Chapitre 18
Derek refusa de parler à Clarke pendant plusieurs jours après sa dispute avec elle et Roan avait du mal à le décrisper. Le jeune garçon en voulait à la blonde de ne pas l'avoir cru concernant son rêve et il ne comprenait pas, après ce que Lexa et elle avaient traversé, qu'elle pense que son esprit dans la Flamme ne soit que fadaises.
— Ça fait bientôt un an qu'elle est morte, dit Derek en prenant une épée. Personne ne pleure quelqu'un aussi longtemps chez nous !
— Clarke n'est pas une Trige, répondit Roan. Chez les Skaikrus, c'est peut-être normal de se souvenir des gens après leur mort. Mets-toi en position.
Le jeune garçon prit la posture de combat et Roan l'attaqua. Ils joutaient toujours avec des épées en bois, mais à chaque entraînement, elles devenaient plus lourdes et moins maniables. Il fallait que Derek se fasse les muscles pour qu'un jour il puisse porter l'une des lourdes épées en acier des soldats ou le long arc de bois des chasseurs. Le bruit sec qui claqua la seconde suivante suivit d'une plainte de douleur, fit soupirer Roan.
— Concentre-toi, nom d'un chien ! grogna-t-il.
— Je ne peux pas ! Même sans ces foutus trépassés dans ma tête, je n'arrive pas à me concentrer !
— Un peu de respect pour l'Esprit des Commandants, s'il te plaît ! siffla Roan en retour.
— Je t'en ficherai du respect ! Ils m'ont torturé pendant deux mois ! répliqua Derek, mauvais. Je n'en ai plus rien à faire de ces vieux crevards ! Ni de vous tous, d'ailleurs ! Jok yu !
Il jeta alors son épée sur le sol, récupéra son manteau et s'en alla. Roan l'appela et lui ordonna de revenir, mais le jeune garçon fit la sourde oreille. L'Azgeda serra alors les mâchoires et ramassa l'épée en bois qu'il rangea avec la sienne. Il en prit une autre, en acier celle-ci et entreprit de passer ses nerfs sur un mannequin en bois à taille d'homme.
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Occupée à ses devoirs de Régente, Clarke ne s'inquiétait pas de savoir où se trouvait Derek durant la journée. Elle faisait confiance à Roan pour s'occuper de lui, mais vers quinze heures, quand le Roi des glaces vint lui demander si elle avait vu le garçon, la jeune femme le regarda de travers.
— Comment ça, si je l'ai vu ? demanda-t-elle. Il n'est pas avec toi ?
— Il est intenable depuis qu'il n'a plus la Flamme, répondit Roan en servant de la bière. Il m'a engueulé et a jeté son épée avant de partir me disant d'aller me faire voir, pour parler poliment, après avoir insulté les Ancêtres.
Clarke soupira et se frotta le visage. Goran, assis près d'elle, un rouleau de papier dans la main, regarda les deux autres et quand Roan annonça qu'il allait faire un tour en ville pour voir s'il trouvait le garçon, l'Intendant lui proposa d'emmener des gardes, juste au cas où. Clarke approuva et Roan fit signe à deux Terriens dans le couloir de le suivre.
— Il va me rendre chèvre, soupira alors Clarke. Depuis trois jours, il est infernal et avec ça, il me fait la tête.
— C'est un enfant, Rijant, dit le Conseiller. Il n'a que douze ans et son expérience avec les Ancêtres a été un fiasco... Laissez-le respirer et se reprendre.
— Hm, c'est surtout qu'il n'a plus envie d'être près de moi depuis que nous nous sommes disputés, grogna la blonde.
— À quel sujet ? s'étonna Goran.
Clarke regarda ses papiers plus longtemps que nécessaire puis soupira.
— La nuit qui a suivit le retrait de la Flamme, il a rêvé de Lexa, répondit-elle.
Goran fronça les sourcils. La jeune femme l'avait immédiatement mis au courant de ce qu'il s'était passé trois jours en arrière, comment ils avaient pris la décision de libérer l'enfant en estimant qu'il avait rejeté par les Commandants.
— Et donc ?
— Elle lui a dit qu'il ne méritait pas d'être Heda, que j'étais une mauvaise personne, enfin toutes les joyeusetés du genre et j'ai eu le malheur de lui dire que je ne le croyais pas...
L'Intendant ne répondit rien et donna le rouleau de parchemin à Clarke qui attrapa le sceau de Heda pour le signer.
