10. Heureux Hasard
"La vie est sœur du hasard."
Stephen King
⭐️⭐️⭐️
— Heureusement qu'un rien t'habille parce que tu n'as pas fait beaucoup d'efforts là ! lança mon ami alors que je venais de lui ouvrir la porte de mon appartement.
Je levai les yeux au ciel face à sa remarque avant de baisser le regard sur ma tenue. Je la trouvais très bien, moi ! Un jean bleu, un tee-shirt uni blanc et une veste en jean pouvait sembler être une combinaison simple mais c'était parfaitement suffisant pour une simple soirée entre potes.
Evidemment, à côté de mon meilleur ami - qui avait tendance à prendre nos soirées pour des défilés de haute couture - j'avais peut-être moins l'allure d'un mannequin international. En effet, Nicolas exhibait un jean skinny noir parfaitement taillé et une chemise légère, fluide dont les deux premiers boutons étaient restés ouverts. Quant à ses cheveux bruns, ils étaient artistiquement et rigoureusement en pagaille. Mon ami n'hésitait jamais à se mettre en valeur, il avait confiance en ses atouts, et c'était tout à son honneur. Moi, j'étais plus discret, mais tant que je me sentais bien dans mes fringues, dans mon corps et dans ma tête, alors c'était le principal.
— Allez pousse-toi au lieu de me faire des réflexions, dis-je en gardant néanmoins un rictus amusé. Rester planté là ne fait pas partie du programme de la soirée, je me trompe ?
Je récupérai mes clés puis poussai légèrement Nicolas sur le côté pour que je puisse fermer la porte de mon appartement.
— Tu es prêt à profiter de ta soirée avec ton meilleur pote ? me demanda-t-il en plaçant son bras autour de mes épaules.
— Tant que tu tiens ta promesse de ne rien faire d'extravagant, je te suis, répondis-je.
— T'inquiète pas, j'ai bien compris que tu te faisais vieux, papi, plaisanta-t-il avant de reprendre son sérieux face à mon regard en coin. On va juste aller prendre un verre dans un bar sympa pas loin d'ici pour profiter de notre samedi soir. Le but est simplement de passer une bonne soirée ensemble, de se changer les idées et d'oublier un peu tout ce qui peut nous peser en semaine, sans prise de tête. Et puis si on a l'occasion de draguer un peu aussi, pourquoi pas tenter notre chance.
Tout en discutant, nous avions descendu les escaliers de mon immeuble jusqu'à nous retrouver dans l'entrée et, alors que je déverrouillais la grande porte, je fus pris d'une soudaine envie de la refermer au nez de mon ami à l'entente de cette énième remarque. Cependant ce dernier se faufila rapidement, les deux mains en l'air et un grand sourire aux lèvres, comprenant certainement ce que j'avais derrière la tête.
— Je n'ai l'intention de draguer personne, précisai-je pour la millième fois. Mais toi vas-y, te prive pas.
— Allez, ça peut-être bien d'au moins rencontrer de nouvelles personnes, insista Nicolas.
— Je vais très bien et je n'ai pas besoin de rencontrer de nouvelles personnes, surtout pas s'il ne s'agit que d'une histoire d'une nuit, soupirai-je. Ne nous confonds pas, c'est toi qui ne peut pas passer une soirée sans bonne compagnie à tes côtés.
— D'accord, c'est bon, j'insiste plus, céda enfin Nicolas après avoir haussé les épaules.
Nous continuâmes notre chemin dans une atmosphère légère. Les moments de silence n'étaient ni pesants, ni coincés, c'était juste agréable de me retrouver enfin seul en présence de mon meilleur ami. C'est vrai que depuis que j'avais été embauché au centre, commençant enfin une vie active, j'avais eu moins le temps de sortir et de profiter de mes soirées. Nous n'avions plus le même rythme que durant nos études, et c'était normal, nous grandissions, devenions des adultes responsables.
