III

Le soleil d'après-midi se déversait à travers les grandes fenêtres de l'école prestigieuse de Tokyo, projetant des motifs lumineux sur les pupitres bien alignés. Au fond de la salle de classe, Kazuki Ginryu était penché sur son cahier, mais il ne prenait pas vraiment de notes. Devant lui, des pages étaient remplies de gribouillages des dessins abstraits, des lignes agressives, et parfois quelques mots griffonnés à la hâte. Il passait son stylo sur le papier avec une frénésie qui trahissait une agitation interne. Ses pensées vagabondaient bien loin de la classe. Il se remémorait la conversation avec son grand-père, les mots pesants qui étaient restés en suspens : « Un mariage arrangé pourrait tout changer pour nos clans. Tout .» Depuis cette révélation, Kazuki était partagé entre le désir de démontrer sa maîtrise et une curiosité grandissante envers cette fille qu'il n'avait jamais rencontrée. Que pouvait bien penser une Hebiyama de toute cette situation ?

Il soupira, s'adossant un instant à sa chaise, avant de reprendre son griffonnage. Les gribouillages reflétaient presque un miroir de son esprit, à la fois désordonné et étonnamment concentré. Il dessinait inconsciemment une silhouette féminine, encadrée de motifs rappelant des flèches... Peut-être une référence involontaire au kyūdō, discipline qu'on disait maîtrisée par Sayuri.

Alors qu'il s'abandonnait à ces réflexions, une voix familière interrompit le fil de ses pensées.

   « Alors, à quoi tu rêves cette fois ? » demanda Issei avec un sourire narquois, posant son gobelet sur le bureau.

Kazuki leva les yeux, un sourire en coin jouant sur ses lèvres.

   « Je pensais à quelque chose d'intéressant. Disons que c'est une sorte de projet futur... imposé ».

Issei arqua un sourcil, visiblement intrigué. Il examina attentivement le visage de son ami, cherchant à en percer les secrets. Il sentait bien qu'un évènement plus sérieux était en train de se préparer.

   « Imposé ? Et ça vient de qui, ton grand-père ? »

Kazuki acquiesça, ses doigts jouant distraitement avec le coin de son cahier.

   « Oui. Il y a deux semaines, il m'a parlé d'un mariage arrangé ».

Le silence qui suivit fut interrompu uniquement par le bruissement des papiers et les conversations lointaines des autres étudiants. Issei cligna des yeux, étonné : « Attends... toi ? Un mariage ? Avec qui ? »

Kazuki posa son stylo et se tourna vers son ami.

   « Une fille de Kyoto. Apparemment, c'est la petite-fille de Ryuuji Hebiyama, le chef du clan Hebiyama. Mon grand-père pense que cette union pourrait résoudre des années de conflit entre nos familles ».

Issei siffla doucement, se laissant retomber contre le dossier de sa chaise.

   « Une alliance politique, donc. C'est tellement... typique.. Et toi, tu en penses quoi ? »

Kazuki haussa les épaules, son expression passant de l'amusement à quelque chose de plus calculateur.

   « Honnêtement ? »

   « Oui, honnêtement ».

   « C'est intéressant. Pas dans le sens romantique, bien sûr. Mais si cette fille est aussi redoutable qu'on le dit, ce mariage pourrait être un défi... amusant ».

Issei secoua la tête, un sourire incrédule sur les lèvres.

   « Toi et ton obsession pour les défis. Tu te rends compte que c'est de ta vie que tu parles, pas d'un simple jeu ? »

   « Et alors ? » répliqua Kazuki, son sourire s'élargissant. « Tout dans la vie est un jeu si tu sais comment le jouer ».

Issei croisa les bras, le regard fixé sur son ami.

   « Tu sais, cette façon de penser pourrait te causer des problèmes. Et cette fille, qu'en sait-tu vraiment ? Je sais bien que tu as mené ta propre enquête perverse, comme tu le fais toujours quand tu traques une proie, mais elle pourrait bien se révéler plus forte que toi. ».

