Chapitre 36 - Le folklore
Média : Let it Burn – Goat
Dimanche 16 juillet 2017
Aujourd'hui c'est la fête, le village est en émulation pour célébrer les noces de Mya. En fait, son invitation n'était pas forcément un privilège puisque toute la tribu s'affaire à préparer les festivités. Mais je ne suis pas vexé pour autant. Au contraire, je pourrai plus facilement me fondre dans la foule et éviter un tête à tête gênant avec le marié.
Tandis que Mya est partie avec sa mère chez Inkillay, Tupak me réquisitionne pour aider dans la décoration de la maloca. Je n'ai pas remis les pieds là bas depuis la cérémonie de l'ayahuasca et j'avoue qu'arrivé à l'orée de la clairière, ça me fait bizarre de découvrir le lieu en pleine journée. Il n'y a pas le côté mystérieux que j'ai ressenti la première fois. Forcément, avec le soleil et la végétation luxuriante, c'est exotique mais pas mystique.
Il y a déjà du monde qui s'agite autour de la cahute, des hommes principalement. Visiblement Lila avait raison, comme par hasard quand Mya n'est pas dans les parages, Tupak est détendu et sympathique avec moi. Alors que n'importe quel père serait super stressé de marier sa seule fille, lui il plaisante avec moi et me présente à son fils ainsi qu'à d'autres jeunes de la tribu qui parlent ma langue. Finalement, c'est cool, il va bien finir par m'adopter.
Comme je suis grand, on m'a confié la mission d'installer les banderoles et les guirlandes aux poutres qui traversent de part en part le plafond de la maloca. Pendant que je suis perché sur une échelle, des tapis sont installés sur le parquet en bois de la cabane ainsi que tout autour sur le sol en terre. Des flambeaux sont plantés aux divers coins de la clairière, ils serviront à nous apporter de la lumière lorsqu'il fera nuit. Des tables basses sont disposées au milieu des carpettes que des jeunes filles ornent de bougies et de fleurs. L'endroit commence à revêtir un aspect vraiment festif.
Et soudain je me rends compte que comme un con, je n'ai pas prévu de chemise. Il faudra que je demande à Tupak s'il ne peut pas m'en prêter une maintenant qu'on est plus proche. Mais pour le moment il est occupé à embraser un tas de bois entouré de galet qui servira certainement à la cuisson du repas. Pourvu que ce ne soit pas pour préparer une potion bizarre encore.
Des musiciens s'installent sous la maloca à l'endroit où il y avait l'autel d'Inkillay l'autre jour. Ils ont toutes sortes d'instruments à vent, des espèces de guitares et surtout de magnifiques tambours. Je suis tout excité de voir des percussions. Aussi, je range l'échelle à l'endroit qu'on m'indique et demande l'autorisation d'essayer un instrument, un bombo d'après les explications d'un de mes nouveaux potes. Je m'empare des baguettes et frappe à divers endroits sur la peau tendue de chèvre pour découvrir les différents sons qu'offrent le tambour.
Alors que je commence à trouver le rythme et me lance dans une improvisation que m'inspirent ces sonorités ethniques, des musiciens me rejoignent et m'accompagnent à la flûte et à la guitare. C'est l'éclate totale, je suis en plein kiffe musical. Malgré la barrière de la langue avec certains, à cet instant, nous n'avons pas besoin de traducteurs, nous parlons le même langage, celui de ces notes de musique qui nous habitent et résonnent dans la jungle.
Des jeunes amusés par notre bœuf se lancent dans une joute chorégraphique en se toisant fièrement. Une sorte de défi pour désigner celui qui arrivera le mieux à coller aux rythmes soutenus de mon tambour avec des pas de danse très recherchés en tapant des pieds dans la terre. Au fur et à mesure, certains capitulent en se marrant tandis que les deux mecs restants ne veulent pas s'avouer vaincu, comme si leur virilité était en jeu. Je monte en intensité pour complexifier le niveau, une ronde se forme autour de nous pour encourager les finalistes. Les combattants tout comme moi sont en sueur, mais aucun ne veut lâcher et moi je ne compte pas les abandonner, je suis bien trop content de retrouver une caisse à tambouriner et de m'initier à leur folklore.
