Chapitre 50 - Carlyle

Dimanche 

Yohan et Brooklyn préparaient le repas lorsque Fred et moi rentrâmes des bureaux. Rolland était revenu de la clinique quelques minutes auparavant.

— Devyan n'est pas encore rentré ? demanda-t-il en regardant sa montre.

— Pas encore, Monsieur.

Rolland soupira et s'installa dans le canapé. Il s'alluma une cigarette. Tout en faisant des ronds de fumée, il tenta de joindre Thussvor. Compte tenu de son juron, il n'y parvint pas. J'échangeai un regard avec Fred et Brooklyn. C'était rare que notre chef ne décroche pas au téléphone. Il devait être au volant.

Je me versai un verre d'eau et l'avalai d'une traite lorsque Brooklyn s'assit à côté de moi. Sa main se posa sur mon avant-bras et il m'embrassa avec douceur.

— Tu as l'air soucieux, dit-il simplement.

Il me connaissait bien. Je voulais attendre que tout le monde soit réuni, histoire de ne pas me répéter, pour parler de l'antidote. Je lui rendis son baiser et lui tapotai le haut du crâne avec tendresse.

— On a découvert quelque chose avec cet antidote et ça ne me plait pas. Je ne veux pas... que tu souffres davantage.

J'attirai Brooklyn dans mes bras et le serrai si fort que je lui coupai la respiration. J'inspirai son parfum comme s'il s'agissait d'une drogue. Ses mots, teintés de douleur, me revenaient en mémoire. La culpabilité de ceux que je prononcerais bientôt me heurta de plein fouet. Pourquoi ne pouvais-je pas trouver un autre remède ? Pourquoi lui infliger à nouveau la souffrance d'une implantation magique ? Brooklyn me tapota discrètement l'omoplate, signe de réconfort. Craignant de le briser, je finis par relâcher mon étreinte.

Ses prunelles rouges me fixaient avec étonnement. Il m'adressa un sourire contrit et posa sa main sur ma joue. Ses ongles effleurèrent ma tempe et la racine de mes cheveux. Un frisson me parcourut.

— Je sais que tu t'inquiètes pour moi, mais je ne suis pas en sucre. Je peux endurer encore un peu. Et puis il y a plus grave comme problématique à l'heure actuelle.

Ses sourcils étaient froncés et une ride d'inquiétude barrait son front. Ce que je lus dans ses iris pourpres ne me rassura pas. Bien au contraire. Une perle de sueur glissa le long de ma colonne vertébrale.

Brooklyn se tourna vers Yohan qui semblait corroborer son inquiétude. L'homme de main jetait successivement des regards à son patron puis à Fred. Tout le monde paraissait stressé, mais pas pour les mêmes raisons. D'un accord silencieux, nous rejoignîmes Rolland sur les canapés.

Le millionnaire n'avait pas lâché son téléphone et tentait une nouvelle fois de joindre Thussvor. La nuit tombait gentiment. Notre chef aurait dû être rentré depuis longtemps. Rolland commençait à nous transmettre son angoisse. Quelque chose clochait. S'il avait eu un imprévu, Devyan aurait appelé. Alors pourquoi ne répondait-il pas ?

— Avez-vous des nouvelles de Devyan ? interrogea Rolland.

Chacun vérifia son téléphone. Personne n'avait de messages ou d'appels en absence du concerné. Je reléguai mes inquiétudes concernant l'antidote au second plan.

— Monsieur. Brooklyn et moi avons fait des recherches sur Vincent de Laroncière, commença Yohan.

— Ce n'est pas le moment, grogna Rolland.

— Je crois bien que oui.

La nervosité qui perçait dans la voix de Yohan sembla alerter le millionnaire qui releva le nez de son écran. D'un simple hochement de tête, il signifia à son homme de main de parler.

— Vincent de Laroncière est mort il y plus de quarante ans. Il est enterré dans un cimetière à l'autre bout du pays. Son corps a été incinéré, il est impossible que la nécromancie ait pu le ramener parmi les vivants.

— Il y avait très peu d'informations sur lui et sur sa famille. Nous savons seulement qu'il avait un frère plus jeune qui a disparu de la circulation après le décès de son ainé, compléta Brooklyn.

