39. Famille

⭐️⭐️⭐️

Axel était affreusement stressé.

Il faisait tout pour ne pas le montrer, et surtout pas à Noé dont il tenait la petite main. Je savais qu'il ne voulait pas inquiéter son petit frère. Mais moi je commençais à le connaître, et je voyais les signes. Ses sourcils froncés, ses soupirs, ses mains tremblantes lorsqu'elles ne tenaient pas Noé, la façon dont il m'avait serré dans ses bras lorsque j'étais passé les chercher pour les emmener au tribunal judicaire de Paris. C'était là que se déroulerait l'audition déterminante pour la tutelle de Noé.

Ce jour était enfin arrivé, et je savais que Axel ne se détendrait pas avant que le verdict soit tombé. C'était aussi pour ça que j'étais là, pour lui offrir tout mon soutien. Frédéric, son père, était là aussi. Il venait juste d'arriver et la première chose qu'il avait faite était de prendre son fils dans ses bras. Je savais que c'était important pour Axel, d'avoir son père auprès de lui.

Notre présence, notre soutien, lui était important. Indispensable, même.

— Tu es prêt, Axel, disait Frédéric en posant ses mains sur les bras de son fils. Tu n'as rien à te reprocher, et quoi qu'il arrive on sait tous que tu feras passer le bien de Noé avant tout. Ils vont voir ça aussi. Alors respire et garde la tête haute, d'accord ?

Un peu à l'écart, j'observais la scène entre le père et son fils. Je leur laissai ce moment. Je n'arrivais plus à rassurer Axel, mais je savais que Frédéric en était capable.

Noé m'avait rejoint, se collant à moi. Il était certainement intimidé par le grand hall dans lequel nous nous trouvions, et tous ces gens inconnus qui arpentaient les couloirs. Il savait pourquoi on était là, Axel lui avait tout expliqué simplement, et je savais que Noé lui-même lui avait exprimé son souhait de rester auprès de son frère. Le petit garçon avait peut-être seulement huit ans, mais il était loin d'être bête. Au contraire, il était malheureusement très perspicace sur la situation dans laquelle il se trouvait. Et le lien fort qu'il avait créé avec Axel était désormais indestructible, ça serait dommage pour son bien-être de l'éloigner de son frère.

Ça me pinçait juste le cœur de savoir que sa relation avec sa maman avait toutes ces fissures. Il était si jeune, il avait déjà vécu tellement de choses difficiles et traumatisantes. Il ne méritait pas ça.

Noé n'assistera pas à l'audition. Un mineur de moins de 16 ans pouvait y assister s'il était apte à comprendre et s'expliquer et si le juge estimait que sa présence était nécessaire et ne nuirait pas à son bien-être, mais ce n'était définitivement pas obligatoire. Et comme Axel tenait toujours à protéger son petit frère – ce que je comprenais parfaitement – il n'avait pas jugé la présence de Noé nécessaire. Alors il n'en avait pas fait la demande.

Je savais que Axel craignait le côté imprévisible de sa mère, alors il avait préféré épargner un éventuel moment désagréable à Noé.

Néanmoins le garçon avait tenu à nous accompagner, il voulait rester avec son frère, ne pas trop se sentir éloigné. C'est pourquoi il était ici, avec nous, en attendant le début de l'audition. Et je serais ensuite chargé, avec Frédéric évidemment, de le garder et le divertir pendant que Axel et leur mère seraient entendus. Il y avait un petit parc juste à côté, je me disais que ce serait un bon endroit pour lui, il y prendra l'air et on ferait tout pour qu'il évite de s'inquiéter. Pas besoin de rajouter plus de pression à cette journée déjà compliquée.

Noé semblait à l'aise avec moi, et ça me rendait très heureux. Alors c'était avec plaisir que je passerai l'après-midi avec lui. J'aimais passer du temps avec ce petit garçon.

— C'est exactement ce que je craignais, souffla Axel qui venait de se rapprocher de nous.

