⭐10. Puis-je ?

J'avais toujours aimé les garçons depuis mon plus jeune âge. Avant, je ne l'avais pas mal pris, parce que je n'y voyais rien d'anormal. En fait, on ne le prenait jamais mal, jusqu'à ce que la société et ses étiquettes interviennent.

Ensuite, si on était fort, on assumait jusqu'au bout, avec tous les inconvénients qui allaient avec. Mais si on était lâche comme moi, on choisissait l'une des voies les plus faciles : on niait, on refoulait ses sentiments, on endossait un rôle...
Comme si ça allait faire disparaître ce qu'on ressentait au plus profond de soi. Comme s'il était possible de juste choisir de ne plus être attiré par le même sexe. Combien de fois avais-je entendu des gens dire à une personne qui venait de faire son coming-out :

— C'est ton choix, je le respecte.

C'était tellement plus que ça ! L'homosexualité n'est pas un choix, c'est une préférence.

Tout comme vous n'aviez jamais su pourquoi vous préfériez le rouge au bleu, ou les pommes aux fraises. C'était comme ça, c'était tout.
Il en allait de même pour nous. On préférait le même sexe, c'était tout.
Bien que pour moi, je susse que c'était un petit peu plus compliqué que ça.
Mais bon, je n'avais pas créé le monde. J'y vivais tout simplement. Et ceci des milliers d'années après que des gens eurent décidé que les relations homosexuelles étaient une abomination.

Les temps avaient changé ; on avait évolué. Mais alors que certaines personnes repoussaient ces idées insensées, d'autres continuaient d'y croire. Et de pauvres personnes qui n'avaient rien fait d'autre à part naître avec des goûts différents en payaient le prix.

Le pire, c'était qu'à une époque jugée éclairée, les gens pussent encore gober n'importe quoi sans vraiment s'interroger.

Par exemple, cette stupide idée selon laquelle tous les gays étaient efféminés. Comme connerie, on ne pouvait pas dire mieux !
Efféminé n'était pas toujours synonyme de gay, tout comme virilité n'état pas toujours synonyme d'hétérosexualité. Par exemple, il existait pas mal d'efféminés hétéros. Et je crois que parmi les personnes gays, si certaines sont efféminées par préférence, d'autres le font par provocation. En somme, un exemple concret du retournement de stigmate.
Moi, j'étais à cent pour cent viril et Marcos aussi. C'était, là encore, une question de préférence.

Il y avait encore une croyance stupide selon laquelle quand on aimait les garçons, on trouvait les femmes répugnantes. Ce qui était complètement débile.

Depuis l'épisode avec Chrysta, je ne m'autorisais même pas à regarder un homme pendant trop longtemps. Or, il fallait bien que je baise. Si j'avais trouvé les femmes répugnantes, j'aurais été dans un sacré bordel.
Pourtant, j'avais beau prendre du bon temps avec elles, j'avais comme un manque inassouvi ; manque qui disparaissait quand j'étais avec Marcos. Comme je l'avais dit, c'était une affaire de préférence.

Et là vous allez me dire, OK, c'était bien beau tout ça, alors pourquoi avoir orchestré tout un mariage pour cacher le fait que j'avais un copain ? Eh bien, j'avais peur. J'étais mort de trouille. Depuis toujours, mes décisions étaient pour la plupart influencées par les désirs de mes fans.
Mon équipe essayait de prévoir ce qui leur plairait, et je le leur donnais. Alors quand j'essayais d'anticiper leur réaction face à une révélation pareille... Comment dire ? Mes prévisions n'étaient franchement pas encourageantes. Je risquais de perdre tellement gros. Et pourtant, j'étais certain d'aimer Marcos. Enfin... pas aimer au sens pur. Mais je ne voulais pas le perdre.