— De quoi est-il mort ? soufflai-je.

— Aucun motif n'a été indiqué.

Le silence s'installa alors que nous réalisions l'ampleur de cette information. Vincent de Laroncière n'avait pas pu organiser les expérimentations puisqu'il était mort plusieurs années avant leur début. Alors qui ? Alres aurait-il menti ? Sous la torture psychologique, je m'étonnais qu'il ait pu le faire. L'avait-on également dupé en lui donnant une fausse identité ? C'était plus que probable.

— Sait-on comment s'appelle ce frère ? continua Rolland.

— Bruno. Nous n'avons rien trouvé sur lui. Il a disparu des radars il y a quarante ans.

— Il faut prévenir Devyan.

Le millionnaire serra le poing. Ses pupilles dilatées trahissaient son inquiétude. Il tapota à nouveau sur son téléphone avant jurer et de le lancer sur la table basse.

— Le portable de Devyan est éteint et la clé USB n'a pas été branchée.

Fred haussa un sourcil tandis que Brooklyn écarquillait légèrement les yeux. Je jetai un regard sévère au millionnaire.

— Comment pouvez-vous le savoir ?

— Oh, j'ai installé un traceur sur tous ses appareils électroniques quand il s'est installé ici.

Vu son haussement d'épaules, Thussvor ne devait pas le savoir. Seul Yohan ne lui adressa pas un regard de reproches. Il devait être au courant des méthodes retorses de son patron.

— Vous en avez d'autres des surprises ? grondai-je.

Il m'adressa un petit sourire contrit avant de détourner le regard sur son téléphone, toujours ouvert sur l'application de géolocalisation. Un signe de chargement tournait.

— Il se peut qu'il y ait un mouchard dans sa boucle d'oreille.

— Un mouchard ? Vous plaisantez ? s'énerva Fred.

Rolland haussa les épaules, ne cherchant même pas à se défendre. Ce type était fou.

— Je ne pensais pas que Devyan serait si sage, j'avais peur qu'il fugue dès le premier soir.

— Ce n'est pas un enfant ! se récria Fred.

Rolland ne lui prêta aucune attention. Il attendit patiemment que le chargement soit prêt. Le téléphone émit un petit son, signifiant qu'il avait localisé la mouchard. Malgré notre désapprobation, chacun regarda le téléphone. Un signal avait été émis quelques minutes auparavant sur la route menant à la villa. Un soupir soulagé nous échappa. Thussvor allait bientôt rentrer, il allait bien. Son téléphone n'avait juste plus de batterie et le Conseiller n'avait pas encore branché la clé. La situation nous avait tous rendus si nerveux que nous avions imaginé le pire.

Effectivement, près de quinze minutes plus tard, les phares de la voiture tranchèrent les ténèbres. La portière claqua. Des pas irréguliers se firent entendre dans le hall d'entrée précédés par la porte qui s'ouvrait. Quelque chose tomba sur le sol. Une respiration rauque se fit entendre. Rolland fronça les sourcils et se leva d'un bond. Son tibia heurta la table basse et son téléphone se fracassa par terre. Fred suivit le mouvement du millionnaire, le regard inquiet.

Yohan me lança un regard presque effrayé lorsque les pas entrèrent dans le salon. Un violent frisson me traversa. Brooklyn écarquilla les yeux et se leva d'un coup. Il avait pâli. Une odeur métallique emplit rapidement la pièce. Devyan avança en titubant vers Rolland. Ses mains étaient crispées sur son abdomen. Des perles carmin glissaient entre ses doigts et maculaient sa peau. Le sang imbibait ses vêtements. Sous la peau exsangue se distinguaient des petits vaisseaux. L'épiderme me semblait marbré et froid. Les prunelles étaient voilées, le gris terne.

Devyan leva à peine le regard sur Rolland. Un mince filet de sang coula du coin de ses lèvres. Ses jambes cédèrent et il s'effondra sur le marbre. La pierre parut boire l'hémoglobine qui suintait des plaies. En quelques secondes, le millionnaire fut près de Devyan. Le prenant dans ses bras, il lui tapota la joue.

