10 : La première fois que je vous vois, je vous vouvoie
" T'as payé le prix de ta faute, mais sans jamais reconnaître son nom.
C'est ça tout l'enjeu de l'auto punition.
Et toi, si ça te fait aussi mal c'est... c'est parce que ça s'inscrit dans tout ce que tu es, pas juste dans tes conduites, pas juste dans tes pensées. Même pas juste dans un fonctionnement psychique, ça va au-delà de ça, ça s'inscrit dans ta chaire, dans ton ventre, c'est... au plus profond de toi, au centre même de toi.
Et... cette douleur, je ne peux que l'imaginer, mais... à te regarder je l'imagine trop bien.
Et c'est certain que c'est terrible.
Mais c'est justement parce que ça va te chercher au plus profond de toi.
Et s'il a fallu ça, c'est que c'était quand même bien ensevelie tu ne crois pas ? "
(your.nash - obneb)
Swann fixait avec concentration le morceau de papier sur lesquelles il avait tenté toutes les combinaisons possibles.
— Tu as déjà trouvé deux lettres regarde, dit la mystérieuse jeune femme en se penchant vers lui. La première lettre est un "H" et la dernière un "A".
— Je sais ! Tu t'appelles Hanna !
La fille éclata de rire devant l'air enthousiaste du jeune homme qui s'était prêté au jeu.
— Non, raté ! Mais tu as presque tout bon. C'est le milieu qui ne va pas.
— Mais alors... Hanna, Ha...ba. Haba ?
— Non plus.
— Hama ?
— Toujours pas.
— Ha... Hawa ? tenta une énième fois le jeune homme.
— Tu comptes me faire l'alphabet ? plaisanta-t-elle.
— J'abandonne ! C'est trop dur !
— C'est dommage, t'y étais presque. Je m'appelle Hava.
À l'instant où elle prononça finalement son prénom, cela parut presque une évidence aux yeux de Swann. C'était décidément le prénom parfait pour elle, elle n'aurait pu s'appeler autrement.
Une sensation bizarre se fit ressentir chez le jeune homme. Il se sentait en contradiction permanente avec lui-même. Mais tout était étrangement calme dans sa tête. Ses pensées qui fusaient habituellement de toute part, incontrôlables, avaient décidé de disparaître pour laisser place à ce moment inespéré.
— Ça te va bien. Je n'ai jamais entendu ce prénom avant.
— C'est une variante du prénom d'origine hébraïque Ève. « Hava » signifie « celle qui donne la vie » ou « celle qui apporte son aide ». Et puis, c'est surtout aussi que ma mère est une amoureuse de la Havane. Si mon père n'avait pas su la dissuader, elle m'aurait sans doute nommée ainsi.
— Tu connais la Havane ?
— Je n'ai jamais eu l'occasion de y aller, malheureusement. C'est bien pour changer ça que je bosse ici !
— Ce n'est pas trop dur ?
— Bien sûr que non ! s'exclama Hava. J'adore mon travail ici et je le fais avec plaisir. En plus, mon patron me traite gentiment et je suis bien payée. Je n'ai pas de quoi me plaindre.
De nouveau, Swann fut déstabilisé. Plus il découvrait de cette étrange personne, plus elle semblait le surprendre, par ses attitudes et sa manière de réagir à ses questionnements.
— Comment tu t'appelles toi ? Tu veux bien me dire ça au moins ou devrais-je t'appeler "l'inconnu du bar qui bois du jus de pomme" ?
— Excuse-moi. Je m'appelle Swann.
— Swann ? Pourquoi t'excuses-tu Swann ?
— Je... je ne sais pas.
— Alors pourquoi le fais-tu ?
— Désolé.
— Ça ne sert à rien de chercher un synonyme.
Swann se tut, honteux.
Hava finit son jus de pomme avant de se lever.
— Il se fait tard Swann. J'ignore encore pourquoi tu t'es retrouvé ici à boire ce jus de pomme, mais tu vas rentrer chez toi maintenant, c'est d'accord ?
Le jeune homme acquiesça sagement et se leva en saisissant son portefeuille. La jolie blonde l'arrêta d'un geste de la main.
— Garde ça ! Tu pourras acheter plus de jus de pomme avec, mais j'aimerais bien connaître ses souvenirs la prochaine fois.
Swann sourit sincèrement. Vu la force de caractère de ce petit bout de femme, nul doute qu'il serait vain de tenter de lui faire prendre cet argent.
— Ça veut dire qu'on se reverra ? demanda-t-il.
— Peut-être ? On verra bien ! Bonne nuit Swann.
— Bonne nuit Hava.
Et sans se poser plus de questions, le jeune homme quitta le petit bar, reprenant le chemin de son chez lui.
Lorsqu'il arriva, il prit une douche, enfila un pyjama et se laissa tomber sur le matelas, le sourire aux lèvres. Il était heureux d'être dans son lit, confortablement allongé. Le temps d'une soirée, il avait expérimenter le fait de vivre pleinement dans le présent. Ce sentiment le suivi jusqu'à ce que, exténué, le jeune homme sombra dans un profond sommeil.
