Chapitre 63 - L'étape

Média : Sunshower - Chris Cornell

Mardi 1er août 2017

Trois jours viennent de passer sans nouvelles de ma Pocahontas. C'est long soixante-douze heures surtout sans savoir si c'est bon ou au contraire mauvais signe. Je n'ai pas voulu embêter Harry qui doit être sur son petit nuage et en pleins préparatifs de son mariage. Toutefois, j'ai craqué et j'ai téléphoné à Anka hier en fin d'après-midi pour discuter avec lui tout en glanant quelques informations pour avoir la température sur l'humeur de sa sœur. Seulement, elle n'était pas là et il l'a très peu vue ces derniers temps. D'après ce qu'il m'a expliqué, elle est monopolisée par un arrivage de touristes européens. Quelle ironie, c'est l'Europe qui vient à elle quand moi je dois me barrer là-bas pour plusieurs mois très prochainement.

Malgré les SMS envoyés à Lila depuis notre conversation et la requête faite à Anka de l'informer de mon appel, elle ne m'a pas recontacté. Même les photos avec Amy sont restées sans réponses de sa part. Je pensais pourtant qu'elle ne pourrait pas résister en me voyant avec la petite. Mais elle n'a rien lâché. Fichu caractère ces colombiens !

Je suis en route afin de me rendre chez Jay pour la bringue mémorable que j'ai promis à mes potes pour mes trente ans. Pour le moment, le moral n'est pas à la fête mais je compte bien me lâcher pour marquer le coup avec eux. Je suis persuadé qu'ils vont être ravis de m'accompagner pour le passage de cette étape de ma vie comme il se doit.

Tandis que je mets le clignotant pour tourner dans la rue de mes amis, mon téléphone se met à sonner. Mon cœur fait aussitôt une embardée. Ça doit être ma belle qui m'appelle enfin pour me prouver qu'elle pense à moi en cette journée spéciale. Sans réfléchir davantage, je décroche avec le kit Bluetooth mais c'est la voix de ma mère qui résonne dans l'habitacle de mon Léon. Comme quoi tout peut arriver, il faut toujours garder espoir. Voici le premier miracle de la journée.

— Bonjour Gregory, je suppose que tu es encore en vadrouille mais on tenait à te souhaiter un joyeux anniversaire avec ton père.

Ça y est les reproches commencent. C'était trop beau pour être vrai. Mais contre toute attente, elle continue.

— Tu sais, ce n'est pas parce que nos avis divergent que nous ne t'aimons pas. Tu es notre fils unique et tu nous manques. Viens nous voir quand tu seras de retour, déclare-t-elle humblement.

Je reste bouche bée. Ma mère exprime des sentiments et fait preuve de tendresse. Je crois que c'est la première fois que je l'entend prononcer ces mots gentils à mon encontre. La voix de mon père me ramène à la réalité, non je ne suis pas en train de rêver.

— Joyeux anniversaire fils ! Lorsque tu seras disponible, je t'offre une journée au golf tous les deux comme on avait fait pour tes vingt ans. On s'était bien amusés, et on les avait surtout bien arrosés si tu te rappelles ! Mais ne dis rien à ta mère, elle me houspillerait d'être de mauvaise influence pour toi, me confie-t-il.

Je suis ému qu'il s'en souvienne. Je raccroche en promettant de passer les voir ce samedi et on avisera pour la sortie sur le Green entre hommes.

Lorsque j'arrive dans la maison de Jay, tous mes potes sont dehors sur le parking à m'attendre pour m'accueillir. J'aperçois rapidement la décoration du jardin derrière eux avec des guirlandes en papier bien colorées et des ballons multicolores tandis qu'ils me chantent « Happy Birthday » en chœur. Je descends les rejoindre les larmes aux yeux, ils me feraient presque chialer ces cons. Alessia, compatissante à mon incontrôlable montée d'émotions, vient me faire un câlin avant de glisser un collier de fleurs artificielles autour de mon cou.

— On voulait te faire une fête sur le thème de l'Amazonie mais on n'a rien trouvé donc on a improvisé, se justifie-t-elle.

Je la serre dans mes bras pour la remercier. Leur attention est géniale et je suis encore plus touché par leur idée. J'ai vraiment les meilleurs amis du monde.