— Devyan ! Devyan, s'il te plait ! Mon cœur, ne t'endors pas !

Brooklyn fut le premier à réagir. Il projeta sa magie avant même d'être agenouillé à côté de Thussvor. Le sang cessa de couler, mais il en avait déjà beaucoup perdu. Reprenant mes esprits, je saisis Yohan par le bras et le poussai en avant.

— Aide-moi ! ordonnai-je.

— Il y a une plaie importante au niveau du foie et une autre sous la rate, nous avertit Brooklyn.

Des coupures plus au moins profondes ornaient ses bras et avaient déchiré ses vêtements. Les cheveux décoiffés cachaient une blessure. Le sang y avait formé des croûtes. Yohan avait posé ses mains sur les tempes et avait fermé les yeux pour sonder les blessures. Je m'assis à côté de Brooklyn et posai mes doigts sur les deux plaies abdominales. Si le foie avait été transpercé, la rate était heureusement intacte. Inspirant calmement, je fis entrer ma magie dans son corps avec douceur. Les filaments blancs se disséminèrent et commencèrent leur travail de couturier.

Tissus par tissus, ils recousirent les chairs abimées. Des perles de sueur naissaient sur mon front alors que je forçais sur ma magie pour stopper l'épanchement sanguin. De son côté, Yohan s'occupait des plaies annexes et d'une potentielle commotion cérébrale. Lorsque ce problème fut écarté, il stimula différentes cellules souches pour produire du sang et combler les pertes. Il nous fallut de longues minutes avant que les saignements s'interrompent et que les plaies guérissent.

Thussvor n'avait pas repris connaissance. Il gisait telle une poupée désarticulée dans les bras d'un Rolland démuni. La peur avait empli les yeux du millionnaire, les faisant briller sous la lumière des lustres. Il serra le corps inanimé de Devyan contre lui lorsque Brooklyn, Yohan et moi nous écartâmes.

— Il devrait s'en sortir, murmurai-je.

— Son état est stabilisé, renchérit Yohan.

Rolland ne dit rien. Les yeux embués, il souleva Devyan et monta à l'étage. J'adressai un regard remerciant à Yohan, puis un inquiet à Brooklyn et Fred. Exténué, j'eus à peine la volonté de me lever et de m'affaler sur le canapé. Yohan suivit mon mouvement. Je sentis Brooklyn s'asseoir à côté de moi et, les mains encore maculées de sang, je l'enlaçai. L'épuisement surpassa mon inquiétude, je me sentis glisser dans les brumes d'une somnolence réparatrice.

Lorsque je m'extirpai du sommeil, la nuit était déjà bien avancée. Brooklyn s'était endormi sur mes genoux. Yohan somnolait dans les bras de Fred qui le serrait contre sa poitrine. Je m'étirai en faisant attention à ne pas réveiller mon compagnon. Alors que je me redressais, des vertiges me firent tourner la tête. Brooklyn grogna. Je me laissai retomber contre le dossier. Mon dos s'enfonça dans les coussins moelleux. À nouveau, je sombrai dans l'inconscience.

Lundi

— Vous devriez vous reposer, Monsieur.

Yohan posa sa main sur l'épaule de Rolland. Le millionnaire était assis sur un tabouret à côté du lit de Devyan. Il avait passé la nuit et une partie de la matinée à veiller sur le Milicien. Il avait pris le soin de nettoyer le sang et de lui enlever ses vêtements déchirés imbibés d'hémoglobine. Les cheveux étaient soigneusement brossés et son front avait été épongé.

Rolland tenait la main de Devyan et en embrassa le dos. Ses prunelles grises couvaient le Milicien avec angoisse. Ses yeux étaient cerclés de noir, signe qu'il n'avait pas dormi. Yohan tenta de le tirer en arrière, mais le millionnaire ne bougea pas.

— Je vais rester avec lui tant qu'il ne se sera pas réveillé.

Il serra plus fort la main de Devyan. Yohan retint un soupir mais n'insista pas. Nous sortîmes de la chambre pour rejoindre Brooklyn et Fred. Les deux Miliciens tentaient de trouver des informations sur l'agression de Thussvor. En l'occurrence, ils n'avaient pas trouvé grand-chose.

