Chapitre 10.2
Silencieux, Bellamy observa la lettre. Il était touché que Clarke se soit sentie obligée de lui demander son avis sur la question et, outre le fait que l'enfant soit celui de la femme qui servait de bras droit à Roan d'Azgeda et qui avait essayé de tous les tuer à plusieurs reprises, elle ne pouvait pas s'encombrer d'un nouveau-né, pas en ayant Derek à sa charge déjà. Tournant la tête vers un meuble à tiroirs, le jeune homme se leva et en ouvrit plusieurs avant de trouver la radio que Raven avait trafiquée pour qu'elle soit plus puissante. Des relais avaient été installés au fil des mois tout du long de la route marchande principale qui reliait Arkadia à Polis en passant par TonDC. L'un de ces relais se trouvait sur les ruines d'un immeuble, à environ dix kilomètres de Bellamy, mais il n'avait jamais tenté d'établir une connexion.
Octavia sortit au même moment de sa chambre, changée, et pencha la tête en regardant. Quand elle vit le talkie dans sa main, elle opina et annonça qu'elle allait chercher du bois ; il la remercia d'un signe de tête et le jeune homme s'adossa ensuite au meuble en inspirant.
— Allez, courage, ce n'est que Clarke, dit-il alors.
Portant le petit engin à son visage, il appuya sur le bouton latéral.
— Blake pour le relais radio de Polis, est-ce que quelqu'un me reçois ? demanda-t-il.
Il relâcha le bouton et un grésillement lui répondit.
— Ici Bellamy Blake, je cherche à joindre le relais radio de Polis, est-ce que quelqu'un me reçois ? À vous.
Des grésillements répondirent et il soupira. Il manipula ensuite l'un des boutons supérieurs et recommença son appel, une fois, deux fois, sans résultat. Il allait renoncer quand il entendit craquer dans le talkie.
— Crrr... Ici... Polis... Je vous reçois... mal...
Bellamy sursauta et ajusta sa fréquence.
— Ici Bellamy Blake, je vous reçois Polis, à vous.
— Ah, voilà qui est mieux ! répondit un homme. Bonjour Blake, quoi de neuf sur ta falaise ?
— Tout va bien ici. À qui ais-je l'honneur ? demanda le jeune homme avec un sourire.
— Je m'appelle Andy Marshall, je suis un Skaikru. J'imagine que tu cherches à joindre Clarke ?
— Oui, j'ai reçu une lettre de sa part et je voulais tester la radio pour lui répondre. Est-elle disponible ?
— Je l'ignore, je dois envoyer quelqu'un à la tour. Tu peux patienter ?
— Oui, bien entendu.
— Je te rappelle tout à l'heure.
— Ça marche, merci.
La communication fut ensuite coupée et Bellamy soupira. Accrochant la radio à sa ceinture, il sortit pour aider Octavia à refaire du bois en attendant la réponse de Marshall.
— Alors ? demanda la jeune fille. Tu l'as eue ?
— J'ai eu le gars qui s'occupe de la radio à Polis, il envoie quelqu'un à la tour pour savoir si elle peut me rappeler.
— D'accord. Ne t'en fais pas trop sinon, elle comprendra.
— Oui, je sais qu'elle comprendra, mais je voudrais surtout savoir pourquoi elle s'est sentie obligée de m'en parler.
— Parce qu'elle t'aime ?
Bellamy plissa le nez. Octavia n'insista pas, elle savait que ce sujet faisait plus de mal que de bien à son frère ; il était séparé de la fille qu'il aimait depuis des années et la vie semblait s'ingénier à tout faire pour les garder éloignés l'un de l'autre.
— Bon, viens m'aider à couper du bois, en attendant qu'elle te rappelle, dit-elle alors en lui tendant une hache.
Il opina et ils s'éloignèrent de la maison en direction d'un énorme tas de bois flotté ramené par la dernière tempête et qui servait de bois à tout faire pour Bellamy. Il avait d'ailleurs pas mal augmenté ses compétences en confection de meubles, car Octavia avait remarqué de nombreux objets qui n'étaient pas là la dernière fois qu'elle était venue, trois mois en arrière.
— Parle-moi un peu de toi, dit alors le jeune homme. Est-ce que tu as rencontré quelqu'un ?
La jeune fille baissa le menton.
— Qu'est-ce qui te fais dire ça ?
— Je ne sais pas, peut-être parce que tu as les cheveux plus courts, pour commencer, ensuite tu te maquilles...
Octavia plissa les yeux et esquissa un sourire.
— Il se pourrai bien, oui, avoua-t-elle alors.
— Oh, voyez-vous cela. Lincoln te laisse faire ?
— C'est un esprit, Bel, il ne peut pas faire grand-chose !
