Chapitre 26 - Carlyle

Brooklyn avait continué de sangloter dans mes bras pendant de longues minutes. Il avait du mal à se calmer. Son corps continuait de trembler malgré l'étreinte forte dans laquelle je l'avais enveloppé. Ce ne fut qu'après de longues minutes que ses pleurs cessèrent. Il était épuisé. Les yeux vitreux, il resta amorphe dans mes bras. J'échangeai un regard perdu avec Fred et Thussvor. Brooklyn se leva finalement. Il ne tremblait plus, mais une certaine fragilité se dégageait de lui. La moindre parole de travers l'aurait brisé. Je saisis ses doigts avec délicatesse ; ils étaient glacés.

— Tu veux manger quelque chose ? murmurai-je doucement.

— Non... je... Un chocolat chaud...

Je hochai de la tête et l'embrassai sur le front. Brooklyn était hésitant. Il voulait dire tant de choses sans trouver les mots. Quelque chose le retenait de parler. Ses prunelles bouillonnaient d'incertitude. Ce fut finalement sans un mot qu'il s'éloigna pour s'enfermer dans la salle de bain de l'étage. Je le regardai sans rien dire. Il avait besoin d'être seul, de mettre de l'ordre dans ses pensées et dans ses émotions. Je respectais son choix. S'il avait besoin de moi, il viendrait de lui-même.

Je jetai un dernier regard vers le pallier avant de me diriger dans la cuisine. J'entendis vaguement Fred m'emboîter le pas. L'inquiétude serrait ma gorge et comprimait ma poitrine. Brooklyn parlait d'Alres, j'en étais persuadé. S'il te plait, Carlyle, ne le laisse pas me retrouver... La supplique de mon amant résonnait encore dans mon esprit. La Bloody Mary ne craignait qu'une personne et ce n'était Rolland. Une seule personne était capable de le faire s'effondrer ainsi. Était-il réapparu dans sa vie ? Avait-il à nouveau levé la main sur Brook ? Tant de questions sans réponse se bousculaient dans mon esprit que je sursautai lorsque Fred posa sa main sur mon épaule.

— Ton lait déborde, dit-il simplement en retirant la casserole du feu.

Je retins un juron et m'écartai des plaques avant de me brûler. Sans m'en rendre compte, je m'étais perdu dans mes pensées. Mes inquiétudes avaient pris le pas sur la réalité. Les mots de Brooklyn me hantaient. S'il te plait, Carlyle, ne le laisse pas me retrouver. Que pouvais-je faire ? Étais-je capable de protéger celui que j'aimais des fantômes du passé ? Un mauvais pressentiment m'avertissait que face à Alres, je ne pourrais rien faire. Et ce mauvais pressentiment, je ne voulais pas qu'il se réalise.

Perdu dans ce tourbillon d'émotions négatives, je croisai le regard de Thussvor. Ses prunelles s'étaient assombries et ses traits étaient graves. Sans avoir tous les éléments en main, il découvrait une facette de Brooklyn qu'il n'aurait pu imaginée.

— Je crois que tu nous dois des explications, Carlyle.

— Brooklyn, il... enfin qu'est-ce qu'il voulait dire ? demanda Fred en versant le lait dans une tasse.

Je me sentis acculé. Était-ce à moi de fournir ces éléments dérangeants ? M'était d'avis que non. Ce n'était pas à moi d'étaler les souvenirs de Brooklyn. Et pourtant, devant le regard acéré de Thussvor, je sus qu'il ne me laissait pas le choix. Brook n'était pas en état de le faire. Appuyé contre le plan de travail, je lâchai un soupir résigné. 

— Brooklyn souffre de stress post-traumatique.

— Oui, c'est ce qui a causé son amnésie, approuva-t-il.

Je grimaçai.

— Certes, il y a eu ce premier trauma qui lui a causé cette amnésie, mais ce n'est pas de ça dont Brooklyn a tant peur.

Fred fronça les sourcils si fort qu'une ride se dessina sur son front. L'incompréhension se lisait aisément sur son visage. Thussvor ne laissa rien paraître son expression était aussi lisse que du marbre.

