Chapitre 20 : Dernière ligne droite


La lourde porte d'acier à l'arrière de l'hélicoptère s'abaissa et l'engin bifurqua pour se trouver à la perpendiculaire des trois appareils ennemis. Livaï s'avança sur le rebord de la rampe qui, ouverte horizontalement, permettait à plusieurs hommes de se tenir dessus. Il chargea une première roquette dans le canon du bazooka et le posa sur son épaule. Sans laisser le temps aux ennemis de comprendre et de riposter, il fit feu et la roquette alla directement exploser le premier hélicoptère sans laisser au pilote le temps de réagir. Les deux autres appareils se séparèrent aussitôt, chacun dans une direction différente.

Livaï se tourna vers les autres ; à cause du vacarme du vent et des pales de l'hélicoptère, il devait crier pour se faire entendre.

"Maintenant, ils vont tout faire pour tenter de nous abattre ! Ils ont compris que c'est le seul moyen de nous empêcher de passer la frontière maritime ! Alors maintenez les mitrailleurs ennemies à distance avec vos armes pendant que je dézingue les deux autres hélicos !"

"Oui !"

Tous s'exécutèrent, sauf Eren et Armin qui ne savaient pas se servir d'armes à feu et n'avaient pas le courage de s'en servir.

Livaï s'avança de nouveau au bord de la rampe et s'apprêta à faire feu en chargeant une nouvelle roquette, mais les mitrailleuses des deux engins militaires firent feu sur lui en même temps. Il eut juste le temps de se réfugier derrière le blindage renforcé de l'appareil.

"Merde, ils vont nous empêcher de tirer par l'arrière !!"

Il tenta encore une sortie mais les tirs de mitrailleuses l'empêchèrent de faire feu. Auruo s'approcha.

"On peut pas approcher non plus ! C'est impossible de les tenir à distance ! Et le blindage de l'hélico va pas tenir très longtemps !"

Livaï réfléchit un instant, le regard dans le vide. Un petit sourire se dessina au coin de ses lèvres.

"Continuez à faire diversion à l'arrière, sans prendre de risques inutiles. Et surtout accrochez-vous solidement. Je vais voir Hanji."

"Oui !"

Il monta dans le cockpit où Hanji tentait de maintenir l'appareil stable. Les blindages des CH-46 sont les plus solides qui soient, afin d'assurer le transport de troupes jusqu'au bout, même sous des tirs nourris. Ce qui expliquait en partie leur lenteur.

"Bon, vous foutez quoi les gars ? Je vais pas nous maintenir indéfiniment !" s'excita Hanji.

Le caporal ne répondit rien et se contenta de briser la vitre du côté du copilote.

"Quoi mais t'es malade ??? Tu vas faire un appel d'air !!"

"Tch. T'inquiète."

Il glissa le canon par le trou créé dans la vitre.

"Maintenant, virage à 180° !"

"Oui mon caporal !"

Un rapide tour parfaitement maitrisé de l'engin leur permit de se retrouver rapidement face aux deux hélicos qui cessèrent momentanément de faire feu sous la surprise, pensant avoir fait perdre le contrôle à la pilote sous leurs tirs.

"Euh, Livaï ? Fais vite s'il te plaît. Je me sens un poil trop près..."

En effet, ils se trouvaient maintenant face à deux monstres d'acier, toutes mitrailleuses pointées sur eux. Le caporal se contenta de sourire.

"Non. C'est pile la bonne distance..."

À peine une fraction de seconde pour ajuster son tir sur l'hélico le plus accessible, celui de droite, puis la roquette fut lancée. En plein dans le mille. L'engin explosa en miettes et l'appareil de gauche effectua une brusque rotation pour se mettre hors de portée pendant que Livaï retirait le bazooka de la vitre pour rejoindre les autres soldats à l'arrière, un peu secoués par les mouvements de l'appareil.

"Tout le monde va bien ?"

Erd s'approcha en chancelant.

"Un peu secoués, mais ça va. Bravo pour l'hélico chef ! C'était un joli coup de les attaquer par la cabine de pilotage ! Ils ont rien vu venir, haha !"

"Il en reste encore un, c'est pas terminé. Et ils ont probablement appelé des renforts alors on doit le dézinguer rapidement et partir vite !"

"Oui caporal !"

Tous se remirent en place pendant que Livaï se positionnait pour un dernier tir, ajustant la troisième roquette. Il en resterait seulement une en cas de nouvelle attaque... en espérant que celle-ci serait la dernière. Il s'apprêta à faire feu mais au moment où il visait, l'appareil ennemi qui se trouvait face à lui fit volte-face et exposa son flanc. La porte blindée s'ouvrit en coulissant, laissant passer le canon d'un fusil à pompe. Livaï eut tout juste le temps de crier "À terre !" avant qu'une balle ne vienne se loger dans son épaule. Il poussa un cri avant de lâcher son bazooka et de s'effondrer.

