8. Confidences
"Savoir écouter son cœur, suivre ses intuitions, faire confiance à sa propre sagesse."
Anonyme
⭐️⭐️⭐️
Axel
Deux jours que ma discussion avec Camille tournait en boucle dans ma tête. Enfin c'était sans compter le fait que ce jeune homme se retrouvait constamment dans mes pensées depuis près d'un mois, et encore plus depuis notre rencontre au centre. Je n'arrivais pas à me le sortir de la tête, jamais. Comment était-ce possible qu'un inconnu puisse déjà m'obnubiler à ce point ? C'était bien ma veine d'avoir choisi de craquer sur un garçon comme lui, un garçon que je n'avais pas prévu de faire entrer si personnellement dans ma vie.
Il y avait fait irruption sans que je ne contrôle rien. Dans ma vie, dans ma tête, et dans mes sentiments, y mettant le bordel.
C'était bien ma veine, aussi, que ce garçon soit le plus têtu et insistant que je connaisse. J'avais bien l'impression qu'il ne lâcherait rien. Il était déterminé à m'aider et je ne pouvais pas nier qu'il semblait sincère dans sa démarche. Et je devais bien avouer que j'avais envie de craquer, de le laisser faire, ne serait-ce que pour qu'il me laisse tranquille ou qu'il me mette moins la pression. Enfin, je pensais que c'était pour cette raison.
J'étais perdu. Est-ce que j'avais réellement besoin de cette aide qu'il me proposait ? Est-ce qu'il pourrait vraiment faire quelque chose pour améliorer ma vie, ou la soulager comme il le disait si bien ? Est-ce que je semblais si désespéré que ça ? Est-ce que c'était une bonne idée de le laisser faire, de lui laisser une telle place dans ma vie ?
Je ne voulais pas être une simple œuvre de charité à ses yeux. Je ne voulais pas être un boulet dans la vie des autres non plus. Et je ne voulais dépendre de personne parce qu'on ne pouvait jamais savoir quand on se retrouverait seul, on ne pouvait jamais savoir si cette personne allait finir par nous abandonner. Ma mère avait bien abandonné ses fils, qu'est-ce qui empêchait un quasi inconnu de nous laisser tomber à son tour ?
Mon frère ne pouvait compter que sur moi, alors je devais être celui qui serait capable de subvenir à ses besoins. Je devais me débrouiller tout seul, parce que compter sur quelqu'un d'autre c'était prendre un risque. Et jamais je ne voudrais mettre Noé en danger, lui porter préjudice, nous porter préjudice dans la vie que j'essayais de nous créer. Parce que ce n'était pas seulement auprès de moi-même que je devrais faire mes preuves, non il y avait d'autres personnes auprès desquelles je devrais prouver ma capacité à m'occuper de mon petit frère sur le long terme. Prouver que c'était le meilleur choix dans l'intérêt de Noé.
Seulement, je ne pouvais pas nier que tout ça était épuisant. Ereintant même, puisque je devais penser à tout, je devais être là pour mon petit frère évidemment mais aussi préparer l'après, lorsqu'il sortira du centre. J'arpentais Paris en courant partout, tous les jours, tout le temps pour travailler et envisager la suite de notre vie. Je devais être prêt et solide, et je voulais faire ça pour lui, mais il était vrai que tout ça était pesant.
Jamais je ne verrais Noé comme un poids. Et j'étais sûr de moi, je savais que j'étais la meilleure solution pour lui, pour qu'il puisse continuer de guérir et de grandir dans un milieu stable. Mais ils avaient tous raison, c'était une immense responsabilité. Tout le monde ne cessait de me le dire, les jumelles, mon père, Camille.
Et ces derniers temps, une pensée n'arrêtait pas de tourner en boucle dans ma tête. S'ils avaient raison à propos de ça alors est-ce qu'ils avaient raison de penser que ça finirait par être trop lourd à porter ? Est-ce qu'ils avaient raison de craindre que je ne finisse par craquer ? Je ne craquerais pas. Non, pas quand le bonheur de mon frère était en jeu. Mais est-ce que je ne me trompais pas en m'entêtant à tout faire tout seul ?
