Chapitre 5 - L'orgueil
Média : I am Mine – Pearl Jam
Dimanche 18 juin 2017
Il est dix-neuf heures lorsque j'arrive en bas de mon immeuble. L'après-midi a été parfait, un soleil magnifique, des vagues idéales pour se remettre en jambes après plusieurs mois sans surfer et des belles petites nanas en bikinis pour le plaisir des yeux.
Je parque Léon dans mon garage, mets ma combinaison Néoprène à sécher et enlève la housse de ma Harley. Je vais la prendre pour aller chez mes parents, elle aussi a bien mérité de s'aérer un peu.
Je rentre dans mon appartement, allume mon enceinte Bluetooth et lance une playlist au hasard, je laisse le destin me satisfaire les oreilles. C'est la voix de Jay et les percussions de ma grosse caisse qui se diffusent dans mon salon. Je pars sous la douche en sifflant l'intro de la musique que je connais par cœur.
J'enfile un t-shirt et un jean noir, ma tenue de base avec mes Dr Martens, un peu de gel dans les cheveux et du parfum pour paraître soigné et faire plaisir à mes parents. Je mets mon blouson en cuir et descends enfourcher ma moto.
Je gare ma Harley dans la majestueuse cour en pavés de la maison familiale. J'appuie sur la sonnette, je préfère prévenir de mon arrivée même si j'ai encore les clés. La lourde porte en bois s'ouvre.
— Bonsoir Gregory. J'ai cru que tu nous avais oublié, m'accueille ma mère.
— Bonsoir maman, tu m'as dit de venir pour le dîner, il est dix-neuf heures quarante cinq, donc je suis large ! tenté-je avec ironie en la prenant dans mes bras pour l'embrasser sur la joue.
— Entre, ton père est en train de mettre la table, m'invite-t-elle en se détachant de mon étreinte.
Je la suis à travers le vaste hall d'entrée. Puis on traverse le salon dont la décoration n'a pas bougée d'un iota depuis que j'ai quitté la demeure pour rejoindre la véranda. Super, on va manger dans la loggia, j'adore cette pièce qui offre une vue imprenable sur la baie. Gamin, j'aimais jouer ici et admirer le balai des ferries-boats qui relient la ville à Bainbridge Island ainsi qu'assister au spectacle de l'amarrage des immenses bateaux de croisières sur le quai 91 du port de Smith Cove.
— Bonjour fils, me salue prestement mon père. Installe toi, le repas est prêt.
Je prends la chaise qui fait face à la large fenêtre pour profiter de la féerie de la nuit et pose mon blouson sur le dossier.
— Tu aurais pu mettre une chemise, on dirait que tu vas à un enterrement tout vêtu de noir, me houspille ma mère. Et ces tatouages et cette boucle d'oreilles, soupire-t-elle. Tu as passé l'âge pour cette mode gothique, il me semble.
Je lève les yeux au ciel et serre les poings sous la table, je n'ai pas envie de me prendre la tête avec elle d'entrée de jeu. Ouais j'aurais pu enfiler une chemise, mais je voulais juste être moi-même ce soir pour ce repas en famille.
— Alors Gregory, tu n'es pas trop fatigué par ta tournée ? m'interroge mon paternel en déposant le plat de salade composée au centre de la table avant de faire le service.
— C'est bon, il passe son temps à s'amuser, on ne va pas le plaindre en plus, le réprimande ma mère. D'ailleurs, maintenant que tu es rentré, tu vas pouvoir réfléchir à ton avenir. Tu vas avoir trente ans, il serait peut-être temps que tu finisses ton internat de médecine. La pause détente musicale a assez duré. Vous pouvez garder le groupe pour les loisirs, mais il faut que tu aies une vraie profession si tu veux fonder une famille un jour.
— Est-ce que tu vas enfin admettre que batteur c'est un vrai métier maman ? m'agacé-je calmement. Je gagne très bien ma vie et en faisant ce que j'aime. Donc non, je ne vais pas finir mes études de médecine, que cela te plaise ou non. Comme tu viens de le souligner, je vais avoir trente ans alors je suis largement en mesure d'assumer mes choix.