— Sous-entends-tu qu'il y a un autre trauma après son amnésie ? voulut confirmer Thussvor.

— C'est ça, soufflai-je.

Je ne savais pas comment avouer les sévices que Brooklyn avait subi. Cela me mettait si mal à l'aise de confier ce que mon amant n'avait confessé qu'auprès de moi. J'avais le sentiment de le trahir et je détestais cela.

— Son ex est de retour.

— De retour ? Et alors ? Il a peur qu'il lui fasse une crise de jalousie parce qu'il s'est trouvé un mec bien mieux ? répliqua Fred en me faisant un clin d'œil.

— Ses crises de jalousie, je les ai éprouvées jusque dans ma chair. Alors oui, j'ai peur.

La voix tremblante de Brooklyn s'éleva. Nous nous tournâmes d'un seul mouvement vers l'escalier. La Bloody Mary se tenait à côté des marches, vacillante, mais moins fragile. Ses yeux brillants montraient qu'il avait recouvré ses esprits. Il croisa les bras sur sa poitrine, froissant le sweat-shirt noir qu'il portait. Ses jambes, recouvertes d'un pantalon fluide lui aussi noir, paraissaient plus solides. Il s'avança, pieds nus, et vint s'asseoir.

Il n'osait pas nous regarder. Inconsciemment, je sus que ses prunelles exprimaient une honte palpable. Cela me brisa le cœur de le voir si démuni. Sans perdre une seconde, je lui tendis la tasse de lait et sortis le chocolat en poudre. Fred s'assit face à Brook. Thussvor resta debout à côté de l'agent aux cheveux bruns. Brooklyn garda un instant le silence, jouant avec sa cuillère. Il touilla le lait d'un air absent. La voix tremblante, il finit par briser le malaise qui s'installait.

— J'ai rencontré Alres quand j'avais dix-neuf ans. À l'époque, je travaillais comme employé de commerce dans un cabinet de notariat.

Il me lança un regard empli de remords tout en posant sa cuillère sur la table.

— Nous nous sommes rapidement rapprochés. Il était si gentil, si prévenant. Alors même s'il était plus vieux que moi de presque vingt-cinq ans, je me suis abandonné à cet amour naissant. C'était la première fois que l'on s'intéressait ainsi à moi.

Mon cœur se serra.

— Mon père et mes collègues m'avaient pourtant mis en garde, mais je ne les ai pas écoutés et ça ne m'a mené nulle part.

Brooklyn soupira.

— Quelques mois après mon emménagement chez lui, notre relation a changé. Il se montrait froid, distant, très vite agacé par de petites choses. Sa violence a commencé par une gifle et continué par des coups de poings.

Inconsciemment, Brooklyn caressa la ligne de sa mâchoire, comme s'il se souvenait de ces coups évoqués.

— Lorsqu'il jugeait que je le méritais, il utilisait sa ceinture. C'était souvent...

Un éclair d'indignation passa dans les yeux de Fred alors que la mâchoire de Thussvor se contractait. Je serrai les poings si fort que mes ongles marquèrent la peau.  Même si je les avais déjà entendus, ces mots me transperçaient la poitrine.

— Par amour et par espoir que tout puisse revenir comme au début, je suis resté trois ans avec lui. J'ai subi tous ses coups, toutes ses envies, toutes ses humiliations sans jamais me plaindre, mais lorsqu'il m'a demandé en fiançailles... j'ai su que je devais partir ou il finirait par me tuer.

Fred et Thussvor ne disaient rien. Ils savaient que s'ils interrompaient la Bloody Mary, elle n'aurait pas la force de continuer.

— J'ai atterri ici après un périple interminable. Et même si j'avais échappé à ses griffes, il m'apparaissait partout. Son souvenir suffisait à déclencher des crises. Mon passé, celui que j'avais oublié, me sautait sans cesse à la gorge.

Un court silence s'installa alors que Brooklyn jouait à nouveau avec sa cuillère. Ses yeux s'étaient perdus dans un vide abyssal dont il ne semblait plus sortir. Ses prunelles s'étaient ternies ce qui me fit frissonner d'inquiétude. 