— Goran... ?
— Oui, Rijant ?
— Je viens de déterminer comment la Flamme serait transmise à la mort d'un Commandant, dit Clarke. Donne-moi de quoi écrire.
Le Conseiller poussa vers Clarke l'encrier et une feuille de parchemin pendant qu'elle repoussait tous les autres documents devant elle.
— Un droit de sang ? s'étonna Goran en lisant ce que Clarke écrivait au fur et à mesure. Mais c'est déjà le cas, non ?
— En quelque sorte, mais comme il n'y aura plus jamais de Conclave, désormais, la Flamme se transmettra dans la famille du Commandant défunt, à condition qu'il y ait un Natblida directement relié à lui, un enfant ou un cousin au premier degré.
— Un enfant de sœur ou de frère, c'est cela ?
— Exactement. Et s'il n'y en a pas, on descend d'un niveau, répondit Clarke tout en écrivant. Hm, à la réflexion, on va faire comme ça : à la mort du Commandant, la Flamme est retirée par Fleimkepa selon le rituel normal et présentée au Natblida le plus proche du défunt, en commençant par son frère ou sa sœur. S'il n'y en a pas, les enfants du Commandant ainsi que ceux des frères et sœurs de celui-ci seront testés. Si le sang n'est toujours pas présent et qu'il y a des petits-enfants, on recommence.
— Et s'il n'y a rien à ce troisième niveau ? demanda Goran.
— Dans ce cas, Fleimkepa garde la Flamme avec lui jusqu'à ce qu'un Natblida d'au moins seize ans se présente. S'ils sont plusieurs, un vote sera organisé entre tous les chefs de clans ou leurs Ambassadeurs pour déterminer quel Natblida deviendra le prochain Heda. Il sera interdit de voter pour l'enfant de son clan, bien entendu.
Goran esquissa un sourire. Il était de notoriété commune que lorsqu'il fallait élire quelqu'un pour quoi que ce soit, les gens votaient pour la personne qui leur était rattachée... sinon pour eux-mêmes.
— J'imagine que vous avez des conditions d'accession en tête ? demanda alors le Conseiller.
— Pas drastiques, répondit Clarke. Seize printemps, minimum, un esprit sain, un corps sain, une aptitude à la politique égale à celle du combat, une prestance et une autorité naturelle et bien sûr, un sang noir de naissance. Si l'enfant trouvé est trop jeune, il sera encadré par un tuteur de confiance qui lui apprendra tout ce qu'il faut savoir avant d'être intronisé, Fleimkepa, sans doute, ou un Régent.
Goran hocha la tête. Clarke écrivait à toute allure sur son parchemin et soudain, elle se figea.
— Voilà, dit-elle. Je crois que c'est tout.
— Dois-je le faire ratifier par les Ambassadeurs ?
— Pas maintenant, je vais voir si je n'ai pas oublié quelque chose, répondit Clarke. Je le garde sous le c...
La porte de la salle s'ouvrit soudain sur Roan qui s'approcha vivement.
— Il n'est plus en ville ! dit-il en jetant un morceau de bois sur le bureau.
Goran sauva l'encrier au dernier moment et regarda ensuite la plaque d'écorce. Clarke la prit et déchiffra les gravures en Terrien.
— Mais... ? dit-elle en regardant Roan. Il s'est enfui ?
— Il a été kidnappé, répondit Goran en prenant l'écorce à son tour. Heda a été enlevé !
Roan et Clarke se regardèrent avec stupeur.
— Gaia ! siffla alors Clarke en se levant. Je vais la tuer !
Elle contourna son bureau et disparut dans sa chambre. Quand elle en ressorti un moment plus tard, elle était habillée de pied en cape pour voyager et Roan l'arrêta en lui prenant les bras.
— Tu ne peux pas partir comme ça ! dit-il.
— Je suis responsable de ce gamin ! répliqua aussitôt la blonde en se dégageant.
Elle récupéra son épée dans le râtelier près de la porte, le poignard de Lexa qu'elle planta dans sa botte et un autre, plus petit, qu'elle glissa dans son décolleté.
— Tylo ! appela-t-elle ensuite.
Son fidèle garde du corps entra dans l'appartement et la blonde lui demanda d'aller faire seller trois chevaux.
— Vous sortez ? demanda-t-il.
— Heda a été enlevé, répondit Roan en grognant.
— Pardon ? Mais quand ?
