⭐12. Home sweet home
~ Point de vue de Sara ~
J'étais devant la maison de style Tudor où j'avais passé toute mon enfance à Houston.
Rien n'avait changé. Tout était comme avant mon départ : le quartier paisible aux maisons presque toutes identiques ; la petite allée conduisant à mon ancien foyer, entourée de gazons bien entretenus. Les cheveux bruns coupés court de Diane, - dont on dirait moi en version plus âgée - eux aussi, étaient restés les mêmes.
Ma maman n'avait pas pris une seule ride, malgré le chagrin, dont j'imaginais que la perte de son mari deux ans plus tôt lui avait causé.
Oui, mon géniteur était mort à cause de son problème cardiaque et ça ne me faisait pas plus d'effets que ça. En fait, j'étais même soulagée que ma mère n'ait plus à vivre sous le même toit que celui de qui j'avais hérité mes yeux verts ; ce monstre qui avait réussi à tromper tout le monde de son vivant.
Finalement, tout n'était pas comme dans mon souvenir, dus-je admettre. Je n'avais jamais vu cet homme roux avec des lunettes à monture épaisse et un début de calvitie qui rejoignit précipitamment ma mère, après le cri que celle-ci avait poussé en me découvrant sous le porche.
J'imaginais que c'était lui Edouard. Diane m'avait vaguement parlé de son nouveau compagnon pendant l'un de mes rares appels au cours de ces dernières années, sans rentrer dans les détails.
- Sara ! parvint à prononcer celle qui m'avait mise au monde en gardant ses mains devant sa bouche.
- Salut... maman, soufflai-je avec un sourire qui ressemblait plus à une grimace, tout en me dandinant, mal à l'aise.
Remise de son choc, celle dont j'étais la version miniature se jeta sur moi et me prodigua un câlin qui me coupa le souffle pendant un instant. C'était bien maman, la distributrice de câlins à volonté ! Je souris sur son épaule et la serrai un peu plus fort contre moi en humant son odeur. Ça faisait tellement du bien, après toutes ces années !
Tout va toujours mieux après un bon câlin, m'assurait-elle, plus petite. J'imaginais que c'était à ses élèves de maternelle qu'elle avait répété cette phrase ces dernières années, puisque son unique enfant avait été aux abonnés absents.
Alors que les autres se plaignaient de leurs parents trop stricts ou trop agaçants. Mon problème à l'époque avait été que les miens étaient trop gentils. Oui c'était bizarre dit comme ça. Mais je m'étais toujours sentie différente de ces gens calmes, respectueux des règles et qui ne faisaient jamais rien de travers.
C'était à peine si j'avais un jour entendu mes parents jurer. C'était le couple auquel tout le monde aspirait à ressembler. Tout le monde incluant moi... enfin jusqu'à un certain âge.
J'avais fini par apprendre de la plus cruelle des façons qu'effectivement les apparences étaient pour la plupart trompeuses. En tout cas, ça s'appliquait vachement bien à mon père.
Ma mère, elle, n'était que bonté. C'était la raison pour laquelle que je n'avais pas eu le courage de continuer à la regarder sourire tous les jours à un démon, en sachant que je ne pourrais rien y changer sans la mettre en danger. Mon père m'avait quand même menacée de lui faire du mal si je révélais quoi que ce soit à quelqu'un !
Le pire était que celui-ci n'avait semblé avoir aucun remords pour ses actes.
Dire que je m'étais sentie coupable pour mes bêtises, plus jeune ! Au début de mon adolescence, j'avais été un vrai problème pour mes parents : je contrais ouvertement les dires de mes profs ; je me foutais des conséquences de mes paroles, je disais tout ce qui me passait par la tête... J'avais très peu d'amis et je passais le plus clair de mon temps à chercher la bagarre.
Quand tout le monde obéissait tranquillement, moi il fallait que je sache d'abord pourquoi. Je séchais les cours que je n'aimais pas et une fois, j'avais même fait une blague qui avait envoyé mon prof de chimie à l'hôpital.
Je m'en étais voulu d'être si différente alors que mes parents, parmi les personnes les plus respectueuses de la ville ne souhaitaient que d'avoir une fille normale.
Après ma bagarre à la cantine à quatorze ans, pour défendre Caleb à qui une fille avait adressé une insulte raciste, j'avais arrêté mes conneries. Mes parents souffraient par ma faute : ma mère s'enfermait pour pleurer à chaque fois qu'on lui racontait l'un de mes méfaits. Et j'avais lu de la déception dans les yeux de mon père ; ce qui m'avait brisé le cœur. Je n'avais plus voulu revoir ce regard. Alors j'avais arrêté pour leur faire plaisir.
J'étais devenue presque aussi parfaite qu'eux. J'avais porté le masque de la petite fille sage, alors qu'en dessous résidait encore une rebelle. Mais ce n'était rien comparé à ce que j'avais découvert en dessous de celui de mon père : un criminel de sang-froid ; un monstre...
Un soir, dans ma chambre, alors que Caleb qui s'était disputé avec sa mère alcoolique m'avait rejointe, celui-ci avait déclaré sur le coup de la colère qu'il partirait bien loin s'il le pouvait. Je savais qu'il ne l'avait pas dit sérieusement ; on venait de terminer le lycée et on n'avait pas d'argent, ni aucune qualification. Mais c'était tout ce que j'avais besoin d'entendre. Cette idée avait germé dans mon esprit jusqu'à ce que je me convainquisse que c'était la seule chose à faire.