Il fixait un point devant lui, les sourcils froncés. Alerté par sa réaction, je suivis son regard jusqu'à tomber sur la silhouette de sa mère. Je ne l'avais vu qu'une seule fois, et si je n'avais pas compris l'attitude d'Axel alors je ne l'aurais probablement pas reconnue. L'état dans lequel je l'avais vue – complètement décoiffée et enroulée dans une robe de chambre détendue – n'avait plus rien à voir avec l'apparence qu'elle renvoyait aujourd'hui.

Ses cheveux étaient parfaitement coiffés, tirés dans une queue de cheval sophistiquée. Elle était aussi élégamment habillée d'une jupe tailleur noire et d'un chemisier blanc. Et elle semblait avoir appliqué une très légère couche de maquillage. La mère de Noé et Axel semblait aujourd'hui pimpante, fraîche. Elle donnait l'image d'une femme ordonnée à qui on pouvait avoir confiance.

— Elle va se faire passer pour une mère modèle, lança Axel, les dents serrées. Elle va inspirer confiance à tout le conseil et ils vont tous penser que cette audition est inutile. Ils vont tous penser qu'elle a l'air d'une mère parfaitement responsable et apte à s'occuper de son fils.

— Respire, Axel, murmura Frédéric en posant une main sur l'épaule de son fils. Elle ne pourra pas jouer la comédie bien longtemps. Et puis ton dossier est prêt et solide. Elle ne dupera pas le conseil, je te le promets.

Axel haussa les épaules, il ne semblait pas convaincu. Je ne savais pas quoi faire pour le rassurer à ce stade, alors je me contentai de simplement presser délicatement sa main dans la mienne. Je lui apportais mon soutien et lui envoyais mon énergie.

Alors que Axel observait sa mère s'approcher de nous, il posa ses mains sur les épaules de son petit frère dans un geste qui semblait protecteur. Il prit une grande inspiration lorsqu'elle s'arrêta à notre hauteur. Elle avait un sourire doux que je ne lui connaissais pas, un sourire qui ressemblait à ceux de ses fils.

Elle salua Axel et Frédéric avant de reporter son attention sur Noé. Le petit garçon la regardait avec des grands yeux et un léger sourire. Il signa une phrase et, instantanément, elle releva le regard vers Axel, l'air perdu. Elle n'avait pas compris ce que venait de lui dire son fils. Axel resta stoïque quelques secondes puis poussa un long soupir ennuyé, il se résolut quand même à lui traduire.

— Il te dit qu'il te trouve très belle, bredouilla-t-il.

Katia hocha la tête puis s'accroupit devant le petit garçon. Elle passa une main frêle et délicate sur sa joue avant de lui offrir un sourire sincère.

— Merci mon chéri, mais c'est toi le plus beau, répondit-elle d'une voix douce. Vous deux, ton frère et toi.

Elle avait relevé les yeux vers Axel en disant cela, mais ce dernier avait préféré détourner le regard. L'atmosphère était lourde, pénible. Je le sentais par tous les pores de ma peau, je pouvais presque ressentir le malaise et les tremblements d'Axel. Je ne savais pas où me mettre, mais ce n'était pas une raison pour abandonner mon petit-ami. Je me tenais donc bien droit à côté de lui lorsque Katia capta mon regard, se rendant certainement compte de ma présence.

— Vous êtes l'éducateur de Noé, si je me souviens bien ? me demanda-t-elle, les sourcils froncés. Vous êtes venu chez moi le week-end où Noé était de sortie pour me faire la leçon, c'est ça ?

— Je suis juste un ami d'Axel qui veut son bien et celui de Noé, répondis-je simplement.

— Katia, laisse-le tranquille, intervint Frédéric dans un soupir. C'est pas lui la cause de tes problèmes.

Le regard des deux parents d'Axel se croisèrent. L'échange était tendu, presque amer. Étranger à leur histoire, je ne pouvais pas comprendre tous les sous-entendus qui volaient entre eux, mais je voyais dans leurs yeux que rancœur et tristesse s'y mêlaient.

