Chapitre 12

Le printemps fut rapidement là et les arbres redevinrent verts en un rien de temps. L'air se réchauffa sensiblement et bientôt, les gros manteaux de fourrure ne furent plus nécessaires. Néanmoins, malgré le retour du printemps, une ombre approchait pour Derek, l'Intronisation. Il avait bien compris que sur ses frêles épaules reposaient le destin de tout un peuple, mais il n'avait aucune assurance d'arriver à fédérer des brutes telles que les Triges, surtout les Azgedas, aussi bien que Clarke le faisait depuis maintenant cinq longs mois.

— Il doute.

— C'est normal.

Clarke marchait le long de rues de Polis, John Murphy à ses côtés. Elle vêtue des atours de Rijant, lui de Fleimkepa, tous deux suivis par leurs gardes respectifs. Levant les yeux, la jeune femme croisa brièvement le regard d'un jeune homme dans les ombres d'un porche et il inclina la tête. Elle lui rendit son salut et reporta son attention sur ses pas.

— Penses-tu pouvoir lui faire entendre raison ? demanda-t-elle.

— Avec ce que je sais ? T'es sérieuse ?

Clarke passa sa langue sur ses lèvres ; s'arrêtant, elle fit face à John.

— Je sais, dit-il en réponse à ce qu'elle allait dire. Je n'ai pas le droit de dire la vérité, mais c'est ton fils, Clarke, ou peu s'en faut et tu vas le sacrifier...

— Pour le meilleur, John. Il fera un Heda que personne n'osera affronter, il sera craint et adoré tout à la fois.

— Tu sembles bien certaine d'une chose qui n'arrivera que dans plusieurs années... Aurais-tu vu le futur ?

Clarke déglutit et baissa le nez.

— Pas celui-ci, non... répondit-elle en reprenant sa marche.

Murphy haussa les sourcils et la rattrapa.

— Quoi ? Tu sais... ?

Elle hocha la tête.

— Mais j'aurais aimé ne rien savoir, ce sont des images atroces, des morts, des destructions... Voilà ce qui attend le monde si nous ne faisons rien.

— Et tu penses vraiment que ce que ALIE t'a montré, c'est le futur ? Il n'est pas écrit, Clarke ! Tourne à droite au lieu de gauche et tout est à refaire !

La jeune femme le regarda en haussant un sourcil ; Murphy ouvrit la bouche puis soupira.

— C'est ce que tu t'efforces de faire depuis le début... dit-il.

— J'aime Derek, John, là n'est pas la question, mais je n'étais pas censée m'attacher à lui de la sorte, il va devenir Heda, il n'a pas le choix, il est le seul Natblida à avoir échappé au massacre d'Ontari...

John serra les mâchoires en détournant la tête. Ce bref passage de sa vie était douloureux et terriblement désagréable, et il n'avait aucune envie d'y repenser. Clarke s'excusa d'une main sur son bras et il déglutit.

— Ce n'est rien, dit-il. Ça passera avec le temps, comme tout...

— Parle-moi, si tu as besoin, d'accord ?

Il hocha la tête.

— Pour en revenir à Derek, il doute, et c'est normal, il n'a que douze ans, dit-il ensuite. C'est à toi de lui faire comprendre qu'il va prendre ta suite, qu'il va devoir marcher dans tes pas, continuer ce que tu as commencé et le finir. Je sais que c'est compliqué, tu es devenue, en un rien de temps, encore plus puissante que Becca Pramheda dans l'esprit des Triges, mais tu n'es pas Heda, Clarke, tu es Rijant, tu es Wanheda et ce n'est pas à toi de gouverner.

La jeune femme pinça les lèvres.

— Parles-lui, dit-elle alors. Roan fait de son mieux, mais il n'a aucune notion parentale, il se comporte avec ce gamin comme s'il était adulte...

Murphy laissa échapper un rire amer.

