I

La nuit enveloppait Tokyo dans son manteau de silence, interrompu seulement par les bruits sporadiques de la ville qui ne dormait jamais. Dans son bureau baigné d'une lumière tamisée, Renji Ginryu, vêtu d'un costume gris impeccable, fixa son verre de whisky japonais avant de composer un numéro qu'il connaissait par cœur. Ses doigts glissèrent avec assurance sur les touches de l'ancien téléphone fixe, un appareil en bakélite noir, symbole de son attachement aux traditions.

Le téléphone sonna trois fois avant qu'une voix grave et posée ne réponde.

« Ginryu. Je ne m'attendais pas à ce que tu appelles à une heure pareille, dit Ryuuji Hebiyama depuis Kyoto ».

Son ton, mêlé de surprise et d'une pointe de méfiance, reflétait l'écume de leurs relations ébranlées par des décennies de rivalité entre leurs clans.

« Ryuuji, répondit Renji avec un calme calculé, je sais que cet appel est inattendu, mais il y a des choses que seule la nuit permet de dire. Si nous étions des hommes ordinaires, nous pourrions discuter de souvenirs d'enfance. Mais nous ne le sommes pas ».

Ryuuji émit un ricanement amusé.

« T'aime toujours aller droit au but, comme avec les femmes. Tu te souviens de cette serveuse à Kyoto, celle qui t'a envoyé promener parce que tu avais sauté toutes les politesses ? »

« Les politesses sont une perte de temps, Ryuuji, tu le sais aussi bien que moi, répondit-il, un léger sourire étirant les coins de ses lèvres. Mais aujourd'hui, il s'agit de choses bien plus importantes ».

« En effet, nous sommes bien loin de ces temps innocents. Que veux-tu ? »

Renji se leva de son siège et s'approcha de la fenêtre panoramique de son bureau, un sourire presque imperceptible étirant ses lèvres. Les lueurs de la ville ne faisaient que tourbillonner autour de ses pieds.

« Je veux parler d'avenir, Ryuuji. De la survie de nos clans. Le sang versé entre Tokyo et Kyoto est devenu une rivière. Et pourtant, toi comme moi savons que ce n'est plus tenable. Les temps changent, les ennemis se multiplient. Nous ne pouvons plus nous permettre de nous affaiblir l'un l'autre ».

Ryuuji resta silencieux un instant, son esprit analytique pesant chaque mot de son interlocuteur.

« Continue ».

Renji prit une gorgée de son whisky avant de poursuivre, sa voix s'alourdissant d'une sincérité calculée.

« Je propose un mariage. Entre nos héritiers. Mon petit-fils, et ta petite-fille. Une alliance par le sang qui mettra fin à ces décennies de rivalité inutile. Ensemble, nous pourrions bâtir un empire capable de faire face à n'importe quel adversaire ».

Ryuuji éclata de rire, un rire franc et retentissant qui semblait résonner au-delà des murs de son bureau à Kyoto.

« Un mariage, dis-tu ? Ginryu, aurais-tu perdu la tête ou est-ce encore l'une de tes affaires douteuses ? Franchement, voilà une proposition que je n'aurais jamais imaginée venant de toi ! »

Son ton changea soudainement, passant de la moquerie à la provocation malicieuse.

   « Est-ce que ton verre de whisky est aussi fort que tes idées ? »

Renji, imperturbable, attendit que le rire de Ryuuji s'atténue avant de répondre.

« Dis ce que tu veux, Ryuuji. Mais réfléchis à ce que cela pourrait signifier. Kazuki est un jeune homme complexe, mais il a le potentiel d'un leader. Et Sayuri, de ce que j'entends, est à la hauteur de ton héritage. Ils pourraient trouver une force commune que nous n'avons jamais eue ».

Ryuuji réprima un dernier éclat de rire et retrouva un ton plus sérieux.