— Je sais, murmura finalement Katia, presque imperceptiblement.

L'atmosphère à couper au couteau fut brisée par une jeune femme qui vint nous apprendre que l'heure était venue, l'audience entre Axel et sa mère allait commencer.

J'entendis mon petit-ami laisser échapper une respiration tremblante, il avait peur. Je n'attendis pas une seconde pour me tourner vers lui et serrer à nouveau sa main dans la mienne. Il pouvait le faire. Et je voulais qu'il y croie, qu'il rentre dans cette salle avec toute la confiance nécessaire, toute son assurance. Il était parfaitement légitime d'être le tuteur de Noé.

— Respire calmement, crois en toi et en tes capacités, lui murmurai-je doucement. Tu es prêt, c'est juste la dernière ligne droite. Je vais penser à toi pendant toute l'audience, je serais là, pas loin. Et on revient dès que c'est fini, tu n'auras qu'à m'envoyer un message, d'accord ?

Axel pris une grande inspiration puis hocha la tête. Il baissa les épaules et releva la tête, il était prêt. Je me retins de le prendre dans mes bras ou même de l'embrasser en plein milieu de ce hall et devant tous ces témoins, mais j'espérais qu'il lisait dans mes yeux toute mon intention. C'est avec un sourire encourageant que je le regardais s'éloigner.

— Vous n'êtes pas juste un ami pour mon fils, pas vrai ? lança soudainement la mère d'Axel à mon intention.

Je reportais mon attention sur elle. Katia était toujours auprès de nous et avait donc suivit l'échange que je venais d'avoir avec son fils d'un œil scrutateur. Je n'arrivais pas à lire dans son regard si cette remarque portait un jugement négatif ou non.

— Je ne crois pas que ce soit à moi de répondre à cette question, me contentai-je de répliquer.

— Et surtout je ne crois pas que ce soit tes affaires, intervint Axel qui était revenu sur ces pas. Ça ne te concerne pas. Maintenant viens, ils vont nous attendre. Tu ne voudrais pas ruiner ton rôle de mère parfaite en arrivant en retard ?

La mère d'Axel se pinça les lèvres, baissa le regard et acquiesça doucement. Cependant, juste avant de suivre son fils, elle m'adressa un dernier regard et quelques mots que je ne compris pas trop sur l'instant.

— Merci de m'avoir fait la leçon, dit-elle. Je suis contente que mes fils aient quelqu'un comme vous dans leur vie.

Je restai pantois quelques secondes, les sourcils froncés, silencieux et immobile alors que je regardais la mère et son fils s'éloigner vers la salle dans laquelle ils avaient rendez-vous. Ce fut la main de Frédéric sur mon épaule qui me ramena sur terre.

— On y va, les garçons ? murmura-t-il d'un ton bienveillant.

J'acquiesçai et reportai mon attention vers Noé lorsque je sentis celui-ci tirer sur mon tee-shirt. Je m'accroupis devant lui pour être à sa hauteur lorsque je compris qu'il avait quelque chose à me dire. Il m'adressa un signe que je connaissais ; "longtemps". Je devinais sa question.

— Je ne sais pas combien de temps ça va durer, mon bonhomme, lui répondis-je. Mais ton frère m'a promis de m'envoyer un message quand ce sera finit. En attendant on va aller dans le parc qu'on a vu en arrivant, ça te va ? Il y a plein de jeux pour enfants.

Noé m'adressa un de ses adorables sourires avant de me signer une autre phrase. Il dût s'y reprendre à deux fois et je ne compris qu'un seul mot, mais c'était suffisant. Nous n'avions pas besoin de plus pour nous comprendre.

— Tu veux faire de la balançoire ? proposai-je alors avant que Noé ne hoche vivement la tête, confirmant que j'avais bien deviné. Bien sûr qu'on ira faire de la balançoire ! Tu voudras que je te pousse ?

