Chapitre 10.1

Tylo entra dans le bureau de Clarke, aussi appelé la salle du trône, et la jeune femme sursauta.

— Quelle entrée ! Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.

Occupée à lire tous les courriers que les habitants de Polis déposaient dans une grande boîte à lettre à l'entrée de la tour, elle n'avait pas entendu son garde personnel s'annoncer.

— Je suis désolé d'arriver comme un boulet de canon, mais j'ai retrouvé Roan.

— Où est-il ?

— Dans sa maison du quartier Azgeda, il...

Se levant, Clarke empoigna son manteau de fourrure.

— Très bien, allons-y, dit-elle en le jetant sur son dos.

— D'accord, mais juste avant, laissez-moi finir ma phrase... répondit Tylo.

Clarke se figea et l'observa un instant avant de hocher la tête.

— Je t'écoute.

— Bien. J'ai donc retrouvé Roan dans sa maison du quartier Azgeda, mais il n'est pas seul. Il y a cette femme avec lui, une guerrière armée d'un arc, grande, brune, le visage dur...

— Echo ?

— Je ne connais pas son nom, mais elle a l'air très proche de Roan et...

Clarke plissa les yeux.

— Et ? Je la croyais retournée à Monreal, pourquoi est-elle ici ?

— Ça risque de ne pas vous plaire...

La blonde releva le menton en comprenant.

— Elle est enceinte, c'est ça ?

Tylo plissa le nez.

— Pire... Elle est arrivée avec un bébé sur le dos, un nourrisson d'environ deux mois...

— C'est pas vrai... souffla la jeune femme en se rasseyant.

Tylo dansa d'un pied sur l'autre.

— Wanheda, dis-moi, est-ce que j'ai loupé quelque chose ? demanda-t-il en changeant de ton, passant du vouvoiement formel qu'il utilisait avec Rijant au tutoiement respectueux que tous utilisaient avec Wanheda.

— Louper quoi ? Oh, tu veux dire... Non, non, il n'y a rien entre Roan et moi, je suis juste surprise... Ils ne me semblaient pas si proches et... Bon, inutile que je me déplace, il reviendra de lui-même et m'expliquera, je n'en doute pas.

— Veux-tu que je les surveille ?

— Pour quoi faire ?

— Je ne sais pas, peut-être que ce bébé n'est pas le petit de Roan ?

Clarke haussa un sourcil.

— Ce serait possible, en effet... Oui, tu as raison, essaie de glaner discrètement des informations et profites-en pour dire à Roan qu'il risque d'avoir des problèmes s'il n'est pas devant moi demain à neuf heures pour s'expliquer de son absence.

Tylo esquissa un sourire et s'inclina avant de tourner les talons. La blonde serra les lèvres et souffla par le nez. Elle se fichait bien du fait que Roan ait une femme ou même des enfants, c'était son devoir en tant que roi d'assurer son avenir sur le trône d'Azgeda, mais il lui avait promis d'aider Derek à devenir un Heda que les Triges respecteraient, il allait donc falloir qu'il tienne cette promesse, famille ou non, et qu'il ne disparaisse plus ainsi sans prévenir.

Le roi de la Nation de la Glace fut surpris d'être convoqué devant Rijant presque cavalièrement, par un messager envoyé par Tylo pendant que celui-ci interrogeait discrètement les marchands du quartier Azgeda, sous couvert d'acheter du poisson frais.

— Tiens, ton poisson.

— Merci. Wanheda va être contente, elle adore la morue salée.

Le marchand souffla par le nez, amusé.

— J'aurais bien aimé qu'elle vienne en personne, tu sais ?

— Elle aussi, je n'en doute pas, mais elle n'a pas vraiment le temps. D'ailleurs, tu n'aurais pas vu Roan ? Il ne s'est pas présenté hier à l'entraînement de Heda et Rijant ne parvient pas à mettre la main sur lui...

— Haihefa ? Il est rentré hier matin de Monreal, il a dû s'y rendre pour je ne sais quelle raison, pourquoi ?

Tylo haussa les sourcils.