— Allez remets toi grande gigue, t'es tout pâlichon ! On dirait que tu as vu un fantôme, me taquine Jay en venant me donner une accolade fraternelle.

— T'es pas très loin de la vérité, je viens d'avoir un appel d'une gentillesse improbable de mes parents pour me souhaiter un bon anniversaire. Il y a de quoi être secoué, me marré-je en reprenant de la vigueur pour aller saluer Tom et Ritchie accompagnés de leur chéries.

Le chien de la copine de Tom est là aussi. Il vient me sauter dessus en me léchouillant les mains pour réclamer des câlins. Il me rappelle Poco. Putain il me manque mon petit pote à quatre pattes. Quel déchirement de l'avoir laissé là-bas, me regardant partir avec sa bouille de cabot triste. Aussitôt mon esprit divague vers la Colombie. Mes pensées s'orientent en particulier vers ma Pocahontas, me rendant de nouveau nostalgique.

— C'est quoi cette tête d'enterrement ?! T'as trente ans mec, c'est pas la mort ! me surprend Ritchie en passant son bras autour de mes épaules pour m'entraîner vers la terrasse. Allez viens, on va arroser ça, cela te détendra ! se marre-t-il.

On se dirige vers la véranda et là je découvre ma batterie installée sur un tapis avec le matos de mes potes. J'hallucine, ils ont pensé à tout ! C'est vrai qu'un anniversaire sans se taper un bœuf ensemble, ce n'est pas vraiment une fête. J'ai déjà dit que j'avais des amis merveilleux ? Et bien je radote mais ils sont parfaits ! Je les remercie chaleureusement pour cette attention tout en allant caresser une de mes cymbales rutilantes. Quelle beauté à la lumière du soleil. J'aurais presque envie d'attraper mes baguettes tout de suite.

— C'est Clarisse qui l'a installée donc elle devrait être réglée comme il faut, m'informe Ritchie.

— Clarisse ? réagis-je instantanément en entendant le prénom de la roadie. Elle est là ? la cherché-je du regard.

— Ne t'emballe, elle est repartie, me répond Tom. Je suppose qu'elle te manque mais tu auras toute la tournée pour étudier ses amygdales de près, n'est-ce pas Dr House ?! me chambre-t-il.

— Et bien non même pas, rétorqué-je. Je sais me tenir, j'ai quelqu'un maintenant. Enfin je crois !

— Oh bordel les gars ! Les colombiens nous ont cassé notre G ! se moque-t-il comme le grand con qu'il est.

Sans réfléchir, je l'attrape par la taille et l'entraîne avec moi jusqu'à la piscine. Un petit plouf d'entrée de jeu, cela devrait le calmer cet imbécile. On revient vers le bord, accueillis par les jappements du chien de sa nana excité par notre embardée dans l'eau.

— Putain t'es con, mes sapes sont trempées maintenant et j'avais mon téléphone dans la poche, râle-t-il.

— Mais c'est comme ça que tu m'aimes ! le nargué-je. Tu vois que mon séjour en Amazonie ne m'a pas complètement détraqué ! Et pour ton portable, si ça peut te rassurer le mien a fait un plongeon de cinq mètres et il fonctionne toujours très bien.

— Alors je corrige, t'es encore plus barré qu'avant ! Tant pis pour toi, tu devras me supporter en calbute le temps que mes vêtements sèchent, se marre-t-il en se déshabillant. Pour te faire pardonner, paye donc ta binouze !

— Tom a raison, fais péter ta mousse ! surenchérit Alessia. Amy est chez Papi et Mamie, j'ai tiré mon lait comme une vache pendant trois jours pour pouvoir picoler aujourd'hui. Alors je compte bien en profiter et les arroser tes trente piges, mon vieux ! me taquine-t-elle.

Et c'est ainsi que les festivités ont commencées. Nous avons enchaîné bières, barbecue, musique et tequilas-paf avec la bouteille que j'avais ramenée pour mon voisin. Je n'allais pas la garder pour moi alors on l'a torchée en sa mémoire.

Pour finir cette merveilleuse journée, nous barbotons dans la piscine. Une bonne baignade agrémentée par moment de bombe, histoire de faire râler ces dames. C'est tellement plus drôles !