— Parce que moi j'ai plus d'expérience ?

— Non, je sais bien, mais tu as dix-huit ans, mon cher, alors que Roan en a deux fois plus et est un guerrier farouche et un peu trop bourru pour mon garçon.

John eut un rictus en coin et secoua la tête en levant les yeux au ciel. Il remarqua alors qu'ils étaient devant les grandes portes d'une ancienne église éboulée qui abritait désormais le sanctuaire de Becca Pramheda, ou il logeait avec une douzaine des Prêtres de la Flamme.

— Je suis arrivé, dit-il. Laisse-moi quelques jours pour rassembler quoi lui dire, et je m'occupe de cela. J'ignore si cela aura une quelconque portée, mais au moins, j'aurais essayé.

— C'est ce qui compte.

Clarke leva alors les bras et ils s'enlacèrent une longue seconde avant qu'elle ne se détourne en faisant signe à ses gardes qu'elle rentrait. Murphy la regarda partir et disparaître dans la foule silencieuse de cette fin de matinée. Ils étaient subjugués par la jeune femme, qu'ils ne voyaient pas souvent dans les rues et si certains osaient tendre une main pour effleurer ses longues tresses blondes ou son bras, les autres se tenaient prudemment à l'écart des quatre solides Trikrus qui l'encadraient, arme à la main...

.

— Ah, tu es là !

Clarke leva les yeux et découvrit Roan sur le parvis de la tour.

— Quel accueil, que se passe-t-il ? s'étonna-t-elle.

— Rien, mais tu étais introuvable et...

La jeune femme haussa un sourcil ; l'Azgeda baissa le nez, comprenant qu'elle n'avait aucune raison de lui dire où elle allait. Il se contenta de la laisser passer devant lui et s'engager dans le monte-charge qui disparut aussitôt, Tylo arrêta Roan juste avant les grandes portes de la tour.

— Tu n'es pas le bienvenu dans sa vie, Haihefa, dit-il, les sourcils froncés. Ce n'est pas parce qu'elle te tolère que tu es pour autant autorisé à agir avec elle comme si elle était ton amie, c'est clair ?

— Très clair, répondit Roan avec une grimace agacée.

— Attend au moins qu'elle redevienne Wanheda, ajouta le garde personnel de la jeune femme. Une fois que le petit sera sur le trône, elle aura le droit de redevenir la jeune femme qu'elle est ; pas maintenant.

L'Azgeda se contenta de hocher la tête, mâchoires serrées. Tylo disparut alors dans la tour et Roan soupira bruyamment. Il leva les yeux vers le soleil et constata que midi approchait, il décida de se rendre dans le quartier Azgeda pour déjeuner avec les siens et avoir des nouvelles de son clan.

Quand il arriva devant sa maison, cependant, il trouva la porte ouverte et fronça les sourcils. Il entra en retirant son manteau et balaya la pièce du regard le temps que ses yeux s'habituent à l'obscurité. Il repéra ensuite une femme assise près de la cheminée.

— Echo... ?

La femme leva la tête et esquissa un sourire triste avant de reporter son attention sur ce qu'elle avait dans les bras. Soudain inquiet, Roan s'approcha et ferma les yeux en constatant la pâleur du bébé dans les bras de son amie. Il s'agenouilla.

— Quand... ? demanda-t-il en lui repoussant les cheveux derrière l'oreille.

— Cette nuit... Je me suis levée pour le nourrir et je l'ai trouvé sans vie...

Passant sa main sous les cheveux de son amie, Roan appuya son front contre le sien. Elle eut un hoquet et gémit en serrant le paquet de fourrures contre sa poitrine.

— Je vais chercher Wanheda, dit-il alors en se relevant.

— Non ! s'exclama Echo en lui saisissant le poignet. Non, s'il te plaît, ne la dérange pas pour ça... Je l'ai vue passer dans le quartier ce matin, l'esprit de mon petit est déjà parti avec elle... Je le sais.

