Chapitre 8 : Je préférais lire tes lèvres

DANS UN COULOIR, BASE DE LA KCIA

Vous voulez savoir quel est le passe-temps favori de Jeon Jungkook ? Facile : torturer Taehyung Kim.

Oui, c'était pratiquement une vocation chez lui. En fait, c'était tellement courant que ça en devenait presque un sport olympique. Avec un petit effort de concentration, il pouvait l'entendre râler depuis la salle de réunion ou même à travers les murs de sa chambre. Un pur délice.

"Qui est le crétin qui a rangé ces foutus papiers ?!" la voix pleine de frustration. "Qui est le débile qui repasse mes chemises ?!"

Et aujourd'hui, surprise, ce n'était pas différent. Jungkook aurait pu trouver ça lassant, voire fatigant, mais soyons honnêtes, c'était tout simplement irrésistible. Avec ses petits yeux furieux et son sourire crispé — un vrai spectacle. Jungkook savait que le "package" complet venait avec le regard assassin mais les mains étonnamment délicates et une expression accusatrice. En résumé, un pur plaisir.

C'est donc tout naturellement, poussé par une soudaine envie de savourer encore plus ce délicieux spectacle, qu'il frappa à la porte juste au moment où l'agent quittait sa chambre. Trop facile.

"Bonsoir," souffla-t-il, adoptant sa voix la plus grave et la plus sexy, en posant nonchalamment une main sur le cadre de la porte. Autant ajouter une couche.

Ce qui frustrait le plus Jungkook, c'était que même lorsqu'il était extrêmement fatigué, Taehyung restait terriblement captivant. Il adorait le rendre fou. Parce que dans ces moments-là, tout ce à quoi Taehyung pouvait penser, c'était lui, et Jungkook aimait être le centre de son attention. Il n'y avait plus de place pour la mort, les mutants ou les dossiers de la KCIA. Non, juste lui.

"Ce n'est pas très professionnel," répliqua Taehyung, secouant la tête avec une voix particulièrement tendue, mêlant agacement et curiosité.

"Non, ça ne l'est pas, j'aurais dû y penser," reprit Jeon, imperturbable. Il posa deux doigts sur ses tempes et, avec une prétention digne d'un magicien raté : "Abracadabra." Il claqua des doigts et créa une ilusion.

"Jungkook ?" Taehyung passa la tête par la porte, l'air ahuri. Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ? Peut-être. Il avait vraiment besoin de dormir. Ou alors il devait arrêter de traîner avec des mutants aux pouvoirs farfelus.

Évidemment, quelques minutes plus tard, il repassait devant sa chambre, poussant la porte de la même façon, le même sourire au lèvres. "Tu sais que je respecte totalement ta décision," déclara Jungkook, approchant pour la quatrième fois la chambre de Taehyung, toujours aussi déterminé malgré les trois échecs précédents. Un véritable champion de l'insistance.

"Lis dans mes pensées maintenant," ordonna l'agent, clairement à bout de nerfs.

"Je préférais lire sur tes lèvres."

"Lis-les," répéta le trentenaire, sentant son voisin jubiler face à cette situation qui, il faut le dire, devenait légèrement ridicule.

"D'accord."

C'était toujours mieux que rien. Peut-être voulait-il jouer à un jeu un peu osé, interdit, avec des images et des corps nus. Jungkook posa à nouveau ses doigts sur ses tempes, plutôt ravi que Taehyung joue le jeu et lu ses pensées.

Dégage ou je te claque tout de suite.

Son visage se décomposa immédiatement. Le sourire disparut aussi vite qu'il était venu, laissant place à une expression de profonde réflexion. Il inspira longuement, relâcha ses joues, formant un subtil "oh" de déception avec ses lèvres entrouvertes. Puis, avec une dignité blessée, il les pinça dans un petit baiser de résignation et fit volte-face.

"D'accord..." soupira-t-il en s'éloignant vers la porte, tel un héros tragique.

DE RETOUR DANS LE SOUS-MARIN

"Il n'y a rien sur le radar ?"

Somi, chargée de la surveillance, observait Azazel, penché sur l'écran depuis plus d'une heure. Sa peau rouge luisait faiblement sous la lumière verdâtre du radar, comme une tomate trop longtemps exposée au soleil.

"Rien."

"Le sonar ?"

"Nyet."

Elle le sentait dans ses tripes, une tension sourde qui montait. Quelque chose clochait. "Alors on a un problème."

Elle quitta la salle de contrôle, ses talons claquant sur le sol métallique, et se dirigea vers le salon adjacent. Là, d'un geste précis, elle ouvrit un petit coffre caché. Un bouton dissimulé derrière un panneau fit apparaître une porte secrète. Le panneau coulissa lentement, émettant un grincement sinistre.

La pièce devant elle était d'un bleu électrique aveuglant. Les murs en métal, les miroirs et l'aluminium reflétaient la lumière froide du pylône en son centre. L'installation ressemblait à un incubateur, un étrange réceptacle pour des tubes lumineux.

"Magnifique, n'est-ce pas ?" La voix de Jinyoung résonna derrière elle. Ses doigts glissèrent sur les tubes avec une adoration presque religieuse. "La raison pour laquelle nous existons. Nous sommes les enfants de l'atome, mon amour."