Alors, est-ce que je devais laisser Camille m'aider ? Ou au moins le laisser essayer ? Est-ce que c'était réellement une bonne idée de le faire entrer dans ma vie alors que je ressentais des choses inédites en sa présence ? N'était-ce pas déjà trop dangereux de le laisser faire pendant que de terribles et dérangeants sentiments commençaient à prendre trop de place dans mon esprit, dans mon cœur ?
Je retins un soupir à la vue du client qui s'approchait de moi et chassai ces pensées. Je revêtis mon plus beau sourire commerçant et enregistrai le prêt de ce monsieur d'une cinquantaine d'années avant de le saluer et lui souhaiter une bonne journée. Ce fut seulement lorsque je fus certain d'être seul dans la boutique que je me permis de laisser échapper ce fameux soupir. Je passai une main dans mes cheveux avant qu'elle ne rejoigne sa jumelle appuyée sur le comptoir et baissai les yeux.
J'étais perdu, et peut-être complètement abattu.
Les yeux toujours baissés mais le dos légèrement plus droit, je fis semblant de noter quelque chose sur l'agenda de la boutique lorsque j'entendis un nouveau client faire son entrée. Je devais me ressaisir avant de lui faire peur. Je le laissais s'approcher du comptoir avant de sortir ma formule de politesse classique.
— Bonjour, est-ce que je peux vous aider ? demandai-je alors.
— Oui, je suis débutant dans le domaine du cinéma et je pourrais bien avoir besoin des conseils d'un petit génie du septième art.
Je m'étais figé à l'instant où j'avais entendu cette voix, la reconnaissant évidemment immédiatement. Lorsque je trouvai enfin le courage de relever la tête, ce ne fut que pour avoir la confirmation de ce que je savais déjà. Camille se trouvait devant moi.
Ses yeux ambrés étaient déjà posés sur moi, malicieux. Ils étaient brillants aussi, avec ces mystérieux éclats dorés, ils étaient envoûtants et joyeux. Tout comme son sourire éclatant, avenant et qui, à cet instant, m'était seulement adressé. Comment faisait-il pour toujours paraître aussi guilleret ? Comment pouvait-il toujours être aussi ouvert auprès de moi alors que je m'entêtai à le garder à distance ?
Et comment étais-je censé résister alors qu'il se présentait là, devant moi, si adorable ?
— Qu'est-ce que tu fais là ? demandai-je soudainement, sortant de ma contemplation. Comment tu as trouvé où je travaillais ?
— On va être honnêtes, des vidéoclubs, il n'en existe plus beaucoup, me répondit-il, gardant son sourire malin. Alors j'ai juste fait quelques recherches avant de choisir celui qui était le plus proche de notre arrondissement. J'ai juste tenté ma chance et il faut croire que j'ai eu une bonne intuition.
Je hochai la tête, convaincu. Sa méthode et sa réflexion étaient justes et logiques, je devais bien l'avouer.
— Mais tu ne travailles pas ? soulevai-je alors, m'interrogeant réellement sur sa présence ici alors qu'il devrait très certainement être au centre.
— Je n'ai pas beaucoup de temps, c'est vrai, mais je suis en pause et je me suis dit qu'avec un peu de chance tu pourrais en prendre une aussi, pour déjeuner, me dit-il. Ça te dirait qu'on mange un morceau et qu'on discute ? Ici ou à l'extérieur, comme tu préfères.
Je dus bien passer deux minutes à fixer bêtement Camille, ou en tout cas cela me parut durer une éternité, bien trop long pour un simple échange de regard. Mais j'étais perdu dans mes pensées en me demandant, comme à chaque fois, si c'était réellement une bonne idée. Mais Camille accepterait-il un nouveau refus ? Est-ce qu'il accepterait de repartir aussi simplement, sans protester ou insister ? Commençant à le connaître, je savais que c'était peu probable.
