Chapitre 8 : Ça dérape


Deux mois passèrent pendant lesquels les rendez-vous à la bibliothèque se multiplièrent. Eren était devenu complètement accroc à ces moments privilégiés avec son amant et c'était souvent lui qui attirait Livaï dans la bibliothèque. Ils chahutaient souvent pendant leurs ébats : Eren tentait vainement de prendre le contrôle de la situation mais était toujours dominé par le caporal, qui était bien plus fort. Après les ébats Livaï trainait Eren sous la douche, ce qui se terminait quelquefois par un deuxième round lorsqu'ils n'étaient pas trop fatigués.

Eren continuait à s'entraîner en salle de musculation car il n'avait pas oublié que certaines personnes voulaient sa peau. Le plus souvent il s'entraînait avec Mikasa, et Armin les regardait en y allant de ses petits commentaires théoriques. Mais il leur arrivait d'être rejoints par la bande à Livaï lorsqu'il leur prenait l'idée de s'entraîner au même moment et ils s'entraînaient alors tous ensemble ; excepté Livaï qui s'éloignait toujours un peu du groupe car il aimait être concentré lors de l'entraînement, chose impossible avec Hanji qui n'arrêtait jamais d'élaborer des plans d'évasion à voix haute.

Dans ces moments-là Eren se rapprochait un peu plus de Livaï pour faire semblant de l'encourager, et tentait discrètement de le déconcentrer pendant que ce dernier soulevait ses haltères, en passant sa langue sur ses lèvres ou en lui faisant des signes équivoques avec ses doigts. Généralement, Livaï continuait son sport sans se déconcentrer mais il arrivait parfois qu'il finisse par jeter à Eren un regard bourré de sous-entendus ; c'était le signal pour Eren qu'il allait passer un sale quart d'heure juste après l'entraînement. Et c'était tout ce que le jeune détenu espérait.

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Un jour, alors qu'Eren et Mikasa s'entraînaient comme à leur habitude sous l'oeil attentif d'Armin, ils virent entrer Livaï et tout son groupe. En les voyant, ces derniers se dirigèrent instantanément vers eux et les saluèrent avant de s'installer à côté d'eux pour commencer leur séance. Comme à son habitude, Livaï partit un peu plus loin.

Eren s'était instinctivement rapproché de Livaï qui avait enlevé sa chemise, s'était allongé sur un banc de musculation et était en train de retirer l'haltère de 80 kg des barres qui la retenaient. Il commença à faire une série de 50, et Eren en profita pour admirer la contraction de ses muscles et la sueur qui commençait à perler sur son torse, et écouter le son de sa respiration saccadée par l'effort. Il était absorbé par le roulement de ses biceps sous sa peau, par le gonflement de la veine qui parcourait son front, par la contraction de ses mâchoires.

« Hé, toi ! »

Eren sortit de sa rêverie et leva la tête vers celui qui venait de l'interrompre. Jean se tenait penché sur lui.

« Qu'est-ce que tu me veux, toi ? »

« J'ai besoin du banc. »

Tout absorbé qu'il était dans sa contemplation, Eren ne s'était pas rendu compte qu'il s'était assis sur le banc juste à côté de celui de Livaï. Mais un rapide coup d'oeil aux alentours lui permit de voir que plusieurs autres bancs étaient libres.

« Tu te fous de moi ? Tu peux pas prendre un autre banc ? Ou aller à une machine ? »

« Non, c'est mon banc habituel. Alors, tu te bouges ? »

« Demande-le plus poliment. » répondit Eren en se levant pour faire face à Jean.

Derrière lui, Eren entendit un « clac » : Livaï venait de reposer l'haltère sur les barres transversales et s'était redressé sur son banc, prêt à intervenir. Jean l'avait remarqué aussi.

« Tu fais le malin à cause de ton chien de garde ? Bouge de là je t'ai dit, ou je vais le faire moi-même. »

Eren se sentait bouillir. Il n'avait qu'une envie : lui en coller une, ici et maintenant. Mais s'il le faisait, il serait envoyé en isolement. Tout seul. Sans Livaï. Il serra les poings pour contenir sa colère, mais refusa de céder du terrain.

« Je te le répète : demande-le moi poliment. C'est vraiment si compliqué ? »

« Demander poliment ? À une victime comme toi ? Non mais tu rêves ! »

Jean commençait à s'avancer d'un air menaçant vers Eren qui n'avait pas bougé d'un pouce, jusqu'à ce que leurs deux fronts se touchent. Tout le monde autour d'eux s'était arrêté pour les regarder.

« T'es sûr que tu veux pas bouger ? »

« Toujours pas. »

Un sourire se dessina sur les lèvres de Jean. Il recula un peu pour mieux saisir le col d'Eren et leva le poing pour le frapper.

Le coup ne retomba pas. Vif comme l'éclair, Livaï s'était interposé entre les deux détenus et avait saisi Jean par le col pour le faire reculer avant de le relâcher violemment, le faisant vaciller. Jean retrouva rapidement son équilibre. Il colla son front sur celui de Livaï comme il l'avait fait pour Eren :

« De quoi tu te mêles, toi ? C'est entre ta pute et moi que ça se passe ! »

Livaï commençait à serrer les poings. Eren se dit qu'il était temps d'intervenir avant que ça tourne au drame.

