⭐25. Rockstar
— Ça va commencer ! s'excita Corine qui se redressa en prenant appui sur ses deux mains. Ils vont monter sur scène. Merde, j'ai fait tomber la télécommande ! Tu p...
— Oui bien sûr.
Je descendis du lit double et le contournai afin de la lui ramasser. Les pieds nus sur le plancher luxueux, je fis ensuite le chemin en sens inverse et me jetai sur le lit.
La chambre de Corine, aux tons blanc et jaune pastel, était immense. En plus du grand lit à baldaquin, un grand bureau muni d'un ordinateur dernier cri occupait la salle. Il y avait aussi un canapé, et une porte à double battant qui donnait sur un immense dressing. Puis dans un coin, il y avait sa chaise roulante électrique, qui malgré ses multiples options n'équivaudrait jamais les jambes qu'elle avait perdues.
Elle ne mettait plus les pieds dehors depuis l'accident. Elle avait aussi refusé de continuer à vivre avec ses parents. Ceux-ci avaient respecté sa demande malgré son handicap. Après tout, elle avait 21 ans. Elle occupait donc seule avec ses servantes, une grande maison à Studio City, non loin d'Hollywood.
Son père avait veillé à ce qu'elle ne manque de rien. Comme en témoignaient ces multiples bibliothèques, que les servantes renouvelaient de temps en temps sur ordre de monsieur Simms qui connaissait la passion de sa fille pour les livres.
Je me redressai et nouai mes doigts à ceux de ma meilleure amie. Le concert allait commencer.
La fosse était déjà remplie de gens. Le public sur les gradins ressemblait à de minuscules points grouillants. Ils étaient tous surexcités et ne tenaient plus en place.
Rick était de retour après un an d'absence ; la plus longue de sa courte carrière ! On ne pouvait pas vraiment compter ses apparitions à des festivals ou des galas. Là, il allait avoir la scène juste pour lui.
Une clameur agitée s'éleva du public lorsque le noir se fit sur la scène. Pendant ce temps, des jets lumineux rouge, bleu, vert balayaient la foule de plus en plus impatiente. Finalement, une voix hors champ surgit dans tous les speakers de la salle :
— Mesdames et messieurs...
Un silence ponctué de murmures excités se fit dans la salle.
— Il est de retour... poursuivit la voix.
Puis un projecteur s'alluma sur Sam assis au fond de la scène qui faisait frémir délicatement ses cymbales avec un sourire charmeur. Le public poussa un cri pour accueillir l'Asiatique.
— Il est là...
Et un nouveau projecteur illumina Ty qui fit un coucou de la main avant de se mettre à enchaîner des accords mineurs sur sa guitare électrique noir mat, sous les hurlements ravis des fans.
— Juste pour vous...
Le suivant à être éclairé fut Lucas qui avait retrouvé son sourire taquin et qui déchaîna le public en leur envoyant un bisou d'une main. De l'autre, il jouait quelques accords de do mineur, qui créaient avec les riffs de Ty, une intrigante mélodie, quasi imperceptible.
— Accueillez...
La foule s'affola lorsque Jason, debout dans une pose nonchalante se retrouva illuminé avec sa basse en bandoulière. Ce connard était le plus célèbre de la bande après Rick. Et il avait l'air d'en être au courant, car il se passa les doigts dans les cheveux d'une manière terriblement... séductrice, puis sourit au public.
— Rick Rivera ! clama en dernier lieu la voix avec enthousiasme.
Finalement, la star de la soirée fut éclairée, et mon cœur rata un battement en le découvrant. Il arborait son petit sourire arrogant, derrière un micro sur pied, la sangle de sa guitare en travers de son épaule, tandis que la foule criait sa joie à un point pas possible.
Am I destined to drag your ghost everywhere ? chanta-t-il lentement, comme dans un murmure de sa voix profonde et sensuelle.