Je poussai un soupir, je crois que je n'avais pas envie de me battre avec lui aujourd'hui. Alors, après avoir fait le tour de la boutique d'un coup d'œil, pour m'assurer qu'aucun client n'était présent à cet instant, je décidai qu'il était en effet temps pour moi de prendre ma pause déjeuner.
— Suis-moi, lançai-je alors en attrapant les clés du magasin posées sur le comptoir.
Camille hocha la tête et m'accompagna jusqu'à l'extérieur du magasin dont je fermai la porte derrière moi. Puis je le conduisis jusqu'à la boulangerie voisine, celle dans laquelle j'avais l'habitude de me rendre lorsque je me rappelai de déjeuner, afin que nous puissions trouver quelque chose à grignoter.
— Si tu veux, on peut aller manger nos sandwiches dans le parc, à deux rues d'ici, proposai-je à Camille, une fois nos achats effectués.
— Oui, c'est une bonne idée, affirma-t-il en gardant encore et toujours son sourire.
Nous nous dirigeâmes donc vers ce parc dans le silence. J'étais un peu gêné, ou plutôt timide, mais cela ne rendait pourtant pas ce silence pesant, parce que la présence calme et sereine de Camille rendait ce moment confortable. Je ne savais pas si je pouvais dire qu'il dégageait une aura rassurante mais je devais bien admettre que je me sentais bien en sa présence, je me sentais en sécurité et ce même si j'aimerais pouvoir m'empêcher de ressentir ça. De ressentir tout ce que sa présence, et son envie de rester auprès de moi malgré toutes les fois où je le repoussais, créait en moi.
Il ne nous fallut que quelques minutes avant que nous nous installions sur un banc. Il faisait beau aujourd'hui, le mois de juin allait très bientôt s'installer et le soleil commençait à réellement réchauffer nos journées. Nous n'étions pas les seuls à avoir décidé d'arpenter ce parc, beaucoup de monde profitait aussi d'une pause à l'extérieur, des enfants passaient auprès de nous, courant, profitant de ce mercredi. Si seulement Noé pouvait, lui aussi, profiter de ce beau temps et des activités qu'offrait ce parc.
Je retins un soupir et baissai les yeux sur mes mains, ce n'était pas le moment pour se laisser submerger par ce genre de pensées. Parfois je me sentais impuissant, mais je savais que Noé était fort et qu'il finirait par sortir de ce centre. Je savais qu'il y était aussi pour son bien.
Lorsque je relevai le regard vers Camille, je remarquai que celui-ci m'observait déjà. Un air concerné avait remplacé son sourire rayonnant. Seulement je ne voulais pas qu'il s'inquiète pour moi. Si je le laissais m'approcher, je laisserais retomber sur lui tous mes soucis, et je ne voulais pas être un poids pour lui. Et si j'étais celui qui l'empêchait de rayonner, qui lui retirait cet éclat de son regard ?
Néanmoins, malgré mes doutes, j'avais aussi bien conscience qu'il ne reculerait pas aussi facilement, il m'en avait déjà donné la preuve à plusieurs reprises, et encore aujourd'hui avec sa présence ici.
— Donc tu es vraiment venu, lançai-je en me rappelant qu'il avait déjà parlé de déjeuner ensemble en ce jour, même si je lui avais dit qu'il me fallait encore un peu de temps pour réfléchir. Tu n'abandonneras vraiment pas, je me trompe ?
Les yeux de Camille restèrent un instant sur moi, alors qu'il m'adressait à son tour un timide sourire. Puis il détourna le regard et pris une grande inspiration.
