Média : Oceans – Pearl Jam

Dimanche 9 juillet 2017

Tandis que nous approchons d'une crique, elle arrête le moteur du bateau. Elle monte à l'avant et ouvre une trappe d'où elle sort l'ancre qu'elle jette dans le fond sableux en tirant dessus pour être sûre que notre embarcation soit bien accrochée.

— Prêt pour ton baptême de plongée ? me demande-t-elle enjouée.

— Avec toi, je suis prêt à tout, lui avoué-je en essayant de la charmer.

Elle se marre prenant ma tentative de séduction à la dérision et retire son short avant de se diriger vers le matériel. Oh bordel, la vision de rêve, son bas de bikini rouge très échancré couvre à peine ses belles fesses. Et là je ne suis plus très concentré sur les quelques consignes de base qu'elle commence à me donner. Je raccroche quand même avec ses explications au moment où elle me tend un masque, un tuba et des palmes.

Pendant qu'elle positionne les détendeurs et les bouteilles d'air sur les gilets stabilisateurs, je sens une sorte d'excitation mêlée à de l'appréhension m'envahir. Toutefois, Lila m'explique la gestuelle pour pouvoir communiquer sous l'eau comme le fameux OK en joignant son pouce et son index. Autant je suis à l'aise à la surface de l'océan même avec des belles déferlantes, que le monde sous-marin va être une découverte totale. C'est toujours grisant une première fois mais j'étais sérieux en lui confiant qu'avec elle, je suis prêt à braver toutes mes craintes. Elle m'observe, attentive à la moindre de mes réactions. Son regard noir et bienveillant me capte et me rassérène.

— Tu as des questions ? m'interroge-t-elle avec douceur.

— Il y a des requins ? m'inquiété-je soudain.

— Tu veux parler du grand blanc je pense. Normalement, il n'y en a pas à cette saison car les otaries ont migré plus au sud. Comme elles constituent leur alimentation principale, ils se déplacent avec elles, me rassure-t-elle. 

Tout en l'écoutant, je sonde le fond marin du regard, l'eau turquoise et limpide calme cette sensation angoissante d'inconnu.

Je m'assois sur la banquette, met mon masque et mes palmes en place pendant qu'elle m'installe le gilet sur les épaules. Elle gonfle ma stab et m'aide à me positionner sur le bord du bateau. La vache, c'est que ça pèse une tonne ce truc. Elle est costaude ma naïade l'air de rien.

— Lorsque tu es prêt, tu mets ta main sur ton masque et ton détendeur puis tu bascules en arrière comme si tu voulais faire une pirouette. Ok ? mime-t-elle avec ses doigts pour me mettre en condition subaquatique.

Je lui réponds de la même façon et respire un grand coup en la regardant se préparer avec aisance. Elle est dans son élément comme moi avec la musique, elle manipule le matériel avec la même facilité que moi mes baguettes face à ma batterie.

Une fois parée, elle s'approche de moi et m'encourage avec un merveilleux sourire qui me donne des ailes. Sans plus réfléchir, je suis ses consignes et je me jette en arrière dans une sorte de salto qui me fait perdre mes repères mais Lila me rejoint rapidement. Elle pose sa main sur mon épaule et me demande si c'est OK avant d'entamer la descente. Je lui confirme que tout va bien et je la laisse vider mon gilet stabilisateur pour nous immerger lentement.

Au fur et à mesure que nous descendons, je ressens une oppression au cœur de ma poitrine, une sorte de claustrophobie complètement irrationnelle puisque nous sommes dans un milieu très vaste et que la visibilité est excellente. C'est ce silence qui me déstabilise, ce vide juste rythmé par le bruit de ma respiration, bien trop rapide, et des petites bulles qui sortent de l'embout de mon détendeur. Lila sent que je suis en train de perdre pied et que la panique me gagne petit à petit en constatant mon hyperventilation.

Nous sommes pourtant à même pas cinq mètres de profondeur, il doit y en avoir encore tout autant en dessous de nous et je vois clairement la surface comme le fond de sable blanc. Mais cette sensation de vertige face à l'immensité qui m'entoure me submerge jusqu'à ce que Lila se positionne face à moi et prenne délicatement mon visage dans ses mains pour river ses yeux aux miens. Avec patience, elle réussit à me transmettre sa sérénité à travers son regard noir qui m'apaise de son aura bienveillante. S'il n'y avait pas les détendeurs, je fondrais sur sa bouche pour m'abreuver de sa douce quiétude.