— Mais Charles, dis lui que cette vie de bohème ne peut pas constituer un avenir sérieux. Tu as tellement de potentiel, ce gâchis m'attriste profondément, surenchérit-elle en me regardant avec un air consterné.
— Ta mère n'a pas tort Gregory. Tu es notre seul fils et on veut ce qu'il y a de mieux pour toi, tempère mon père. D'ailleurs, nous prévoyons d'organiser une belle Garden Party pour ton anniversaire, on invitera des personnes influentes, cela pourrait être une bonne opportunité pour élargir ton réseau et renouer avec le milieu médical. Et puis il y aura la fille d'un de mes amis qui sera de retour d'Europe pour les vacances, elle est chercheuse en Suisse. Toi qui aime voyager, ce sera l'occasion de te la présenter.
Je ne peux me retenir d'exploser de rire tellement je les trouve pathétiques.
— Depuis quand vous jouez les entremetteurs ? me marré-je. Votre sauterie de bourgeois guindés et coincés du cul, no way ! Ce sera sans moi !
— Oh Gregory ! s'offusque ma mère. Je t'interdis de nous parler comme ça. Tu as toujours eu tout ce que tu as voulu.
— Ouais, c'est vrai que niveau thune, vous avez toujours assuré.
Avant de m'emporter et de prononcer les paroles désobligeantes qui me brûlent les lèvres, j'attrape mon paquet de clope et sort sur la terrasse adjacente pour m'en griller une et me calmer.
Lorsque je reviens à table, mon assiette est servie avec une belle tranche de rôti de bœuf sanguinolente comme je l'aime accompagné de purée et de haricots verts. Je reprends ma place et commence à savourer mon assiette.
— Alors, qu'est-ce que tu as prévu de beau maintenant que tu es rentré, m'interroge mon père pour combler le silence pesant.
— Je ne sais pas trop encore. Repos, surf, skate et barbecue avec les potes dans l'immédiat.
— Quelle ambition, soupire ma mère.
— C'est bon, maman, épargne-moi tes commentaires. Je suis de retour après six mois d'absence, je n'attendais pas un accueil de fou de votre part, mais tes réflexions à deux balles tu peux te les garder, m'agacé-je.
— Gregory, ne parle pas comme cela à ta mère ! Elle se fait du souci pour toi, me reprend mon père.
— Ouais c'est ça.. J'ai toujours été la dernière de vos préoccupations, bien après votre carrière, votre vie sociale de petits bourges et maintenant vous vous inquiétez pour moi ? Mais c'est trop tard, je n'attend plus rien de vous à présent. Même votre argent n'a plus d'attrait pour vous racheter une bonne conscience.
— Ne sois pas impertinent, me réprimande ma mère. Tu vois Charles, je t'ai dit qu'on avait été trop laxistes et qu'il avait de mauvaises fréquentations. Tant que tu faisais de la musique avec Jayden, tu arrivais à te tenir convenablement. Le grand avec sa planche à roulettes passe encore mais le petit basané vous a entraînés dans de drôles de magouilles. Tu aurais fini tes études de médecine si tu ne l'avais pas rencontré. J'en suis persuadée, conclut-elle avec dédain.
— Et en plus tu es raciste ? Bravo maman, m'exclamé-je en frappant théâtralement dans mes mains. Tu as définitivement réussi à me dégoûter de vous, de votre comportement orgueilleux et hautain. Vous n'avez pas été que laxistes, vous n'avez jamais été là, c'est différent. Vous êtes certes mes géniteurs mais votre rôle s'est toujours arrêté là. Donc, à présent, n'attendez plus rien de moi, comme moi je n'espère rien de vous. Je crois qu'on n'a plus rien à se dire pour ce soir, alors Adios comme on dit chez Ritchie, déclaré-je froidement en me levant
Je prends mon blouson et sans me retourner, j'atteins le hall d'entrée en quelques enjambées. J'ai envie de mettre un gros coup de poing dans la porte mais j'arrive de justesse à me raisonner. Mes mains, c'est ma vie si je les bousille je peux dire adieu à ma carrière de batteur. Je claque violemment le lourd battant en bois sur les exclamations de stupeur de ma mère.
J'enfourche ma Harley et prends la direction du studio de répétition, j'ai un grand besoin de retrouver ma batterie avant de faire une connerie.
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