Kazuki tapota son stylo contre son bureau, ses yeux gris se perdant dans le vide.

   « Peut-être. Mais c'est ce qui rend les choses excitantes. Je suis curieux de la rencontrer, de voir à quel point elle peut résister à... disons, mes charmes ».

Issei éclata de rire, attirant l'attention de quelques élèves proches.

   « Tu es irrécupérable, Kazuki. Mais fais attention. Si elle est aussi redoutable que toi, elle pourrait te surprendre . Je suis prêt à parier ».

Kazuki pencha légèrement la tête, arborant un sourire énigmatique. Il aurait pu sembler intimidant pour certaines personnes, mais pas pour Issei, qui était au courant de presque tous ses méfaits.

   « Peut-être. Mais les surprises, ce sont elles qui rendent la vie électrisante, non ? »

Issei pencha la tête, visiblement toujours intrigué : « Et cette famille de Kyoto, qu'est-ce que tu en sais vraiment ? Leur réputation ? La fille, elle est comment ? Tu as des photos d'elle ou des trucs du genre ? »

Kazuki haussa un sourcil, puis sortit son téléphone avec un sourire amusé.

   « Tu veux des détails ? Très bien. Voilà Sayuri Hebiyama » dit-il en ouvrant une photo trouvée sur les réseaux sociaux. « Elle est plutôt photogénique, non ? »

Issei s'approcha pour regarder l'écran et resta silencieux pendant quelques secondes.

   « Elle est... franchement belle. Je dirais même qu'elle est totalement à mon goût. Mais... », ajouta-t-il avec un sourire narquois, « elle ne correspond pas du tout à ton style. Elle a l'air trop classe, trop sophistiquée pour toi ».

Kazuki roula des yeux.

   « Et qu'est-ce que tu veux dire ? »

Issei pouffa de rire.

   « Sérieusement, tu compares Sayuri à Fumiko Ishikawa ? Ton « amie de cul «, comme tu l'appelles. Fumiko est jolie, mais elle n'a pas cette prestance. Sayuri donne l'impression d'une reine de glace... une qui pourrait te faire tenir pour une fois sur place ».

Kazuki ricana, remettant son téléphone dans sa poche.

   « Peut-être que c'est ça qui rend les choses intéressantes. Qui sait, peut-être que je pourrais la faire fondre ? »

Issei secoua la tête, amusé mais sceptique.

   « Bonne chance avec ça. Juste... fais attention. Tu joues avec le feu cette fois, Kazuki ». Issei, toujours curieux, ajouta : « Au fait, tu sais si elle a un petit ami actuellement ? »

Kazuki haussa les épaules avec indifférence.

   « Pas la moindre idée. Ce n'est pas vraiment le genre d'information que je cherche. Et franchement, ça m'est égal. Que ce soit elle qui soit infidèle ou quelqu'un d'autre, ça n'a aucune importance pour moi ».

Issei leva un sourcil, visiblement sceptique.

   « Pas d'importance, hein ? Tu dis ça, mais ce genre de philosophie ne t'a pas toujours réussi. Rappelle-toi de toutes les filles que tu as fréquentées. Voyons voir... il y avait Keiko, qui croyait que tu allais la rejoindre dans sa ville natale... Mais non, tu l'as quittée parce qu'elle était trop « naïve ». Puis Reina, la pauvre fille que tu as laissée parce qu'elle te « demandait trop de temps ». Et on ne va pas oublier Aiko, dont tu as dit qu'elle « ne comprenait pas tes ambitions ». Ensuite, il y avait Chiharu, Mika, et... bien sûr, Fumiko que tu fréquentes actuellement ».

Kazuki esquissa un sourire amusé, visiblement non perturbé.

   « Et alors ? Je ne leur ai jamais menti. Elles savaient à quoi s'attendre ».

Issei secoua la tête, soupirant.

   « Oui, mais cette fois, ce n'est pas juste une fille de passage. C'est une alliance politique, une affaire de clans. Et si les choses tournent mal, ne compte pas sur moi pour te sortir d'affaire. Cette fois, tu seras le seul responsable ».

