Chapitre 53 - Au revoir

Média : Goodbye - Goat

Dimanche 23 juillet 2017

Aujourd'hui, c'est le grand jour du départ. Et je dois avouer que cela me fait bizarre. Si à mon arrivée, j'avais des réticences à m'acclimater à ce lieu et cette culture, à présent, j'ai un pincement au cœur. J'appréhende de dire au revoir à ce peuple qui a su m'adopter et me faire aimer leur vie simple et rudimentaire.

— Allez, active toi, ils nous attendent, me presse Lila tandis que je rêvasse en faisant mon sac.

Des flashbacks de chaque moment passé dans cette cabane me reviennent et me rendent nostalgique. C'est dur de devoir quitter le berceau qui a vu naître notre relation avec ma belle colombienne. Même Poco, qui ne m'a pas lâché depuis la rencontre d'infortune avec Tupak dans la jungle, me fait sa petite bouille de cabot triste en penchant sa tête sur le côté, son regard implorant une caresse. Lui aussi il ressent que le moment de se séparer approche.

Je jette un dernier regard à la cahute avant de fermer la porte pour rejoindre Lila qui m'attend nonchalante et souriante au bord de la rivière. Elle m'attrape la main et se blottit contre moi pour me déposer un léger baiser sur la bouche.

— Tu reviens quand tu veux. C'est chez toi ici maintenant, me déclare-t-elle en me fixant avec sincérité.

Cette déclaration me touche énormément. Je sais ce que cette cabane représente pour elle. Alors qu'elle la considère à présent comme ma maison me fait comprendre la place que j'ai pris dans son existence. Je la serre contre moi en rivant mes yeux aux siens. Je ne me lasserai jamais de l'admirer, elle est si belle au naturel, et je l'embrasse tendrement. Lila aussi a réussi à se frayer un chemin dans mon cœur meurtri. Elle m'a guéri de toute cette colère et je me sens libéré. Même si j'ai encore des réticences sur notre avenir, pour le moment je chasse ces idées de ma tête et enserre sa taille afin de rejoindre le village une dernière fois pour retrouver Inkillay.

En arrivant à proximité de la hutte de la chaman je ne m'attendais pas à voir autant de monde. En fait tout le village s'est réuni pour dire au revoir à celle qui a su prendre soin d'eux depuis toutes ces années. C'est son premier voyage loin des siens et je sens que c'est un grand événement pour tous.

Nous nous frayons un passage à travers les musiciens et danseurs qui honorent le départ de leur protectrice. En approchant de l'entrée de la maisonnette, j'aperçois Otoronqo, dans toute sa grandeur et sa splendeur en habit de chaman. Il rayonne face à Inkillay. Cette dernière lui ouvre la porte de sa demeure en signe de passation de son pouvoir de bénédiction de son village. Il est superbe avec son aura de bienfaiteur. Je ressens un pincement de jalousie mêlé à de l'inquiétude. Et si je n'avais pas croisé le chemin de Lila, elle l'aurait certainement épousé. Il aurait su prendre soin d'elle avec dévotion pour la rendre heureuse.

Instinctivement, il tourne la tête vers nous. En apercevant la belle colombienne approcher, son regard s'illumine. C'est certain, il aurait donné son âme pour elle. Qu'est-ce que j'ai foutu encore une fois ? J'ai tout fait foirer. Je ne mérite pas l'amour de Lila comme lui en aurait été digne.

— Allez viens, ne sois pas timide, m'intime celle-ci en me tirant par la main avec son sourire magnifique et ses yeux emplis de tendresse.

Et là mes doutes s'estompent. En fait, c'est elle qui m'a choisi. Je n'ai rien fait capoter du tout, Oto n'était pas son âme sœur sinon elle se serait unie depuis longtemps avec lui. Je soupire de soulagement. Donc à présent que je suis rassuré, je me dois d'assurer. C'est à moi de me montrer à la hauteur maintenant. Je lui rends son sourire et la suis jusqu'à sa mère.

La musique s'arrête et Inkillay prend la parole en quechua. Lila se penche vers moi pour me chuchoter la traduction à l'oreille. La chaman exprime sa gratitude à son peuple et leur explique qu'Oto est à présent à leur disposition pour les guérir en son absence. Sa hutte devient la demeure du jeune homme pour accueillir les habitants. Tout le monde l'acclame et en geste symbolique, Oto allume sa pipe et pénètre dans la cabane en soufflant sa fumée pour que les esprits acceptent sa présence en ce lieu.

La cérémonie de départ étant terminée, Inkillay enlève le tissu colorée qui lui recouvrait le corps, prend son sac et cède la place au nouveau chaman afin de venir nous rejoindre.

— Je suis prête, nous déclare-t-elle avec enthousiasme !

C'est la première fois que je la vois vêtue d'un pantalon et d'un t-shirt. La ressemblance avec sa fille est frappante.