Un nouveau hochement vif de sa tête me confirma que le petit garçon aimait cette idée.

— Alors c'est parti ! lançai-je en me relevant et attrapant la main de Noé. En route pour la balançoire !

Frédéric nous observait avec un regard attendri. Il nous emboîta le pas avant de se placer de l'autre côté de Noé. Ce petit garçon était bien entouré.

— C'est incroyable de vous voir communiquer comme ça, me dit le père d'Axel. Je trouve ça admirable que tu t'engages à apprendre la langue des signes pour Noé.

— Je ne me voyais pas faire autrement, assura-je. Je veux vraiment pouvoir discuter avec lui, je veux juste pleinement m'engager auprès de Noé et Axel. Et c'est à moi de m'adapter à Noé, pas l'inverse.

— Tu sais, je ne m'inquiète plus pour Axel, sourit-il. Il est stressé aujourd'hui, mais c'est normal, c'est un grand enjeu. Autrement, je le trouve bien plus épanoui et plus serein, moins têtu à accepter de l'aide aussi. Je sais que tu n'y es pas pour rien Camille. Je n'aurais pas pu espérer un meilleur gendre. Merci de rendre les garçons heureux.

Je ne répondis rien, me contentant d'un sourire timide alors que je baissais la tête. Je tombais dans le regard de Noé – aussi chocolat que celui de son frère. Il souriait aussi. Oui, je donnerais tout pour rendre ces garçons heureux, et les voir sourire chaque jour.

Le trajet jusqu'au parc ne fut pas long, et bientôt je me retrouvai à la balançoire en train de pousser Noé. Le jeune garçon me faisait comprendre de l'emmener toujours plus haut. Son sourire répondait au mien alors que je le regardais s'envoler – tout en restant à une hauteur raisonnable, évidemment. Je ne tenais pas à le blesser alors que son frère me l'avait confié en toute confiance.

Mais c'était agréable de le voir s'amuser ainsi, gardant son insouciance malgré cette journée déterminante. Sa béquille était bien longtemps oubliée sur le banc derrière nous, Noé semblait libre à cet instant. Il semblait voler, loin du handicap et de la douleur. J'adorais le voir comme ça.

Alors j'enchaînais les attractions avec lui en attendant que Frédéric revienne avec les pains au chocolat qu'il était parti chercher à la boulangerie. Après la balançoire ce fut donc au tour du tourniquet, puis je l'accompagnais au toboggan où je l'aidais à grimper l'échelle avant qu'il ne se laisse glisser sur la rampe en levant les mains en l'air, un nouveau grand sourire aux lèvres.

La matinée passait vite et pourtant j'avais l'impression que j'attendais depuis des heures. Une fois que j'eus épuisé tous les jeux avec Noé et qu'il était reparti jouer tout seul après avoir englouti son pain au chocolat, je me retrouvai à ne plus savoir quoi faire. Évidemment, j'avais beaucoup discuté avec Frédéric, mais je commençai à venir à bout de tous mes sujets de conversation. Cet homme était incroyablement sympathique et avenant, mais ce fut bientôt mon stress qui prit davantage le dessus.

Plus le temps passait et plus il me paraissait long pour cette simple audition. Alors je me retrouvais à stresser presque autant qu'Axel. J'étais de plus en plus agité et il ne me fallut pas longtemps pour commencer à faire les cent pas devant le banc que nous occupions. Si ça continuait comme ça j'allais reprendre cette mauvaise habitude et recommencer à me ronger les ongles.

— Camille, m'interpella Frédéric. Reviens t'asseoir. Ça ne sert à rien de te faire un sang d'encre, ça ne changera rien.

Je poussai un soupir mais hocha néanmoins la tête avant de le rejoindre sur le banc. Je savais qu'il avait raison, au fond.

— J'ai juste peur pour Axel, admis-je. Vous pensez que Katia arrivera à convaincre le conseil qu'elle peut réellement s'occuper de Noé ?