— Oh, il n'a pas prévenu qu'il partait, c'est tout, et Rijant est un peu remontée contre lui...

— Je vois. Si je le vois je lui passerai le message, si tu veux ?

— Hm, c'est gentil, mais comme je sais qu'il est rentré, je vais aller le trouver. Merci pour le poisson.

Le marchand hocha la tête et Tylo s'éloigna ensuite avec son filet de morue dans un sac en papier ciré. Il quitta le quartier Azgeda et retourna à la tour ; avec son messager déjà envoyé, il n'avait pas besoin d'aller trouver Roan, celui-ci se montrera très bientôt.

Cela ne tarda pas, le roi d'Azgeda se montra devant Clarke le lendemain matin, agacé d'avoir été convoqué de la sorte, cependant.

— Je ne crois pas que tu sois en mesure de me faire un quelconque reproche, rétorqua Clarke une fois qu'il se fut tu.

— Tu m'as fait convoquer !

— Et donc ? Roan, tu es ici pour t'occuper de Derek, pour lui apprendre à se servir d'armes et à renforcer ses muscles ; tu n'es pas censé partir à la vadrouille quand bon te semble et encore moins sans m'en informer ! Maintenant dis-moi, l'enfant que Echo trimballe, c'est le tien ?

Roan se raidit soudain et fronça les sourcils.

— Cela ne te regarde pas, répondit-il.

— Si. Et tu sais pourquoi ? Parce que si tu me dis que tu as quitté ton poste sans prévenir pour aller récupérer ta femme et ton enfant sur le chemin menant à Polis, je passerai l'éponge.

L'Azgeda serra les mâchoires puis souffla par le nez.

— Non, avoua-t-il alors. Non, ce n'est pas mon enfant. Echo était mariée avant que nous nous rencontrions, tous. Elle était enceinte pendant la bataille de Polis contre ALIE et elle accouché peu après son retour à Monreal.

— D'accord. Et pourquoi est-elle ici, dans ce cas ?

— Son mari est mort. Il a été tué par un ours de montagnes il y a un mois et elle est donc venue me demander une faveur.

Clarke plissa les yeux.

— Quel genre de faveur ? Que tu adoptes son enfant ?

— Non.

Roan baissa soudain le nez et inspira avant de fixer Clarke de son regard bleu.

— Elle veut le donner à Wanheda.

Le cœur de Clarke fit un bond dans sa poitrine et elle bondit de son siège.

— Hors de question ! s'exclama-t-elle. Je ne prendrais pas la vie d'un nourrisson parce que sa mère est une incapable !

Roan ferma les yeux.

— Clarke, elle ne veut pas qu'il meure, dit-il doucement. Elle veut qu'il vive, avec toi. Elle veut te l'offrir, pour te remercier de tous nous avoir sauvés...

La surprise de Clarke retomba comme un soufflé et elle se rassit lentement au bout de son siège.

— Mais... ? Pourquoi ? Je n'ai rien fait, je...

— Oh si, tu t'es sacrifiée dès qu'ALIE est arrivée pour l'empêcher de nous nuire, tu as été jusqu'à griller le cerveau de ton amie pour la tirer de ce piège... Puis tu as affronté ma sœur et tu as décidé de commettre le plus horrible blasphème de notre communauté en liant ton corps à celui mort d'Ontari afin de devenir une Natblida, pouvoir prendre le Clef tout en portant la Flamme... Jamais l'un des miens n'aurait fait une telle chose ! Nous nous serions laissés dominer et ALIE aurait fini par tous nous tuer...

Clarke secoua la tête.

— Ça ne justifie pas qu'on m'offre un bébé, enfin !

— Echo ne veut pas s'en occuper, répondit l'Azgeda. Elle est orpheline, elle n'a aucune idée de comment élever un bébé et elle n'a ni famille ni amis à qui le leur donner. Elle est descendue de Monreal à l'arrière d'un marchand pendant trois semaines alors qu'elle avait accouché depuis un mois parce que la seule solution qu'elle a trouvée, c'est d'offrir ce bébé à Wanheda.

Clarke serra les lèvres.