— On va rejoindre Tupak. Il était trop fatigué pour marcher à travers la jungle alors un pêcheur les a amenés ce matin avec sa femme jusqu'à l'arrêt du car, nous explique-t-elle.

Cette annonce ne me fait pas plaisir mais me conforte dans mon diagnostic. Il y a vraiment urgence à le traiter autrement que par les plantes.

Inkillay met sa besace sur son dos et se dirige vers la forêt.

— Allez en route les enfants, on a un bout de chemin à faire, trépigne-t-elle.

Son impatience m'amuse, on dirait une gamine. Lila me prend par la main et nous emboîtons le pas de sa mère en nous enfonçant à travers la végétation. Je me délecte une dernière fois de la luxuriance de mon environnement avant de rejoindre la civilisation. Je ne me lasse pas de voir ces magnifiques aras multicolores sillonner le ciel. Contre toute attente, le fait de retrouver l'animation de la ville ne m'enchante guère.

Nous arrivons sur le bord de la route où nous attend un mini bus déjà presque rempli d'autochtones partant se ravitailler à Mocoa. Tupak et sa femme sont installés au fond et nous accueillent en nous indiquant les places qu'ils nous ont réservées à proximité d'eux. Lila s'assoit contre la vitre en me montrant le fauteuil près d'elle tandis que sa mère se pose à côté d'une cage contenant une poule. Cependant, le bus manquant rapidement de place, je me retrouve à faire le voyage avec la caisse contenant la poulette sur les genoux. Le gallinacé m'observe bizarrement avec ses petits yeux globuleux. Je comprend très vite que je n'ai pas intérêt à passer mes mains à travers les barreaux si je ne veux pas me faire becquetter les doigts. On ne peut pas être l'ami de tout le monde !

Lorsque le car s'arrête enfin au terminus à Mocoa, je suis bien content de me débarrasser de la cocotte qui a passé le trajet à me regarder de travers. Par contre je constate qu'elle m'a laissé quelques souvenirs et je me retrouve avec mon t-shirt noir rempli de plumes et poussière de la paillasse de cette satanée bestiole. Génial pour mon grand retour en ville j'ai l'air d'un plouc ! Tandis que je m'époussette en râlant, Lila se rapproche de moi en se marrant pour retirer un brin de paille coincé dans mes cheveux.

— Arrête de ronchonner et viens, on a tout juste le temps d'accompagner mon oncle, me sourit-elle en collant ses formes voluptueuses contre mon torse pour m'embrasser tendrement.

Comment résister à cette charmeuse ? Elle trouve toujours les arguments pour me détendre. Elle m'attrape la main et hèle un taxi pour rejoindre l'hôpital. A son contact c'est magique, ma mauvaise humeur s'évapore instantanément.

Nous avons à peine une heure avant que l'avion décolle pour Bogota, la dernière étape avant le grand retour au Mexique. Nous accompagnons Tupak et sa femme jusqu'au bureau des admissions. J'explique en détails la scène de la crise d'épilepsie dont j'ai été le témoin à Lila afin qu'elle fasse minutieusement la traduction au médecin urgentiste. Dès que nous avons la certitude de sa prise en charge, nous leur faisons nos au revoir. Mais je n'ai pas le temps d'emboîter le pas de Lila et de sa mère qui se sont hâtée de rejoindre la sortie. Le colombien m'attrape le bras et me glisse :

— Merci le Yankee, pour tout. Et prends bien soin d'elles, c'est la prunelle de mes yeux, m'avoue-t-il le regard brillant. Allez, vas-t'en maintenant, me chasse-t-il d'un geste de la main pour me faire déguerpir avant d'être submergé par les émotions qu'il tente de masquer en reprenant son air faussement méprisant.

Je les salue de nouveau d'un sourire amical comme sa femme ne me comprend pas et part vite rejoindre les deux colombiennes qui s'impatientent devant la porte ouverte d'un taxi. Je m'engouffre de le véhicule et nous rejoignons rapidement l'aérodrome. Nous arrivons in extremis pour monter dans le petit coucou qui va nous amener à Bogota.

Dès que nous avons atterri sur la petite piste de l'aéroport, nous rejoignons le terminal des vols internationaux. Il nous reste encore trois heures à patienter avant de décoller pour le Mexique. Inkillay et Lila sont toutes excitées et profitent de ce temps d'attente pour déambuler dans les boutiques du duty free. Moi je préfère me poser tranquillement sur un fauteuil. J'attrape mon téléphone pour le rallumer. Cela fait un bail que je ne me suis pas connecté. C'est bizarre mais cela ne m'avait finalement pas manqué. Et merde, je n'ai plus de batterie. A force de l'avoir utilisé comme appareil photo, elle doit être complètement à plat. Ce n'est pas grave, je ne suis plus à quelques heures près. Je prends mon bouquin pour passer le temps pendant que ses dames font leur shopping.

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