Bellamy pouffa. Plus ils vivaient au milieu des Triges, plus ils commençaient tous à s'imprégner de leurs coutumes et croyances, à commencer par le faire que les morts erraient autour d'eux sous formes d'esprits invisibles, ne partant qu'une fois leurs proches en sécurité et remis de leur disparition.
— Parle-moi de ce garçon, maintenant, c'est un Trikru, j'imagine ?
— Un Podakru, plus précisément, mais il vit chez les Trikrus depuis que son père a été tué à Polis. Il doit avoir mon âge environ, mais les Podakrus ne fêtent pas les anniversaires comme nous, tout ce qu'il sait, c'est qu'il a dix-sept printemps.
— Oui, cela revient à peu près au même, je pense, répondit Bellamy avec un haussement d'épaules. Il est bien élevé ?
— Très. C'est un Guérisseur, comme Lincoln, il sait lire, écrire, aussi bien le Trige que l'Anglais et il connaît énormément de choses sur les plantes et les autres trucs qui poussent dans les bois ou dans les rivières, comme ce qui se mange ou ce qui tue ou rend malade. Il chasse aussi, mais ce n'est pas un guerrier, il déteste tuer et préfère rester à l'arrière pour panser les plaies.
— C'est tout aussi bien et au moins, tu ne risqueras pas de le perdre dans une bagarre.
— J'espère surtout qu'il n'y aura plus jamais de bagarres ; cependant rien n'est encore faire entre nous, pour le moment on s'entend bien.
— Peu importe, pour moi l'essentiel c'est que tu arrives à surmonter la mort de Lincoln, O, répondit Bellamy. Et si ce garçon t'y aides, alors c'est parfait.
La jeune fille sourit puis ils reprirent leur tâche à couper du bois flotté, chose qui incombait au jeune homme tellement le bois était dur, tandis qu'Octavia empilait les morceaux sur un traîneau.
À Polis, Tylo reçu le Skaikru qui avait intercepté le message de Bellamy et monta ensuite prévenir Clarke. Celle-ci fut surprise que son ami désire lui répondre par ce biais, et surtout plus d'une semaine après l'envoi de sa lettre, mais elle accepta de rejoindre le quartier Skaikru où se trouvait le poste radio pour réceptionner les appels.
— Bonjour, Rijant.
— Appelle-moi Clarke, Andy, répondit la jeune femme en levant les yeux au ciel.
— Si tu veux. Je vais te laisser rappeler Blake, à moins que tu ne veuilles que j'initialise la liaison ?
— Je sais me servir d'un poste émetteur, mais puisque tu as reçu l'appel, alors je t'en prie, contacte-le.
Marshall inclina la tête et attrapa le micro à main relié à la machine qui semblait avoir vécu plusieurs vies.
— Polis pour la Falaise, est-ce que vous me recevez ? dit-il. Polis pour la Falaise, me recevez-vous ?
Il y eut des grésillements, Marshall ajusta les réglages et répéta sa phrase. Ce fut une femme qui répondit.
— Polis, ici la Falaise, je vous reçois cinq sur cinq, que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
— C'est Octavia, répondit Clarke. Elle doit passer quelques jours là-bas.
Elle tendit la main et agita les doigts ; Marshall lui passa le micro à main puis tout le monde quitta la maisonnette et Clarke s'assit un tabouret.
— Octavia, c'est Clarke, dit-elle alors.
— Clarke ?! Oh, bon sang, ça fait longtemps ! Comment tu vas ?!
— Plutôt bien. Il paraît que ton frère cherche à me joindre ?
— Oui, euh, je suis arrivée ce matin et j'avais la lettre que tu as envoyée à son attention...
Clarke fronça les sourcils.
— Je l'ai envoyée il y a plus d'une semaine...
— Ouais, je sais, mais euhm, ta mère l'a lue et euh, enfin, bon... voilà quoi.
— Je vois. Tu as Bellamy sous la main ?
— Il est dehors, il finit de ranger du bois, ne quitte pas, je vais le chercher.
Clarke hocha la tête comme si la brunette pouvait la voir puis souffla par le nez en maudissant sa mère. Juste après avoir raccroché avec Bellamy, elle appellerait Arkadia pour avoir une explication.
— Clarke ? C'est Bellamy.
Se redressant, la jeune femme éprouva un étrange sentiment dans son ventre au son de cette voix et sourit. Elle souffla en posant le pouce sur le commutateur.
— Salut, dit-elle alors. Ça fait du bien de t'entendre après tous ces mois.
— Oui, pareil ici. Comment tu vas ? Les Terriens ne t'en font pas trop voir ?