— Tu sais, je comprends pourquoi tu me repousses, commença-t-il sérieusement. Tu n'avais pas prévu de me faire entrer dans ta vie comme ça, et si tu m'autorises à m'impliquer cela voudra dire que tu devras t'ouvrir à moi. Tu dis que tu veux protéger Noé, et c'est tout à fait compréhensible, mais tu veux aussi te protéger, toi. Je te comprends, faire entrer quelqu'un d'autre dans sa vie, ça peut faire peur. On n'a sûrement pas vécu les mêmes choses et je ne suis pas dans ta situation mais avant qu'on se revoie au centre, lorsqu'on ne faisait encore que parler cinéma et au moment de notre déjeuner ensemble, j'avais peur aussi de te faire entrer dans ma vie. J'avais peur de ce que ça voulait dire, d'être déçu à nouveau, d'être blessé d'une manière ou d'une autre. Parce que je tenais déjà à toi, Axel.
Camille regardait toujours droit devant lui, et s'il n'était pas en train de parler je pourrais presque croire qu'il était perdu dans ses pensées. Mais non, il était bel et bien en train de s'ouvrir à moi alors que de mon côté j'avais refusé de le faire. Je ne le quittais pas des yeux, admirant son profil dans ce rayon de soleil qui le mettait en valeur. Cette vue, en plus de ses mots, faisaient battre mon cœur un peu trop vite, malgré les barrières que j'essayais d'établir.
— J'ai déjà été blessé, il n'y a pas si longtemps que ça, continua-t-il. Et je n'avais pas envie de revivre quelque chose de similaire. Alors au début, j'ai essayé de me dire qu'il fallait que je garde une certaine distance entre toi et moi. Je voulais me protéger aussi. Mais, finalement, c'est beaucoup plus difficile de résister que de se laisser aller, se laisser porter. Parfois, il faut savoir prendre des risques. Et puis, quand je t'ai vu au centre, c'est vrai, ça m'a fait peur, mais je te connaissais et j'apprenais à connaître Noé, au même moment où j'apprenais ton histoire, alors je n'ai pas pu reculer. J'étais déjà attaché à toi, Axel, alors peut-être que c'est un risque mais j'ai choisi de le prendre. Je sais ce que je fais et je suis sincère quand je te dis que je veux t'aider. Je ne veux pas te blesser. Axel, je veux simplement être un ami pour toi, je ne demande rien de plus, je veux seulement être là pour toi quand tu en auras besoin. Je veux être là quand tu auras besoin de penser à autre chose, ou quand tu auras besoin de quelqu'un pour parler, pour te confier.
Camille tourna enfin la tête vers moi, ancrant ses yeux dans les miens. Son expression était tendre, sincère, et elle invitait à la confiance. Il était si gentil, si altruiste, peut-être trop pour son propre bien. Peut-être qu'il n'avait aucune intention de me blesser, mais qu'est-ce qui garantissait que, moi, je ne finirais pas par lui faire du mal ? Il ne méritait pas ça. Et c'est aussi pour ça que j'avais évité de le laisser entrer dans ma vie bordélique. Seulement j'avais de plus en plus de mal à lui résister, surtout lorsqu'il me regardait de cette façon.
Et, malgré mes réticences, peut-être que les jumelles avaient raison, peut-être que c'était exactement le genre de personne dont j'avais besoin dans ma vie.
— Tu essayes de me faire parler en te confiant en premier ? demandai-je soudainement, ne pouvant empêcher un petit sourire de relever le coin de ma lèvre. C'est ça ta technique ?
— Peut-être, rétorqua-t-il, malicieux. Est-ce que ça fonctionne ?
Son regard doré, lumineux, m'attirait. Sa douceur me mettait à l'aise et laissait flotter cette sérénité que je n'avais plus connue depuis longtemps. Etais-je en train de capituler ? Est-ce que cela me coûterait tant que ça de le laisser m'approcher, de m'ouvrir un peu plus à lui ?