Grâce à ma belle sirène, j'arrive rapidement à me détendre et retrouver ma lucidité. Toutefois Lila décide de ne pas rompre le contact pour conserver mon état de confiance. Elle s'empare de ma main pour mon plus grand plaisir et m'entraîne avec elle en direction des rochers.

Tandis que nous palmons, Lila s'écarte doucement de moi pour me montrer une raie manta qui passe majestueusement en dessous de nous comme un oiseau battant des ailes. Je suis subjugué par ce spectacle magique. Toutes mes sensations sont décuplées ici, et maintenant la peur a cédé la place à un sentiment de joie intense. Je me sens comme un poisson dans l'eau et l'expression prend vraiment tout son sens à cet instant.

L'un à côté de l'autre, nous ne faisons qu'un dans cette immensité turquoise à admirer des créatures exceptionnelles, des poissons tropicaux, des hippocampes et même une tortue qui nous fait l'honneur de son passage tranquille. Je suis en harmonie avec l'océan, la magnifique faune aquatique que je découvre avec émerveillement et surtout avec ma belle naïade qui ne me quitte pas des yeux.

Après près d'une heure à contempler la vie sous-marine, Lila regonfle tout doucement mon gilet pour remonter à la surface en faisant quelques paliers de décompression. Elle se hisse sur le bateau la première m'offrant une vue splendide de son postérieur pour parfaire ce moment idyllique avec elle. Je la suis sur la petite échelle et lui fait passer les stabs et les palmes.

Au moment où je remonte dans la coque, une vague un peu plus grosse que les autres me fait perdre l'équilibre. Heureusement, Lila me rattrape de justesse avant que je bascule par-dessus bord.

— Hey, reste avec moi ! explose-t-elle de rire tout en me tirant vers elle.

Machinalement, je m'agrippe à elle pour rester stable. Mon corps mouillé se retrouve plaqué contre le sien.

— C'est une invitation ? lui demandé-je les yeux dans les yeux.

Elle me fixe en déglutissant sans oser faire un mouvement. Ma voix plus grave qu'habituellement semble la troubler, à moins que ce soit notre soudaine proximité. Je tente de garder mon calme mais je suis dans le même état de nervosité qu'elle. Elle est quasiment aussi grande que moi, il me suffirait de baisser à peine le visage pour que nos lèvres se touchent. Tout en sondant son regard hypnotique, je cède tout doucement à l'appel de ce baiser. Mais au moment où je ferme les paupières pour savourer le doux contact de sa bouche, sa main s'interpose et me pousse gentiment.

— Non, je ne peux pas, me susurre-t-elle.

— Pourquoi ? lui demandé-je déçu. On ne vient pas de passer un moment magnifique ensemble ?

— J'ai apprécié de découvrir cette facette de toi, plus authentique. Mais il y a encore beaucoup d'ombres en toi.

— Lila, lorsque je suis avec toi, je me sens différent. Laisse-moi te prouver que je ne suis pas celui que tu imagines, l'imploré-je. 

— Je ne crois rien Greg. Je le sais, je le sens là, affirme-t-elle en posant sa main à plat en dessous de mes pectoraux. Ton plexus solaire est hyperactif. Tu es trop instable, ce n'est pas bon pour moi.

— C'est quoi ces conneries Lila ? me marré-je.

— Tu vois, tu recommences avec ton arrogance. Je ne te juge pas, je t'explique juste pourquoi ce n'est pas possible entre nous. Allez, viens te rincer après on va manger, m'invite-t-elle en me souriant gentiment tout en se libérant de mon emprise.

Je réponds poliment à son sourire et me dirige vers la douche portable qu'elle me tend. Cependant, j'ai la rage au fond de moi mais je ne lui montre pas. Je ne veux pas lui donner raison avec ses certitudes complètement farfelues. Elle ne se rend même pas compte que je suis une version bien plus modérée de ma personnalité en sa présence. Alors je lâche l'affaire, elle est certes très belle mais je ne vais pas me prosterner à ses pieds pour lui prouver ce que je vaux. Si elle est capable de lire à travers mes côtes, alors elle n'a qu'à observer mon regard pour me croire.