— N'y avait-il que lui pour déclencher tes flashbacks ? interrogea Thussvor avec beaucoup de douceur.

— Non. Tout ce qui rappelait ce passé oublié provoquait ces crises. Des mots, comme les cellules souches, des objets, comme des garrots, ou des lieux comme l'hôpital. Ces éléments se retrouvent dans ces années que j'ai oubliées.

— Et ton ex, avec tout ce qu'il comprend, te provoquait des flashbacks ?

— Oui. Encore aujourd'hui. Il suffit de l'évoquer ou de me rappeler certains détails très spécifiques, comme les surnoms dont il m'a affublé, pour que ce passé amnésique me submerge.

Thussvor déglutit et frotta son menton avec une nervosité contenue.

— Et ce Rolland, a-t-il déclenché des flashbacks ? continua Thussvor.

— Non.

Brooklyn fronça les sourcils.

— En fait, si. Mais uniquement parce qu'il m'a rappelé Alres.

— Donc si je comprends bien, les flashbacks sont déclenchés par des éléments directs de ton passé amnésique ou par ton ex et tout ce qui se rattache à ce qu'il t'a fait subir, résuma Thussvor.

— Oui... je crois... je ne comprends pas...

Les mains de Brooklyn tremblaient autour de la tasse. Il pâlissait à vue d'œil. Inquiet, je me postai à ses côtés et entourai ses épaules d'une étreinte qui se voulait rassurante. Brook était si fragile ce soir. La moindre parole trop confrontante pouvait le briser. Et Thussvor semblait précisément en phase de le faire. Notre chef restait très calme, malgré l'indignation qui brillait dans son regard.

— Qu'est-ce que tu cherches, Thussvor ? grondai-je. Ces flashbacks n'ont aucune logique précise.

— Ils ont en une. Ils se déclenchent lorsque des éléments de ce passé oublié sont rappelés.

Ma respiration s'accéléra alors que je comprenais peu à peu où il voulait en venir. Brooklyn sembla le comprendre aussi. Son teint devint grisâtre. Il s'arracha à mon étreinte, renversant sa tasse. Le liquide se répandit sur la table et, si Fred sursauta, Thussvor ne broncha pas.

— C'est impossible !

— Tu sais que c'est la vérité. Si Alres te déclenche des crises et que sa simple mention te provoque des flashbacks, c'est parce qu'il appartient à ton passé oublié. Tu l'as rencontré bien avant qu'il n'apparaisse dans ce bureau de notariat.

— Non !

Brooklyn recula, tremblant davantage. Des larmes perlaient sur ses joues, symboles de sa détresse. Ses ongles écorchèrent sa peau alors qu'il saisissait sa tête. Il ferma les paupières, s'isolant dans son esprit, loin de ses tourments.

— Tu as rencontré Rolland récemment et ce qui t'a rappelé Alres a déclenché des flashbacks. N'est-ce pas une preuve suffisante ? continua Thussvor d'une voix un peu plus douce.

— Ça ne l'est pas ! hurla Brooklyn. Ils se connaissent depuis longtemps ! Alres est son meilleur ami !

Un long silence figea la pièce. Brooklyn, épuisé et à bout de forces, s'était appuyé contre le canapé. Ses ongles maltraitaient la peau de son avant-bras, qu'il grattait avec frénésie.

— Il n'empêche que ce n'est pas directement lui qui provoque tes flashbacks, mais le souvenir d'Alres, souffla Fred.

— Ils ont raison, Brooklyn. Alres est apparu dans ta vie bien avant ton amnésie, murmurai-je en le serrant contre moi.

La Bloody Mary ne dit rien. Elle tremblait tant que je sentais le frémissement de chacun de ses muscles. Il résista un instant à mon étreinte avant de se laisser aller. Ma main caressa son dos avec délicatesse, essayant de lui apporter le réconfort dont il avait besoin. Par dessus son épaule, je lançai un regard entendu à Fred et à Thussvor. Il ne fallait pas bousculer davantage Brooklyn. Pas ce soir. Nous aurions le temps d'en reparler plus tard, en attendant, ce n'était pas notre priorité. Il fallait nous recentrer sur notre pierre bipolaire.