Enfin Nicolas faisait ce qu'il pouvait de ce côté-là. Il était sérieux au travail mais manquait encore parfois de maturité dans la vie de tous les jours. Cependant c'était ainsi qu'on l'aimait, avec son grain de folie et son habilité à alléger l'atmosphère quand il le fallait. Je crois qu'il faisait partie de ces personnes qui resteraient toujours de grands enfants.
Ce fut après une dizaine de minutes de marche que nous arrivâmes dans une rue déjà bien fréquentée. Plusieurs bars l'habillaient et, évidemment, nous n'étions pas les seuls à avoir choisi de passer notre samedi soir dehors. Nicolas continua son chemin, moi à ses côtés, jusqu'à une adresse bien particulière, le bar qu'il avait choisi pour nous aujourd'hui. Je reconnus rapidement l'endroit, nous y étions déjà venu une ou deux fois et j'avais apprécié l'ambiance du lieu. Ce n'était rien d'extravagant mais c'était justement cet accueil simple et chaleureux qui faisait qu'on s'y sentait bien.
Alors que je pensais que nous allions rentrer, Nicolas ayant la main sur la poignée, ce dernier se retourna pourtant vers moi, un air sérieux accroché au visage.
— Tu sais que je te taquine, pas vrai ? s'inquiéta-t-il. Je sais que je te cherche parfois mais c'est simplement parce que je veux que tu te détendes et que tu n'oublies de t'amuser un peu. Je ne cherche pas à te changer ou te dire quoi faire, je serais là pour te soutenir dans chacun de tes choix. Toujours. Tu le sais ça, pas vrai ?
— Mais oui, je le sais, répliquai-je d'un souffle et sans aucune hésitation. Maintenant ouvre la porte pour qu'on puisse enfin boire un coup, j'ai soif.
Nicolas me sourit à cette remarque. Nous n'avions pas besoin de nous faire de grandes déclarations, notre amitié durait depuis déjà plusieurs années et nous savions comment elle fonctionnait. Une simple affirmation lui suffisait, tout comme ce changement de sujet rapide qui le rassurait en allégeant l'atmosphère.
Ce fut donc sans plus attendre que nous fîmes notre entrée dans le bar. Nous commandâmes rapidement nos boissons avant d'aller nous installer à une table légèrement à l'écart prêt du mur couleur brique. Le bois incarné par les différents éléments du mobilier était prédominant dans la décoration de cet endroit et les couleurs choisies pour l'agrémenter étaient toutes parfaitement coordonnées, à l'image des quelques banquettes et des assises capitonnées des tabourets de bar qui arboraient une couleur marron claire.
La lumière choisie était plutôt chaude, plusieurs discrets lustres et lampions en fer forgé étaient installés tout le long du bar. Les murs, eux, étaient habillés de quelques cadres aux bordures noires contenants des photos en noir et blanc représentant des couples, pris en photos certainement dans les années cinquante. Et ce qui était appréciable était la diversité que montraient ces photos avec ces couples, ces personnes uniques qui ne semblaient pas le moins du monde effrayés d'assumer leur couleur, leur genre ou leur sexualité.
Je devais bien avouer que c'était aussi ce que j'avais aimé dans ce bar dès la première fois que j'y avais mis les pieds. On s'y sentait bien parce que tout le monde semblait y être accepté. Nous étions tous les bienvenus. A en croire par le petit drapeau arc-en-ciel apposé entre deux étagères derrière le bar, discret mais bel et bien présent, il était assez facile de comprendre que nous nous trouvions dans un bar gay-friendly. Mais au-delà de la sécurité que promettait cet endroit et du soutien affiché à la communauté lgbtq+ nous sentions bien que tout le monde avait sa place ici, quel qu'il soit, quelle que soit son histoire. L'ambiance et l'accueil chaleureux du personnel suffisait pour passer une bonne soirée au sein de cet établissement.