Roan inspira.

— Tu es sûre ?

Echo hocha la tête. Elle avait les traits tirés, les yeux gonflés ; elle avait sans doute pleuré toute la nuit et une grande partie de la matinée. Se penchant sur elle, Roan lui prit doucement le paquet de fourrures des bras.

— Roan... tenta-t-elle en tendant les bras.

Mais il se détourna sans un mot et quitta la maison en appelant quelqu'un. Il entendit son amie fondre en larmes derrière lui et quand une femme s'approcha, elle hocha la tête en découvrant le bébé mort.

— Va trouver un Prêtre, fais-le bénir puis dépose-le dans la crypte de la famille royale d'Azgeda, dit-il en lui remettant les couvertures.

— C'est ton bébé ? demanda la femme.

— Non, mais Echo est comme ma sœur. Son enfant mérite d'être inhumé conformément.

— Sha, Haihefa.

La femme s'inclina en ramenant la fourrure sur le visage serein de l'enfant, puis elle disparut dans la foule, encadrée de deux hommes qui devaient être ses fils. Roan l'observa un moment puis retourna dans la maison, souleva Echo dans ses bras et la monta à l'étage. Il l'étendit sur son lit et ramena la couverture de laine sur elle.

— Reposes-toi, dit-il. Je vais chercher un guérisseur pour tarir ton lait.

La jeune femme hoqueta, le visage brillant de larmes. Il lui caressa les cheveux, l'embrassa sur le front, puis quitta la maison, le cœur lourd. Après son mari, voilà que sa meilleure amie perdait son bébé, à peine un mois plus tard... Malédiction... songea-t-il. Nous avons fait du mal et nous voilà maudits...

Clarke passa furtivement dans son esprit et il grogna. Il se rendit ensuite à grandes enjambées dans le quartier où tous les guérisseurs étaient rassemblés, peu importe leurs clans, ainsi que les officines et les marchands de plantes, et envoya un guérisseur chez lui en expliquant rapidement la raison. Les morts de nouveau-nés n'étaient pas rares, elles secouaient les parents, mais c'était la vie d'après Praimfaya, c'était comme ça, les gens ne vivaient pas longtemps et il fallait aller de l'avant rapidement après un décès, qu'il soit accidentel ou naturel.

En retournant vers son quartier, Roan n'avait plus vraiment faim et se demanda s'il devait rester avec Echo, au risque de s'imposer, ou bien regagner la tour du commandant et déjeuner avec les autres dans la grande salle du rez-de-chaussée. Il devait entraîner Derek dans l'après-midi, mais il voulait aussi annoncer le décès du bébé à Clarke, même si, il s'en doutait, elle n'avait plus repensé à lui depuis qu'elle avait refusé de l'adopter... Il décida d'aller déjeuner à la tour et, une fois que cela fut fait, il monta jusque chez Clarke pour récupérer le gamin qu'il trouva en train de lire dans un des canapés de l'appartement de la jeune femme.

— Où est ta mère ? demanda l'Azgeda.

— D'une, c'est pas mère, et de deux, j'en sais rien, répondit Derek en se levant. Pourquoi ?

— Echo a perdu son bébé, répondit Roan. Il est mort cette nuit, tu le lui diras ?

— Echo... ? Oh, la femme qui a failli tuer Okteivia ?

Roan grimaça.

— Oui, elle... C'est ma meilleure amie aussi.

— D'accord... En tous cas, je ne sais pas du tout où est Clarke, quand je suis revenu à la maison, elle n'était pas là et il n'y avait pas de mot.

— Elle a dû retourner chez Fleimkepa pour ton intronisation, répondit Roan. Allez, allons-y, tu es prêt ?

— Non, mais je n'ai pas le choix, alors...

— Très bon état d'esprit.