— Brooklyn, chuchotai-je en le saisissant par les épaules.

— Rolland savait que j'étais l'ex d'Alres et c'est pour ça qu'il ne m'a pas fait de mal.

La voix de Brook était étonnement dure. Il s'était coupé de ses émotions pour ne pas s'effondrer définitivement. Thussvor et Fred semblèrent eux aussi le comprendre au vue de leur regard inquiet.

— Rolland en sait plus qu'il ne veut le dire. Il ne m'a pas dit pourquoi ni comment sa pierre était devenue bipolaire, mais a seulement affirmé qu'il aidait quelqu'un.

Il sortit un sachet de sa poche. La pierre de Rolland brillait sous la lumière. Des bribes d'hématite s'y décelaient, enracinées à l'œil du tigre. Les fragments rayonnaient et la matière semblait s'agiter, luttant pour leur survie. Une vague de froid me saisit alors que je regardais le bijou. Pourtant, aucune corruption ne se dégageait de la matière minérale.

Brooklyn jeta le sachet sur la table et croisa les bras sur sa poitrine pour les empêcher de trembler. Son visage était figé, vide de toutes expressions.

— L'hématite a perdu du terrain. La première fois que j'ai vu cette pierre, les deux magies étaient à part égale.

— Si l'hématite s'estompe ainsi cela veut dire que c'est la magie de vent qui lui a été inoculée, raisonna Fred.

— Ça veut aussi dire que cette magie bipolaire ne tiendrait pas sur le long terme.

Thussvor observait avec attention la pierre. Brooklyn haussa un sourcil et un frisson d'appréhension me traversa alors qu'il parlait de cette voix neutre.

— Alors pourquoi la mienne est toujours à part égale ? La magie de pensée se précise de jour en jour et s'harmonise avec celle du sang. Elle n'est pas du tout entrain de s'estomper comme le fait celle de Rolland !

Un long silence s'étira. Chacun s'échangeait des regards où se lisaient l'incompréhension, l'appréhension et le désarroi. Ce que nous pensions savoir sur cette magie bipolaire venait d'être balayé d'un revers de main par ces nouveaux éléments. Une tension insidieuse régnait dans la pièce jusqu'à ce que Thussvor avance une hypothèse.

— Ta pierre n'est pas comme celle de Rolland. À mon avis, elles ne proviennent pas du même endroit.

— Pas du même endroit ? Tu veux dire qu'il y aurait plusieurs laboratoires et qu'ils n'utilisent pas la même technologie ? s'inquiéta Fred.

Thussvor se tourna vers Brooklyn qui s'affaissait un peu plus contre le canapé.

— Nous sommes sûrs, selon tes souvenirs revenus, que ta pierre est devenue bipolaire grâce aux cellules souches. Ce qui voudrait dire que celles de Rolland et de Page sont issues d'une autre technologie que la tienne.

— Est-on déjà certain que celles de Rolland et de Page sont pareilles ? contrai-je.

— On ne peut pas en être certain, grogna Brooklyn. En revanche, elles apparaissent à quelques jours d'intervalle. Ce n'est pas une coïncidence à mon avis. J'ai le pressentiment qu'elles viennent du même endroit.

La Bloody Mary continuait de gratter son avant-bras. Les yeux plongés dans le vide, elle semblait complètement déconnectée de la réalité. Inconsciemment, je savais qu'elle essayait de forcer le néant de sa mémoire sans jamais y parvenir. Même si Brooklyn ne le montrait pas, je savais que ce vide qu'était sa mémoire l'emplissait de colère. Il sortit finalement de cet état de transe et me lança un regard déterminé.

— Rolland a les réponses à nos questions. Il faut que je retourne le voir.

— Hors de question que tu y retournes, s'opposa Thussvor.

Brooklyn haussa un sourcil, contrarié par cette réponse. Son regard ne laissait aucun doute sur l'agacement qui le saisissait. Pourtant, il me paraissait évident que Thussvor refuserait de laisser Brook se confronter à Rolland une deuxième fois.

