Chapitre 50 - Le danger
Média : Holocausto Cannibal – Arteaga
Jeudi 20 juillet 2017
Je sillonne dans les ruelles du village avec la frontale à la main. Il n'y a pas un chat dehors et même si la lune m'éclaire un peu, sa lueur blafarde ne m'aide pas à être serein. Je vois des ombres de partout dans les ténèbres environnantes mais je prends sur moi et continue mon chemin. Je fais même un petit détour afin d'éviter la maison de Tupak, il ne manquerait plus que je tombe sur lui.
Je suis en train de m'imaginer cette rencontre qui s'avérerait plus qu'indésirable quand un grognement me fait sursauter. J'oriente le faisceau lumineux en direction du bruit animal en espérant que ce ne soit pas une bête sauvage. Mais c'est mon petit pote à quatre pattes qui surgit de derrière un muret. Aussitôt il me reconnaît et vient me faire la fête. Je m'arrête et m'accroupis pour lui caresser sa petite tête mignonne. Il me lèche les doigts et me saute dessus en essayant de me donner un coup de langue au visage. J'ai juste le temps de me redresser pour éviter sa léchouille baveuse. Je me marre en voyant sa frimousse déçue d'avoir raté son coup. Je lui donne une dernière petite tape entre les oreilles et reprend ma route. Le chien, décidé à me suivre, trottine à côté de moi en remuant la queue. Ma fois, s'il veut me tenir compagnie pour le restant du parcours, je ne dis pas non. Quelque part ça me rassure car il saura me prévenir s'il sent un danger.
Je sors du village et commence à longer la rivière avec le cabot toujours collé à mes basques. Il est rigolo à gambader en sautillant, tout content de partir en balade nocturne avec moi. Mais soudain il s'arrête net, une patte avant levée, la truffe dressée vers le ciel, il hume l'air. Merde, on dirait qu'il a flairé un truc qui ne lui plaît pas. J'ai rapidement confirmation qu'une menace approche lorsqu'il se met à grogner en direction de la jungle. J'oriente ma lampe vers l'endroit qui le chagrine mais je ne remarque rien d'anormal à part un arbre. Il a dû entendre un oiseau bouger dans les branches. Je fais une dernière inspection, ne voyant pas de danger, je me remets en route en pressant le pas. Car malgré tout, j'ai hâte d'arriver et de me sentir à l'abri dans la cabane.
Mais au moment où je dépasse l'arbre, le chien grogne et jappe violemment en courant vers la forêt. Je n'ai pas le temps de le voir partir qu'il réapparaît en faisant un roulé-boulé en couinant et finit par atterrir sur le flanc quelques mètres plus loin.
Je sursaute de peur avant d'accourir pour vérifier que le toutou va bien lorsque je découvre Tupak appuyé contre le tronc, une machette à la main. Il me jette un regard haineux qui ne me rassure pas, surtout avec l'arme qu'il serre entre ses doigts.
— Bonsoir Tupak. Vous avez besoin d'aide ? demandé-je par courtoisie mais surtout pour détendre l'atmosphère chargée de tensions.
Il fait un pas vers moi en titubant. Je comprends immédiatement qu'il a picolé.
— Retourne chez toi si tu ne veux pas finir en nourriture pour les piranhas et les crocodiles, me somme-t-il en brandissant sa machette.
— Vous devriez poser cet outil avant de vous blesser, tenté-je de le raisonner en ignorant sa tentative d'intimidation.
— Je t'ai pourtant prévenu de laisser Lila tranquille et de ne pas t'approcher de ma sœur. Mais, non, t'es trop têtu comme Yankee. J'ai aidé Inkillay à élever son bâtard mais je ne te laisserai pas continuer de gangrener ma famille. Barre-toi d'ici avant que je te tue, surenchérit-il avec véhémence.
Putain, s'il n'avait pas son arme dans la main, je lui défroncerais la tronche à ce connard pour tenir des propos aussi débiles, et me manquer de respect encore une fois au passage. Mais je n'ai pas le temps de faire quoique ce soit. Il s'effondre soudain au sol, de toute sa hauteur, le corps pris de tremblements. Merde, ce con me fait une crise d'épilepsie. Je caresse le chien qui s'était réfugié derrière mes jambes pour le rassurer et me rapproche avec précaution de Tupak.
