me désignant ses habits blancs.
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