Me détachant enfin de son regard dans lequel il était bien trop facile de se noyer, ce fut à mon tour de me perdre à l'horizon. Il me mettait en confiance, et des choses qui me pesaient sur le cœur, j'en avais à revendre. Alors s'il était assez fort pour m'écouter aujourd'hui, et rester, peut-être que, oui, il mériterait un peu moins d'hostilité de ma part. Après tout, il faisait un effort de son côté aussi, il me l'avait dit. Donc c'était certainement équitable si j'en faisais aussi.
— Si je me démène autant pour Noé, si je cumule deux boulots, si je prends soin de m'occuper de tout ce qui est administratif et médical, c'est parce que je voudrais obtenir sa garde, expliquai-je après avoir pris une grande inspiration. J'ai saisi le juge des tutelles pour avoir une chance de devenir le tuteur de Noé. Notre mère, elle ne s'en occupait déjà pas beaucoup avant l'accident, mais maintenant elle n'est plus du tout capable de s'occuper de lui. Je ne peux pas lui faire confiance pour le prendre en charge quand il sortira enfin du centre. Ce serait irresponsable. Je ne serais pas serein, et Noé aura encore besoin de soins, d'un suivi, et puis c'est un petit garçon de huit ans, ce n'est pas en restant prostrée dans son canapé qu'elle saura gérer. Elle n'a pas su gérer la première fois, quand il est sorti de l'hôpital et avant qu'on décide de l'hospitaliser dans ce centre.
Camille m'observait cette fois-ci avec un air curieux, les sourcils froncés. Il semblait concentré et à l'écoute.
— Il n'a pas directement été transféré au centre ? me demanda-t-il alors. Il avait déjà eu l'occasion de rentrer chez lui ?
— Oui, mais ça ne s'est pas bien passé, soupirai-je à la fois attristé et contrarié. Evidemment, Noé a été hospitalisé un moment après son accident mais ensuite les docteurs se sont mis d'accord pour le laisser rentrer à la maison, et lui prescrire des séances de rééducation en consultation. Mais ça n'a pas servi de déclic à ma mère qui ne se bougeait pas pour prendre soin de lui. Elle le laissait toute la journée dans sa chambre, et il pouvait encore moins bien se déplacer que maintenant. Moi, je n'habitais plus là-bas et je commençais déjà à travailler, mais je passais aussi souvent que je pouvais. Et à chaque fois que je le trouvais prostré dans son lit, mon cœur se brisait un peu plus. Et psychologiquement, ça n'allait pas non plus. Je voyais mon petit frère sombrer. Avec ma mère, on a eu une longue dispute à ce sujet, et même mon père s'en est mêlé, parce qu'il me voyait impuissant. C'est lui qui nous a trouvé cette solution et qui a convaincu ma mère de laisser Noé aller se rétablir dans ce centre, où des professionnels pourraient s'occuper de lui convenablement.
Y repenser, me souvenir de l'état dans lequel je trouvais Noé à chacune de mes visites, ça me coupait la respiration et me tordait le ventre, sans compter la colère envers ma mère que cela faisait remonter en moi.
— C'est là que tu as pris ta décision ? comprit Camille. Celle de t'occuper de lui ? Tu es sûr de toi ?
Il n'y avait aucun jugement dans sa voix, mais plutôt une sincère envie de mieux comprendre, et un intérêt honnête pour notre histoire.
— Oui, affirmai-je plus déterminé que jamais. Je ne laisserais jamais cette situation se reproduire, et il est hors de question que je regarde Noé être remis à une inconsciente comme ma mère. Le problème, c'est que ce sera au juge de décider de ce qui est le mieux pour Noé, sous quelle tutelle il vivra. C'est pour ça que je dois prouver de quoi je suis capable tous les jours. Je dois avoir un emploi stable, je dois pouvoir déménager et trouver un appartement où je pourrais vivre avec Noé. Je dois pouvoir le loger, le nourrir, le soigner, je dois avoir les ressources nécessaires pour m'occuper d'un enfant qui, en plus de ça, pourrait rester handicapé à vie. Et j'ai très peur que ma mère se réveille au moment de l'audience en voulant passer pour la mère modèle. Si elle fait ça, le juge redonnera obligatoirement la garde de Noé à sa maman. Et ça me terrifie. C'est pour ça que j'ai pas le droit à l'erreur. Heureusement j'ai quand même le soutien des grands-parents paternels de Noé. Je leur en ai parlé et ils sont d'accord, eux-mêmes ne sont pas en capacité de prendre en charge Noé. Mais ils sont derrière moi. C'est triste à dire mais je crois qu'ils n'ont jamais vraiment aimé ma mère.