D'ailleurs, nous n'étions pas les seuls à l'avoir choisi comme repère ce soir-là puisqu'il semblait déjà assez populaire, même s'il était encore tôt. Des habitués, des groupes d'amis, tous étaient dans leur monde et profitaient avec bonne humeur de la fin de semaine. Et je comptais bien faire de même. C'est pourquoi je me retournai rapidement vers Nicolas, pris une gorgée de bière, et engageai la conversation avec mon ami. Comme il l'avait si bien dit et répété, nous étions là pour profiter.
Nous discutâmes alors sans nous arrêter pendant une bonne demi-heure, abordant plusieurs sujets différents mais évitant surtout de parler de notre travail. Ces moments étaient faits pour nous aérer l'esprit, et non pas pour ressasser. Nicolas préféra alors orienter la conversation sur des sujets plus légers comme nos familles, et la sienne en particulier puisqu'il avait toujours des tas d'anecdotes à raconter. Mon ami venait d'une famille nombreuse et était entouré de plusieurs frères et sœurs de tout âge, apportant à mon ami une source discontinue de conversation. Il me parla notamment de sa grande sœur, Roxy, qui elle-même avait toujours pleins de choses à raconter, des anecdotes souvent insolites.
Tout comme les propres aventures de Nicolas d'ailleurs. Malheureusement, en tant que meilleur ami, je devais aussi le laisser me conter ses relations tumultueuses avec le sexe opposé. Mon ami n'était pas un goujat, et il respectait ses partenaires, évidemment, mais il n'était pas non plus l'homme le plus romantique qui puisse exister. Et c'était le genre d'anecdotes que j'étais en train d'endurer présentement.
— Elle m'a jeté du lit ! s'exclama mon ami, continuant son histoire, imperturbable, pendant que je sirotais tranquillement ma bière. Elle a entendu la porte d'entrée s'ouvrir alors elle m'a littéralement jeté du lit et ordonné de me cacher en-dessous. En fait, elle accueillait son frère chez elle, avec ses enfants, depuis quelque temps, et ils sont rentrés plus tôt que prévu. Et elle m'a bien fait comprendre qu'elle ne voulait pas que qui que ce soit sache que j'étais là. Une heure ! J'ai dû rester caché sous le lit une heure le temps qu'elle propose à son frère de sortir faire un tour avec les enfants. Je n'ai pu partir que quand l'appart à été déserté. Et pour couronner le tout, le numéro de téléphone qu'elle m'a laissé n'était visiblement pas le sien puisque, quand j'ai essayé d'appeler, je suis tombé sur une femme qui devait bien avoir soixante ans !
Ce fut plus fort que moi, j'éclatai violemment de rire pour seule réaction à son anecdote. Et même si Nicolas tentait de paraître offensé et peiné, je savais très bien que ce n'était que de la comédie. Au fond, lui aussi s'amusait de la situation dans laquelle il s'était embarqué, sinon il ne m'en aurait pas parlé avec autant d'ironie.
— Tu vois, c'est exactement pour ce genre de raison que je refuse les coups d'un soir, pour éviter des situations embarrassantes, lui fis-je remarquer, un grand sourire aux lèvres.
— Il y a des bons côtés, quand les deux partis se sont mis d'accord et savent à quoi s'attendre, affirma-t-il.
Je haussai simplement les épaules. Peut-être, mais ça ne m'intéressait pas.
— Plus sérieusement, et c'est juste une question innocente, tu es sûr qu'il n'y a vraiment personne qui t'intéresse ce soir, dans ce bar ? me demanda Nicolas.
Je poussai un soupir mais, pour l'effort, je relevai tout de même la tête et regardai autour de moi, scannant la foule. J'observai un bref instant les gens qui nous entouraient, leur visage, leur style, leur attitude, mais sans m'attarder sur une personne en particulier. Non, je n'étais définitivement pas intéressé.