« Kazuki et Sayuri, dis-tu ? Tu proposes de les sacrifier sur l'autel de la paix ? »

« Sacrifice ou opportunité, tout dépend de la manière dont on regarde les choses, rétorqua Renji. Ils pourraient réussir là où nous avons échoué. Cette alliance pourrait transformer nos clans et changer les règles du jeu ».

Ryuuji ricanait encore, mais cette fois avec une touche d'amertume : « Tu as toujours eu le don de peindre les choses sous le jour qui t'arrange. Mais ce mariage n'effacera pas les blessures ni les rancœurs ».

« Peut-être pas, admit Renji, mais il pourrait être un commencement. Penses-y, Ryuuji. Une alliance entre Ginryu et Hebiyama changerait les règles du jeu. Et toi comme moi savons que ce jeu est loin d'être terminé ».

Un long silence s'installa, lourd de signification. Ryuuji porta une tasse de thé à ses lèvres, prenant le temps de réfléchir à cette proposition inattendue. Finalement, il parla, sa voix teintée d'une gravité nouvelle.

« Je vais y réfléchir. Mais sache ceci : si je découvre que c'est un jeu de plus dans ton arsenal, tu regretteras d'avoir composé ce numéro ».

Renji esquissa un sourire froid : « Je n'en doute pas, mon vieil ami. Bonne nuit ».

L'appel se termina sur un clic abrupt. Renji posa le combiné avec une lenteur délibérée, ses yeux se perdant dans la lueur vacillante d'une bougie. Kyoto était loin, mais l'étendue de ce qui venait de se passer résonnait déjà dans les ombres.

« Tu n'as rien raté », dit-il sans se retourner, brisant le silence pesant du bureau.

Dans l'ombre d'un coin de la pièce, Kazuki s'avança, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.

« Monsieur, je dois avouer que tu as un talent certain pour provoquer des réactions. Ryuuji Hebiyama en train de rire ? Cela valait la peine d'écouter ».

Renji lui fit signe de s'asseoir. Sur le bureau, un épais dossier marqué du nom « Sayuri Hebiyama » attendait. Renji posa une main ferme dessus avant de le faire glisser vers Kazuki.

« Apprends tout ce qu'il y a à savoir sur elle. Son caractère, ses préférences, ses défauts. Si tu veux réussir, ce n'est pas seulement elle que tu devras séduire. C'est son grand-père et tout le clan Hebiyama ».

Kazuki attrapa le dossier, l'ouvrant avec une curiosité visible. Des photos de Sayuri, des rapports détaillés, et même des notes sur ses activités quotidiennes remplissaient les pages. Ses yeux gris brillèrent d'une lueur malicieuse.

« Elle semble... intéressante. Cela pourrait être amusant ».

Renji fronça les sourcils, son regard perçant s'accrochant à celui de son petit-fils. D'un geste brusque, il attrapa Kazuki par le col et le rapprocha de son visage, sa voix grondant comme un tonnerre contenu.

« Tu crois que c'est un jeu ? Si tu échoues, Kazuki, je jure que tu regretteras d'avoir jamais été mon héritier. Tu n'es pas ici pour t'amuser. Tu es là pour protéger ce que j'ai bâti. Si tu laisses ton arrogance tout gâcher, je te briserai moi-même ».

Kazuki, bien que surpris, resta calme, un sourire léger toujours accroché à ses lèvres : « Je comprends, monsieur. Considère cela comme fait ».

Renji le relâcha, ses yeux brillant d'une colère froide.

« Alors montre-moi que tu es digne de porter le nom Ginryu. Prépare-toi, et sois irréprochable ».

Kazuki referma le dossier avec un claquement sec, son sourire confiant toujours présent.

« Ne t'inquiète pas, monsieur. J'ai toujours aimé les défis ».

Renji le regarda quitter la pièce, le bruit des pas de Kazuki s'estompant dans le couloir. Dans l'ombre vacillante de son bureau, le chef des Ginryu resta immobile, son esprit déjà tourné vers les prochaines étapes de son plan.

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