Kazuki haussa les épaules, toujours aussi désinvolte.

   « On verra bien. Mais merci pour le rappel, Issei. Toujours aussi loyal ».

La cloche retentit, signalant le début du cours suivant. Kazuki attrapa ses affaires avec une détente calculée, tandis qu'Issei le suivait du regard, un mélange d'amusement et de préoccupation dans les yeux. Une chose était claire : ce mariage arrangé allait bouleverser bien plus que leurs simples études.

Pendant le cours, Kazuki, le menton appuyé sur sa main, laissa son esprit vagabonder. Il n'avait aucune intention de prêter attention au professeur qui dessinait des schémas compliqués sur le tableau. Son esprit était ailleurs, tourné vers Kyoto et cette putain qu'il n'avait pas encore rencontrée.

« Qu'est-ce que je veux vraiment de cette fille ? » se demanda-t-il, jouant avec son stylo. Il ne voulait pas d'une relation fade ou d'une femme soumise. Non, il cherchait des émotions fortes, des confrontations, et une intensité qui le ferait vibrer. Une femme captivante et intimidante, capable de lui tenir tête. Si Sayuri était de ce genre, alors peut-être ce mariage ne serait pas une si mauvaise idée. Mais si elle s'avérait ennuyeuse... Un sourire froid passa sur ses lèvres. Dans ce cas, il savait exactement quoi faire. Les Ginryu ne toléraient pas les faiblesses, et lui encore moins. Il n'hésiterait pas à l'éliminer, d'une manière ou d'une autre. C'était une question de survie et de pouvoir, après tout.

Kazuki jeta un coup d'œil discret à son téléphone sous le bureau, vérifiant si des nouvelles de Kyoto étaient arrivées. Rien. La réponse de la famille Hebiyama se faisait attendre, et cette incertitude était à la fois frustrante et excitante.

« Peu importe leur réponse », pensa-t-il. « Je trouverai un moyen de tirer profit de cette situation. Kyoto ou pas, Sayuri ou une autre, je resterai maître du jeu ».

『☁︎』

Le week-end apportait avec lui une tension palpable au manoir des Ginryu. Kazuki Ginryu, toujours impeccablement présentable même dans les situations les plus sombres, avait passé une grande partie de la matinée à méditer sur la récente proposition de son grand-père.

Assis seul dans sa chambre, une cigarette oubliée se consumant lentement dans un cendrier de cristal, il griffonnait sur une feuille, laissant son esprit divaguer. Son stylo traçait des lignes et des figures abstraites — des formes qui, à y regarder de plus près, semblaient représenter des scènes d'opposition. Un duel, une balance déséquilibrée... Peut-être était-ce sa façon subconsciente d'explorer les possibles dynamiques avec Sayuri ?

« Elle ne sera pas facile à cerner, » se dit-il en fixant un instant le vide. « Mais c'est justement ce que j'attends. Une confrontation avec elle pourrait bien être... rafraîchissante. »

Ses réflexions furent interrompues lorsque Shunpei Sasaki l'informa que leur événement de l'après-midi devait commencer. Peu après, il se retrouva dans une pièce éloignée des couloirs somptueux du manoir, une salle froide et austère où les murs dépouillés semblaient absorber toute chaleur. Une ampoule nue suspendue au plafond diffusait une lumière blafarde qui accentuait chaque recoin, jetant des ombres étirées et sinistres sur les visages présents. Le sol en béton était marqué par des taches sombres, des souvenirs muets des événements passés. Kazuki se tenait droit, les manches de sa chemise blanche soigneusement retroussées jusqu'aux coudes, révélant ses avant-bras tendus et prêts à frapper. Ses cheveux soigneusement peignés contrastaient avec la brutalité de la scène, une dichotomie qui renforçait l'aura froide et méthodique qu'il dégageait. Devant lui, un homme ligoté à une chaise, le visage marqué par des ecchymoses violacées et des coupures ouvertes, haletait bruyamment. La sueur perlait sur son front, trahissant une peur qu'il ne pouvait plus contenir. Kazuki fit lentement craquer ses jointures, un geste calculé autant pour intimider que pour se préparer. Son regard, glacé et perçant, scrutait chaque mouvement de sa victime, cherchant le moindre signe de résistance ou de faiblesse. Chaque détail de son apparence, des plis de sa chemise à l'éclat d'une tache de sang sur sa manche, était soigneusement contrôlé — un masque d'efficacité et de domination. Il s'approcha d'un pas lent, laissant ses chaussures en cuir claquer sur le béton avec une résonance calculée. Ce bruit, simple mais menaçant, amplifiait le silence oppressant de la pièce. Lorsqu'il s'arrêta devant l'homme, il se pencha légèrement, réduisant la distance tout en maintenant une posture imposante.

