3 : Toujours le même shéma, désir, pulsion, désillusion
"J'ai transformé la haine en mal-être
et le mal-être en angoisse
puis l'angoisse en une nouvelle
raison d'être en colère
je sais bien que si le serpent se mort la queue c'est que je ne lui laisse pas le choix
mais je préfère quand même
penser que c'est lui le coupable."
(your.nash - enfant de l'hiver)
Lorsque Swann se leva le lendemain, il n'y avait plus aucune trace de la discussion d'hier. Les éclats de verre dans le salon avaient été nettoyés, les affaires éparpillées avaient été rangées, tout était en ordre. Il aurait même pu penser qu'il avait rêvé en imaginant tout ça, si ce n'était sa main - stupidement - blessée.
En ressassant la longue soirée d'hier, Swann fut pris d'une violente envie de vomir. Il se précipita jusqu'aux toilettes et rejeta le peu de chose qu'il avait ingurgité la veille.
En fin de journée, Swann commença à se préparer. Tristan lui avait donné rendez-vous à 23h00 devant le cimetière. Alors que le jeune homme enfilait un teeshirt, le stress commençait à lui serrer le ventre. Plus les minutes passaient, plus Swann se décourageait. Pourtant, ce n'était pas la première fois qu'il irait la voir, bien au contraire puisqu'il y était hier encore. Mais cette fois semblait différente, c'était comme... lui parler alors que ce n'était pas arrivé depuis des années. Lui parler alors qu'elle était morte.
Au bout d'un moment, l'anxiété fut si grande que tous les sentiments de Swann se mélangèrent et il finit par éclater en sanglots, là, au beau milieu du salon.
— Je ne vais pas y arriver...
Il n'y arriverait pas. Il n'était pas prêt, du moins, il s'en était persuadé.
Swann attrapa son blouson dans l'entrée et sortit de chez lui en claquant la porte. Il rabattit sa capuche sur sa tête, enfouit ses mains dans ses poches et marcha jusqu'à arriver devant la maison en fête de Stan, une vieille connaissance de la fac qui organisait des soirées pratiquement tous les week-ends.
Il poussa le portail de la grande maison et se retrouva dans le jardin bondé. Des gens dansaient, verre à la main, d'autres plongeaient la tête la première dans l'immense piscine de la belle demeure et plus loin, on pouvait même apercevoir des groupes jouant au beer pong. La musique était si forte qu'on l'entendait au bout de la rue, les effluves d'alcool flottaient dans l'air et les nombreuses lumières néons se reflétaient dans l'eau de la piscine.
Swann continua d'avancer après un court moment d'hésitation et dépassa les nombreux danseurs alcoolisés pour pénétrer dans la maison où il se fraya tant bien que mal un chemin.
Il parvint finalement à atteindre la cuisine, où il se servit une bonne dose du mélange un peu douteux posé sur le plan de travail et s'empressa de le porter à ses lèvres.
De nombreux verres plus tard, Swann dansait joyeusement sur la piste de danse improvisée. Il était là, comme si tout allait pour le mieux et qu'il ne venait pas de planter son ami.
Il finit d'une traite un nouveau verre avant de s'en resservir. Cela faisait déjà de nombreuses minutes qu'il enchaînait de la sorte, comme si son estomac n'avait aucune limite. Et puis, il repartait déjà sur la piste de danse, en s'arrêtant quelques fois pour avaler une gorgée.
Lorsque la musique s'arrêta pour laisser place à une nouvelle, le regard de Swann croisa celui d'une jeune femme aux longs cheveux bruns, ou peut-être noirs ? Difficile d'y voir correctement avec toutes ces lumières colorées et la vue quelque peu brouillée par l'alcool. Elle lui sourit amicalement et détourna le regard vers sa meilleure amie qui lui parlait en agitant ses mains autour d'elle.
Swann ne se détourna pas pour autant, au contraire, il s'avança jusqu'à la jeune fille et se planta juste à côté d'elle. L'amie de la fille le remarqua et s'éloigna en lançant un clin d'œil à celle-ci.
— Ça va, tu t'amuses bien ? lança Swann.
La fille hocha négativement la tête en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille et avalant une gorgée.
— Pas vraiment, je suis là à cause d'elle, dit-elle timidement en désignant sa copine.