— Je dois y réfléchir, répondit-elle en secouant à nouveau la tête. Je suis Rijant, Roan, je n'ai pas le temps d'avoir une famille, je... Je vais y penser et je te tiendrais au courant. À présent, va rejoindre Derek dans la salle de classe et à partir de maintenant, je ne veux plus que tu disparaisses sans prévenir.

L'homme inclina la tête.

— Sha, Rijant.

Il tourna ensuite les talons et quand il eut quitté la pièce, Clarke souffla en passant ses mains sur son visage.

— Qu'est-ce que tu en penses ? dit-elle en pivotant vers le fond de la salle du trône.

Murphy sortit des ombres et repoussa sa capuche.

— J'en dis que tu n'as pas le temps de t'occuper d'un mioche, Princesse. Tu considères déjà Derek comme ton fils, si tu y rajoutes un bébé, ça fera trop et tu pourrais perdre l'ascendant que donne Rijant sur les Triges.

— Tu crois ?

— Tu peux toujours le prendre et le faire envoyer à Arkadia, tes parents s'en occuperont, mais pas toi. Tu n'as déjà même pas le temps d'envoyer une lettre à ton mec de temps e temps alors...

Clarke se mordit la lèvre. Tout le monde autour d'elle considérait Bellamy comme son compagnon et même si elle ne demandait rien de mieux, elle savait qu'elle n'en avait pas le droit, pas maintenant.

— Je vais y réfléchir, dit-elle alors. Essaie de voir avec tes Prêtres si ce cas de figure est déjà arrivé par le passé et, si oui, qu'est-ce que Heda a fait.

Murphy inclina la tête puis tourna les talons et utilisa un escalier de service pour rejoindre le bas de la tour puis le Sanctuaire de Becca. Clarke se retrouva alors seule et se mordit la lèvre ; s'emparant d'un parchemin et d'une plume, elle entreprit d'écrire une longue lettre à Bellamy et, une fois fait, elle appela un de ses gardes et lui demanda de la porter au fauconnier pour qu'il l'envoie.

— Est-ce qu'il peut recevoir des faucons ? demanda le garde.

— Non, il faut l'envoyer à Arkadia, quelqu'un la lui portera.

— Entendu.

L'homme tourna les talons et Clarke inspira. Si elle s'écoutait, elle partirait d'ici sans se retourner pour rejoindre Bellamy dans sa petite maison sur la falaise et y rester. Malheureusement, elle ne pouvait pas faire ça, elle avait des responsabilités envers les Triges, même si elle n'en voulait pas, et surtout envers Derek qui devait apprendre son rôle de Commandant à ses côtés, même si elle n'était pas vraiment la mieux placée pour cela. Elle fut interrompue dans ses pensées par Goran qui lui apportait des choses à signer et elle oublia rapidement ses contrariétés pour entamer sa journée de travail.

Durant les jours qui suivirent, Roan ne quitta pas la tour sinon pour rentrer dormir chez lui, revenant le matin au lever du jour pour entraîner Derek et lui enseigner les rudiments d'être un jeune Commandant. Clarke, de son côté, oublia la présence d'Echo en ville et du fait qu'elle voulait lui offrir son enfant, mais pas totalement car elle attendait la réponse de Bellamy. En effet, elle avait décidé qu'il devait être mis au courant, parce qu'ils avaient un lien indéniable et que même s'il y avait peu de chances qu'ils parviennent un jour à être ensemble pour de bon d'ici à plusieurs années, il avait son mot à dire dans ses choix de vie, surtout un tel choix qui allait changer leur vie du tout au tout.

Elle ignorait cependant qu'à la maison sur la falaise, la lettre venait seulement d'arriver après être restée quatre jours dans le bureau de Kane, commentée et débattue avec véhémence par Abby... Ce fut dans les fontes d'Octavia que ladite lettre parvint au jeune homme et ce fut la première chose que sa sœur lui remit quand elle mit pied à terre.

— Une lettre de Clarke ? Pourquoi tu viens d'Arkadia avec ?