— Non, ça va, au contraire, je suis plutôt bien respectée, même s'il y en aura toujours qui chercheront à créer des problèmes. Mais tu n'as pas appelé pour ça, n'est-ce pas ?
Un silence s'ensuivit, la radio grésilla puis la voix de Bellamy s'éleva de nouveau et la jeune femme l'écouta énoncer les arguments de son refus quant à sa demande dans sa lettre. Elle baissa le nez en regardant la table usée quand il se tut et se frotta le visage en inspirant.
— Tu es toujours là ? Clarke ?
La blonde déglutit.
— Oui, je suis là, dit-elle en reprenant le micro. Je... Je ne pensais pas que tu allais refuser, mais en même temps, je ne suis pas surprise et tes arguments sont valides.
— Je suis touché que tu aies pensé à me demander mon avis, mais si tu veux adopter ce bébé, ce sera sans moi, Clarke.
La jeune femme chassa une larme sur sa joue en hochant la tête.
— Je vais le dire à Echo et Roan et... Ouais, je lui trouverai une nouvelle famille. J'espère.
— Clarke... Je suis désolé, reprit alors Bellamy. Je t'aime, mais pas au point d'accepter l'enfant d'une autre comme le mien. Que tu te sois amourachée de Derek, passe encore, c'est un adolescent perdu qui a juste besoin d'une maman de substitution, mais pas un nouveau-né qui t'accapareras pour les quinze prochaines années. J'espère que tu ne resteras pas aussi longtemps loin de chez toi, je ne t'attendrais probablement pas, saches-le, mais quand tu seras libérée de tes obligations de Rijant, on se retrouvera et on parlera de notre avenir ensemble, que cela prenne cinq, dix ou quinze ans.
Clarke opina.
— Oui, je comprends. Tu as raison. Je t'aime aussi, Bellamy, je le reconnais et ose enfin l'exprimer à voix haute même si le destin ne semble pas du même avis. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à te poser cette question, mais je suis contente de l'avoir fait, car si j'avais adopté ce bébé et que j'étais rentrée chez nous avec, j'aurais pris le risque de te perdre pour de bon.
Bellamy ne répondit pas tout de suite. On gratta alors à la porte et Tylo passa la tête.
— Quoi ? demanda Clarke.
— Vous êtes attendue par Goran dans une heure, dit-il.
— Ça va, j'ai quasiment fini. Ouste.
Tylo referma la porte et Clarke souffla par le nez.
— Je vais devoir te laisser, dit-elle alors. J'ai beaucoup de travail et je dois veiller à ce qu'il n'arrive rien à Derek avant qu'il soit intronisé.
— Oui, bien sûr, je comprends. Est-ce que tu sais quand tu redescends ?
Clarke baissa le nez.
— Non, avoua-t-elle. Je l'ignore, mais j'essaiera de prendre quelques jours pour venir te voir, bientôt. Quand je l'ignore.
Bellamy resta silencieux puis ils mirent tous deux fin à la conversation ; quand Clarke coupa le poste de radio, elle plaqua ses mains sur son visage et laissa échapper un sanglot. Une main se posa alors sur son épaule et elle se redressa en inspirant avant de regarder Tylo.
— On va trouver un moyen de te renvoyer chez lui rapidement, Wanheda, dit-il comme elle se relevait. Tu as déjà fait tellement pour les Triges que cela devient cruel de t'obliger à continuer alors que tu souffres de l'absence de ton homme.
La blonde passa ses mains sur ses joues en secouant la tête.
— Ça fait des mois que j'ai ces sentiments en moi qui sont bloqués et le jour où je parviens à les faire sortir, c'est pour m'entendre dire que je ne pourrais pas être avec l'homme que j'aime avant cinq, dix ou peut-être quinze ans ! Tylo, je refuse ce destin, d'accord ?
— Je sais, et personne de censé ne l'accepterait. C'est pour ça que tu as Goran. Sans lui, tu ne pourras rien faire sans ce que cela ne prenne des années ! Il a beaucoup d'influence sur les nôtres, il est respecté et deviendra un parfait ministre pour Heda.
Clarke opina. Elle quitta ensuite la maison après s'être redonné une contenance, remercia Marshall, puis ils retournèrent à la tour du Commandant, salués de toute part par les Triges qu'ils croisaient en chemin...
Baissant la radio, Bellamy serra les mâchoires. Il regarda alors Octavia en face de lui et elle leva les bras. Il se laissa enlacer une longue seconde, son visage dans son cou, puis recula en passant ses mains sur ses joues.
— C'est tellement cruel ! siffla la jeune fille. Vous êtes là, tous les deux, à dix jours de cheval l'un de l'autre, pourtant, vous n'avez aucun moyen d'être ensemble ! C'est... barbare !
— Je sais, et je suis en partie responsable de tout ça.