***
— Swann.
La tête posée contre la table de l'amphithéâtre, le jeune homme dormait depuis qu'il s'était installé là. Le cours avait débuté depuis au moins une bonne quarantaine de minutes, mais celui-ci semblait loin des paroles du vieux moustachu qui animait la scène.
— Swann, tenta à nouveau Elouan en augmentant légèrement le ton.
Il ne bougea pas d'un poil. Il était visiblement dans un monde lointain ; celui des rêves.
— Swann ! s'exclama pour la troisième fois son ami, en posant une main dans son dos pour le secouer.
Swann se réveilla en sursaut et désorienté, plissant les yeux, agressés par les fortes lumières de l'amphithéâtre.
Un sourire s'étendît sur les lèvres d'Elouan qui le chambra :
— Et ben ! Qu'est-ce que t'as fait hier soir toi ? Ça sens les meufs à plein nez ! Alors, dit-moi, t'as passé la nuit dans le lit de qui ?
Swann plissa les yeux, se remettant difficilement de sa sieste.
— Qu'est-ce que tu me racontes mon frère ? lâcha-t-il en enfilant son sweat.
— Écoute, me dit rien si tu veux, mais c'est pas très sympa. Un véritable ami ne ferait jamais ça.
— Mouis, parle à mon cul, ma tête est malade.
— Je vais m'abstenir, ça va.
Et voilà qu'il était déjà repartit dans le monde des rêves.
À la sortie des cours, les garçons se retrouvèrent devant l'entrée de la fac et se dirigèrent vers la maison d'Elouan ; dont les parents étaient partis accompagnés des deux frères cadets pour le week-end.
Le groupe adorait se retrouver là-bas. La maison familiale était chaleureuse et spacieuse. Entourée d'un grand jardin à la pelouse verdoyante, séchée à certains endroits par la puissance du soleil.
Alors que Léo, Valentin et Jean-Louis rangeaient les packs de bières — tout juste achetés, dans le frigo en riant aux éclats ; le reste de la bande s'installait déjà comme à son habitude à la grande table en verre du jardin. Le soleil commençait à se coucher et les oiseaux chantaient la fin de journée. Des jouets étaient éparpillés sur la pelouse et Noé en fit les frais en trébuchant contre une voiture télécommandée en sale état.
On commanda des pizzas, et les garçons rirent et discutèrent toute la soirée, tout en dégustant quelques bières.
Vers une heure du matin, il ne restait plus que Swann et Valentin — sans compter le maître des lieux, qui avaient décidé de rester dormir, sous l'invitation d'Elouan.
Celui-ci appela de la cuisine :
— Les gars ! Regardez ce que j'ai trouvé !
Les deux garçons à moitié vêtus se pointèrent dans la cuisine et observèrent Elouan sortir la tête du congélateur en brandissant un paquet de Mr. Freeze.
— Mais non ! Incroyable ! J'ai pas dû mangé ça depuis mes dix piges ! s'exclama Valentin en se précipitant sur la boîte.
— Je veux goût fraise ! avisa Swann en s'approchant à son tour.
— Eh, ça vous dit qu'on s'allonge dehors ? Le ciel est à couper le souffle, proposa Valentin entre deux bouchées de sa glace à l'eau.
— Grave ! approuva Elouan. Et si on dormait à la belle étoile ?!
— Calme-toi frère, si je voulais camper j'irais au camping, le stoppa Val. Pas vrai Swann ?
— De quoi ?
Valentin lui lança un regard curieux alors qu'Elouan se battait encore contre l'emballage de sa glace.
— Qu'est-ce que t'as toi ? T'es vraiment bizarre. D'habitude t'es plus bavard que ça. Et puis t'as à peine touché à la bière tout à l'heure. Tu vas bien Swann ?
Elouan sauta sur l'occasion et ajouta :
— C'est vrai ça. Swann, y a quelque chose que tu nous dit pas mon pote, je le sais !
Un silence s'installa.
— Je suis sûr que c'est une fille, continua-t-il en cachant volontairement sa bouche pour rendre ses mots moins compréhensibles.
— Impossible. Swann ? Une fille ? Je veux dire. Swann s'attacher à une fille ? On parle pas du même Swann. C'est celui qui pécho le plus entre nous tous.
Valentin était un grand brun à la peau matte. Son mètre quatre-vingt-cinq était une des caractéristiques qui laissaient aisément deviner qu'il était un fervent et talentueux joueur de basket. Elouan à côté, de son mètre soixante-neuf ne payait pas de mine. En revanche, il était d'une beauté indéniable. Ses traits hispaniques et son corps bien entretenu savaient en charmer plus d'une !
— Hé ! Je suis pas d'accord, s'insurgea Elouan.
Swann lâcha un rire franc avant de se retourner pour quitter la cuisine.
— Quand vous aurez fini, vous me rejoindrez dehors. Ramenez plus de glaces !
— Ouais c'est ça. Il se croit irrésistible le pauvre.
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