Chapitre 31 - La purification
Média : Summer Cannibals – Patti Smith
Vendredi 14 juillet 2017
Après la baignade dans le plan d'eau qui m'a permis de m'apaiser et retrouver mes sens, j'ai fait quelques photos de ce lieu hors du commun.
À présent, Mya et moi entamons la descente pour rentrer au village. Et si je me plaignais de la montée et de mes poumons en feu, je dois reconnaître que le retour n'est pas plus aisé. L'humidité ambiante ne me facilite pas la tâche et je n'arrête pas de glisser sur des racines ou de riper sur des cailloux mouillés. Ça me gave et j'ai hâte d'être arrivé en bas pour me poser tout seul au calme dans ma chambre.
Je progresse à la suite de Mya sans lui adresser un mot. Je me sens complètement vidé de toute énergie. Je ne sais pas si c'est dû à l'altitude mais c'est la première fois que je ressens aussi intensément des émotions. Comme si cet emportement m'avait consumé de l'intérieur. Et je m'en veux de m'être laissé embringuer aussi loin avec la jeune colombienne, même si elle m'affirme avoir apprécié. Je lui ai quand même présenté mes excuses alors maintenant je n'ai vraiment pas envie d'en reparler. Je suis encore plus reconnaissant envers la jolie brunette qui respecte mon silence et endure mes soupirs tout en me guidant à travers la jungle avec le sourire et la sérénité innée de son peuple.
Arrivés au village, je retrouve des repères tandis que nous suivons les routes que nous avons parcourues à l'aller. Nous passons devant la hutte ronde d'où sort une épaisse fumée blanche par la cheminée accompagnée d'une odeur particulièrement forte.
— C'est la maison d'Inkillay, me renseigne Mya. Elle prépare la cérémonie de ce soir.
Je continue mon chemin circonspect par le mystère qui commence à planer autour de cette fête que Lila et sa mère concoctent dans le secret de cette cabane. En passant devant le jardin, mon petit pote à quatre pattes revient me faire la fête. Je lui caresse la tête entre les deux oreilles et il me lèche les doigts. Son affectuosité me fait du bien et me redonne un semblant de sourire. Je commence à me sentir légèrement mieux.
Cependant lorsque je tourne la tête et découvre la jolie petite chèvre couchée sur le flan en train de se vider de son sang dans une bassine, mon estomac se retourne d'un coup et je n'ai que le temps de courir derrière la maison de la mère de Mya pour déverser mon petit déjeuner.
Bordel mais c'est quoi cet endroit ? Ne me dites pas que c'est un sacrifice et qu'on va se délecter de son hémoglobine autour d'un feu de camp ce soir sinon je me barre en courant. Et tant pis pour mon plexus solaire. Mais je préfère squatter un hôtel miteux à Bogota pendant dix jours que de me transformer en vampire. Même si je suis ouvert d'esprit et toujours prêt pour de nouvelles expériences, là c'est au-dessus de mes forces.
— Je nettoierai tout plus tard, m'excusé-je en m'essuyant la bouche. Pour le moment, j'ai besoin de me reposer, déclaré-je en montant les quelques marches qui mènent à la pièce de vie.
Je salue de la main la mère de Mya qui fume sa pipe en surveillant le plat qui mijote sur le poêle et je pars m'enfermer dans ma chambre. Le lit trop petit m'accueille mais ça me fait du bien de le retrouver et je me laisse sombrer dans un sommeil profond.
On frappe délicatement à la porte et le battant s'ouvre doucement. La tête de Mya apparaît dans l'entrebâillement avec un joli sourire avenant et un plateau dans les mains. Je tourne la tête, le soleil a déjà commencé à décliner.
— Merde j'ai dormi combien de temps ? me préoccupé-je.
— Trois heures, se marre la brunette en posant le plateau sur un tabouret. Je suis venue te voir à plusieurs reprises mais tu paraissais tellement serein que je n'ai pas pu me résigner à te réveiller. Mais à présent, on n'a plus le temps, il faut qu'on te prépare pour la cérémonie. Lila est passée tout à l'heure mais comme tu dormais, elle n'a pas voulu te déranger. Alors elle a laissé tout ce qu'il faut pour ta préparation.
— Ça consiste en quoi cette préparation ? m'inquiété-je.
— Ce n'est rien de méchant rassure-toi, se moque-t-elle. Tu dois commencer par boire cette infusion de plantes.
Devant ma grimace, elle éclate de rire.
— Goûte, tu verras c'est bon, m'encourage-t-elle.
Mouais, si c'est un truc immonde comme ce qu'elle m'a servi ce matin, je ne suis pas certain d'apprécier davantage ce breuvage.
— Tu veux que j'aille chercher Lila ?
— Non c'est bon laisse là où elle est. Je me porte très bien sans elle, réponds-je avec un regain d'animosité.
D'ailleurs, elle n'a pas à intérêt à revenir toute mielleuse car ça ne marche plus le yoyo, elle fait sa vie et moi la mienne. Tandis que je rumine ma colère, Mya vient s'asseoir sur le bord du matelas et pose sa main sur mon avant-bras afin d'établir un contact rassurant avant de prendre la parole.