— Ah, pourquoi t'aimes pas ?
— Ce n'est pas que je n'aime pas... Je n'ai juste pas l'habitude. Mais c'est son anniversaire, j'étais obligée de venir, souffla la fille.
La gorge de Swann se serra et son sourire disparut soudainement. Il était peut-être un peu bourré mais pas au point d'en oublier ce qui l'amenait ici, et il la vît à la place de cette jeune femme qui se trouvait devant lui. Ellie lui fit face pendant un quart de seconde.
— Est-ce que ça va ?
Swann sursauta en reposant ses yeux sur la fille.
— Euh oui, désolé... C'est la fatigue.
Pourquoi le destin s'acharnait sur lui de la sorte ? Un anniversaire, une amie qui force sa copine à sortir, est-ce que tout cela allait finir de la même manière ?
— Déjà ? Il n'est même pas 01h00 !
— J'ai bossé toute la journée, s'empressa-t-il d'inventer.
— Un dimanche ? releva la fille, de plus en plus perplexe.
— Je suis désolé, je dois y aller, lâcha-t-il en se précipitant déjà à travers la foule.
— Mais, attends ! Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?! s'exclama-t-elle.
Swann l'ignora et continua son chemin en laissant la pauvre fille plantée là.
Ce n'était pas possible, cette fois, c'en était trop. Ces soirées étaient ses seuls moments de répit, tout le reste du temps, la mort de Ellie le hantait, et maintenant, elle s'immisçait même lorsqu'il était ivre.
Swann se précipita vers la cuisine et redoubla la dose. Il enchaîna désespérément les culs secs sans se préoccuper des conséquences. Il devait oublier. Il devait l'oublier. Elle devait sortir de sa tête, juste pour ce soir, c'était la seule chose qu'il voulait.
— Swann ? Qu'est-ce que tu fous ?!
Swann s'arrêta, le verre à mi-chemin entre sa bouche et la table. Il eut un haut-le-cœur et prit une longue inspiration pour tenter d'éviter le vomissement.
Le verre lui fut arraché des mains et on le força à se retourner.
— Tu vas te tuer putain !
Swann afficha un air interrogateur en fixant Valentin. Il le regarda pendant de longues secondes, comme s'il se trouvait face à une énigme, puis, enfin, un grand sourire s'étira sur ses lèvres.
— Val, mon pote ! Qu'est-ce que tu fais là, dis ? articula-t-il avec difficulté en esquissant un geste pour le prendre dans ses bras.
Mais il trébucha et faillit se manger le sol. Par chance, Valentin le rattrapa de justesse. Swann l'enlaça en ignorant sa quasi-chute, comme on le ferait à un doudou.
Valentin attrapa les mains de son cadet pour l'écarter, mais il se figea.
— Swann, qu'est-ce que t'as foutu ?
— Hein ? De quoi ? demanda celui-ci, hébété. Val, tu vas pas me croire, j'ai vu Ellie, elle est dans le salon !
— T'as bu combien de verre putain ?! Est-ce que t'as mangé quelque chose ?
Swann balaya ses paroles d'un geste de la main.
— En fait, ce n'était pas elle. Mais si enfin ! J'ai rêvé qu'elle était morte, t'y crois ça ?!
Le jeune homme s'arrêta soudainement de parler en grimaçant. Il prit sa tête entre ses mains alors qu'une vive douleur le traversait.
— Y a un problème, murmura Valentin. Y a un putain de problème ! T'es tout pâle, t'as les mains gelées !
— Ouah, je suis si heureux, si tu savais... lâcha Swann en souriant. Purée c'est vrai ! Je suis trop heureux ! C'est le meilleur jour de ma vie !
Swann ferma les yeux, comme si ce bonheur l'épuisait, il lutta contre le sommeil mais ne parvint pas à garder la tête droite. Et il tomba au sol, basculant entre l'éveil et le sommeil. Sa respiration ralentit, son rythme cardiaque également.
— Swann !
Swann entendit son ami tomber à ses côtés et le secouer vivement pour tenter de le maintenir éveillé. Sous les hurlements de celui-ci, du monde se précipita vers la cuisine. Il cria à la foule d'appeler les secours alors que Swann commençait à vomir violemment. Valentin le fit rouler sur le côté en PLS, tout en continuant de lui parler pour le maintenir éveillé.
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