— Entre tout à l'heure et maintenant, répondit l'Azgeda. Va préparer les chevaux, mais n'alerte personne. Officiellement, nous partons à la chasse, Wanheda a besoin de changer d'air.
— Entendu, Majesté.
Tylo inclina la tête puis tourna les talons. Goran regarda alors Clarke.
— Je vais peut-être dire une ânerie, Wanheda, mais on dirait que vous considérez cet enfant comme le vôtre... hésita-t-il.
Clarke se figea. Elle regarda l'homme, hésita, puis passa une besace autour de son torse avant de tourner les talons en grognant. Roan soupira.
— Au moins, c'est clair, dit-il. Wanheda a un instinct maternel.
— Vous en doutiez, Majesté ? sourit Goran.
Roan secoua la tête, amusé.
— Garde le fort, dit-il alors. On sera rentrés demain soir, au plus tard, je l'espère.
— Entendu.
Goran regarda le Roi d'Azgeda partir puis il soupira en regardant autour de lui. Il ramassa les papiers sur le bureau, les glissa dans une grande poche en toile puis regagna son propre bureau en disant qu'en l'absence de Wanheda, il prenait temporairement les commandes.
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— On va s'arrêter. Ça ne sert à rien de courir les bois sans savoir où aller.
Clarke voulut protester, mais Roan fit volter son cheval. La jeune femme soupira. Ils avaient fait le tour de la ville par l'extérieur et aucune trace de Derek.
— Wanheda, peut-être faudrait-il poser des questions aux habitants ? demanda alors Tylo.
— Et annoncer publiquement que j'ai perdu Heda ? grinça la blonde. Je n'ai aucune envie de me faire lyncher...
— Il y a des moyens pour faire parler les gens, répondit Roan. Non, pas ce genre-là, ajouta-t-il comme Clarke lui dardait un regard qui en disait long.
Clarke souffla par le nez et regarda le ciel.
— Il va pleuvoir, dit-elle. Je vais rentrer. Faites ce que vous avez à faire, mais si jamais j'entends une seule fois, même une rumeur, comme quoi le petit a disparu, je vous étripe tous les deux, c'est clair ?
— Oui, Wanheda...
Tylo baissa le nez. Il n'avait pas réchappé à ALIE pour mourir maintenant, surtout pas après que sa femme ait donné naissance à leur troisième enfant...
Tournant bride, Clarke reprit le chemin de la ville et Roan marmonna. Tylo sourit.
— Vous verrez quand vous serez mariés, Majesté, dit-il. Vous saurez bien vite la laisser faire ce qu'elle a décidé.
Nouveau marmonnement de Roan qui soupira et annonça ensuite qu'ils rentraient. Tylo proposa de se charger des renseignements, qu'on ne le connaissait pas trop en ville, pas comme Roan qui était connu comme le loup blanc et qu'on voyait arriver de loin.
— Entendu, répondit l'Azgeda. Tu as carte blanche, donne ce que tu veux à tes sources en échange de leurs informations, je paie.
— Sha, Haihefa.
Les deux hommes reprirent ensuite la direction de la ville qu'on entendait bruisser de là et ils se séparèrent peu après l'entrée, dans l'indifférence générale. Roan regagna la tour et rejoignit Clarke chez elle, mais quand le garde devant la porte l'empêcha d'entrer, il comprit que la jeune femme ne voulait voir personne et il n'insista pas. Elle vivait à Polis depuis bientôt quatre mois et dès qu'elle avait rencontré Derek, il s'était passé quelque chose entre eux, il y avait eu une sorte de connexion, tant et si bien qu'une fois qu'il avait été intronisé, elle avait continué de veiller sur lui comme une mère, lui offrant même l'une des pièces de son appartement, rapidement transformé en chambre confortable, en attendant qu'il puisse s'installer officiellement dans la chambre de Heda.
Roan regagna donc sa chambre, située à l'étage au-dessous de celle de Clarke et, si le Roi d'Azgeda avait logé pendant six mois dans la chambre du Commandant, il avait préféré déménager quand Clarke avait décidé de devenir Régente. Il lui avait proposé de s'installer dans la chambre de Heda, mais elle avait refusé. Elle y avait trop de souvenirs douloureux, même si dans sa chambre, c'était encore pire, car Lexa y avait été tuée...