Je ne voulais pas avoir l'air de critiquer cette femme devant le père d'Axel, mais je voulais simplement son opinion honnête. Frédéric prit une grande inspiration et fixa son regard droit devant lui.

— Je connais mon ex-femme, commença-t-il. Et je sais pertinemment qu'elle n'a vraiment pas été exemplaire ces derniers mois. Je sais qu'elle a beaucoup de défauts, mais je ne pense pas qu'elle irait jusqu'à manipuler le conseil. Je ne pense pas que son apparence était faite pour se faire passer pour une mère parfaite. C'est simplement parce qu'elle n'aime pas paraître faible aux yeux des autres, ceux qui ne sont pas proches d'elle. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle n'a pas dû apprécier que tu la voies aussi vulnérable la dernière fois. Elle donne le change quand elle est obligée de sortir de son quotidien. Mais malgré son horrible comportement, je ne crois pas qu'elle veuille décemment et intentionnellement blesser ses enfants.

J'espérais vraiment qu'il avait raison. J'espérais que je pouvais lui faire confiance là-dessus.

— Ça va aller, Camille, reprit-il. Ne t'inquiète pas.

Alors que j'allais répondre quelque chose, j'entendis la légère sonnerie de mon téléphone m'indiquant que j'avais un nouveau message. Je me précipitais pour attraper mon portable et le déverrouiller, les mains tremblantes. Il s'agissait bien d'un message d'Axel. Il me disait simplement de le rejoindre, l'audition était terminée. Je me tournai vers Frédéric.

— C'est terminé. Noé ! interpellai-je le petit garçon qui n'était pas très loin de nous. On va pouvoir retrouver ton frère et ta maman. Ils ont fini.

Noé hocha la tête et s'approcha doucement de nous. Il attrapa cette fois-ci la main de Frédéric pendant que je rassemblais nos affaires avant de nous mettre en route. J'étais stressé, je crois que tout le monde pouvait le voir. J'étais agité et c'était la seule fois depuis que j'avais rencontré le petit garçon que je n'arrivais pas à me caler sur le rythme de marche de Noé.

Je voulais juste savoir le verdict. Et surtout je m'inquiétais de l'état dans lequel j'allais retrouver Axel.

— Pars devant, finit par dire Frédéric. Je reste avec Noé et on vous rejoint, à notre rythme.

J'hésitais quelques secondes, je demandais même à Noé si ça le dérangeait. Lorsque le petit garçon secoua la tête négativement, je me décidais alors et accélérai le pas. Il ne me fallut pas longtemps pour atteindre à nouveau le bâtiment. Je me dépêchais de retrouver le hall d'accueil qui nous concernait et, bientôt, je vis une silhouette familière devant moi.

Axel me remarqua rapidement, et il ne lui fallut pas une seconde pour commencer à s'approcher de moi, d'un pas rapide. A peine arrivé à ma hauteur, il enroula déjà ses bras autour de mon cou.

— J'ai réussi, souffla-t-il. J'ai la garde de Noé. Ils m'ont donné sa tutelle, ils me font confiance.

Je nouai mon bras gauche autour de son dos tandis que ma main droite trouva ses cheveux que je caressai tout doucement. Je sentais l'émotion dans sa voix, je sentais qu'il relâchait tout. Tout le stress, toute l'angoisse, toutes ses émotions, maintenant que c'était terminé. Il avait réussi.

Je laissai moi-même échapper une grande expiration, un souffle dont je n'étais même pas au courant que je retenais.

— Je t'avais dit que tu étais prêt, assurai-je. Comment tu te sens ? Ça s'est bien passé là-bas ? C'était pas trop difficile ?

Ça faisait beaucoup de questions mais j'avais besoin de savoir.