Enfin ça, c'était avant que quelque chose ne retienne mon attention. Plus loin, près du bar, une silhouette y était accoudée. Une silhouette que je pourrais désormais reconnaître entre plusieurs. Cette posture un peu timide, comme s'il voulait se fondre dans la masse, ces cheveux châtains toujours en pagaille, et ces lunettes qui ne quittaient jamais son nez. Oui, il n'y avait aucun doute, je connaissais cette personne.
Je ne pouvais plus le quitter du regard, comme attiré par sa présence, me demandant ce qu'il faisait là, s'il était accompagné. Je ne sais pas combien de temps cela dura, mais ce fut visiblement assez long pour que mon ami commence à s'inquiéter et s'interroger.
— Camille ? m'interpella-t-il, tentant certainement de me ramener sur terre.
Et, comme un idiot, la seule indication que je pus lui donner, fut de lui souffler un nom.
— Axel.
Du coin de l'œil, je vis mon ami froncer les sourcils avant de tourner la tête, orientant son regard dans la même direction que moi. Cependant ce fut bref puisqu'il reporta rapidement son attention sur moi.
— C'est pas tellement ce que j'entendais par se changer les idées et rencontrer de nouvelles personnes, soupira-t-il.
Je ne lui répondis pas, le laissant baragouiner dans son coin. Moi j'étais bien trop concentré sur Axel, qui semblait un peu perdu au fond de ce bar, un peu mal à l'aise, comme s'il n'avait pas l'habitude de passer ses soirées ici. Et alors que je le croyais seul jusqu'ici, ma curiosité atteignit son paroxysme lorsque je le vis être rejoint par une jeune femme brune qui récolta instantanément un timide sourire de sa part.
Je haussai un sourcil. Qui était-elle pour Axel ? Je ne voulais pas paraître intrusif, ou même possessif - parce que je n'en avais pas le droit - mais je ne pouvais m'empêcher de me demander si elle était sa copine ou juste une amie.
Elle était jolie, je devais bien le reconnaître. Ses longs cheveux couleur ébènes étaient lisses et tombaient jusqu'au milieu de son dos, ses yeux semblaient être soigneusement maquillés avec des couleurs sombres, et je pouvais distinguer quelques tatouages sur ses bras découverts. Cette fille était intrigante.
Ce fut un coup dans le tibia qui me ramena à la réalité et me poussa à enfin détourner mon regard d'Axel. Les sourcils froncés, mes yeux avaient retrouvé ceux de mon ami et lui lançaient des éclairs. Il m'avait fait mal, ce con !
— Quoi ? lâchai-je, déjà sur la défensive.
— Va lui parler, je vois bien que tu en meures d'envie, souffla-t-il. Et puis je sais bien que tu ne m'écouteras pas, je sais que tu l'apprécies déjà beaucoup, c'est déjà trop tard, alors vas-y.
Je jetai un nouveau regard hésitant vers Axel et la jeune femme avant de pousser un soupir.
— Je ne veux pas le déranger, il est accompagné, marmonnai-je. Et puis, même dans l'hypothèse où je l'aimerais bien en tant que plus qu'ami, je ne sais même pas s'il serait intéressé. S'il est même intéressé par les hommes. C'est pas le genre de choses qu'on échange entre deux sandwiches.
— Il est dans un bar gay, me fit remarquer Nicolas.
— Tu es dans un bar gay et t'es le mec plus hétéro que je n'ai jamais rencontré, rétorquai-je.
— On ne sait pas, tu n'as jamais voulu m'embrasser pour que je puisse tester, renvoya-t-il en haussant les épaules.
Et je devais bien admettre que cela suffit à me dérider, parvenant même à laisser échapper un léger rire. C'est vrai que, après un nombre conséquent de verres avalés, Nicolas avait une fâcheuse tendance à devenir un peu trop collant auprès de moi.
— Je te l'ai déjà dit, je ne vais pas t'embrasser juste pour être ta petite expérience, pouffai-je en secouant la tête, dépité.
— Dommage, soupira mon ami d'un air faussement dramatique. Plus sérieusement, vas-y, Camille. Dans tous les cas, tu ne sauras pas si tu n'essayes pas.