S'asseyant sur son lit, Roan songea aux paroles de Lexa, du moins à ce que Derek avait raconté, et plus il y repensait et moins il reconnaissait l'ancienne Commandante des Terriens. Elle avait été Heda pendant une dizaine d'années, il l'avait vue plusieurs fois pendant ces années, notamment à chaque Fête du Printemps, mais il n'avait pas le souvenir qu'elle ait été aussi dure dans ses paroles. Peut-être qu'elle l'était et que Clarke ne la voyait pas comme ça parce qu'elle l'aimait ? songea le Terrien en laissant son regard divaguer dans l'étroite pièce. Il s'ébroua en se redressant et s'allongea sur ses fourrures, les mains sous la tête. Il s'inquiétait pour Derek, mais il n'avait rien de mieux à faire que d'attendre que Tylo revienne avec, ou non, des informations sur sa disparition. Après il s'est peut-être tout simplement enfui... songea Roan en regardant le plafond. Il a été pas mal secoué ces derniers temps... Soudain, un bruit sourd se fit entendre à l'étage et il fronça les sourcils. Un autre résonna et il quitta son lit, intrigué par ce que fabriquait Clarke. Il monta rapidement les marches et ce fut un bruit de fracas qui l'accueillit quand il se pointa devant la porte. Aussitôt, il entra et trouva Clarke au milieu de sa chambre, en train de nettoyer consciencieusement le dessus de ses meubles à grands revers de bras, envoyant sur le parquet tous les pots, les chandeliers et les bibelots qui avaient pourtant vaillamment survécu à une apocalypse nucléaire.
— Clarke ? Mais qu'est-ce... ?
La jeune femme l'ignora et s'accouda contre la commode débarrassée de ses objets. Le dos rond, les mains dans les cheveux, elle était crispée et Roan comprit qu'elle était inquiète.
— Clarke... Ne t'en fais pas, on va le retrouver, il...
Il s'approcha d'elle et posa une main dans son dos, mais la jeune femme se déroba et s'éloigna.
— Où est-ce qu'il est, hein ?! s'exclama-t-elle soudain. Pourquoi il est parti ? Il est si mal que ça ici ? Il n'a plus la Flamme, il n'est plus Heda, j'ai reconnu mon erreur !
— Clarke, pour l'amour du ciel, calme-toi, lâcha Roan. T'énerver ne servira qu'à alerter les domestiques et tu sais très bien que...
— Il n'a pas été enlevé, Roan, répondit la jeune femme. Il s'est enfui ! Il a fait une fugue ! Personne n'oserait enlever Heda sans risquer de perdre sa tête ! Ils savent qui je suis !
La jeune femme envoya au sol un chandelier et les bougies s'éteignirent en frappant le tapis.
— Tu vas mettre le feu ! s'exclama aussitôt l'Azgeda. Arrête ! Ça ne sert à rien de t'énerver !
— Je suis inquiète, bordel ! répliqua Clarke en hurlant. Je suis inquiète parce que je me suis prise d'affection pour ce petit cafard et que... que...
Elle se tut brusquement et fondit en larmes. Elle serra cependant les poings et se laissa tomber dans un fauteuil.
— Je ne voulais pas venir ! dit-elle alors. Je ne voulais pas revenir à Polis, je voulais te laisser te démerder et tant pis si tu foirais tout ! J'étais bien dans ma maison, toute seule avec juste mon cheval, ma vache et mes deux poules ! Mais non, il a fallu que tu aies besoin d'aide et parce que je suis trop bonne trop conne, j'ai rappliqué quand tu as sifflé !
— Clarke ce... Non, enfin, ce n'est pas... tenta Roan, surpris.
— Je te faisais confiance, je pensais que tu saurais prendre soin des tiens après la guerre ! continua Clarke, le visage ravagé de larmes, les mains plongés dans les cheveux. Au lieu de ça, j'ai dû revenir et prendre la tête de ce peuple que je déteste ! Je suis la régente de barbares ! Des sauvages qui ne pensent qu'à faire la guerre, qui croient que des enfants se battant à mort dans une arène, c'est normal !
— Clarke, tu deviens désobligeante ! siffla Roan.
La jeune femme, secouée de sanglot et de tremblements, se tut soudain et le regarda. Roan rentra le menton, surpris. La jeune femme secoua alors la tête, mâchoires serrées. Elle ferma les yeux un instant, regarda le feu dans la cheminée puis se leva et s'éloigna.