"On a un problème. Le télépathe—" Somi s'interrompit, une pointe de peur transperçant sa voix malgré elle. Elle ne pouvait s'empêcher de frissonner en sa présence, même après tout ce temps. "Je ne devrais pas pouvoir le ressentir à cette distance. C'est comme si sa portée était... amplifiée."

Park, les yeux rivés sur les miroirs, semblait réfléchir en silence. La tension était palpable. Somi savait qu'elle ne pouvait pas reculer. Elle devait réussir, rentrer chez elle, sauver sa sœur. C'était tout ce qui comptait. Jinyoung le lui avait promis.

"Ils recrutent," précisa-t-elle, sa voix plus ferme.

"Tu continues vers le Japon. Je m'occupe d'eux."

PLACE GWANGHWAMUN, SEOUL

Yoongi et Jungkook étaient devenus très proches depuis leur périple à travers les États-Unis. Du moins, c'est ce que Jungkook aimait croire. Ils avaient partagé des chambres miteuses, et même un canapé dans la maison d'une prostituée. C'est donc avec une certaine aisance qu'ils partageaient un échiquier, adossés au palais Gyeongbokgung.

C'était l'idée de Jungkook, et il savourait particulièrement ce moment, appréciant la vue et l'absence de foule. Son esprit n'était pas accaparé, et il pouvait se concentrer entièrement sur Yoongi, qui préparait déjà son prochain coup.

Sans se presser, Jungkook déplaça son fou près de la reine de Yoongi, puis attendit.

La partie d'échecs était absurde, comme leur amitié, ils le savaient tous les deux. Mais ce n'était pas vraiment une partie d'échecs, après tout. Jungkook savait qu'il pourrait plonger dans les méandres de l'esprit de Yoongi. Il pourrait aisaiment savoir tout ses coups a l'avance. Mais il s'en abstenait. Peut-être par respect. Peut-être parce que Yoongi ne l'en empêcherait pas non plus. Et s'il le faisait ? Tant pis. Yoongi continuerait à jouer, dans un défi implicite qui disait : Vas-y. Prends cet avantage si tu oses. Mais Jungkook ne le ferait jamais. Et Yoongi n'en dirait jamais rien.

Bien que les choses commençaient à s'améliorer, Jungkook ne pouvait s'empêcher de penser à ces mutants qu'il avait vus à travers Cerebro. Toutes ces âmes éparpillées aux quatre coins du monde, isolées, peut-être attendant un signe d'espoir pour survivre. Il rêvait d'un monde où mutants et humains coexisteraient pacifiquement, sans peur ni haine. Pour lui, leurs pouvoirs n'étaient pas une malédiction mais un don, une opportunité de construire quelque chose de grand.

"Je ne peux pas m'empêcher de penser aux autres, là-bas", confia-t-il en s'étirant, un bras posé nonchalamment sur la marche au-dessus de lui. "Tous ces esprits que j'ai touchés. Je pouvais les sentir. Leur isolement, leurs espoirs, leurs ambitions. Je te le dis, on est au début de quelque chose d'incroyable Yoongi. On peut les aider."

"Peut-on vraiment ?" Yoongi avait les yeux fixés sur la grande cour. Son ton était calme, mais chargé de doute. Il était assis, une jambe tendue, le dos droit, un bras posé sur son genou.

Ce qu'il ne réalisait pas, c'est que Jungkook l'observait, en secret, depuis un certain temps déjà. Le télépathe avait perfectionné l'art de l'observation discrète, et il pouvait sentir chaque mouvement de Yoongi, chaque émotion tourmentée qui parcourait son esprit. Savoir mais ne rien faire signifiait le laisser croire qu'il gagnait. Cela signifiait aussi observer Yoongi réfléchir plus longtemps dans l'illusion d'une partie d'échecs équitable et impartiale. Cela permettait à Jungkook de regarder futilement son visage sérieux, d'admirer avec fierté leurs différences.

"L'identification... c'est comme ça que ça commence. Et ça finit par des rafles, des expérimentations", dit-il en se tournant enfin vers Jungkook, qui avait anticipé ce geste et détourné la tête. "Par des exterminations."

La douleur était encore profonde dans chaque fibre de Yoongi. Les souvenirs du camp de travail, la haine omniprésente, tout cela le rongeait encore. Ce n'était pas une bête assoiffée de sang, juste un homme brisé par un monde cruel.

"Pas cette fois", murmura Jungkook avec une conviction tranquille. "Nous avons des ennemis communs : Park, les Japonais. Les humains ont besoin de nous."

"Pour l'instant", répliqua Min. Tout comme toi, pensa-t-il en glissant son roi et en remportant la partie.

Un silence lourd de sous-entendus s'installa entre eux. Il y avait plus que de la méfiance entre ces deux hommes ; il y avait une étrange tension, une fascination mutuelle. Jungkook ressentait une force brute chez Yoongi, à la fois impressionante et terrifiante, qui balayait tout sur son passage. Et Yoongi, bien qu'il ne l'admettrait jamais, se sentait fasciné par l'esprit calme et résolu de Jungkook, par la lumière d'espoir qu'il portait en lui malgré tout.

La partie d'échecs était terminée, mais il était temps de décider qui serait le fou qui se laisserait manger par le roi pour gagner la partie. Parce qu'il existe aucune partie d'échecs ou les deux roi gagnent à la fin.

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