À notre première rencontre, il y avait de cela six mois, à cette fête d'anniversaire d'une grande créatrice de mode, je n'aurais jamais imaginé qu'on finirait par avoir une quelconque relation. La styliste était une amie à moi. J'avais voulu lui faire plaisir en chantant à sa soirée. Et puis, était arrivé ce photographe duquel je n'avais pas pu détacher les yeux, malgré mes efforts.

Finalement, j'avais succombé et m'étais retiré dans un coin pour avoir le loisir de le dévorer des yeux. Je ne pensais même pas qu'il l'avait remarqué. Cependant, avant de partir, il m'avait glissé sa carte entre les doigts en murmurant :

— Moi aussi, je te trouve canon.
J'avais longtemps hésité. Oui, des hommes m'avaient déjà dragué et plusieurs fois, j'avais été tenté. Mais je n'avais pourtant jamais cédé.

Cependant, après une semaine à y repenser et à tourner sa carte entre mes doigts, j'avais fini par l'appeler.
Au début, on se voyait que pour discuter. Ensuite, j'avais commencé à aller chez lui, où il avait toujours un plat à me faire goûter.

Contrairement à moi, ce n'était pas sa première expérience avec les hommes. Marcos savait qu'il était gay depuis son plus jeune âge, et il l'avait assumé, même si ça lui avait attiré les foudres de sa famille, qui refusait désormais d'avoir le moindre rapport avec lui.

On passait beaucoup de temps ensemble, au début. Pourtant, il n'avait jamais fait la moindre tentative pour me mettre dans son lit, au point que j'étais même arrivé à douter de son homosexualité.

Il m'avait laissé le temps de me faire à l'idée que ce n'était pas si grave de l'aimer, lui, un mec. Et ce fut moi qui avais fini par exiger plus.
Par la suite, il m'avait confessé qu'il était tombé amoureux depuis le début, mais qu'il ne voulait pas avoir l'impression de me forcer à quoi que ce soit. Ce mec génial était tombé amoureux de moi ! J'étais vraiment un petit veinard.

Il m'aimait, j'en avais la certitude. Sinon, pourquoi aurait-il supporté de recevoir le peu que je choisissais de lui donner, alors qu'il méritait tellement plus ?

Lorsque je lui avais annoncé pour la lettre et le mariage, il avait juste affirmé que j'avais le droit de faire tout ce que je croyais bon pour moi.
Il était plus blessé qu'il ne voulait le laisser croire, et je le comprenais. Cependant, il avait accepté ; pour moi, pour me faire plaisir.

Pour être sincère, je n'avais aucune idée de comment, cela pourrait se terminer. J'aimais Marcos, mais je n'avais pas le courage d'assumer ce que ça impliquerait d'avoir une relation publique avec lui. J'allais juste me contenter de cette solution temporaire et voir au jour le jour.
La sonnerie de mon téléphone me tira de mes réflexions et j'activai le kit mains libres en m'éloignant du studio d'enregistrement, au volant de l'Aston Martin.

— Je te manque déjà ? lançai-je d'une voix mielleuse à Maryse.

— Ta gueule, Rick ! jeta-t-elle avant de prendre une grande inspiration et de poursuivre de sa voix professionnelle : dis à Sara de se préparer. Je l'accompagnerai à son essayage demain à dix heures.

Je faisais toujours silence en tapotant le volant de ma voiture au rythme de Feel invincible de Skillet qui passait sur l'autoradio lorsqu'elle relança :

— Tu m'as entendue ?

— Tu m'as dit de la fermer, soulignai-je nonchalamment en secouant ma tête lorsqu'arriva le refrain.

— Peux-tu arrêter de te comporter comme un gamin, genre cinq secondes ? s'agaça-t-elle.

– OK. Mais Sara a un téléphone, pourquoi ne pas l'appeler, elle ?

— J'arrive pas à la trouver, justifia la manager.

— OK ! Je lui dirai, promis-je. Au revoir !

Je ne la laissai pas ajouter autre chose et raccrochai avant de monter le volume sur la voix de John Cooper en hochant plus frénétiquement ma tête.
Je fredonnais encore Invincible lorsque je grimpai les escaliers en quart qui conduisaient à ma chambre à l'étage.