— Et comme si ça ne suffisait pas, tout ce que je fais depuis huit mois, ça ne va pas, dit-elle, la voix tremblante. Je le sais, j'entends les gens qui parlent ! Oh oui, la majorité est de mon côté, mais les autres ?! Tous les autres qui pensent que je ne suis qu'une Skaikru qui se prend pour Heda parce qu'elle a sauvé le monde et mis fin à la guerre ! Tous ceux qui pensent que j'ai souillé la Flamme en la portant pendant deux heures de temps, même pas, pour sauver ces abrutis !
— Clarke ! tonna alors Roan. Ça suffit ! Tu as assez insulté les miens, maintenant, tu vas te calmer !
— Sinon quoi, Haihefa ? siffla Clarke. Tu vas me faire quoi, hein ? Tu vas t'en prendre à moi ? Il y a six gardes dans le couloir qui te tueront avant même que tu aies fait un mouvement !
Roan se figea. Clarke aussi. La porte de l'appartement venait de s'ouvrir sur Tylo qui s'était également immobilisé, accueilli par les cris de Wanheda.
— Quoi ? demanda Clarke rudement. Tu l'as trouvé ?
— Je... Non, Wanheda, je...
Baissant le nez, le Terrien tourna les talons et retourna dans le couloir. Il ferma la porte et souffla. L'atmosphère dans la pièce était si pesante qu'il en avait perdu ses moyens. Ça ne lui était pas arrivé depuis très longtemps et il savait que c'était l'aura de Wanheda qui lui avait fait cet effet. Un bruit attira soudain son oreille et il tourna la tête vers l'escalier. Ses yeux s'agrandirent quand il reconnut le jeune garçon sur les marches.
— Heda ! souffla-t-il. Mais bon sang, tu... tu étais en haut toute la journée ?
— Je... Ne m'appelle plus comme ça, je ne suis plus Heda, répondit Derek en baissant le nez.
— Quoi ? Comment ça ? Tu...
Derek secoua la tête et serra les mâchoires.
— L'Esprit des Commandant m'a rejeté, dit-il. Je... Je ne suis pas digne de porter la Flamme, je suis faible...
Les mots de Lexa résonnaient dans la tête du garçon qui ferma les yeux. Tylo ouvrit la bouche pour parler, mais un cri de Clarke le coupa dans son élan. Derek et lui sursautèrent puis le garde grogna.
— Entre là-dedans avant qu'elle ne démolisse toute la tour, dit-il.
— Elle va me tuer...
— Il y a des chances, répondit Tylo. Tu as fait croire que tu avais été enlevé ! Pourquoi ? Tu te rends compte dans quel état tu as mis Wanheda ? Tu l'entends, là ?
— J'ai tout entendu... Ses cris, ses pleurs, je...
Derek passa sa main dans ses cheveux courts.
— Je ne pensais pas...
— Elle tient à toi, sale gamin, siffla Tylo. T'es comme son fils, tu entends ? Elle t'aime bien plus qu'elle en a le droit vis à vis de ta position de Commandant, mais c'est comme ça. Alors tu vas entrer dans cette pièce et te faire pardonner de lui avoir fichu la peur de sa vie !
Derek rentra la tête dans les épaules. D'ordinaire, il n'aurait pas accepté de se faire sermonner par un simple garde, mais actuellement, il n'était qu'un gamin de douze ans, perturbé par la Flamme, perturbé par les paroles des Anciens, par celles de Lexa, par l'inquiétude constante de Clarke pour ci ou ça, par les entraînements avec Roan qui devenaient de plus en plus durs et surtout par son futur en tant que Heda.
— Alors ? Tu attends le dégel ? demanda soudain Tylo.
Derek sursauta. Il le regarda puis avala sa salive et descendit les marches. Il s'approcha de la porte de verre fumé et posa sa main sur la poignée. De l'autre côté, on entendait les reniflements de Clarke et les paroles de Roan qui tentait vainement de la calmer.
Avec un coup entre les omoplates de la part de Tylo, Derek bascula la poignée et poussa la porte. Il resta cependant sur le seuil et, comme pour se venger de lui, la porte s'ouvrit en grinçant désagréablement.
Dans la chambre, Clarke et Roan tournèrent la tête vers la porte et quand Clarke découvrit Derek, elle bondit du canapé et le garçon se protégea de ses bras. S'en suivit la plus impressionnante engueulade qu'il avait jamais eue de toute sa courte vie, même quand il avait laissé échapper la vache de son père dans le potager de sa mère et qu'elle avait mangé tous les légumes.