— Comment va-t-il ? s'enquit Fred avec inquiétude.

— Il dort toujours. Monsieur veille sur lui.

Fred semblait à deux doigts de pleurer. Après ce qu'il m'avait confié sur sa relation avec Devyan, je n'étais pas étonné. Contrairement à lui, je n'étais pas proche de Thussvor et pourtant je m'inquiétais moi aussi.

— Tu vois quelque chose sur les caméras de sécurité ? demandai-je à Brooklyn.

— Non. Je n'ai aucune image. On dirait qu'elles ont été trafiquées.

Brooklyn persista de longues minutes avant de lâcher l'affaire. D'un accord commun, nous décidâmes d'attendre que Thussvor se réveille pour l'interroger. Personne ne quitta la villa. Nous restâmes attablés, travaillant chacun sur nos projets respectifs.

— Comment avance l'antidote ? finit par interroger Yohan.

— On a un problème, murmurai-je.

Fred grimaça en évitant le regard surpris de Brooklyn.

— C'est-à-dire ?

— Les cellules souches réagissent comme nous l'espérions. Les anticorps sont attirés par celles-ci dès qu'une vague de magie les traverse. Ils s'accrochent à la membrane et sont tués par la nécromancie. En revanche, ça a fonctionné sur un petit échantillon. On ne sait pas combien de cellules souches il faudra t'injecter pour contrer durablement ces anticorps.

Les pupilles de Brooklyn se dilatèrent. Je grimaçai. La culpabilité ne tarda pas à serrer ma poitrine.

— Tu veux dire que ce serait comme...

— Oui. Comme ajouter une troisième magie à ta pierre bipolaire, acquiesça Fred. Certes, cette magie serait très faible, mais il faut qu'elle s'implante auprès de tes cellules souches pour neutraliser les anticorps.

La respiration de Brooklyn s'était accélérée et ses mains tremblaient. Ses iris pourpres laissaient transparaître les souvenirs de la douleur qu'il avait subie. Je lui pris la main.

— C'est ton choix, Brooklyn, on ne t'imposera rien. Si tu ne veux pas, il n'y a pas de problème.

Il hocha timidement de la tête. Je sentis le doute qui l'habitait. La médecine traditionnelle n'était pas infaillible mais suffisamment fiable pour qu'il n'ait pas à subir ces injections.

— Est-ce toi qui ferais les injections ? me demanda-t-il.

— Je... est-ce que ça te rassurait si c'était moi ?

N'étais-je pas un peu trop impliqué émotionnellement pour me charger de cela ? J'en étais intimement persuadé. Brooklyn sembla comprendre mon interrogation car il ne répondit pas.

Fred allait dire quelque chose lorsque des pas précipités et des cris retentirent à l'étage. Je ne discernai les appels désespérés de Rolland que lorsqu'il arriva sur le palier. Il poursuivait Thussvor, vêtu d'un pantalon et d'un peignoir de satin, qui descendait les escaliers au pas de course.

— Devyan, je t'en prie ! Retourne te reposer.

Le ton de Rolland était épuisé. Thussvor ne l'écouta pas. Il s'approcha de la table et fouilla dans les dossiers que nous avions étalés. Il arracha une feuille, la regarda attentivement avant de retraverser le salon jusqu'à un miroir.

— Mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria Fred en se levant.

— Qu'avez-vous trouvé sur Vincent de Laroncière ? contra Thussvor.

— Il est mort il y a quarante ans, intervint Yohan en voyant Fred ouvrir la bouche. Il avait un frère, Bruno de Laroncière, qui a disparu peu après le décès.

Thussvor hocha de la tête. Toujours pâle, il avait néanmoins retrouvé un semblant de vitalité. Sous l'œil médusé de tout le monde, il leva la feuille et la plaça face au miroir. Il revint et plaqua le document sur la table pour gribouiller quelque chose.

— Qu'est-ce que tu fabriques, bon sang ? Babydoll, tu as été poignardé, s'il te plait va te recoucher.