Je suis vautré sur une bouée flamand rose à savourer une énième bière en racontant des conneries lorsque mon téléphone se met à sonner. J'ai la flemme d'aller le chercher mais ça insiste. Après tout c'est mon anniversaire donc je dois répondre à ceux qui se donnent la peine de penser à moi. Je me mets à battre des pieds arrosant tout le monde au passage pour atteindre la margelle et attraper mon portable. Et contre toute attente, c'est Lila. Je manque de lâcher mon mobile dans la flotte tellement mon cœur s'affole. Aussitôt, je saute hors de la piscine pour m'éloigner un peu afin de lui répondre en toute tranquillité. Je décroche fébrilement. Je suis trop impatient d'étendre le son de sa voix pour savoir. Je la connais, elle ne pourra pas me masquer ses émotions.

— Holà ! Joyeux anniversaire mon beau gosse ! s'exclame-t-elle toute guillerette.

Je souffle un grand coup. Je suis rassuré en entendant ce surnom que j'affectionne tant sortir de sa bouche. Finalement rien à changer. Même si j'en étais persuadé au fond de moi, c'est bon d'en avoir la certitude. Je jette un coup d'œil vers mes amis avec le sourire aux lèvres. Maintenant, je me sens pleinement satisfait. Il ne m'en fallait pas plus pour que mon monde soit de nouveau complet. Le voilà mon plus beau cadeau d'anniversaire.

— Merci ma beauté. Je suis content de t'entendre, lui avoué-je tendrement.

Tandis que j'observe mes potes faire les yeux doux à leurs nanas, j'écoute Lila me narrer ses trois dernières intenses journées à accompagner des palanquées de touristes. Je sens une sorte de lassitude dans sa voix même si je sais qu'elle adore son boulot. Anka ne m'a pas menti, elle était vraiment surbookée. Elle bossait comme une acharnée pendant que je me languissais d'elle en me posant cinquante mille questions comme l'idiot que je suis, jusqu'à douter d'elle, de nous. Toutefois, elle a pensé à moi, en particulier aujourd'hui. Elle me prouve qu'elle ne m'oublie pas en étant présente même à distance pour cette nouvelle étape de ma vie. Et soudain, je ne peux plus contenir le besoin de lui annoncer ma vision de notre avenir.

— Je t'aime Lila enfin, je suis fou de toi plutôt ! Ces quelques jours depuis mon départ ont été difficiles. Tu m'as beaucoup manqué. Cependant cela m'a permis de comprendre tout ce que tu me disais sur les âmes sœurs. C'est un concept totalement incroyable quand on l'a pas trouvée mais tellement évident à présent. Sans toi, ma merveilleuse Killasisa, je suis incomplet, lui avoué-je du fond de mon cœur. J'ai conscience que le plus dur reste à venir, mais s'il te plaît crois en nous et attends-moi, l'imploré-je. J'ai mis du temps à découvrir la précieuse fleur de lune aussi je te demande d'être encore un peu patiente avec moi avant d'atteindre les étoiles. Je te promets de t'emmener au septième ciel jusqu'au firmament à mon retour de tournée, ironisé-je pour tenter de dédramatiser ma déclaration.

— Je sais tout ça, me répond-elle sereinement. Et si tu me le disais les yeux dans les yeux, lance-t-elle avec sa voix charmeuse.

— Pourquoi, tu es là ? m'emballé-je en commençant à la chercher du regard comme si elle allait apparaître par enchantement.

— Ohh, non ! se désole-t-elle. J'aurais adoré te faire cette surprise mais tu te doutes bien que c'est impossible. Je voulais dire, on en discutera en tête à tête quand tu viendras. C'est quand même mieux pour établir ce genre de promesse, explique-t-elle avec cette sagesse dont elle fait toujours preuve.

Je ressens un soupçon de déception au fond de mon être. Toutefois, j'ai son accord de principe alors il ne m'en faut pas plus pour le moment et mon cœur s'emplit d'espoir. A présent, je sais ce qu'il me reste à faire.

Et voilà comment pour mes trente ans, je me suis transformé en lover ! Mes potes sont contagieux avec leur bonheur ! Mais je le vis bien car comme me l'a dit Harry, il faut accepter l'amour quand il se présente et ma Pocahontas est une femme d'exception. J'ai bien compris la leçon et je ne compte pas jouer au con.

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