— Elle a été envoyée depuis Polis à TonDC par un faucon qui ne connaît pas l'emplacement de cette maison, répondit la jeune fille. Un Trikru l'a ramenée à Arkadia et l'a donnée à Kane qui l'a montrée à Abby. C'était il y a plus d'une semaine maintenant.

Bellamy fronça les sourcils.

— Mais elle contient quoi, cette lettre, pour que tu fasses une tête pareille ?

Octavia pinça la bouche.

— Il n'y a rien de grave, d'accord ? Elle te pose juste une question, elle a besoin du conseil de son homme, c'est tout.

— Son homme ? Mais nous ne sommes pas ensemble...

— Officieusement, si, répondit Octavia en dessellant sa jument. Bon, va lire cette lettre, elle a besoin d'une réponse assez rapide, je pense, même si bon, pour la rapidité, on repassera.

— Tu l'a lue ?

— Non, mais la Doc m'a tenu la jambe avec avant que je parte donc je sais à peu près de quoi ça parle.

— Je vois.

Bellamy observa la lettre puis rentra dans la maison et se servit un peu de thé avant de s'asseoir à la table près de la fenêtre donnant devant. Il déplia le papier un peu épais donc le cachet représentant une étoile à treize branches avait été décollé, et parcourut les mots un peu brouillons de son amie. Il fronça rapidement les sourcils en comprenant ce qu'elle lui demandait et il terminait de lire quand Octavia entra dans la maison avec ses sacs dans les bras.

— Alors ? demanda-t-elle.

— Alors quoi ? Tu voudrais que je réponde quoi à une telle demande ?

— Eh bien, je ne sais pas, oui ?

Bellamy baissa le nez puis s'adossa à sa chaise.

— Non, répondit-il alors. Non, c'est impossible.

— Quoi ? Mais Bel, c'est... Bon, d'accord, c'est le bébé d'Echo d'Azgeda, mais elle l'abandonne à Clarke et...

— Et Clarke n'a qu'à s'en occuper ou l'envoyer à Arkadia auprès d'une des femmes qui ont perdu leur enfant dans la rentrée sur Terre ; moi je n'en veux pas. Je sais ce que c'est d'élever un bébé tout seul, d'accord ? Je t'ai élevée O, et je n'ai aucunement l'envie de recommencer, pas avec un enfant qui ne sera pas à moi, du moins.

Octavia serra les lèvres.

— Je comprends, répondit-elle en s'appuyant contre le dossier du canapé derrière elle. Oui, c'est logique et, honnêtement, j'espérais que tu allais dire non.

— Ah bon ?

— Oui. Tu es amoureux de Clarke depuis des années, mais la vie s'ingénie à vous tenir aussi éloignés que possible, tout le temps, même alors que nous sommes enfin en paix, et là, une femme déboule et veut lui offrir un bébé ; Clarke te demande ce que tu en penses, c'est surprenant qu'elle y ait pensé, d'ailleurs, mais...

Bellamy fronça les sourcils.

— O, j'aime Clarke de toute mon cœur, d'accord ? On sera ensemble un jour, dans cinq, dix ou quinze ans, peu importe le temps que cela lui prendra de remettre les Triges sur pieds ; pour le moment, elle a fort à faire avec Derek et elle ne peut pas s'encombrer d'un nouveau-né, c'est impossible. Qu'elle récupère cet enfant, ok, mais pas pour elle, ni pour nous.

Octavia hocha la tête.

— Je comprends. Tu as raison. Vous êtes encore jeunes, vous avez le temps de voir venir, comme on dit. Tu vas lui répondre ?

— J'ai la radio, je vais essayer de l'appeler directement.

— Entendu. Je vais finir de ranger mes affaires, ensuite tu me montres ce qu'il y a à faire.

— D'accord.

La jeune fille récupéra ses sacs et disparut dans la dépendance qui avait été construite quelques mois plus tôt pour les visiteurs. D'habitude, Octavia dormait avec son frère dans le grand lit, ou dans un tas de fourrures sur le tapis devant la cheminée, mais depuis quelques séjours, elle avait décidé de s'installer dans la chambre d'amis au même titre que les autres Skaikrus quand ils venaient se reposer chez le jeune homme.


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