Puis Sam enchaîna un roulement de batterie tonitruant avec rebond, et Jason, Ty, Lucas lancèrent la mélodie, puissante, entraînante sous les hurlements ravis du public.
Des effets spéciaux de « flammes qu'on attise » apparurent en même temps sur les trois écrans LED de la scène. Le résultat était juste géant !
Ensuite, Rick sourit et entama le premier couplet en retenant le micro de ses deux mains sans l'enlever du pied. Ce qui bien évidemment laissait une vue imprenable sur ses abdos et asséchait ma bouche par la même occasion.
Corine avait poussé le volume à fond et on était tous les deux perdus dans le spectacle. Ghost était vraiment l'une des meilleures chansons de Rick. Et je n'étais pas la seule de cet avis, vu l'enthousiasme du public lorsqu'on arriva au refrain. L'arène de plus de 20 000 personnes l'avait accompagné de leurs voix et c'était époustouflant !
Am I destined to drag your ghost everywhere?
I did my best to forget but you are still there.
I wanna make a cross on this chapter ;
meet what is after.
But every time I close my eyes
Here is your ghost.
Corine et moi n'étions pas en reste non plus depuis notre lit.
On se tenait fort la main et on chantait, en transe, comme tous ces gens au pied de la scène, jusqu'à ceux au sommet des gradins.
— J'arrive pas à croire que tu vois ce mec tous les jours, renifla ma meilleure amie en séchant une larme d'émotion. T'es la meuf la plus chanceuse de tout L.A.... Non, du monde entier.
Je savais ce qu'elle voyait : un mec avec une mèche lui tombant sur un œil, sexy comme un diable. Les paupières closes, chantant de toute son âme, faisant l'amour à son micro sur pied, en osmose totale avec plus de vingt mille gens. Oui, il avait l'air presque irréel !
Des fois, j'étais tentée de croire ça aussi. Par exemple, quand il plongeait ses yeux clairs dans les miens ; il arrivait presque à me donner l'impression que je comptais vraiment pour lui ; que c'était nous deux contre le monde.
Mais ça n'avait rien d'étonnant après tout. J'attendais quoi d'un mec qui pouvait suspendre une salle de 20 000 personnes à ses lèvres ? Ou qui d'un simple regard pouvait te faire croire qu'il ne chantait que pour toi ?
C'était malheureusement comme ça ! Tous ceux qui s'approchaient trop près de Rick étaient destinés à l'aimer et à en souffrir. J'imaginais que cette M.S. devait être dans la même situation, pour lui texter qu'il lui manquait à cinq heures du mat.
Je ne savais pas de quelle meuf il s'agissait, mais je ne lui en voulais même pas. Au contraire, je la comprenais. Je soupçonnais depuis le début que Rick avait une relation avec quelqu'un et qu'il ne s'agissait pas d'un simple coup d'un soir. Les coups d'un soir n'avaient pas le numéro des stars, c'était connu. Les célébrités étaient très pointilleuses sur ce détail. Cependant, m'en douter n'empêchait pas à mon cœur de se briser quand j'en avais la preuve. Il voyait quelqu'un !
Et je ne pouvais rien dire, car techniquement, il ne me trompait pas. On n'était pas ensemble. Il ne faisait qu'être lui-même : Rick Rivera. Le type avec qui j'avais un contrat alors que la terre entière croyait que j'étais la seule de qui il était amoureux ; que j'étais chanceuse.
— Ouais, je suis chanceuse...
Apparemment, Corine n'avait pas noté mon sarcasme, car elle poursuivit allègrement :
— Il sait que tu veux faire ses tee-shirts ?
— Je lui en ai pas encore parlé, admis-je avec un haussement d'épaules.
— Qu'est-ce que je vous envie ! C'est tellement romantique. Il va porter les tee-shirts de ta marque. Je fonds. Oh mon Dieu ! s'écria-t-elle. Il entame Heart marks.