Je n'étais pas rentré à la maison depuis l'épisode du bar, il y avait de cela trois jours. Je ne voulais pas encore croiser le regard de Sara. Je ne savais pas ce que j'y lirais, mais j'avais la certitude que ça me ferait mal.
Je l'avais quand même menacé ! Elle devait sûrement penser comme tout le monde que je ne valais pas mieux que ce qu'on racontait sur moi ; que j'étais quelqu'un d'instable. Et moi, je devrais faire semblant de n'en avoir rien à faire alors que j'en avais marre d'être ce Rick. Mais il fallait croire que j'allais traîner cette image derrière moi encore quelque temps.

En tout cas, Maryse m'avait offert la parfaite excuse pour l'aborder sans devoir parler de ce qui s'était passé.
Sa chambre était la deuxième dans le couloir de la mezzanine au garde-corps en vitre, qui surplombait le salon au haut plafond. J'étais sur le point de toquer à la porte, lorsque je m'aperçus qu'en fait celle-ci était entrouverte. Et lorsque je me penchai un peu, je pus percevoir des sanglots étouffés à travers l'entrebâillement.

— Sara ? m'alarmai-je.

Comme je n'obtins pas de réponse, je pénétrai dans la chambre au décor en noir et blanc et aux meubles en bois teinté. Je constatai que tout était parfaitement bien rangé, cependant, la pièce était bien vide. Mais plus j'avançais, plus un son devenait distinct : celui de ses sanglots.

Je pénétrai lentement dans le dressing configuré en U à l'énorme miroir sculpté, calé entre deux étagères où étaient soigneusement disposés des vêtements à motifs fleuris de tout genre. Sa garde-robe, contrairement à la mienne, était une vraie bombe de couleur.

Elle était par terre, en sous-vêtements, adossée aux larges tiroirs blancs aux boutons noirs de sa penderie. Sa tête émergea de ses bras croisés au-dessus de ses genoux et elle fixa mes boots en daim noir avant de lever ses yeux injectés de sang vers mon visage. Elle prit ensuite une grande inspiration et se mit debout après s'être essuyé les yeux.

— Ça va, affirma-t-elle avant même que je ne prononce quoi que ce soit.
Je ne savais pas comment réagir. Je détestais voir les gens pleurer. Je m'empressais toujours de fuir dès que je les voyais sur le point de le faire. Mais là, impossible de me défiler ! Et je n'en avais pas vraiment envie, pour être honnête. J'étais curieux de savoir ce qu'elle avait. Je ne savais juste pas comment m'y prendre.

— Enfin non, ça va pas ! rectifia-t-elle d'une voix branlante alors même qu'une larme dévalait sur sa joue.

— Je peux ? hasardai-je.

Je n'attendis pas sa réponse et comblai la distance qui nous séparait pour la prendre dans mes bras. Elle ne protesta pas et laissa libre cours à ses larmes contre mon torse.

La situation était un peu bizarre. Elle était en sous-vêtements, putain ! Mes mains me démangeaient d'empoigner ses fesses, par habitude. J'aimais vraiment les molester, celles-là.
Il faut que tu te reprennes ! me tançai-je en m'infligeant une claque mentale.

On resta comme ça, enlacés, pendant plus de deux minutes jusqu'à ce qu'elle me pousse brusquement.

— Non, mais t'es pas croyable ! s'insurgea-t-elle, hautement choquée. T'es sérieux ? Maintenant ?

J'insérai mes mains dans mes poches, histoire de limiter les dégâts, mais c'était peine perdue. Je ne portais que des jeans ultras moulants, ou des jeans déchirés... encore plus moulants. Elle m'avait déjà grillé.

— Tu bandes ! embraya-t-elle, aussi incrédule qu'offusquée. Je pleure sur ton épaule, et tu penses au cul ?

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