Il ne fut pas le seul à crier. Eren avait lâché un hurlement d'horreur avant de se jeter sur Livaï pour le trainer à l'abri. Gunther vint l'examiner.

"Hm... la balle lui a explosé l'épaule. Et des éclats se sont logés dans sa poitrine du côté du coeur... Il fait un début d'hémorragie, on doit la stopper au plus vite."

Livaï respirait encore, mais avec difficulté. Eren s'agenouilla près de lui.

"Livaï... Livaï, tu m'entends ?..."

Tous furent rapidement rappelés à la réalité lorsque plusieurs balles de mitrailleuses traversèrent la carlingue. Hanji gueulait depuis le cockpit.

"Vous foutez quoi ? Abattez le dernier ! On va vraiment pas tenir jusqu'à la frontière si ça continue !!"

Pendant que Gunther et Erd couchaient Livaï sur le banc et qu'Armin lui prodiguait des soins de fortune avec le peu de matériel à bord, Auruo partit ramasser le bazooka qui, par miracle, n'était pas tombé de l'avion. Mikasa le regarda en haussant un sourcil.

"Tu sais t'en servir ?"

"Nan, mais c'est probablement un jeu d'enfant !"

Auruo se rengorga fièrement en reniflant. Mikasa se contenta de grogner avec mépris.

"Ouais... tu sais pas t'en servir quoi..."

"Et alors ? L'un de vous est tireur d'élite ? Hein ?"

Tous détournèrent le regard. Auruo ricana.

"Bien, alors la question est réglée. Notre caporal hors de combat, il faut bien que l'un de nous prenne le relais pour abattre le dernier obstacle à notre liberté ! Et puis ça doit pas être bien sorcier, faut juste viser..."

Hanji fit pivoter l'hélico pour que le nouveau tireur se retrouve face à sa cible. Tout le monde regardait Auruo avec appréhension.

"Vise bien connard !" lança Mikasa, le regard mauvais.

"Tch, t'inquiète."

"C'est pas le moment de faire comme Livaï, tire !!" le pressa Hanji depuis la cabine de pilotage.

"Ok, taisez-vous tous !"

Il arma sans trop se donner la peine de viser.

"Un truc énorme comme ça, faudrait vraiment être con pour le rater... ça va le faire, les gars !"

Il tira et fut projeté en arrière par le mouvement de recul. La roquette fila, sur une trajectoire pas tout à fait au centre de la cible. La trajectoire dévia petit à petit pour finir complètement à côté de l'engin.

"Oh... Ok, la prochaine sera la bonne ! Filez-moi la dernière munition !"

Eren partit chercher la dernière roquette mais son regard n'était plus le même. Il la tendit à Auruo mais au moment où ce dernier s'apprêtait à la prendre, il le tira par le col.

"Maintenant tu vas me laisser faire, espèce d'incapable."

"Mais euh..."

Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, Eren le jeta derrière lui et lui arracha le bazooka des mains. Sans réfléchir, il mit la dernière munition dans le canon et l'ajusta sur son épaule. Mikasa se précipita vers lui.

"Eren ! T'es sûr de ce que tu fais là ?"

"J'ai jamais été aussi sûr."

"Mais t'es pas dans ton état normal !"

"Au contraire. Je suis on ne peut plus normal. Ces enculés ont osé blesser mortellement Livaï. Et si jamais il s'en sort pas..."

Sa gorge se noua. Il secoua la tête pour chasser ses mauvaises pensées et regarda Mikasa, plus déterminé que jamais.

"Ils vont payer pour ça. Je les abattrai moi-même."

"Eren..."

Eren tourna la tête vers son caporal. C'était lui qui venait de l'appeler ? Non, il avait dû rêver. Au moment où il s'apprêtait à retourner vers la sortie, il vit clairement les lèvres du caporal bouger, bien que ses yeux étaient toujours fermés.

"Eren..."

Il s'approcha.

"Oui ?"

"Eren... tu dois... rester calme..."

"Quoi ? De quoi tu parles ?"

Pourquoi il lui disait ça ? ça n'avait aucun sens...

"Reste... calme... c'est imp..."

Un flot de sang jaillit de sa bouche et interrompit ses paroles. Armin essuya le coin de ses lèvres avec un mouchoir.

"Il faut vous reposer, caporal... ne gaspillez pas le peu d'énergie qu'il vous reste."

Il lança un regard désolé à Eren.

"Je pense pas qu'il tiendra très longtemps..."

Eren déglutit difficilement, sa main commençait à trembler de rage.

"Je vais leur faire payer..."

"Une minute, les interrompit Erd. Vous entendez ?"