— N'importe quoi...
— Si, O, je suis responsable de la création de Wanheda ; si je n'avais pas tenu à tirer ce levier avec elle, personne n'aurait mis ce fichu titre sur son dos !
Il jeta le talkie sur la table et Octavia baissa le nez une seconde.
— Vous m'avez sauvé la vie ce jour-là, dit-elle.
— Oui, et celle de Jasper, mais en échange, nous avons assassiné trois cents personnes, dont douze enfants qui n'avaient rien demandé ainsi que la fille dont Jasper était amoureux ! Ça n'en valait pas la peine. Je suis désolé de dire ça, mais... deux vies contre trois cents, ce n'est pas équitable.
Octavia serra les mâchoires et inspira. Elle hocha la tête, une larme glissant sur sa joue. Elle la chassa rapidement et se redressa.
— Je comprends. Oui, je comprends, et dans ce monde, nous devons tous faire des sacrifices. Sacrifier ta sœur pour sauver tout un peuple aurait été considéré comme un acte de courage et de bravoure inégalé ; je serais alors morte en martyre, et tu serais avec la femme que tu aimes, mais tu as préféré être égoïste, vouloir me sauver et supporter Clarke, et tuer tous les Maunons alors que seuls les Cage et leurs sbires nous auraient posé des problèmes.
— Sur le moment, nous n'avons pas pensé à cela, crois-moi ; la priorité était de vous sortir Jasper et toi, de la salle à manger, et de sauver aussi Raven, Kane et Abby, tout en empêchant Emerson de nous faire exploser de l'extérieur de la salle de contrôle.
Octavia eut un mince sourire triste.
— Je sais, et je l'accepte. Mais je n'accepte pas que tu sois loin de Clarke ! Tu as essayé de l'oublier, d'accord ? Ça n'a pas marché, Gina a été tuée par Emerson et tu n'as même pas sourcillé...
Bellamy détourna aussitôt la tête et Octavia passa sa langue contre ses dents de devant. Levant les mains elle s'excusa silencieusement et soupira.
— Va la rejoindre, dit-elle alors.
— Pourquoi ? Elle n'a pas besoin de moi là-bas, je vais la distraire de son devoir et cela reviendra à remettre Roan sur le trône ou bien Derek qui n'est pas du tout prêt. Non, crois-moi, O, la situation est très bien comme elle est actuellement ; nous sommes encore jeunes, si elle rentre dans deux, trois ou cinq ans, peu importe, nous pourrons encore être ensemble et heureux.
— Tu as l'ai tellement sûr de toi...
— Oh non, j'en suis bien loin, mais je n'ai pas le choix. Ma femme est le chef tout puissant des Triges, je n'ai pas d'autre choix que d'attendre qu'ils veuillent bien la libérer de ce foutu serment qu'elle a fait malgré elle en vidant la montagne !
Octavia pinça les lèvres, elle détestait entendre son frère crier, encore plus quand c'était lié à une frustration extrême.
— Peut-être que tu devrais... ne pas l'attendre ? suggéra-t-elle alors.
Bellamy renifla avec dédain.
— Tu as bien vu ce que ça a donné avec Gina.
— Oui, mais là tu te sentais abandonné, Clarke t'avait laissé derrière elle sans se retourner et tu t'es consolé avec elle ; aujourd'hui, c'est différent, vous savez tous les deux que vous ne pourrez pas être ensemble avant plusieurs années, alors pourquoi ne pas en profiter ? Tu es tout seul ici depuis des mois, tu as de la visite tous les dix jours de gens fatigués qui ont besoin de changer d'air, ce n'est pas une vie...
Le jeune homme serra les mâchoires puis souffla.
— On verra ça plus tard, dit-il alors en se détournant. Je dois préparer le dîner. Du sanglier, ça te va ? Il me reste du ragoût de lièvre d'hier aussi...
Surprise par le changement de sujet, Octavia se contenta de hocher la tête et son frère disparut dans une pièce adjacente servant de cellier. Elle gonfla ses joues et souffla son air en faisant des bruits de lèvres avant de poser ses mains sur ses hanches d'un air dépité. Elle n'avait plus de cartouches, elle avait tout essayé pour convaincre son frère, et ce depuis plusieurs semaines, de monter rejoindre Clarke à Polis, mais rien n'y faisait et là, elle abandonnait.
— Après tout, il a raison, ils sont encore jeunes... souffla-t-elle. Bell, faut t'aider ?! demanda-t-elle ensuite à haute voix.
— Tu sais où sont les choses, fais comme chez toi ! répondit le jeune homme.
Octavia opina et entreprit d'aller chercher un peu de bois pour ranimer le fourneau de la cuisine et préparer le dîner.
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