— Ma mère, elle... j'ai pas trop compris, bafouilla-t-il après qu'il ait redressé sa tête, auparavant cachée dans mon cou. Elle ne s'est pas battue, elle m'a laissé la tutelle. De ce que j'ai compris, je crois que le dernier parent vivant peut faire une déclaration devant le notaire pour laisser la tutelle à quelqu'un. Elle a présenté ça devant le juge et elle a plaidé en ma faveur pour que j'obtienne la tutelle de Noé.

Je posai mes mains sur les joues d'Axel. Je voyais ses yeux larmoyants et je voulais le soutenir, l'aider avant que ses larmes ne coulent. Je ne savais pas si c'était réellement des larmes de joies en vue des circonstances, ce devait simplement être la pression qui retombait.

— Est-ce que tu sais ce qui l'a motivée à faire ça ? lui demandai-je doucement.

— Non, je sais pas, murmura-t-il. Il y a encore trois jours, elle me reprochait toute cette procédure, elle me reprochait de vouloir lui prendre son fils. Je comprends pas, je...

— Axel ?

Le jeune homme se retourna pour faire face à sa mère. Elle venait de se rapprocher de nous d'un pas timide.

— Je n'ai pas été une bonne mère pour vous, commença-t-elle. Je le sais maintenant. La conversation qu'on a eu l'autre jour et l'approche de cette audition m'a fait réfléchir. Je me rends compte de mes torts. Et puis voir Noé à la maison et me sentir impuissante, incapable de l'aider ou de communiquer, m'a aussi provoqué un déclic. Alors j'ai débarqué en urgence chez mon notaire et j'ai fait cette déclaration. C'est ce que j'étais partie faire lundi après-midi, je n'étais pas partie pour aller chercher des médicaments.

Axel baissa la tête. Il m'avait appelé ce soir-là, alors je savais que c'était exactement ce qu'il avait pensé à ce moment-là. Je caressai discrètement son dos, je ne voulais pas qu'il s'en veuille. Je comprenais sa méfiance.

— Je vais suivre une thérapie, reprit-elle. Je vais me faire aider. Et en attendant, je sais que Noé sera parfaitement en sécurité et heureux avec toi. Tu t'occupes si bien de ton frère. Bien mieux que ce que j'ai pu faire auparavant. Bien mieux que ce que j'ai fait avec toi. Axel, je... je suis vraiment désolée de t'avoir fait subir tout ça. Et je comprendrais si tu ne me le pardonnais pas.

Une larme s'échappa de ses yeux bruns, faisant écho à celles d'Axel. Il ne se contenait plus, il avait tout lâché, et lui aussi pleurait à chaudes larmes au milieu de ce hall. D'un geste lent, presque incertain, Katia leva une main frêle et tremblante pour la poser sur la joue de son fils, effaçant ses larmes.

Aucun autre mot ne fut échangé jusqu'à ce qu'un petit garçon curieux vienne s'immiscer entre nous. Noé venait d'arriver. Katia ne perdit pas un instant avant de s'accroupir devant son plus jeune fils tandis que je laissai Axel poser sa tête contre mon épaule.

— Je sais que ton frère t'a expliqué ce qu'on faisait ici aujourd'hui, dit-elle à Noé. Mais je veux que tu saches que je t'aime très fort, et le fait que tu ailles vivre chez ton frère n'y changera rien, d'accord ? On a vécu des choses difficiles ces derniers temps tous les deux. Et toi, tu as été un garçon très fort et courageux. Quand tu étais à l'hôpital, tu as été aidé pour être soigné. Maintenant c'est à mon tour d'être soignée. Pour aller mieux, comme toi. C'est pour ça que tu vas aller vivre avec ton frère. Mais je veux que tu n'oublies jamais que je t'aime et que je suis fière de toi. Je vous aime tous les deux, et je suis fière de vous.

Katia avait jeté un regard timide avec Axel en disant cela. Un regard qui fut bref puisque Noé s'élançait déjà pour enrouler ses petits bras autour du cou de sa maman. Le câlin était plein d'amour, n'importe qui pouvait le voir. Ils restèrent un moment dans cette position. Et lorsque Katia se recula, elle s'empressa d'adresser un signe à Noé. Un signe qui – je le savais – voulait dire "je t'aime". Et je crois que cela suffit pour que les larmes silencieuses d'Axel redoublent contre mon épaule.