— J'ai l'habitude. Réglons cette affaire et je me reposerai.

— Tu n'es plus aux unités spéciales ! hurla Rolland. Tu ne peux pas jouer ainsi avec ta santé !

Je sursautai en même temps que Fred et Brooklyn. Même Yohan avait été surpris. La fatigue avait usé les nerfs de Rolland. Le millionnaire se frotta les yeux, excédé avant de saisir Devyan par le bras pour le ramener à l'étage. Et même si le Milicien s'adoucissait, il ne se laisserait pas dicter sa conduite.

— S'il vous plait, Monsieur. Laissez-moi exposer mes griefs et ensuite j'irai dormir.

Le ton révérencieux qu'il employait fit plier Rolland. Le cinquantenaire soupira et lâcha son avant-bras. Devyan le remercia d'un hochement de tête. Fatigué, Rolland s'assit à côté de son homme de main. Yohan fit discrètement glisser une tasse de café devant son patron.

— Qui t'a agressé ? attaqua Rolland.

— Le Conseiller Alterswarse.

Un grand silence emplit la pièce. L'incompréhension fut le seul sentiment à dominer. Malgré mon cœur qui battait la chamade, je me forçai à ne pas poser de questions. Thussvor saurait nous démontrer qu'il avait raison.

Il nous expliqua l'entretien pendant lequel le Conseiller refusait de le croire et tentait de défaire les preuves qu'apportait Thussvor. Excédé, le Milicien lui avait remis la clé USB, qui n'avait pas été branchée et avait pris congé. Il s'était arrêté en ville pour acheter à boire et, lorsqu'il traversait une ruelle pour rejoindre le parking, quelqu'un l'avait frappé à la tête. Il avait eu le temps de se défendre avant de prendre un coup de couteau dans le foie. Reculant légèrement, il avait évité que le deuxième coup ne se plante dans la rate. Par instinct, il s'était réfugié dans une rue passante. Personne ne lui était venu en aide, mais la simple présence de la foule avait fait fuir l'agresseur.

Devyan était remonté dans sa voiture et avait réussi à rester conscient jusqu'à la villa. Rolland s'agaça, ne comprenant pas pourquoi Devyan n'avait pas appelé une ambulance. Notre chef ne dit rien et, à la surprise générale, adressa un regard de chien battu au millionnaire. Celui-ci s'adoucit immédiatement et vint enlacer Devyan. Je secouai la tête, stupéfait tant par le comportement de Rolland que par les propos de Thussvor.

— Comment avez-vous su qu'il s'agissait du Conseiller ? s'enquit Yohan.

— Son parfum. Il a une odeur très particulière d'épices qui me donne envie de vomir.

Bien sûr, avec sa formation militaire, Thussvor prêtait attention à des détails qui me dépassaient. Dans la panique, je n'aurais senti que l'odeur de mon sang.

— C'est un peu léger pour l'accuser, contra Rolland.

Devyan secoua la tête, comme s'il s'attendait à ce que le millionnaire dise cela. Il lui tendit la feuille gribouillée.

— Connaissez-vous cette signature, Monsieur ?

Rolland secoua la tête et fit tourner la feuille. La signature ne me disait rien. Personne ne semblait la reconnaître.

— Je connais cette signature. Elle apparaît sur bons nombres de mes documents officiels, déclara Devyan.

— Quoi ?

— Cette signature régule toutes les autorisations de la Milice. Elle appartient au Conseiller Alterswarse.

Le silence eut l'effet d'une déflagration. Mes oreilles bourdonnèrent alors que je comprenais où Thussvor voulait en venir. Je ne saurais décrire le sentiment pernicieux qui grossissait dans mon estomac. Était-ce de la peur ? De l'incompréhension ? Peut-être de l'incrédulité ? Brooklyn se frotta les paupières mais garda son attention fixée sur Devyan. Fred avait écarquillé les yeux et tenait la main de Yohan. L'homme de main gardait un visage neutre, mais ses prunelles trahissaient sa surprise.

— Tu veux dire que... commença Rolland.

— Oui. Le Conseiller est le commanditaire d'Alres et de Duncan.

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