Effectivement, Rick accompagnait désormais les musiciens en grattant frénétiquement sur sa Fender Stratocaster noire derrière son micro sur pied. Ils avaient commencé à jouer ce super morceau de pop-rock sorti pas plus tard qu'hier matin, et que je connaissais déjà par cœur.
Sauf que lorsque vint pour Rivera le moment d'entamer le couplet à la coche. Au lieu de faire silence comme il se devait à la fin de l'instrumentale, le public continua de chanter comme s'ils s'étaient tous mis d'accord avant le concert. Et Rick, coupé dans son élan, se mit à rire, amusé.
— Oh mon Dieu ! C'est sorti hier les gars, n'arrêtait-il pas de répéter, avec une expression aussi surprise que reconnaissante.
Les musiciens avaient perdu leurs mines revêches. Ils étaient dans leur élément, et se donnaient à fond pour créer une mélodie extraordinaire. Ils avaient l'air tellement heureux, tellement exaltés, que je fus tentée de croire que j'avais inventé la scène d'avant le concert. Pourtant, j'avais vraiment eu l'impression que quelque chose clochait.
— OK ! décida finalement Rick avec son sourire de crooner. Je vais juste jouer et vous, continuez de chanter ! J'arrive pas à y croire !
Effectivement, il reprit les bends magnifiques sur sa guitare électrique avec un grand sourire. Tandis que toute l'arène chantait avec fièvre, comme une grande chorale unie, sous l'expression des musiciens, partagée entre l'étonnement et l'enthousiasme.
Les fans balançaient en même temps leurs bras de gauche à droite, certains tenant des pancartes exprimant leur amour. Pendant ce temps, des fleurs, des sous-vêtements, et même des friandises ne cessaient de pleuvoir sur la scène.
Des drones parcouraient le stade et transmettaient les images des visages extasiées des rrivers, qui se tenaient la main pour la plupart, en chantant.
In me it is so dark.
My heart is full of marks.
Those he gave me, or theirs or yours
I can't even count anymore
Oh oh
Heart marks, heart marks, heart marks
Oh oh
My heart is full of marks.
Lorsque le morceau s'acheva sous un dernier roulement de batterie de Sam. Tous les garçons — enfin Ty, Jason et Rick — d'un commun accord sautèrent et retombèrent sur leurs jambes au moment même où les feux d'artifice se déchaînaient et illuminaient l'arène. C'était vraiment trop... WOW ! C'était juste magique !
Le public était fou de joie, comme en témoignaient les clameurs et les sifflements d'admiration. Même moi, si j'avais été là, je savais que je crierais de toutes mes forces. Rick et ses musiciens étaient vraiment des dieux de la scène !
Je surpris Corine à essuyer discrètement une autre larme. Je savais ce qu'elle devait penser. Jamais plus elle ne vivrait une telle chose et ça me foutait tellement la rage !
Le pire dans toute cette histoire, c'était qu'elle n'avait même pas accusé Jason. Elle avait menti à sa famille et m'avait fait promettre de ne rien dire à personne. Comment quelqu'un comme elle avait pu finir avec un monstre pareil ?
Rick avait désormais décroché son microphone du pied et était en train de remercier ses fans. Il s'avança ensuite sur les devants de la scène, la guitare en bandoulière. Et au milieu des piles de fleurs et des lettres d'amour, il ramassa une barre chocolatée, défit l'emballage et croqua dedans.
D'autres personnes pouvaient trouver totalement niais les hurlements d'ovation qui suivirent son geste, mais pas moi. C'était Rick Rivera ! Il était impossible de prévoir sa prochaine action et c'était ça qui le rendait irrésistible.
Personne ne pouvait savoir s'il allait ficher son poing dans le visage de quelqu'un ou embrasser un petit chien. Son comportement était irrationnel, tout comme notre amour pour lui. Et même vivre avec lui ne l'avait pas rendu moins intéressant à mes yeux. Même si à son retour, ce détail n'allait plus compter...