Noé, lui, arbora un grand sourire et répondit à ce signe par la réciproque avant que Katia ne se relève.

— Tu pourras venir nous rendre visite, souffla timidement Axel. Quand tu te sentiras mieux. J'ai... je n'ai jamais voulu te priver complètement de ton fils. C'était pas mon intention.

Katia hocha doucement la tête, un sourire compréhensif se dessinant sur ses lèvres fines.

— Je suis désolée de ne pas t'avoir vu grandir, murmura-t-elle soudainement. Mais je vois que tu es devenu un homme bien. Je vais faire de mon mieux pour me rattraper auprès de toi, si tu le veux bien.

Elle ne rajouta rien et se rapprocha simplement pour enlacer Axel, d'une manière très timide, très hésitante. C'était comme s'ils ne savaient plus comment se comporter l'un envers l'autre. Cela ne dura qu'une seconde, Axel n'avait eut le temps d'amorcer aucun mouvement. Hésitant trop longtemps entre ne rien faire et retourner son geste.

Katia croisa mon regard et m'accorda un dernier sourire sincère avant de nous adresser ses au-revoirs. J'enlaçai un Axel encore tremblant tandis que ce dernier attrapait la main de Noé. Frédéric n'était pas loin non plus, et il s'approcha même de nous après quelques secondes pour masser tendrement l'épaule de son fils.

Pour des yeux extérieurs, nous ressemblions peut-être à une famille. Peut-être en faisais-je un peu partie moi aussi, désormais ? En tout cas ce qui était certain, c'était que celle d'Axel et Noé allait prendre un tout nouveau départ.

Ça allait prendre du temps, et ça n'aurait sûrement pas le schéma d'une famille classique et fonctionnelle, mais je sentais que tout n'était pas perdu pour eux. Les liens étaient abîmés, certes, mais ils n'étaient finalement pas complètement brisés. Alors peut-être qu'un jour, cette mère et ses deux fils pourront se réapprivoiser et réparer les fêlures.

⭐️⭐️⭐️

Hey !

Contente de vous retrouver dans ce chapitre ! Ça y est, nous savons enfin qui obtient la garde de Noé. Axel a réussi, il va pouvoir s'occuper de son petit frère.

Je me souviens que j'ai eu un peu de mal à écrire ce chapitre, parce que je ne voulais pas raconter n'importe quoi. C'est aussi pour ça qu'il est du point de vue Camille, parce que je ne me sentais pas de décrire l'audition à l'intérieur et du point de vue d'Axel. Je n'y connais rien en droit. Bien sûr, j'ai fait pas mal de recherches pour raconter le moins de bêtises possible et que ça soit réaliste, j'ai lu les explicatifs de procédure plusieurs fois, et j'espère que ça reste correct, mais j'étais plus sereine de garder quand même une certaine distance.
En tout cas j'espère que ça vous aura plu !

Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Axel qui obtient officiellement la garde de son petit frère ?

Comment trouvez-vous l'évolution des relations entre Camille, Noé et même Frédéric ?

Le comportement de la mère ? Sa décision de finalement laisser la tutelle de Noé à Axel ?

Sa décision de suivre une thérapie ? Vous croyez qu'ils pourront recréer des liens par la suite ?

J'ai hâte d'avoir vos avis et de lire tous vos commentaire !

Les 7 prochains et derniers chapitres pourront être plus légers désormais, maintenant que cette partie de l'intrigue a été résolue, Axel va enfin pouvoir souffler. Attendez-vous même à beaucoup de mignonnerie. Je crois que les garçons l'ont bien mérité... J'espère que la suite et fin vous plaira !

Je vous embrasse fort et je vous dis à bientôt !

Tan 🦋

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top