Chapitre 4 - La gourmandise

Média : Black Hole Sun – Soundgarden

Dimanche 18 juin 2017

— Bravo les gars, vous avez fait un carton. Ce concert était vraiment une tuerie ! nous félicite Will alors que nous descendons du podium.

Le rideau vient de se baisser sur la scène et on entend encore le public scander notre nom pour un énième rappel. C'est qu'ils sont gourmands nos fans de Seattle, déjà deux fois que l'on remonte en piste pour les satisfaire. Il faut dire qu'on a tout donné et qu'on a mis le feu, portés par les acclamations et les chants de notre public local pour nous accompagner. C'était le pied intersidéral mais là on est crevés et on ne va pas y retourner sinon ça n'en finit jamais.

— Allez, venez boire un coup pour fêter ça, nous invite notre manager en ouvrant une bouteille de Jack Daniel's.

J'attrape un litre de flotte que je bois à moitié pour me réhydrater avant de m'asperger le reste sur le visage pour me rincer tant mes yeux piquent à cause de la transpiration. Je chope la serviette que me tend Alessia et prend mon verre de Whisky. On trinque à ce concert du tonnerre, à cette tournée magique et aux retrouvailles avec nos proches et notre ville.
Les copines de Tom et Ritchie sont là. Celle du bassiste, on avait déjà eu l'occasion de la voir avant notre départ, elle est simple et cool comme lui, ils forment un beau couple tous les deux, je souhaite pour mon pote que ça marche entre eux.
Quant à la geekette, le guitariste n'a jamais voulu nous montrer de photo d'elle, alors je m'attendais à voir une nana avec des lunettes en cul de bouteille et des cheveux gras. Mais en fait elle est plutôt mignonne, petite, un peu potelée mais un visage et un humour qui promettent de ne pas s'ennuyer avec elle. Ritchie va bien s'amuser en sa compagnie ce soir.

Après avoir vidé la bouteille de Jack, chacun retourne dans sa loge pour récupérer ses affaires avant de rentrer chez lui. On va faire une petite pause avec les répètes, trêve estivale bien méritée, mais Jay et Alessia nous invitent déjà pour un barbecue chez eux cette semaine. On ne reste jamais trop longtemps sans se voir, on est devenus une grande famille et heureusement que je les ai car je ne suis pas verni avec la mienne.

Arrivé dans mon box, je change de t-shirt, je prendrai une douche chez moi, et rassemble mon bordel. Sur la table basse, je retrouve le papier avec le numéro de téléphone de Clarisse, la roadie. Je le regarde en souriant avant de le déchirer et de le jeter dans la poubelle. Elle était de charmante compagnie, mais je ne veux pas d'attache et j'ai déjà assez joué les prolongations avec elle. La revoir pourrait s'avérer trop dangereux si je ne veux pas lui donner de faux espoirs et la faire souffrir.

Mes potes me déposent en bas de mon immeuble avec mon sac à dos et ma valise à roulettes. Je compose le code de la porte de l'allée dont je m'en rappelle encore par miracle et sors mon trousseau de clés. Je pénètre dans mon appartement, les volets sont clos, c'est l'obscurité totale et ça sent le renfermé. J'allume la lumière, je constate que rien n'a bougé depuis mon départ en début d'année. Mes parents n'ont même pas pris la peine de passer pour aérer et arroser mes plantes vertes qui ont crevé et sont toutes sèches depuis des lustres. Seul mon voisin de palier a dû guetter en mon absence que je n'ai pas de visiteurs indésirables et vider ma boîte aux lettres. J'irai le voir en me levant pour récupérer mon courrier et lui donner la bonne bouteille de bourbon, son péché mignon, que je lui ai ramenée pour le remercier.

Je porte ma valise jusqu'à ma chambre pour ne pas faire de bruit pour les voisins de dessous. Mon logement est au premier étage avec un balcon côté rue mais j'ai une terrasse intérieure privative côté cour plutôt sympa pour faire des bringues avec les potes. Je vérifierai tout à l'heure si ce n'est pas trop la jungle. Pour le moment, je n'ai envie que de me doucher et de me pieuter.