   « Je vais te poser la question une dernière fois, » murmura-t-il d'une voix basse mais menaçante, « où est l'argent que tu devais rendre ? »

L'homme tenta de bégayer une réponse, ses lèvres tremblantes formant des mots incohérents. Mais avant qu'il ne puisse finir, Kazuki abattit son poing avec une précision chirurgicale, visant la pommette déjà meurtrie. Le bruit sourd de l'impact résonna dans la pièce, suivi par un gémissement étouffé. Kazuki se redressa, secouant sa main pour en chasser une douleur mineure mais insignifiante, tandis que l'homme devant lui se recroquevillait davantage sur lui-même, incapable de lever les yeux.

Derrière lui, Shunpei, un yakuza loyal des Ginryu, entra discrètement, tenant un téléphone dans sa main tendue.

   « Kazuki, monsieur Ginryu est au téléphone ».

Kazuki s'arrêta, essuyant d'un revers de manche une tache de sang qui était apparue sur son poignet. Il prit le téléphone sans un mot et porta l'appareil à son oreille.

   « Oui ? »

La voix grave et autoritaire de Renji Ginryu retentit à l'autre bout de la ligne.

   « J'espère que je ne te dérange pas dans quelque chose d'important, Kazuki ».

Kazuki esquissa un sourire ironique, jetant un regard à l'homme blessé devant lui.

   « Rien que je ne puisse remettre à plus tard ».

   « Bien. Parce que je voulais te rappeler que nous attendons toujours une réponse des Hebiyama. Cependant, j'ai reçu un message hier de Ryuuji Hebiyama lui-même. Il a proposé que sa petite-fille, Sayuri, vienne vivre quelque temps chez nous ».

Kazuki resta silencieux un instant, ses sourcils se fronçant légèrement.

   « Vivre ici ? Avec nous ? »

   « Exactement, » confirma Renji d'une voix posée. « Selon Ryuuji, cela pourrait être une occasion idéale pour amorcer les choses entre vous. Observer comment vous vous comportez, comment vous interagissez. Cela pourrait même aider à solidifier l'alliance si cela fonctionne bien. Leur silence ne signifie pas qu'ils acceptent. Ne laisse pas ton esprit s'égarer sur des détails insignifiants ».

   « Je comprends, » répondit Kazuki calmement, bien que son regard brûlait d'une lueur dangereuse. « Mais peut-être que leur silence est une invitation à agir ».

Un rire léger mais sans humour émana du combiné.

   « Ne sois pas imprudent, Kazuki. Cette alliance est cruciale pour notre avenir. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer ».

Kazuki serra la mâchoire, jetant un dernier regard froid à l'homme ligoté.

   « Comme toujours, je ne vous décevrai pas ».

Renji fit une pause, sa voix devenant encore plus ferme : « Vois à ce que cela reste vrai. Et n'oublie pas, Kazuki : tout acte a des conséquences. Tiens-moi informé ».

   « Entendu, » dit Kazuki avant de raccrocher et de tendre le téléphone à Shunpei.

Il se tourna de nouveau vers sa victime, roulant lentement ses poignets.

   « Maintenant, où en étions-nous ? »

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