Tout le corps de Camille était désormais tourné vers moi, il m'écoutait attentivement. J'avais l'impression qu'il avait envie de faire un geste vers moi, et je devais bien avouer que sentir sa présence me réconforter serait agréable, mais j'avais trop peur des conséquences que cela pourrait engendrer. Alors je restai bien à ma place et fixai mes mains.
— Je t'aiderai, assura-t-il. S'il y a quoi ce soit que je puisse faire pour t'aider dans cette démarche, alors je le ferais.
Je ne rencontrais à nouveau son regard qu'une seconde, juste le temps de lui adresser un timide sourire. J'étais content qu'il n'essaye pas de me dissuader d'aller au bout de cette démarche. Je savais que c'était beaucoup, que c'était une grande responsabilité, mais il n'y avait aucun moyen pour que je laisse Noé auprès de ma mère dans l'état actuel des choses.
— Est-ce que... est-ce que tu veux me parler de l'accident ? me demanda tout doucement Camille, me sortant de mes pensées.
Je le fixai un instant, immobile, pesant le pour et le contre. Est-ce que j'avais vraiment envie de me confier à propos de cet accident ? Je n'en parlais jamais, même avec les jumelles j'évitais le sujet. Je ne l'avais pas vécu, cet accident, je n'étais pas dans la voiture à ce moment-là, alors ça ne devrait pas me toucher autant. Cela ne devrait pas laisser une marque, même un traumatisme, alors que je n'étais pas directement concerné. Et pourtant, imaginer mon petit frère subir ce genre d'évènement, cela me rongeait.
Et Camille continuait de me mettre en confiance, j'étais à l'aise auprès de lui. J'avais déjà commencé à me confier, alors pourquoi pas continuer ?
— C'était en décembre dernier, peu de temps avant Noël, commençai-je après avoir pris une grande inspiration et serré mes poings en vue de ce que j'allais devoir raconter. Guillaume, le père de Noé, était allé le récupérer d'un week-end chez ses grands-parents. Ils n'étaient pas partis depuis longtemps quand ça s'est produit, ils étaient encore en train de rouler sur une petite route de campagne, traversant une forêt, avant de remonter sur Paris. Il neigeait ce jour-là, et la route était verglacée. Il n'a pas fallu grand chose, l'enquête a révélé qu'un animal avait traversé la route brusquement. Guillaume a voulu l'éviter, la voiture a glissé, il a perdu le contrôle et en quelques secondes, c'était terminé. C'était juste un tragique putain d'accident !
Je me tus un instant, le temps de reprendre mon souffle. Je n'avais pas fini mon récit et je crois que Camille l'avait compris puisqu'il attendait patiemment, sans me brusquer, que je reprenne la parole. Son visage m'apparaissait brouillé, certainement à cause de l'intense et douloureuse émotion que je ressentais à cet instant, mais je savais que son expression était sérieuse.
— Vivre cet accident à évidemment laissé Noé traumatisé, repris-je, sachant que j'attaquais la partie la plus difficile à mes yeux. Et c'est le choc psychologique qui a causé son aphasie. Il n'a plus parlé à partir de l'instant où les secours sont arrivés. Après quelques temps, on a quand même réussi à apprendre qu'il avait crié et pleuré pendant longtemps avant que quelqu'un remarque l'accident. Personne ne l'entendait. Il était tout seul, ses jambes coincées sous le siège avant qui s'était déboité. Il a appelé son père longtemps, mais Guillaume était mort sur le coup. Je n'ose même pas imaginer combien de temps il a dû attendre avant qu'une voiture ne passe enfin sur cette route déserte pour constater l'accident. Mon petit frère est resté tout seul, dans le froid, perdu et en souffrance, coincé dans une voiture avec son père qui ne répondait plus !
