9 : Vous prenez mes pensées pour cible

    "Le grand œuvre de la transformation du plomb en or, ce n'est pas seulement la transmutation minérale, c'est surtout une transformation mystique.
C'est épuré son âme.
La matéria prima que les alchimistes associent aux matériaux vulgaires n'est rien d'autre que l'ombre à l'intérieur de soi.
Celle-là même qu'on essaie d'étouffer et qui parfois nous submerge.
Et que la première fase du travail chimique, tout comme l'introspection remue, triture et décortique.
Voilà ce en quoi consiste l'œuvre noir.
Putréfier, dissoudre et faire coaguler ce qui en soit résiste à la lumière.
La mort avant la renaissance.
Mais garde toujours à l'esprit que détruire n'est que l'éprouvante et difficile première étape.
Il te faudra encore purifier, puis sacrifier ce qui est devenu pur pour en obtenir une naissance plus transcendée encore.
On ne renaît pas comme ça.
L'or n'apparaît pas par magie.
Il te faudra éprouver ton âme pour la rencontrer.
C'est te dire si c'est une rencontre précieuse et miraculée."

(your.nash - lpeo)






    Swann poussa la porte du petit bistrot où une musique des années 80 se jouait en fond. Le comptoir en bois foncé était assortie au reste de la pièce et les tableaux de toutes tailles occupaient presque la totalité des murs. L'homme derrière le comptoir le salua chaleureusement. Swann lui sourit avant d'apercevoir Tristan assis non loin, à côté des fenêtres grandes ouvertes, sirotant un jus de fruit.

Le jeune homme s'avança jusqu'à la table en question et tira la chaise en face de son ami, ce qui attira son attention.

Il s'assit et pris une longue inspiration.

— Désolé.

Les deux hommes se fixèrent longuement, yeux dans les yeux. Swann cru que c'était terminé : il ne le pardonnerait jamais. Il avait gâché leur amitié. Encore.

Mais Tristan éclata soudainement de rire, attirant l'attention des quelques clients. Swann le fixa pendant un moment, comme s'il était devenu fou, avant de finalement se laisser entraîner par son rire contagieux. Lorsque les deux hommes parvinrent finalement à se calmer, Swann demanda :

— Pourquoi tu ris ?

— Aucune idée. C'est juste débile. La vie.

— Ouais.

— Comment ça c'est passé avec ta sœur ?

— C'était pas facile... Mais on a fini par s'entendre. On a eu une discussion, ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas retrouvé pas comme ça. Je lui ai promis de faire des efforts à partir de maintenant.

— Swann, ma proposition tient toujours.

— D-d'accord. Mais j'ai besoin d'un peu de temps avant. Laisse-moi juste quelques jours, s'il te plaît.

Tristan sourit avec bienveillance.

— Je suis heureux de te voir comme ça. Prêt à faire des efforts.

Le serveur les interrompit pour prendre leurs commandes et les deux garçons mangèrent dans la bonne humeur.

***

En rentrant chez lui, Swann se sentait plus léger, mais quelque chose le tracassait encore. Une ombre qui planait sur son esprit malgré les réconciliations avec sa sœur et son meilleur ami.

Après avoir pris une douche, il s'installa dans le spacieux sofa et inspira profondément. Le silence régnait dans la maison. Il resta ainsi pendant quelques longues minutes avant de saisir son portable posé en face, sur la table basse. L'écran s'alluma ;

22:22

Swann s'agitât. Sa jambe se mit à trembler frénétiquement alors que tout un tas d'idées lui traversaient l'esprit. Il finit par se lever dans un bon, récupéra le stricte nécessaire et claqua la porte de chez lui, s'engageant dans les rues agitées de la ville.

Le jeune homme finit par remarquer un bar auquel il n'avait jamais fait attention. Le local était assez petit mais il dégageait une familiarité surprenante. Il n'y avait pas grand monde à part un couple de quarantenaire et un vieil homme qui semblait concentré sur la carte du bar.

Swann s'assit à une table sur la petite terrasse et souffla en se demandant ce qu'il faisait là. Ses yeux parcoururent rapidement la liste des boissons et le combat commença dans sa tête. Il ferma les yeux, tentant de réprimer la tentation de se jeter sur un mélange alcoolique.

— Bonsoir monsieur ! Qu'est-ce que je vous sers ?

Swann rouvrît immédiatement les yeux, surpris par la voix agréable d'une douce jeune fille. Ses yeux se posèrent sur celle-ci. La peau hâlée et les yeux d'un mélange vert/marron. Les cheveux blonds dorés et légèrement ondulés. Elle respirait la chaleur et le soleil. Le jeune homme se sentit immédiatement envahi par une énergie vivante qui se propageait tout autour d'elle. Il détourna le regard, gêné, alors que la fille lui sourit toujours, attendant patiemment une réponse.