Sa machette gît par terre loin de lui. Je me penche en restant malgré tout sur mes gardes. Il est tellement fourbe que je ne suis pas à l'abri d'un sale coup. Il tourne lentement le visage vers moi. Son regard est indéchiffrable entre la rage et la panique. Il tend doucement la main vers moi mais j'esquisse un mouvement de recul car je n'ai pas confiance en lui. Sa paume tombe lourdement au sol tandis que ses yeux se révulsent et que son corps est pris de convulsions.
Bordel, il faut que ça lui arrive alors qu'on est tous les deux paumés au bord de la rivière en pleine nuit. Je pourrais me barrer et le laisser se démerder tout seul, qu'il crève après toutes les vacheries qu'il a fait subir à ses proches. Après tout, c'est tout ce qu'il mérite. Mais je me raisonne, je ne suis pas ce genre de mec. J'aurais des remords toute ma vie s'il lui arrivait quelque chose de grave.
Je garde mon calme et me rappelle mes cours de médecine. Je ne pensais pas que cela me servirait un jour et encore moins dans la pampa colombienne. J'enlève mon sweat et l'entoure autour de sa tête pour éviter qu'il se blesse avec les cailloux qui parsèment le chemin en gesticulant dans tous les sens. Je reste patiemment à côté de lui en surveillant ma montre pour chronométrer la durée de sa crise. Même s'il n'y a pas de sang, ce n'est pas beau à voir. Une sorte d'écume sort de sa bouche tandis que ses membres bougent de manière désordonnée. Je ne vois que le blanc de ses yeux tellement ils sont partis en arrière.
Sept minutes. Je reste ainsi pendant ces interminables secondes à observer son corps se désarticuler comme un pantin avant de s'arrêter net, pour sombrer dans l'inconscience. C'est maintenant que je dois m'activer pour éviter qu'il s'étouffe avec sa bave. Je le bascule délicatement en maintenant sa tête en arrière avant de le tourner en position latérale de sécurité. Et là encore il faut faire preuve de patience. Le chien ayant perçu mon désarroi, il vient se blottir contre moi. Sa présence me fait du bien et en plus il me tient chaud. Je commençais à avoir froid sans mon sweat. Je le caresse inlassablement jusqu'à ce que Tupak bouge ses jambes, signe qu'il se réveille enfin.
— Qu'est-ce que tu fous là à me regarder dormir ? me balance-t-il complètement désorienté en essayant de se relever.
Lorsqu'il se redresse pour s'asseoir, j'aperçois une grosse tâche rouge sur le sol. Il a dû s'écorcher en s'affalant. Avec mon sweat noir, je n'ai pas fait attention en le retournant. Sa chemise se trouve rapidement maculée de sang. Même si les plaies à la tête saignent toujours beaucoup, la blessure doit être importante.
— Vous avez fait une crise, Tupak. Mais vous n'êtes pas seul, je suis là, tenté-je pour le tranquilliser . Par contre, vous avez dû vous faire mal en tombant, vous saignez de l'arrière du crâne. Vous permettez que je regarde ?
— Pourquoi t'es infirmière ? se moque-t-il.
Et il se fout de ma gueule en plus. Ce n'est pas grave, au moins c'est rassurant, il me reconnaît et retrouve ses esprits.
— Non mais j'ai fait quatre ans de médecine, cela peut aider, balancé-je fier de mes études pour une fois.
— Ah ouais ? Tu ne payes pas de mine pourtant avec tes tatouages.
— Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences. C'est bon maintenant je peux jeter un œil ?
— Ouais, vas-y, se résigne-t-il en courbant l'échine.
Je tapote la tête du chien pour lui faire comprendre que je vais me lever puis je m'approche du colombien. Au passage, je vérifie discrètement que la machette se trouve toujours bien loin de nous. J'inspecte la plaie à travers ses cheveux. Il ne s'est pas loupé et il a une belle entaille au milieu du crâne.
— Bon ce n'est pas très grave mais il vous faut des points de suture.
— On va demander à Killasisa.
— Le souci, c'est qu'on est trop loin du village pour que vous soyez en état de marcher jusque là-bas et je ne peux pas vous laisser tout seul ici. Je vais vous aider et on va aller à la cabane. Il y a du fils de pêche, ça devrait le faire pour dépanner.
Tupak me jette un regard noir mais il ne m'impressionne pas, je suis sûr de mon coup. De toute façon, je suis sa seule option s'il ne veut pas se vider comme la biquette qu'il a égorgée ce matin. Il prend appui sur mon épaule et se lève tant bien que mal. Je le soutiens et nous prenons le chemin de la baraque que je vais devoir partager avec lui cette nuit. Je suis vraiment un veinard ce soir !
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