Il est déjà onze heures lorsque j'émerge enfin. Je me fais couler un café pendant que j'ouvre le volet roulant de la baie vitrée qui mène au patio. Le ciel est bien bleu et le soleil irradie mon petit coin de verdure. Ça va, la nature n'a pas trop repris ses droits en mon absence et avec un peu de désherbage et de nettoyage, la terrasse sera nickel. J'attrape mon mug et descends les quelques marches pour me poser sur mon transat. C'est cool de rentrer chez soi quand même. Mon voisin me voit et me fait un signe de la main. Il a un petit bout de terrain identique, mitoyen avec le mien. Il vient me saluer à travers la palissade en bois et je l'invite à venir boire un café avec moi. Il a l'âge de mes vieux mais il est plutôt sympa.
On a acheté nos appartements en même temps à l'édification de l'immeuble. Moi je voulais investir et lui se reconstruire suite au décès brutal de sa femme d'un cancer. Malgré la promiscuité, on ne s'importune jamais, il est très discret, n'a pas d'enfants et pas beaucoup d'amis. Et moi, je suis souvent en vadrouille et je prends la peine de le prévenir lorsqu'on risque d'être un peu bruyants avec les potes. Mais ça ne le dérange jamais, il me rassure en me disant que cela met un peu d'animation dans sa vie. Et les nanas, et bien je n'en ai jamais ramené aucune chez moi. Je n'ai pas envie que mon adresse fuite dans la presse ou encore prendre le risque qu'elles se pointent à l'improviste. Comme je l'ai dit, je consomme en quantité mais en one-shot.

Je n'ai pas vu le temps passer et constate qu'il est treize heures lorsque mon voisin part de chez moi. D'un simple café, cela s'est transformé en brunch improvisé avec des restes qu'il avait dans son frigo et moi des paquets de gâteaux accompagnés des fruits secs qui traînaient dans mon placard. Au départ, il m'a juste demandé comment s'était passé la tournée en m'avouant qu'il avait éprouvé de la fierté de me connaître en voyant un reportage qui parlait de nous sur une chaîne musicale. J'ai été surpris et super content qu'il s'intéresse à ma carrière. Alors je lui ai montré des photos que j'ai prises à chaque concert pour faire un book en souvenir comme je l'ai fait pour les deux précédentes tournées. Ensuite, Ritchie va le publier sur notre site internet pour faire plaisir aux fans. Cela leur permet de revivre la tournée de notre point de vue et avec quelques clichés des backstages en prime car ils sont toujours friands d'en savoir plus sur notre vie privée. Je lui ai aussi relaté quelques anecdotes et mésaventures et on s'est bien marré. Avant de rentrer chez lui, il m'a donné ma pile de courrier et moi la bouteille de bourbon. J'ai vu dans ses yeux une gratitude qui m'a fait un pincement au cœur. Je pense que ça doit faire un bail que personne ne lui avait fait de cadeau.

Comme il fait un temps magnifique, je vais en profiter pour prendre l'air marin de Crescent Beach. C'est à deux heures de route mais de toute façon, j'ai l'après-midi pour moi comme mes parents ne m'attendent pas avant le dîner. Si les vagues le permettent, je pourrai même me faire une petite session de surf car ça me manque de ne pas avoir pu monter sur une planche plus tôt. Je pose vite les assiettes sales dans le lave-vaisselle. J'enfile un short de bain et un t-shirt, mes lunettes de soleil et sors tout guilleret de mon appartement.

J'ouvre la porte de mon garage, là aussi, je suis rassuré de voir que tout est resté intact. Je retrouve ma belle Harley au chaud sous sa bâche à côté de mon Léon, c'est le surnom de mon van comme Tom l'a baptisé Caméléon. Je l'ai acheté il y a neuf ans pour transporter notre matos afin de nous rendre dans les pubs pour donner des concerts. C'est que c'est volumineux une batterie donc j'ai investi dans ce beau fourgon noir flambant neuf. Et puis il nous a également servi pour les déménagements des uns et des autres, pour aller à la plage avec nos planches de surf et comme camping-car pour participer à des festivals. Bref, il me trimballe de partout mon fidèle Léon.

Je charge ma planche de surf sur la galerie, pend ma combinaison Néoprène sur le porte manteau dans la cabine et prend la route direction l'océan.

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