Cette fois-ci, je ne pus retenir cette larme de s'échapper de mon œil. Je détestais penser à ce que Noé avait dû vivre là-bas. Ça me rendait malade. Malgré la chaleur de cette journée, j'avais soudainement froid, ces souvenirs n'étaient pas les miens, c'était ce qu'on nous avait raconté et ce qu'on avait réussi à tirer de Noé, mais mon imagination était assez développée pour créer des images que j'aurais préféré pouvoir refouler.
Ce fut la main de Camille, qui se posa soudainement sur la mienne, qui me ramena sur terre. Sa présence et son contact me réchauffait. Il s'était rapproché de moi aussi. J'avais l'impression qu'il aurait voulu me prendre dans ses bras mais qu'il n'osait pas encore faire ce mouvement vers moi. A la place, il desserra tout doucement mon poing pour avoir une meilleure prise sur ma main. Mais c'était suffisant pour l'instant, et je devais bien avouer que c'était agréable. Il y avait quelque chose de réconfortant et de captivant dans la vision de sa main dans la mienne.
— Je suis désolé d'avoir abordé le sujet, dit-il tout doucement. Je ne voulais pas te faire de peine, j'aurais dû y réfléchir avant de poser la question.
— Arrête de t'excuser, tu n'y es pour rien, je te l'ai déjà dit, lui rappelai-je. Et je vais bien, c'est plus pour Noé que je m'inquiète. Bien sûr, ça m'a aussi fait un choc de perdre Guillaume. Je l'aimais bien. Peut-être qu'au début c'était compliqué entre lui et moi, parce que j'avais l'impression qu'il m'avait volé ma mère, mais j'ai appris à le connaître. Il était gentil, et puis je voyais qu'il s'occupait bien de Noé. Finalement c'est avec ma mère que j'ai toujours eu un problème, j'ai eu l'impression qu'elle avait brisé notre famille.
Je baissai les yeux, j'en avais toujours voulu à ma mère pour être partie, surtout à cause de la façon dont tout ça s'était passé. Et je ne crois pas que mon père lui ait pardonné non plus. Leur séparation, à l'époque, m'avait beaucoup affectée.
— Et si on parlait d'autre chose ? proposa Camille. Quelque chose de plus joyeux.
— Quoi, tu veux parler météo maintenant ? rétorquai-je. Tu veux qu'on commente le beau temps et les oiseaux qui chantent.
Blasé, Camille haussa un sourcil, soulevant le coin de ses lèvres dans une moue amusée, face à ma remarque sarcastique. Visiblement cela ne sembla pas le décourager. Au contraire, sa bonne humeur et sa légèreté, présente depuis qu'il avait fait irruption dans la boutique, étaient subitement de retour. Comme dans l'espoir de balayer cette atmosphère pesante et ces confessions lourdes qui planaient au-dessus de nous depuis quelques minutes. Et l'intensité soudaine de son regard ambré posé sur moi me poussa même à détourner le regard pour éviter de fondre sous ce dernier. Sans compter qu'il tenait toujours ma main dans la sienne. En quelques secondes seulement, l'ambiance entre nous avait complètement changée.
— Laisse-moi t'inviter à dîner, un soir, lança soudainement Camille.
Je relevai la tête vivement, lui jetant un regard de côté, un sourcil haussé. Ça sortait d'où, ça ? J'avais peut-être accepté de lui laisser un tout petit peu plus de place dans ma vie, mais ça ne voulait pas dire qu'il devait défoncer la porte que je venais de laisser entrouverte pour directement passer à l'étape du dîner aux chandelles.