Derek leva yeux au ciel puis ramassa son manteau et chaussa ses bottes avant que Roan ne le laisse passer devant lui. Il réalisa alors que Tylo n'était pas dans le couloir, ce qui ne signifiait qu'une chose, Clarke n'était pas dans la tour. Il aurait dû s'en rendre compte. Il plissa le nez.

— Dis, Haihefa, dit alors Derek.

— Appelle-moi Roan...

— Roan... Est-ce que tu serais pas un peu amoureux de Clarke, par hasard ?

— Et qu'est-ce qui te fais dire ça ? Je ne pense pas qu'à douze ans, tu saches...

— J'ai treize ans, pour info, nous sommes au printemps...

Ron gonfla ses joues et souffla.

— Admettons. Qu'est-ce qui te fais penser que je suis amoureux d'elle ?

— Bah, tu passes beaucoup de temps ici, et apparemment, tu as même délaissé les tiens puisque le bébé de ta meilleure amie vient de mourir et que tu n'es même pas avec elle...

Roan serra les mâchoires.

— Tu as de la chance d'être Heda, gamin, dit-il. Je t'aurais collé une tannée sinon !

— Je ne fais que répéter ce que Clarke dit...

Roan fronça les sourcils et s'arrêta de descendre l'escalier. Derek se tourna vers lui et leva la tête.

— Elle parle de moi ?

— Des fois, surtout avec Goran ou Tylo... En général, ça a rapport avec moi, mais des fois je me demande si ces deux-là ils voudraient pas que vous soyez ensemble...

— Mais encore ?

Derek baissa le nez un instant.

— Elle a le cœur blessé, tu sais ça ?

— Elle a tué beaucoup de monde alors qu'elle est encore une enfant, c'est normal...

— Non, je parlais pas de ça, mais de l'autre garçon...

— Bellamy Blake ?

— Oui. Quand il lui a dit qu'il ne voulait pas du bébé de ton amie, cela lui a fait beaucoup de mal, tu sais ?

— Non, je l'ignorais, elle ne m'en a pas parlé. Mais son refus n'est pas étonnant, ces deux-là sont amoureux et ils sont interdits d'être ensemble.

— C'est eux qui l'ont décidé, répondit Derek avec un haussement d'épaules. Mais je suis de leur avis, ils sont trop écorchés pour pouvoir être heureux ensemble, c'est pour ça que je t'ai demandé si tu n'étais pas un peu amoureux de Clarke, histoire de lui faire oublier ce garçon pendant quelques mois, ou quelques années... Après tout, elle est jeune, elle pourra retourner avec lui dans cinq ou dix ans et elle pourra toujours fonder une famille avec lui si elle en a encore l'envie.

Roan fronça les sourcils.

— Tu crois vraiment qu'une fille comme Wanheda pourrait avoir envie de fonder une famille avec moi ? Je veux dire, tu te rends compte que si jamais j'arrive à en faire ma compagne, tu deviendras mon fils, Heda... ?

Derek baissa le nez et hocha la tête, les mains sur la taille.

— J'ai plus de parents, Roan, dit-il alors. Clarke et toi, vous êtes ce qui s'en rapproche le plus, alors ouais, je sais que si jamais elle et toi vous vous fréquentez...

Il haussa une épaule et Roan pencha la tête. Il descendit alors de quelques marches et se baissa devant le garçon.

— Je suis touché que tu puisses me considérer, moi, comme une figure paternelle, mais ne t'emballes pas trop vite, d'accord ? Clarke est loin d'être d'une fille accessible, elle fera toujours passer son boulot avant un hypothétique couple ou une famille.

Derek se mordit la lèvre.

— Elle m'a dit qu'elle me fera toujours passer avant tout le reste...

Roan sourit et lui frotta la tête en se relevant.

— Alors tu as beaucoup plus de chance que tout le monde ici ! Allez, allons-y, nous n'allons pas pouvoir faire tout ce que j'ai prévu si nous continuons à discuter comme deux gonzesses.