C'était une simple barre chocolatée, et pourtant, il arrivait à rendre le fait de la manger tellement érotique ! Comment il faisait ça ? Il se passa ensuite les doigts sur ses lèvres, d'une manière terriblement sensuelle et il commenta :
— Jase, je t'avais bien dit que leur chocolat avait meilleur goût que ce qu'on achetait.
Ça encore, fit exploser le public de joie.
— Tu bluffes, rétorqua Jason avec un sourire en coin.
— Non, goûte !
Il lui lança le reste de la barre et le bassiste la recueillit dans un mouvement parfait. Corine pressa ma main un peu plus fort et serra les lèvres. Jason avait toujours ce genre d'effet sur elle.
— Hum, soupira le blond avec expression satisfaite. C'est du chocolat magique ou quoi ?
Le public suivait le moindre de leur geste, d'ailleurs les trois écrans géants LED : l'un au fond et deux, de part et d'autre de la scène, affichaient leur visage, aussi grand qu'un immeuble.
— La prochaine chanson, c'est Only a few seconds, non ? lança Jason en ajustant son micro serre-tête qui lui permettait de se déplacer, de jouer librement de son instrument tout en exerçant sa fonction de choriste.
Rick était le seul à utiliser un micro sur pied, il devait sûrement savoir que c'était plus sexy. Jason, Ty et Lucas avaient des serre-têtes. Sam, qui ne chantait pas, n'avait quant à lui que son oreillette à système In-Ear qui l'isolait du bruit de la scène.
L'expression sournoise du blond ne me disait rien qui vaille. Et j'avais raison, car ce qu'il fit ensuite était dans le simple but de me blesser.
Il envoya ce qui restait de la barre à Rick. Celui-ci l'attrapa et la termina dans un haussement d'épaules.
— Dommage que tu aies tout mangé ! s'écria ensuite le bassiste avec une fausse mine navrée. L'élue ne dégustera donc pas ce merveilleux chocolat ! Heureusement que tu en as encore le goût sur les lèvres.
Le fils de pute !
Avant que Rick ait le temps de protester — non pas que j'étais certaine qu'il allait le faire — le public se mit à siffler et crier pour manifester leur enthousiasme face à cette idée.
Only a few seconds était une ballade érotique à la rythmique langoureuse. Quand Rick l'interprétait, il faisait toujours monter une fille, qu'on surnommait L'élue. Il chantait ensuite spécialement pour elle, puis il l'embrassait à la fin... Je parlais d'un vrai baiser, avec la langue et tout...
À chaque fois, des filles criaient à s'en casser les cordes vocales, afin d'être remarquée. C'était une tradition, une habitude, mais je pensais qu'elle aurait pris fin maintenant que...
Que quoi ? Qu'il était marié ? Des fois, j'avais vraiment tendance à oublier que je n'étais rien.
Mais tout le monde pense qu'on...
Il n'allait pas m'humilier devant des milliers de gens quand même !
Apparemment oui, car il adressa mon sourire à ces filles qui tendaient toutes les mains, l'expression implorante, en espérant être choisies. Sauf que cette fois, son rictus était loin de me séduire. Il me dégoûtait.
Il finit par désigner une petite brunette au visage en cœur. Les gars de la sécu la conduisirent ensuite sur la scène à côté de la rockstar. La fille semblait sur le point de faire une syncope tellement elle était émue.
Rick la fit asseoir sur la chaise que son assistante lui avait apportée. Ensuite, il replaça son micro sur le pied en face de la fille afin de pouvoir jouer pour elle. Les écrans géants LED étaient occupés désormais par le visage du chanteur et de la brunette qui n'en revenait toujours pas d'être là.
Corine attrapa la télécommande pour fermer la télé, mais je l'interrompis avec un calme qui me surprit moi-même.
— Non, laisse !
Je voulais dire, laisse-le me briser le cœur en public ; laisse-le en finir. Au moins je n'aurais plus d'endroits où avoir mal. J'allais enfin avoir la raison de le détester.
La chanson venait de commencer sous les cris ravis du public...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top