Soudain Tupak s'approche de nous en frappant dans ses mains, les danseurs s'arrêtent instantanément alors je les imite et stoppe mes coups de baguettes.
— Bravo les jeunes, vous êtes très doués mais je vous conseille de garder des forces pour ce soir, se marre-t-il.
Puis il s'approche de moi.
— Quant à toi amigo, tu es impressionnant. J'aime ton énergie et ta maîtrise des percussions. Tu devrais jouer un peu ce soir, je suis sûr que cela mettra une bonne ambiance et ça marquera le coup. Un yankee qui joue du bombo au mariage de ma fille, tout le monde s'en souviendra, balance-t-il fièrement.
— Avec plaisir, m'exclamé-je satisfait que le colombien apprécie mes talents de batteur sur un de leurs instruments typiques. En parlant de ce soir, me lancé-je, vous auriez une chemise à me prêter ? Car je n'avais pas prévu de participer à un mariage.
— Ne t'inquiète pas mon grand, habille toi comme tu te sens à l'aise, je te prêterai un poncho pour la cérémonie, me rassure-t-il. Dans tous les cas, tu resteras à l'écart tu sais, continue-t-il plus sérieux. Il n'y a que la famille qui s'installe sous la maloca. Mais je te fais confiance, tu as rencontré du monde cet après-midi, donc tu trouveras bien de la compagnie pour t'amuser, me sourit-il de nouveau en passant son bras autour de mes épaules. Pour le moment, viens nous aider à installer le lechona, Il faut qu'on commence à le faire cuire pour qu'il soit prêt pour le dîner.
Bon ok pour l'adoption, on repassera. Tupak cherche encore à m'éloigner de Mya mais je m'en remettrai. Maintenant que j'ai brisé la glace avec les jeunes du village en jouant des percussions, je ne suis pas inquiet pour ma soirée. Au contraire, je suis même plutôt content de ne pas être coincé à la table des mariés.
Je le suis jusqu'au brasier qu'il a préparé pendant que je jouais du tambour sans comprendre de quoi il me parle quand une procession de jeunes nous rejoint avec une épaisse barre sur l'épaule. Ils se tournent de profil et je découvre un cochon suspendu à la tige en métal. Mais ce n'est pas un jambon ou des côtelettes, non, c'est l'animal entier avec ses petites pattes et sa grosse tête attachés. En regardant la pauvre bestiole morte, je retiens un haut le cœur. Mais je ne voudrais pas les vexer en faisant l'âme sensible alors je prends sur moi et c'est en apnée que j'aide les hommes à installer la bête sur le tourne broche.
— C'est un cochon de lait, m'explique le père de Mya. Les femmes l'ont vidé et ont préparé une bonne farce avec du riz et des légumes. Tu verras c'est un délice.
J'opine de la tête en détournant le regard. Je ne doute pas que le repas sera succulent mais c'est une partie de leur folklore dont je me passe aisément des détails. Chacun sa spécialité et même si je n'avais aucun doute, depuis que je suis arrivé ici, j'ai la certitude que je ne suis assurément pas un boucher.
Nous laissons le préposé à la cuisson avec son cochon pendu et nous retournons au village pour nous laver et changer de tenue. Mya et sa mère ne sont toujours pas rentrés. En revanche, j'ai le plaisir de faire la connaissance du futur marié qui n'est autre que le petit frère d'Otoronqo . Surprise ! Je comprends mieux pourquoi Mya ne tarissait pas d'éloge sur ce dernier.
Même s'ils discutent comme si de rien n'était, je me sens relativement mal à l'aise car je suis sûr qu'Oto sait que j'ai été intime avec la mariée. Il m'a forcément vu avec Mya pendant qu'on les matait en pleine action avec Lila vers la cascade. Je suis d'autant plus gêné d'apprendre qu'ils s'installent ici pour la nuit. C'est génial tout ça, il ne manquerait plus que Lila viennent rejoindre son amant dans son lit et je serais au top de l'embarras. Maintenant que je connais l'identité du marié et de sa famille, je suis vraiment très content d'être mis à l'écart pendant la fête.
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