« Okay Jean, t'as gagné, intervint-il tout en se glissant entre les deux hommes pour les séparer. La voilà, ta précieuse place. »

Puis il se tourna vers Livaï :

« Viens Livaï, fais pas attention à ce mec. Il en vaut pas la peine. »

Ça lui faisait mal de dire une chose pareille. Lui-même aurait bien aimé régler son compte à cette tête de cheval une bonne fois pour toutes. Livaï soutint son regard quelques secondes avant de soupirer et de se détourner. Eren ramassa leurs affaires et prit le caporal par le bras pour partir avec lui.

« C'est ça le nabot, lança Jean lorsqu'ils furent suffisamment loin, obéis à ta pute ! »

Livaï s'arrêta net. Eren sentit son bras se raidir. Merde, ça va mal finir... pensa-t-il.

Livaï resta quelques secondes immobile avant de se retourner brusquement et de se diriger de nouveau vers Jean. Eren essayait tant bien que mal de le tirer en arrière par le bras mais il était emporté par le caporal comme s'il n'était qu'un vulgaire insecte.

Livaï vint se planter devant Jean, le regard mauvais. Sa paupière droite tressautait de rage et ses poings tremblaient.

« Appelle-moi encore « nabot » et je t'appelle une ambulance... »

Les autres détenus présents dans la salle avaient commencé à former un groupe compact autour des deux hommes. Eren jeta un coup d'oeil autour de lui : les gardiens restaient à distance pour le moment mais ils avaient commencé à tirer les matraques de leurs étuis.

Jean se pencha vers Livaï avec un grand sourire :

« Nabot. »

Livaï tiqua. Eren ne vit même pas le coup partir que Jean était déjà à terre en train de se tenir le ventre. Il avait la respiration coupée. Mais Livaï ne s'arrêta pas pour autant : il était devenu enragé. Il mit Jean sur le dos et s'assit sur lui. Puis il commença à le rouer de coups de poings.

La scène s'était déroulée en quelques secondes. Livaï aurait pu continuer encore longtemps à se défouler sur Jean mais la matraque de Mike vint se poser sur sa gorge avant de le tirer en arrière. Le caporal fut forcé de lâcher Jean pour tenter d'enlever la matraque qui enserrait sa gorge. Il avait beau être fort, Mike l'était aussi et il lutta un moment contre le gardien en chef.

Il finit par se pencher vivement en avant, faisant culbuter Mike par dessus lui. Le gardien en chef s'écrasa lourdement sur le dos et Livaï put enfin respirer. Pendant qu'il se tenait la gorge pour reprendre son souffle, une autre matraque vint s'abattre sur son dos nu et il s'effondra dans un râle. Il tenta de se remettre sur ses pieds presque immédiatement mais Mike, qui s'était relevé plus énervé que jamais, lui flanqua un coup de pied dans la tête à pleine puissance avant qu'il n'ait eu le temps de se remettre debout. Livaï s'effondra de nouveau, sans un bruit cette fois, et une pluie de coups de matraques s'abattit sur lui.

Eren était resté immobile pendant toute la scène, horrifié. Il voulait se jeter entre eux et son amant et leur faire regretter de s'en être pris à lui, mais la seule vue des matraques l'en empêchait. Il avait déjà expérimenté la douleur provoquée par cette arme. Il se contenta donc de regarder, paralysé de voir le plus craint de tous les détenus se faire tabasser à terre, impuissant.

Au bout d'une minute d'acharnement, Mike en eut assez. Il donna l'ordre à deux gardiens de relever le prisonnier et de le conduire en isolement. Eren choisit ce moment pour courir vers son amant mais Mike le retint.

« Vous êtes malades ?! Vous l'avez tué ! »

« Ne t'inquiètes pas, il est juste inconscient. Maintenant recule, où je vais te calmer toi aussi ! »

« Laissez-moi au moins le voir ! »

Mike hésita avant de le laisser passer. Eren courut vers Livaï, que les deux gardiens tenaient chacun par un bras pour essayer de le maintenir debout. Il prit la tête ensanglantée de Livaï dans ses mains et cria :

« Livaï, tu m'entends ? Livaï ? Putain ouvre-les yeux, fais quelque chose ! »

Le caporal ouvrit faiblement les yeux et regarda Eren d'un œil morne et hagard avant de sombrer à nouveau dans l'inconscience.

Eren se sentit tiré gentiment par les épaules : c'était Hanji. Sans rien dire, elle éloigna le jeune détenu pour le reconduire vers le groupe de soldats, Mikasa et Armin. Mike et les deux gardiens partirent en emmenant Livaï, pendant que Nanaba arrivait en courant avec deux autres gardiens et une civière pour évacuer un Jean défiguré et inconscient.

Quand le calme fut enfin revenu, tous commencèrent à discuter de ce qui venait de se passer et bientôt le brouhaha devint insupportable pour Eren et les autres qui partirent dans la cour pour discuter au calme. Avant de sortir de la salle de musculation, Eren jeta un dernier regard en arrière pour voir la civière partir et il lui sembla apercevoir du coin de l'oeil Reiner, Bertholdt et Annie qui le regardaient en souriant d'un air mauvais.


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