— B-bonsoir. Euh... un jus de pomme, s'il vous plaît.

Ça alors ! Où était donc passé le jeune homme plein de charisme qui ne se démontait devant aucune femme ?

La jolie serveuse acquiesça sans se départir de son sourire et disparut aussi vite qu'elle était apparue.

Le regard de Swann resta un long moment planté sur l'entrée du bar que la fille avait franchi. Il rejoua la scène dans sa tête, tentant vainement de comprendre ce qu'il venait de se passer.

Perdu dans ses pensées, il ne vit pas le vieil homme assis derrière lui se lever. Un barbu assez imposant aux poils grisonnants et la peau rougeâtre. Il donna une puissante accolade dans le dos du garçon en riant bruyamment.

— T'en fais pas mon petit. Ce n'est pas toi, c'est elle.

Swann, gêné, le fixa désarçonné tout en se massant là où l'homme l'avait touché et le monsieur continua son chemin en riant aux éclats.

C'est à ce moment-là que la serveuse revint avec son plateau. Elle déposa la commande sur la table, sourit à nouveau et se dirigea vers les derniers clients qui désiraient payer afin de s'en aller.

Le jeune homme porta son verre à ses lèvres et goûta au nectar de son enfance. Lorsque le goût se ressentit, il eut l'impression d'y retomber. Un instant, il se vit dans la jolie maison de campagne qui l'avait vu naître, lui et sa sœur. En ces chaudes après-midi ensoleillées, les goûter en sortant de l'école, lorsque les rues du petit village habituellement peu fréquentées s'emplissaient de jeunes enfants.

Il y avait quand même un centre plutôt animé où les touristes venaient passer la journée les weekend. Quelques petits restaurants et commerces pas bien grands. Ou encore la grande place bâtit en dessous de l'église, où les barnums du marché s'installaient le dimanche matin. Toutes ces couleurs, ces odeurs le rendaient euphorique, enfant.

— Désirez-vous autre chose monsieur ?

Swann fut brusquement sortie de ses souvenirs d'enfance et revint à la réalité. La troublante jeune femme se trouvait face à lui, toujours souriante.

— Euh... non, merci. Je vais y aller...

— Non c'est pas la peine ! On ferme à 23h30.

Le jeune homme hésita un instant, puis déclara :

— Je vais prendre un deuxième jus de pomme alors.

Il tenta un sourire timide et porta son verre à ses lèvres alors que la fille alla chercher sa commande. L'endroit n'avait effectivement pas fermé, mais il était de toute évidence l'ultime client. La fille revint rapidement avec deux jus de pomme et un verre en plus.

— Il a l'air sacrément bon ce jus de pomme ! Vous m'avez donné envie de goûter !

— Tu n'as jamais bu de jus de pomme ? demanda Swann, se surprenant lui-même.

— Si, mais ça fait bien longtemps que ce n'est pas arrivé. Si vous en demandez un autre, j'imagine que ça doit valoir le coup.

— Euh, bien oui c'est... bon, répondit-il, déstabilisé.

Il réfléchit un instant et pris finalement le risque :

— Tu veux t'asseoir ?

La serveuse regarda la chaise en face de lui que Swann désignait et un nouveau sourire étira ses lèvres.

Elle s'installa sagement et s'emparât du fameux jus de pomme.

— Bon alors, dis-moi, qu'est-ce qu'il a de si spécial ce jus de pomme ?

— Rien, rien. Ça me rappelle juste des souvenirs.

Elle goûta finalement et ses traits se teintèrent d'amusement.

— C'est vrai que c'est bon. Je devrais en boire plus souvent.

— Est-ce que t'es du coin ? l'interrogea Swann.

Il avait parlé plus pour éviter que le silence s'installe et regretta immédiatement sa question qui pourrait être mal interprétée par la jeune femme. Mais celle-ci ne sembla pas le moins du monde mal le prendre. Elle répondit au contraire avec entrain :

— En fait, je suis de Beaulieu-sur-Mer, mais j'ai vécu de mes cinq à mes dix-huit ans au Mexique, à Sayulita.

— Dois-je donc en déduire que tu as plus de dix-huit ans ?

La fille fixa Swann d'un regard bienveillant et elle acquiesça finalement.

— J'ai vingt ans depuis la semaine dernière.

— Bon anniversaire en retard... Comment t'appelle-tu ?

— Ça, je ne suis pas sûre de pouvoir te le dire.

— Pourquoi tu ne pourrais pas ?

— Pour les mêmes raisons que nous ne faisons que parler de moi depuis que je me suis assise à cette table. Tu as des secrets, tu ne veux pas en parler. C'est dommage, mais je ne dis rien.

— Ce n'est décidément pas la même chose.

— Alors, faisons un jeu. Tu n'as qu'à essayer de deviner mon prénom !

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