— Mais c'est peut-être sa copine et je ne veux pas passer pour un idiot ou un emmerdeur, ou même un briseur de couple.
— C'est peut-être juste une amie, répliqua Nicolas d'un ton calme et patient. Tu crois que les gens assument qu'on est en couple à chaque fois qu'on se balade ensemble ? Pour quelqu'un qui fait partie de la communauté lgbt, je te trouve très hétéronormé.
— Tu viens d'assumer qu'il était gay juste parce qu'il passe sa soirée dans un bar gay et tu me fais la leçon ? soulevai-je sarcastiquement, un sourire aux lèvres.
— J'ai juste fait une supposition, se défendit-il en levant ses deux mains en signe de reddition. Allez, maintenant arrête de me prendre la tête, s'il te plaît, et va lui parler qu'on en finisse.
Je fixai un instant son regard déterminé, bien plus déterminé que moi alors que j'étais le plus concerné, mais je finis par céder. Je pris une grande inspiration, pour rassembler mon courage, et me levai enfin. Je fendis la foule et m'avançai doucement, d'un pas presque hésitant, vers Axel qui n'avait pas bougé. Son amie semblait s'être approchée du barman, certainement pour commander leur boisson.
J'avais terriblement peur de le déranger, et j'avais aussi terriblement peur de sa réaction en me voyant là. Je ne voulais pas qu'il pense que je le harcelais. Cependant je ravalais la boule qui était en train de se former dans ma gorge et me glissai à ses côtés. Regardant ailleurs, il ne m'avait pas encore remarqué.
— Salut, lançai-je simplement, un peu bêtement, trop nerveux pour savoir comment vraiment commencer la conversation.
Axel tourna rapidement la tête vers moi et écarquilla les yeux lorsqu'il prit conscience de ma présence ici.
— Camille ? s'exclama-t-il. Je... je ne m'attendais vraiment pas à te voir ici.
— C'est un peu notre truc ça, non ? répliquai-je, un sourire aux lèvres. De se retrouver au même endroit sans s'y attendre.
Axel laissa échapper un petit rire, et rien que ce son suffit à réchauffer mon corps et à me promettre de remercier Nicolas pour m'avoir poussé à aller vers Axel. Je ne me lasserai jamais de l'entendre rire.
Mon vis à vis hocha la tête, acquiesçant à ma remarque et je me détendis d'un seul coup. Il ne semblait pas plus gêné que ça de ma présence, il ne semblait pas en colère non plus de me voir là, alors c'était un poids qui se retirait instantanément de mes épaules.
— Ça va peut-être te sembler étrange ce que je m'apprête à te dire, mais ça doit bien être le dernier endroit ou j'aurais imaginé te croiser, lui avouai-je. Tu parais toujours si sérieux et concentré, pressé aussi, je ne pensais pas te voir un jour en train de te détendre dans un bar un samedi soir. Sans vouloir t'offenser.
— T'inquiète pas, tu as raison de toute façon, sourit-il. Je ne serais jamais venu de mon plein gré, mais on m'a forcé à sortir pour me changer les idées.
J'éclatai de rire sans pouvoir me contrôler, alors qu'Axel m'observait avec un sourcil haussé, l'air de se demander ce qui avait provoqué cette réaction.
— Qu'est-ce qui te fait rire ? m'interrogea-t-il en ayant, lui aussi, un timide sourire au coin des lèvres.
— Moi aussi, on m'a forcé à sortir pour me changer les idées, clarifiai-je avant de me décaler et de faire un signe de tête vers Nicolas qui nous observait avec seulement très peu de discrétion. Il a absolument tenu à sa soirée entre potes.
Axel hocha doucement la tête et nous échangeâmes un sourire. Un léger silence s'était installé entre nous, n'étant seulement perturbé par les bruits ambiants du bar, mais ce n'était pas embarrassant entre nous. Cela semblait même naturel. Et j'aurais bien profité encore un peu de sa présence seulement une petite brune arriva entre nous comme une tornade, la même jeune femme qui accompagnait Axel quelques minutes plus tôt.