— Si tu veux plaire à Lila, tu dois chasser toute cette noirceur qui est en toi. Pour le moment, tu erres dans la nuit de ton âme comme un loup qui hurle à la lune pour pleurer sa solitude et appeler ses congénères. Mais pour séduire Killasisa il faut être solaire, elle ne peut pas s'unir avec une personne ombrageuse, cela pourrait avoir de lourdes conséquences pour elle.
— Killasisa ?
— Oui Lila c'est le surnom qu'elle s'est donnée pendant ses études. Mais son prénom quechua est Killasisa. Ça signifie Fleur de lune. Et la fleur de lune se cueille avec amour, conclut-elle avec un sourire bienveillant. Bon à présent, tu dois boire ta purge, déclare-t-elle en me donnant une tape sur le bras.
Elle se lève et me sert la tisane encore fumante dans la même tasse en bois que ce matin puis elle me la tend. J'attrape la poignée et jette un coup d'œil au liquide. La teinte marron due à la matière de ma chope ne m'inspire pas confiance surtout avec les résidus de racines et de feuilles qui flottent à la surface. Je hume le fumet qui se dégage et je ne suis pas plus rassuré. Mais bon au moins, ce n'est pas du sang de chèvre chaud donc je me laisse tenter et je trempe les lèvres. Je suis agréablement surpris, la décoction a un goût de réglisse avec une sensation piquante dans la gorge comme s'il y avait du piment.
— C'est buvable, balancé-je en me marrant pour chambrer Mya qui était dans l'expectative de ma réaction.
— Parfait ! Voici ton outre, tu dois boire toute ta tisane pour ce soir, m'informe-t-elle. Maintenant, on va aller au cours d'eau pour ta toilette de purification. Prends des vêtements confortables pour te changer après.
Et sans me laisser le temps de réagir, Mya sort de ma chambre.
Là je suis en flippe totale, après la biquette égorgée qu'est-ce qu'ils veulent me faire. Une purge suivie d'une toilette de purification, j'espère qu'ils ne me préparent pas pour m'embaumer comme une momie. Putain, si ça se trouve je suis dans une tribu de cannibales et c'est moi le sacrifice humain !
Je prends mon pantalon de survêtement et mon sweat à capuche et sors en trombe de la chambre pour retrouver Mya.
— Dis-moi, c'est quoi cette fête parce que je ne comprends rien à ce qui se trame là. Je veux bien être coopératif mais j'ai besoin d'en savoir plus.
— Lila ne t'a pas expliqué ? s'étonne-t-elle.
— Non, réponds-je prestement.
— Inkillay est la chaman du village. Ce soir, elle fait une cérémonie pour soigner ceux qui sont venus la trouver pour lui demander de l'aide. Avec les plantes qu'elle va te donner, les esprits de la nature vont te parler, m'informe-t-elle.
Malgré les explications de Mya, j'avoue que je ne suis pas beaucoup avancé mais je suis déjà un peu plus rassuré sur mon sort. Après tout, je ne perds rien à tenter l'expérience. Au pire ce sera un bon délire mystique à raconter aux potes en rentrant. Je retrouve le sourire et suis Mya jusqu'au ruisseau pour l'étape de la purification avec mon outre de tisane sur l'épaule pour continuer de m'abreuver de ma purge. Ils me font vraiment faire n'importe quoi ces colombiens.
Arrivés au bord de la petite rivière, Mya me demande de me mettre nu et de m'asseoir sur un rocher plat disposé au milieu de l'eau. Pendant que je m'installe, elle ouvre une jarre disposée à côté de moi et prend une demie calebasse qu'elle remplit du liquide.
— Ce sont des plantes macérées. Inkillay leur a chanté une incantation pour que le processus de purification soit complet, m'explique-t-elle en me déversant le liquide froid sur la tête. Frotte ton corps avec les feuilles, grâce à ça tu seras prêt à accueillir les esprits.
Sans vraiment chercher à comprendre ce qu'elle me dit, je m'exécute minutieusement. Tandis que je me fais un massage avec le dépôt visqueux de végétation, un délicieux parfum de menthe et d'eucalyptus envahit mon corps et apaise mon âme. C'est magique leur truc, je vais demander la recette à la mère d'Anka pour m'en badigeonner dès que je sentirai la pression monter au fond de mon être.
Si je me sens zen, la présence de Mya me donnerait presque envie de me rattraper sur ma piètre prestation sexuelle au bord de la cascade. Alors qu'elle va pour verser une calebasse d'eau sur mon crâne pour rincer la décoction de plantes, je lui attrape la main et l'attire à moi. Son regard brûlant se pose sur mon entrejambe qui commence à marquer des signes d'excitation.
— Maintenant qu'on a entamé le rituel de purification, la fornication est interdite. Mais crois-moi la frustration peut t'aider à trouver plus facilement les réponses, à ressentir plus intensément le message des esprits, déclare-t-elle en me déversant l'eau froide sur le corps qui calme instantanément mes ardeurs.
Bon et bien, la fête de ce soir annonce un super programme, de la purge en boisson, pas de baise et des esprits en invités surprise. J'espère qu'au moins la bouffe sera bonne.
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