Tout le monde tendit l'oreille.

"J'entends rien" risqua Auruo.

"Exactement ! Les tirs se sont arrêtés depuis une bonne minute !"

Ils se risquèrent hors de la carlingue pour jeter un oeil. L'appareil ennemi se contentait de voltiger autour d'eux sans rien tenter.

"Leurs mitrailleuses doivent être à court de munitions ! Mais regardez... il vole en diagonale."

"Et ça veut dire ?..." répondit Auruo avec un haussement de sourcils.

"Qu'ils essaient de trouver le bon angle pour nous liquider avec les deux tireurs qui se trouvent à bord. Reculez."

En effet, alors qu'ils se réfugiaient derrière le blindage, un coup de fusil à pompe ricocha sur le sol de la rampe, créant un gros impact sur l'acier renforcé, entouré d'une multitude de petits impacts dus aux éclats du projectile. Inutile de se demander les dégâts qu'une telle balle a pu faire dans l'épaule du caporal, se disait Eren avec rage.

"De toute façon on n'a plus le choix. Faut descendre cet hélico coûte que coûte." se décida Eren en avançant vers la sortie.

"Eren, fais attention..." Mikasa était clairement nerveuse. Elle savait très bien qu'elle n'avait pas les compétences d'une tireuse à l'arme lourde, sinon elle se serait dévouée.

"Ça va aller, je crois..."

Eren se mit en position, couvert des deux côté par Gunther, Erd, Auruo et Mikasa qui maintenaient les tireurs adverses à distance. Il ferma un oeil et se concentra pour tirer. Il voulait être sûr d'avoir le meilleur angle avant d'appuyer sur la gâchette. Mais les secondes passant, il ne tirait toujours pas.

"Putain Eren ! gueula Auruo. Qu'est-ce que t'attends pour tirer ?"

Le jeune détenu se tourna vers lui.

"J'y arrive pas !"

"COMMENT CA T'Y ARRIVE PAS ???" s'étrangla Auruo en se mordant à moitié la langue.

"Je tremble beaucoup trop, j'arrive pas à bloquer mon tir !"

"Mais c'est pas vrai !! Faut pourtant bien que t'essayes !"

Eren tenta à nouveau de se concentrer sur son tir. Non, ce n'était vraiment pas possible. Vu comment il tremblait, il lui était impossible de réussir son tir. Il avait le cerveau tout embrouillé par la rage et la peur. Il pensait à Livaï, allongé sur son banc, agonisant... en train de lui dire de rester c...

"Calme, mais bien sûr !!!"

Tous sursautèrent. Eren leur fit signe que tout allait bien d'un signe de tête. Bon... c'est ce que Livaï cherchait à lui dire : pour réussir un tir, il fallait rester calme. Il se souvint d'une fois où le caporal lui avait expliqué les conditions pour bien réussir un tir, quelles que soient les conditions sur le terrain. Il se repassa des fragments de la discussion dans sa tête. Totalement immobile... respiration tranquille... apaisée... Il ferma les yeux et prit une grande inspiration. S'il restait dans cet état, il ne réussirait pas son tir. Il ne devait pas avoir peur d'échouer, où il échouerait. Il rouvrit les yeux et ajusta son tir. Ses tremblements cessèrent peu à peu. Il sourit légèrement.

"Je l'ai."

Il tira. La roquette sortit du canon, ce qui projeta Eren en arrière. Il se redressa aussitôt pour regarder la roquette filer et l'hélico de combat commencer à effectuer une rotation pour l'éviter. Trop tard. Le coup atteignit sa cible qui explosa sous les hourras des ex-détenus. Il se contenta de regarder l'explosion sans y croire.

J'ai... j'ai réussi ?

Il sortit de sa torpeur peu à peu et réalisa. Il leva les poings, toujours assis au sol.

"J'ai réussi ! T'as vu ça Liv..."

Oh, c'est vrai. Il se releva rapidement et alla s'agenouiller à côté de son amant en lui prenant la main.

"Livaï ?"

Ce dernier ouvrit faiblement ses yeux perçants et les braqua sur Eren.

"On a réussi, Livaï... on est libres !"

Il lui sourit d'un air encourageant mais Livaï se contenta de hocher la tête en silence et de fermer de nouveau les yeux.

"Il est très affaibli. Il faut le laisser se reposer si on veut qu'il ait une chance de guérir." expliqua Armin, moyennement convaincu par ce qu'il venait de dire.

Eren soupira tristement et s'assit à côté en posant la tête de Livaï sur ses genoux. Il caressa ses cheveux corbeaux, les yeux dans le vide, se demandant si son amant allait le laisser seul pour de bon cette fois. Tandis qu'Eren réfléchissait, l'hélico traversait la frontière vers une nouvelle vie.

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