— Salut inconnu qui a réussi à faire se dérider Axel ! lança-t-elle en plantant son regard dans le mien. Tu as tout mon respect, à moins que tu aies des mauvaises intentions envers lui.
— Prune, commence pas, intervint Axel dans un soupir. Je te présente Camille. Et Camille, je te présente Prune, ma coloc'.
— Son amie, rectifia-t-elle rapidement en tendant formellement une main vers moi. Alors c'est toi Camille ! Ravie d'enfin te rencontrer.
Je pus entendre Axel pousser un nouveau soupir alors qu'il passait une main sur son visage, comme s'il tentait de se cacher alors que Prune lui adressait un regard rempli de malice.
— Je suis ravi de faire ta connaissance aussi, dis-je, souriant, en serrant la main qu'elle me proposait toujours. Est-ce que ça vous dirait de nous rejoindre, mon ami et moi ?
— Non, on voudrait pas vous déranger et...
— Avec plaisir ! le coupa Prune. On est là pour s'amuser, pas pour rester dans notre coin. Pas vrai, Axel ?
Les deux amis s'échangèrent un nouveau regard, semblant communiquer à travers ce dernier. Ils étaient complices, c'était évident, et j'étais heureux de voir qu'Axel avait effectivement quelqu'un d'autre dans sa vie pour l'épauler. Mais cela ne m'empêchait pas de toujours ressentir ce besoin d'être auprès de lui, ce souhait qu'il puisse aussi s'appuyer sur moi.
Après un simple signe de tête, je les invitais à me suivre, leur boisson en main, jusqu'à la table que j'occupais jusqu'ici avec Nicolas. Reprenant ma place, je m'installais en face de mon ami alors qu'Axel s'asseyait à mes côtés.
— J'ai vraiment cru que t'allais me laisser tout seul et rester là-bas, commenta Nicolas, ses yeux malicieux plantés dans les miens, alors que Prune prenait place à ses côtés, sur la dernière chaise.
Ce fut à mon tour de jeter un regard à la fois blasé et embarrassé à mon ami, mais celui-ci n'y prêta pas longtemps attention puisqu'il préféra plutôt laisser ses yeux se reporter sur Axel avant de tourner la tête vers Prune, un sourire que je ne connaissais que trop bien prenant place sur ses lèvres.
— J'espère qu'on ne vous dérange pas, lança timidement Axel avant que Nicolas puisse dire quoi que ce soit.
— Oh non, t'inquiète pas pour ça ! s'exclama mon ami. Dans tous les cas c'était soit ça, soit Camille n'allait pas arrêter de bouder et de parler de toi, alors autant que vous soyez avec nous.
Cette fois-ci, ce fut à mon tour de lui donner un coup de pied dans le tibia en le foudroyant du regard. Qu'il considère ça comme partie remise. Je n'en revenais pas qu'il puisse dire une chose pareille en face d'Axel ! Ce dernier avait d'ailleurs détourné la tête, certainement embarrassé. J'espérais juste que Nicolas n'allait pas le faire fuir.
— Je pense que je vais devoir m'habituer à te voir en dehors du centre, reprit-il. Je suis Nicolas, au fait, je ne me suis occupé que quelques fois de Noé donc je ne suis pas sûr qu'on ait déjà été présentés. Ton petit frère est un ange d'ailleurs.
Parler de Noé devait suffire à Axel pour le détendre et laisser s'évanouir son embarras puisque, dès que son prénom fut mentionné, un adorable sourire avait pris place sur ses lèvres. Ce sourire que je pourrais observer pendant des heures.
— Merci pour lui, souffla-t-il simplement, les yeux brillants.
— Et je suis aussi très content de pouvoir faire la connaissance de ton amie...