Je devais partir, je devais disparaître. Mon père tenait trop à l'image de leur couple parfait pour faire quoi que ce soit à maman, sans raison. Alors que si je restais, et si je finissais par craquer, je nous mettrais toutes les deux en danger.
Je ne supportais plus de rester dans cette maison en sachant tout ce que je savais. Alors un soir, où ils étaient sortis au théâtre comme le couple parfait qu'ils étaient ; j'avais rempli un sac, récolté toutes mes économies et je m'étais enfuie avec Caleb au volant de ma vieille Ampala.
Celui-ci avait été réticent à partir, même s'il détestait lui aussi sa vie avec ses parents. Et à chaque fois qu'on rencontrait une difficulté sur la route, il me rappelait que c'était de ma faute.
Repenser à Caleb avec ses cheveux bouclés faisait toujours remonter ce truc dans ma gorge ; ce sentiment de trahison...
Je ne lui avais jamais parlé du secret de mon père, mais on avait partagé tellement de trucs ensemble depuis notre enfance. Pourtant, d'un claquement de doigts, ce connard aux ascendances arabes avait décidé que je ne le méritais plus, alors que j'avais tout donné dans notre relation.
J'avais été prête à tout pour le garder et empêcher sa colère. J'étais désormais heureuse que cette Sara n'existait plus. Mais à l'époque j'acceptais presque tout afin de gagner de l'argent pour qu'il soit de bonne humeur : j'avais été serveuse, baby-sitter, mascotte...
Il n'avait jamais travaillé pendant notre vie de nomade à travers tout le pays, alors que j'avais toujours soutenu et encouragé son unique but dans la vie : celui de devenir chanteur. Rêve qu'il avait abandonné à la minute où il avait hérité du magasin de son père mort à la suite d'un infarctus ; à l'instant même où il avait décidé qu'il voulait d'une vie plus sérieuse ; au moment où il avait conclu que je n'étais pas digne d'en faire partie.
Les seules fois où il avait gagné quelques sous par lui-même étaient quand il chantait dans des cabarets ou des bars. Caleb ne comptait que sur son avenir musical et il refusait tout travail n'ayant pas rapport avec celui-là. Il n'était pas mal, mais ce n'était rien comparé à la voix puissante et profonde de Rick.
Rick ! Swan Ricardo Rivera. Oui, j'avais trouvé son premier prénom. Ça m'avait pris du temps, mais qu'est-ce qu'on ne trouvait pas avec persévérance ? Et de la persévérance j'en avais à revendre. Sinon, je ne m'obstinerais pas ainsi à vouloir gagner le cœur du rockeur alors même que j'avais vu des filles se succéder, toutes avec cet objectif en tête. Cependant moi, j'avais quelque chose qu'elles n'avaient pas : un contrat d'un an.
Notre mariage était pour bientôt ; la raison même pour laquelle j'étais à Houston. Je parlais à maman au téléphone quand celle-ci avait demandé Rick, dont elle avait entendu la voix tout près. Ils avaient discuté un bon bout de temps, mais je n'aurais jamais cru que le « Bien sûr, comptez sur moi ! » de Rivera était parce qu'il avait accédé à la requête de Diane de me ramener à la maison pour le mariage.
J'avais été furax, mais cette fois-ci je n'avais pas trouvé le courage de dire à ma génitrice que je ne viendrais pas. Elle me suppliait depuis si longtemps.
Alors voilà, j'étais là, après presque cinq ans d'absence. La fille prodigue était de retour. La fille prodigue allait se marier.
La séance câlins était loin d'être terminée. Même après plusieurs minutes, maman me relâchait puis me reprenait dans ses bras comme si elle craignait que ne disparaisse si elle s'éloignait trop longtemps.
- Désolée, renifla-t-elle en essuyant ses larmes, l'émotion plein la voix. Ça fait tellement longtemps que je ne t'avais pas vu en chair et en os. Ma petite fille !
Son enthousiasme fit remonter ma culpabilité et je ne trouvai rien à dire tellement j'avais la gorge nouée. Elle aussi m'avait manqué, mais je n'avais pas eu le choix de partir.
Elle essuya ses larmes et allait sûrement me reprendre dans ses bras si Edouard ne s'était pas interposé :
- Diane, laisse-la souffler ! Elle doit être fatiguée.
- Oui oui, bien sûr ! concéda-t-elle en hochant la tête avant d'annoncer sans me lâcher la main : Sara, voici Edouard. Edouard, Sara... ma fille.
Je serrai la main que me tendit le mari de ma mère et celle-ci s'enquit de cette voix douce qui la caractérisait tant :
- Où est ton sac bébé ?
- Quinn va s'en occuper, assurai-je avec un petit sourire timide. Ne t'en fais pas !
Ça me faisait tout bizarre d'être là. J'avais l'impression d'être dans un rêve... vraiment gênant.
- Quinn, répéta ma mère, intriguée, en jetant un regard derrière moi où se tenait le sino-américain qui me servait de chauffeur le temps que je décroche mon permis. Mais Rick...
- Rick ne peut pas venir maintenant, expliquai-je. Il est pris à L. A. à cause d'un contrat avec une marque. Quinn est mon garde du corps.
- Ah d'accord ! fit ma mère d'une voix distraite comme si elle avait besoin de temps pour assimiler que sa fille avait un garde du corps. Enchantée Quinn ! finit-elle par chantonner avec un sourire accueillant.
On rentra, et plus tard dans la soirée, je refermai la porte de mon ancienne chambre avec un soupir.
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