Derek rigola puis lui emboîta le bas et ils disparurent dans le colimaçon ; Clarke sortit alors des ombres d'un porche et souffla.

— Rentrons, dit alors Tylo en posant une main sur son épaule.

— Qu'est-ce que tu en penses, toi ? lui demanda-t-elle comme ils reprenaient la montée de marches.

— De toi et Roan ? Rien, Wanheda. C'est un Azgeda, une brute, il te fera très certainement souffrir, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Pour toi, Blake demeure le meilleur choix, mais le petit a raison, vous avez beaucoup trop souffert pour pouvoir être heureux ensemble maintenant et tu dois le graver dans ton esprit.

— Sinon Roan, qui alors ? demanda-t-elle.

— Pas Fleimkepa, c'est une évidence, mais de toute manière, je ne suis qu'un garde, Wanheda, et pas marié avec ça, donc je suis de piètre conseil pour ces choses-là.

Clarke sourit puis ils parvinrent à son palier et la jeune femme fit entrer Tylo pour partager un peu de tisane en sa compagnie, pour le remercier d'avoir parcourut toute la ville à ses côtés alors qu'elle faisait le tour des quartiers pour s'enquérir sur les problèmes divers et variés qu'elle pourrait avoir à traiter dans les prochains jours.

— Merci.

Tylo prit la tasse qu'elle lui tendait en s'asseyant sur le canapé d'en face.

— Pour en revenir à la discussion entre Roan et Derek, dit-il. À moins que tu ne veuilles pas en parler... ?

— Ils ont tous les deux raisons, répondit la jeune femme. Je ne peux pas être avec Bellamy parce que nous devons d'abord guérir de nos blessures de guerre, et cela prendra le temps qu'il faut, mais comme tu l'as dit, Roan est un Azgeda, il a une vision de la femme et de ses droits très limitée et je suis Rijant, et Wanheda par-dessus le marché, et la mère adoptive de Heda... Ça risque de faire beaucoup pour lui, d'avoir à courber l'échine devant moi.

Tylo avala une gorgée de tisane.

— À moins que tu ne saches faire la part des choses, répondit-il.

— C'est-à-dire ?

— Eh bien, tu es Rijant en public, Wanheda quand c'est nécessaire, mais en privé, tu redeviens Clarke et je sais que si jamais tu fréquentes Roan, tu sauras être Clarke avec lui en privé et qu'en dehors de vos appartements, il comprendra que tu es Rijant et apprendra à baisser la tête.

— Tu crois ?

— Je ne le connais pas bien, beaucoup moins que toi, mais il est intelligent, plus que la majorité de ses hommes, et il saura où est sa place, si toi tu sais où est la tienne.

Clarke baissa les yeux.

— Sur l'Arche...

— Tu n'es plus sur l'Arche, Clarke, ni même à Arkadia, ici ce sont les lois d'après Praimfaya qui régissent le monde, la coupa le garde. Les Skaikrus font partie de la Coalition, ils doivent apprendre à vivre comme nous et cesser de croire qu'ils sont encore les maîtres de cette planète parce qu'ils ont vécu en autarcie pendant presque un siècle, là-haut, dans l'espace.

— Pique ne l'a jamais compris...

— Mais ton père si. Le Chancelier Kane sait où est leur place.

— Et moi aussi, Tylo, ne va pas croire le contraire, mais tu ne m'enlèveras pas que les femmes sont les égales des hommes sans combattre.

— Je n'en doute pas une seule seconde, mais tu devras faire des concessions si tu désires avoir une vie de famille stable loin des souvenirs de la guerre que tu partages avec Blake.

La jeune femme serra les lèvres puis soupira. Tylo la remercia ensuite pour la tisane et quitta l'appartement en emportant la tasse. Clarke se retrouva alors seule dans le silence de ce grand appartement et serra les mâchoires. Elle n'avait aucun sentiment particulier pour Roan d'Azgeda, elle le respectait en tant que roi, mais c'était tout ; après tout, il l'avait enlevée pour la remettre à Lexa en guise de cadeau en échange de la fin de son exil...