— Je croyais que tu voulais juste être mon ami, lui fis-je remarquer tout en jetant un coup d'œil à nos mains toujours entrelacées, soulevant légèrement la mienne pour bien qu'il comprenne le message.
Tout doucement, Camille délaça sa main de la mienne. Cependant ce geste ne le dissuada pas, lui enlevant ni son sourire, ni son assurance.
— Les amis dînent aussi, répliqua-t-il alors. Les amis se nourrissent et apprennent à se connaître.
— Je t'ai déjà parlé de beaucoup de choses aujourd'hui pourtant, soulevai-je. Pourquoi tu souhaites tant en savoir toujours plus sur moi ?
— Parce que tu vaux la peine d'être connu, Axel, assura-t-il tout bas, presque dans un murmure.
Instantanément, j'avais tourné la tête après cette remarque. Parce que je sentais mes joues chauffer et que j'étais donc persuadé qu'elles avaient pris une teinte beaucoup trop rouge. Sans trop d'espoir pourtant, j'espérais pouvoir cacher à Camille cette réaction incontrôlable de mon corps. Pourquoi fallait-il qu'il me dise des choses pareilles ? En me regardant de cette façon ? Avec ces yeux aussi attirants ? Comment étais-je censé résister après ça ?
Comment combattre à nouveau alors que j'étais désormais conscient qu'il n'aurait pas l'intention de laisser tomber ? Alors même que, chaque fois, je le laissais s'approcher un peu plus ? Malgré ces quelques confessions que j'avais bien voulu lui accorder aujourd'hui, était-ce bien raisonnable d'accepter ce dîner avec lui ? Quelles en seraient les conséquences ? Pouvais-je réellement être ami avec Camille ? Rester ami avec lui malgré les bonds que faisait mon cœur en sa présence ?
Le silence était retombé entre nous, alors que je me posais mille questions. La principale ne cessant de tourner en boucle dans mon esprit. Une question toute simple pourtant, et qui aurait dû être la seule à compter dans une décision finale :
Est-ce que j'en avais envie ?
⭐️⭐️⭐️
Hey !
J'espère que vous allez bien !
Me revoilà enfin... je sais je traîne un peu en ce moment. Mais je suis tout de même très contente de revenir avec ce chapitre parce que j'aime beaucoup me mettre dans la tête d'Axel, et le voir commencer à réellement se confier de cette façon à Camille, bah ça me fait plaisir de déjà voir ses quelques progrès.
J'espère que ça vous aura plu aussi même si tout n'est pas tout rose puisqu'on en apprend plus sur Noé, son accident et la suite envisagée par Axel. En tout cas j'ai hâte de lire toutes vos réactions sur ces sujets là.
Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Camille qui est toujours déterminé et qui choisit de se confier un peu pour faire parler Axel ? Bonne idée selon vous ?
Vous comprenez les doutes d'Axel ? Et qu'il semble malgré tout vouloir céder ?
Axel qui se confie, notamment à propos du rôle de tuteur qu'il envisage pour Noé ? Vous pensez que c'est une bonne idée, qu'il peut y arriver ?
Ce qu'on apprend de l'accident de Noé ?
Et ce dîner que Camille propose ? Vous pensez qu'Axel pourra accepter cette étape ?
L'amitié que promet Camille sera-t-elle possible ?
Je sais, ça fait beaucoup de questions, mais j'ai vraiment hâte de voir vos avis là-dessus !
En attendant, je vais essayer de mettre au propre ce que je prévois pour la suite, pour l'instant c'est encore le bazar dans ma tête.
Mais je fais de mon mieux pour revenir bientôt avec un nouveau chapitre.
Et je remercie encore une fois keyarcher
de prendre de son temps pour m'aider à la correction des chapitres.
On se retrouve au plus vite. Je vous souhaite une très bonne journée et je vous embrasse.
À bientôt, T.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top