— Prune, je m'appelle Prune, compléta-t-elle lorsqu'elle comprit que c'était ce que Nicolas attendait. Mais te fatigue pas avec ton espèce d'approche et ton sourire charmeur, je te le dis tout de suite, ça n'arrivera jamais.
Le sérieux et la détermination que venait d'employer Prune, alors qu'elle avait planté son regard dans celui dans mon ami, ne laissait aucune place au doute. Et cela eut au moins le don de faire taire Nicolas, le laissant bouche bée. Un léger silence s'installa dans notre groupe alors que les deux concernés s'observaient encore mais, finalement, à ma plus grande surprise, Axel et moi rompîmes ce malaise en éclatant de rire au même moment. Je n'avais pas pu m'empêcher de me moquer de la tête que tirait Nicolas, tandis qu'Axel semblait rire du comportement de son amie. Un haussement d'épaule de la part de Nicolas suffit à balayer cet instant et alléger l'atmosphère.
Et juste comme ça, la conversation s'engagea, naturellement, sans aucun embarras. Nous ne nous connaissions pas encore très bien et pourtant nous trouvâmes rapidement des sujets de discussion, de débat et l'ambiance ne tarda pas à devenir amicale et sereine. Tout le monde semblait passer une bonne soirée.
Ce fut une trentaine de minutes plus tard que je me retrouvais à l'extérieur du bar en compagnie d'Axel. Nous n'avions pas bu beaucoup mais l'alcool réchauffait tout de même notre corps, en plus des rires que nous avions laissé échapper et de la chaleur qui se dégageait de la pièce désormais bondée. Nous avions eu besoin de sortir un peu pour prendre l'air. Et puis je devais bien avouer que je mourrais d'envie de me retrouver à nouveau seul avec Axel, loin du regard de Nicolas. J'aimais mon ami, mais je crois que j'aimais encore plus la présence du jeune homme à côté de moi. C'était addictif et j'avais l'impression de ne jamais en avoir assez. Et comme je ne savais pas pour combien de temps il me laisserait l'approcher, j'avais décidé de profiter au maximum de chaque seconde.
Quoi que, pour l'instant, il ne semblait pas opposer de résistance particulière. Nous nous étions tous les deux levés d'un commun accord pour sortir un peu, sans réellement se concerter, et définitivement sans que j'ai à lui demander ou à insister. Depuis notre conversation, et depuis qu'il avait accepté ma proposition pour un dîner, quelque chose avait changé entre nous. Il semblait moins réfractaire à me faire entrer dans sa vie et c'était une autre sorte de tension qui semblait désormais s'installer entre nous. Même si aucun de nous deux ne voulait l'adresser.
Néanmoins, je fus tout de même surpris lorsqu'Axel fut celui qui aborda le sujet de notre futur dîner.
— Est-ce qu'un dîner est encore d'actualité maintenant qu'on a passé cette soirée ensemble ? demanda-t-il sur un ton que je sentais bien malicieux, pourtant je pris soin de répondre avec le plus grand sérieux.
— Evidemment ! m'exclamai-je avec peut-être un peu trop d'intensité. Je ne peux pas apprendre à mieux te connaître avec Nicolas dans les parages. Je sens qu'il nous espionne.
Axel pouffa avant de jeter un coup d'œil derrière lui. Je ne doutais pas une seconde qu'à travers la vitrine il pouvait voir le regard de mon ami braqué sur nous dans une discrétion très peu affinée.
— Tu ne travailles pas le mardi soir, pas vrai ? repris-je, capturant à nouveau l'attention d'Axel.
— Tu connais mon emploi du temps ? releva-t-il, un sourcil haussé.
— Je te l'ai déjà dit, je t'écoute quand tu me parles, et je retiens, affirmai-je. Alors, est-ce que mardi soir ça te va ?
— Je... Oui, c'est d'accord pour mardi, répondit-il timidement en préférant regarder le sol plutôt que de laisser ses yeux se poser sur moi.