— Ce n'est pas ce que j'appelle partir sur des bonnes bases...

Elle but un peu de tisane, pensive, puis observa l'extérieur. Un oiseau passa devant sa fenêtre et elle s'appuya contre le canapé.

— Mais d'abord, préparer l'intronisation de Derek. Lexa est morte depuis bientôt un an, il va être temps de choisir un nouveau Commandant.

Elle quitta alors le canapé et s'installa à la longue table de bois qui lui servait autant pour les repas que pour travailler. N'étant pas Heda, elle refusait de s'installer à demeure dans la salle du trône, donc elle n'y allait que pour les doléances quotidiennes avant de redescendre ici pour continuer la journée.

.

Lorsque Derek revint de sa séance d'entraînement intensif avec Ronon et qu'il découvrit Goran avec Clarke, en train de discuter tout en consultant une quantité impressionnante de documents étalés sur la table, il pressentit qu'il était le centre de la discussion.

— Vous préparez l'intronisation ? demanda-t-il en s'approchant.

Les deux autres sursautèrent.

— Oh, mais tu es là depuis longtemps ? demanda Clarke, surprise.

— Je viens d'arriver, à l'instant...

— Pour vous répondre, oui, dit alors Goran. Il est temps, nous sommes au printemps, dès que la neige aura disparu, nous deviendrez Heda.

Le jeune garçon déglutit puis hocha la tête avant de s'excuser. Quand la porte de sa chambre se referma, Clarke souffla par le nez.

— Il est terrorisé, dit-elle en s'appuyant contre le dossier de sa chaise.

Elle jeta sur la table le parchemin qu'elle avait dans la main.

— Et rien ne nous dit, dans tout ce fatras, comment organiser l'intronisation d'un nouveau Commandant sans passer par un Conclave.

Goran demeura silencieux un instant puis entreprit de rassembler les papiers.

— Créez là, dit-il alors.

— Pardon ?

— Créez cette nouvelle cérémonie de toute pièce, Rijant. Tout ceci vient d'une époque d'incertitude où régnait des guerres de clans et des meurtres gratuits... Il fallait imposer les choses, les lois, forcer les survivants à s'unir pour pouvoir voir de quoi demain sera fait... Aujourd'hui, la guerre est finie et, je l'espère, il n'y aura plus de catastrophe avant bien des années !

Clarke hocha lentement la tête tout en se gardant bien de révéler ce que ALIE lui avait montré, quand elle était dans le programme informatique, sur le Go-Sci...

— Tu as raison, dit-elle alors en attrapant un parchemin vierge. J'ai décidé qu'il n'y aurait plus de Conclave, plus de mise à mort d'enfants gratuite, donc je vais mettre sur pieds une nouvelle manière d'introniser les futurs Heda en commençant par Derek. Assis.

Goran sourit et obéit aussitôt. Il prit le parchemin de la jeune femme et le fusain et se prépara à écrire rapidement tout ce qu'elle allait balancer comme idées. Ils feraient le tri plus tard pour aboutir, d'ici quelques heures il l'espérait, à une première version de la nouvelle intronisation. Il faudrait ensuite la soumettre aux Ambassadeurs de chaque clan afin de voir s'ils avaient des modifications à y apporter, réécrire tout au propre, leur soumettre la nouvelle version, et ainsi de suite jusqu'à ce que tout le monde soit satisfait. Cela allait sans aucun doute leur prendre plusieurs semaines, mais l'hiver n'était pas encore terminé, les bourgeons des arbres commençaient à peine à sortir et il y avait encore de la neige partout. Derek avait donc encore bien un ou deux mois de répit avant de devoir embrasser sa nouvelle destinée.

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