— Si... commença à contester la Bloody Mary.

— Je sais, l'interrompit Thussvor. Il faut qu'on y retourne, mais ce ne sera pas toi. Tu es trop impliqué émotionnellement. Ne proteste pas, je ne reviendrai pas sur cette décision.

Brooklyn fronça les sourcils. La colère flamba dans son regard et j'eus un instant peur que cela ne dérape. Thussvor garda son calme, nullement impressionné par l'attitude revendicatrice de son agent.

— Qu'est-ce que tu proposes alors ? demanda finalement Brook.

— J'irai moi.

— Quoi ?

Fred se leva, l'air inquiet. Brooklyn ne dit rien, mais son regard trahissait son incompréhension. Je gardai le silence, pas vraiment étonné. Avant de devenir chef et de rejoindre l'Unité 5, Thussvor avait travaillé de nombreuses années dans l'Unité 1.

— Il ne donnera aucune information si ce n'est pas moi, finit par contrer Brook.

— Il t'a dit qu'il lui fallait une compensation suffisante. Tu n'es pas prêt à lui donner plus, Brooklyn. Regarde ton état.

La Bloody Mary ne dit rien, mais son teint exsangue et son regard hanté ne mentaient pas. Il finit par hocher de la tête et baissa définitivement ses barrières. Thussvor approuva silencieusement d'un regard appuyé.

— Pour le club... je devais le voir demain... souffla Brooklyn.

— N'y retourne pas. Envoie un message à cet homme et dis lui que tu le rejoindras directement à domicile, j'irai à ta place, conclut Thussvor.

Brooklyn lui lança un regard inquiet, Rolland ne manquerait pas de s'énerver en se sachant dupé. Et même si nous faisions confiance à notre chef, cela n'enlevait pas la peur que nous pouvions ressentir. Un mauvais pressentiment envahit ma poitrine alors que Brooklyn tapotait sur l'écran de son téléphone.

Un bruit disgracieux coupa le silence et chaque se tourna vers Fred qui posa une main sur son estomac en rougissant.

— Pardon, j'ai faim... grimaça l'agent.

— Je vais préparer un truc. Vous voulez quelque chose ? demandai-je à Thussvor et Brook.

— Il est tard, je vais rentrer, déclara notre chef.

Un éclair de déception masqua le regard chaleureux de Fred. Brooklyn haussa un sourcil. Il n'était pas dupe. Tout comme moi un peu plus tôt, il avait compris ce que ressentait Fred. Il me jeta un discret coup d'œil, que je validai d'un hochement du menton.

— Tu devrais rester dormir ici, dit finalement la Bloody Mary. Il faut que je te briefe pour demain soir et on gagnera du temps si vous restez ici.

— Si tu le dis.

— J'ai une chambre de libre, ça ne me dérange pas que vous restiez cette nuit, souris-je.

Aucune réaction n'était visiblement sur le visage de notre chef. En revanche, le soulagement se lut sur celui de Fred. L'agent était fatigué. Nous l'étions tous même si certains la cachaient mieux que d'autres.

— Fred peut prendre la chambre, je dormirai sur le canapé.

À nouveau, la déception trancha nettement le regard de Fred. Il devait se sentir rejeté, même si Thussvor ne le faisait pas exprès. Son attitude détachée semblait le blesser plus qu'un râteau clairement dit. L'agent baissa la tête, cachait ses traits défaits. Brooklyn me lança à nouveau un regard entendu avant de lancer d'un ton interrogateur :

— T'as pas vomi récemment sur ce canapé ?

— Si, ce matin.

— Dors avec Fred. C'est un lit deux places, ça conviendra pour une nuit non ? avança Brook.

Thussvor nous dévisagea à tour de rôle, toujours avec une neutralité désarmante, avant de secouer la tête.

— Très bien.

Son ton, bien que maitrisé, laissait percer les reproches. Brooklyn ne s'en soucia pas. Moi non plus lorsque je vis l'espoir dans les yeux de Fred. N'avait-on pas le droit de s'autoriser une parenthèse avant la tempête qui s'annonçait ?

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