Je souris face à sa timidité qui m'attendrissait. Parfois, sans trop savoir d'où cette impulsion venait, j'avais juste envie de le prendre dans mes bras. Mais évidemment, je ne me laissais pas encore aller à accomplir ce mouvement, résistant encore.
— Tu... crois que je pourrais avoir ton numéro de téléphone ? demandai-je, hésitant à mon tour.
Axel releva rapidement la tête et n'eut aucun mal, cette fois-ci, à trouver mon regard. Il gardait cette expression interrogatrice et ce sourcil haussé.
— Les amis aussi s'échangent leur numéro, lui fis-je remarquer, un sourire malicieux aux lèvres, comprenant ses questions sans qu'il n'ait à les formuler. Tu sais, pour communiquer. Ça sera bien plus pratique pour qu'on convienne d'un horaire et d'un lieu, je pourrais te transmettre toutes les informations.
Après quelques secondes supplémentaires d'hésitation, Axel finit par accepter et accéder à ma demande. Je me sentais soudainement tout heureux d'avoir son numéro dans mon téléphone, et un peu stupide aussi de me réjouir pour un fait si anodin. Mais j'avais bien compris désormais que je n'avais plus aucun contrôle sur les réactions de mon corps.
— Allez viens, on devrait y retourner avant que Nicolas ne finisse par vraiment énerver ton amie, lançai-je finalement pour changer de sujet et détendre l'atmosphère face à un Axel redevenu adorablement timide.
Même si nous étions à l'extérieur, nous avions une bonne vue sur la table que nous occupions. Et ma crainte d'un accident entre ces deux-là semblait justifiable puisque je ne pouvais que constater que Prune levait lourdement les yeux au ciel tandis que Nicolas ne semblait pas se résoudre à se taire.
— Ne t'inquiète pas, Prune lui aura déjà mis un coup dans les parties avant qu'il ne puisse tenter quoi que ce soit, me fit remarquer Axel qui observait la même scène que moi.
— C'est bien ce qui me fait peur, rétorquai-je avant de partager un nouvel éclat de rire avec Axel.
Et c'est ainsi que se termina la soirée, dans la bonne humeur et entouré par ce bonheur momentané qui planait autour de nous. Oui, je me sentais heureux.
Heureux de cette rencontre complètement inattendue dans ce bar. Heureux d'avoir passé ces quelques heures avec Axel. Heureux qu'il accepte enfin de me laisser l'approcher. Et heureux d'avoir peut-être cette chance, même infime, d'avoir par la suite une place plus importante dans sa vie.
Et j'espérais réellement que ce bonheur était là pour durer.
⭐️⭐️⭐
Hey !
J'espère que vous allez tous bien, je vous le souhaite en tout cas. Moi je suis contente de vous partager ce chapitre, simplement parce que je l'aime bien. On sort un petit peu de l'univers du centre et on voit Camille respirer un peu. Et petit plus, et pas des moindres, on a de nouvelles interactions assez positives entre Camille et Axel. J'ai pas grand chose d'autre à vous dire, je vous avoue, je crois que le chapitre parle de lui-même.
Alors qu'en avez vous pensé ?
Cette soirée entre potes loin du centre ?
Nicolas ? Finalement il pousse Camille à aller vers Axel.
Prune ?
Camille et Axel ? Leur rapprochement progressif ?
Moi je les trouve vraiment mignons, mais je ne suis certainement pas objective. Néanmoins je suis quand même impatiente de continuer à faire évoluer leur relation. Et impatiente d'avoir vos réactions !
Dans le prochain chapitre, nous retrouverons les pensées d'Axel, et d'ailleurs nous y serons pour deux chapitres d'affilé. Je vous spoil peut-être mais j'aime vraiment écrire du point de vue Axel et vous livrer ses pensées, sa vision de cette relation. J'espère que ça vous plaira aussi !
En attendant, je vous souhaite une très bonne soirée / journée / semaine et je vous embrasse.
À bientôt, T.
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