— Pourquoi ?! hurla Clarke. Pourquoi tu t'es enfui ?! Tu te rends compte du danger que tu coures dehors sans aucune escorte ? J'étais morte d'angoisse, Derek ! Je suis responsable de toi, je suis là pour t'apprendre à diriger ce peuple, je...
Elle se tut soudain en voyant les larmes sur le visage du garçon. Elle avala sa salive, sa colère soudain envolée et, prenant les bras de Derek, elle l'attira contre elle et l'étreignit aussi fort qu'elle le pouvait. Roan souffla par le nez. Il avait laissé Clarke s'époumoner sur le garçon et quand il croisa le regard de celui-ci, peut-être en quête d'un quelconque soutien, le Terrien releva le menton et Derek comprit instantanément qu'il allait payer cher sa petite farce...
Repoussant Derek, Clarke posa son front contre le sien, lui tenant le visage entre ses mains tremblante.
— J'ai eu tellement peur... dit-elle. Il aurait pu t'arriver n'importe quoi dehors, tu... Pourquoi avoir laissé ce morceau de bois ? Tu savais que j'allais m'inquiéter...
Son ton était redevenu doux et le jeune garçon posa ses mains sur les siennes et les baissa. Il serra ses doigts dessus et leva la tête pour regarder Clarke, même si elle n'était pas tant plus grand que lui, une tête, à peine.
— Je ne suis même pas allé dehors... avoua-t-il alors. Je... J'étais dans la chambre de Heda, je... Je me suis caché sous le lit, je... Je suis désolé, Clarke, je ne sais plus où j'en suis, j'avais besoin de... de calme, de...
— Oh, Derek...
Clarke récupéra ses mains et les passa sur ses joues. Elle regarda ensuite Derek qui avait le nez baissé, les épaules basses. Elle secoua la tête et se détourna alors.
— Va dans ta chambre, dit-elle mollement. Tu n'en sortiras pas avant nouvel ordre.
— Je suis puni ? s'étonna le jeune garçon. Comme...
Clarke fit volte-face.
— Oui, tu es puni ! répliqua-t-elle. Tu es puni comme l'enfant que tu es ! Estime-toi heureux que je ne laisse pas Roan te faire passer l'envie de faire ce genre de blagues ! Alors tu vas dans ta chambre et je ne veux ni te voir ni t'entendre jusqu'à nouvel ordre !
Le visage défait, surpris, Derek hésita une seconde puis recula d'un pas avant de filer dans le corridor. Quand la porte de la chambre se referma, Clarke gémit et s'effondra sur une chaise. Roan se baissa près d'elle et posa une main sur les siennes. Elle regarda un moment puis posa son front contre le sien en soupirant.
— Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie... dit-elle en se redressant.
Roan se releva et alla chercher la carafe de vin et deux verres et revint à la table. Il servit les deux verres bien pleins et en poussa un vers Clarke. Elle avala sa salive, silencieuse. Soudain, elle regarda Roan qui haussa les sourcils.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il en buvant un peu de vin.
— Je dois la revoir.
Il s'étouffa dans son gobelet.
— Dis-moi que tu ne parles pas de...
Il s'essuya le menton en grimaçant.
— Si. Je dois la revoir, je... Il faut que je comprenne pourquoi elle a dit à Derek qu'il était faible et aussi ces vilaines paroles sur moi, pourquoi elle lui a montré un futur qui n'existera jamais...
— Tu ne peux pas la voir comme ça, Clarke, dit Roan. Il faut... Il faut que tu portes la Flamme pour voir l'Esprit des Commandants, tu...
Clarke secoua vivement la tête.
— Non ! Jamais plus ! Il doit y avoir un autre moyen ! Un rituel quelconque, une drogue hallucinogène, je ne sais pas !
Roan secoua la tête à son tour.
— Non, je n'ai jamais entendu parler d'une telle chose... Tout ce que je sais, c'est que seul Heda peut communiquer avec l'Esprit des Commandants et pour ça, il faut porter la Flamme.
Clarke secoua la tête encore une fois, bouche serrée et vida son verre de vin. Elle se resservit et Roan éloigna ensuite la carafe en se servant au passage. La jeune femme vida alors son verre, se leva et se dirigea vers sa chambre sans un mot de plus. Le Terrien l'observa s'éloigner et quand la porte se referma, il comprit qu'il était temps pour lui de regagner ses pénates. Il vida son verre, avisa la carafe, l'embarqua en grognant et quitta la chambre.
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