Chapitre 18 - Carlyle
Le rideau me coupa du monde extérieur. Putain ! Qu'avais-je fait ? Je mordis mes phalanges et hurlai toute ma frustration. Je manquai de m'effondrer tant le remord et la culpabilité m'étranglaient. J'avais frappé Brooklyn. Putain, je l'avais fait. Et même si la Bloody Mary m'y avait poussé et me l'avait explicitement demandé, je n'aurais pas dû lever la main sur lui. Comment avais-je osé le faire ? Je mordis mes doigts plus fort en renvoyant ma main s'abattre. Un goût de ferraille se répandit dans ma bouche. Cela ne suffit pas à apaiser la colère qui se diluait dans mes veines.
Je ne savais plus comment maitriser la rage qui s'emparait de moi. Je m'en voulais tellement d'avoir fait du mal à celui que j'aimais. Je ne valais pas mieux qu'Alres. Putain. Quel idiot. Quel... Quel quoi ? Y avait-il vraiment une insulte qui correspondait à ce que je venais de faire ? Non seulement je l'avais frappé, mais je l'avais repoussé. Ses prunelles rouges brûlantes de désir me revinrent à l'esprit. Je revis ses lèvres me murmurer : as-tu envie de me faire l'amour, Carlyle ? J'en avais envie, tout autant que lui, mais la douleur qui avait crispé son visage m'avait ramené à la réalité. Je l'avais blessé, j'avais levé la main sur lui et cette simple pensée m'était insupportable. En une soirée, j'avais tout perdu. Mon cauchemar n'était pas terminé puisque mes parents seraient rapidement au courant et ne manqueraient pas de débarquer chez moi pour me faire la morale. Rien que l'idée me vida de mon énergie.
Je n'avais qu'une envie : oublier. Et même si cela ne serait que temporaire, j'ouvris une bouteille de rouge et la vidai directement au goulot. J'en descendis une autre ainsi que deux bières. Voyant que je tenais encore debout, je m'achevais avec du whisky. Je finis par m'affaler sur mon canapé, complètement bourré et toujours aussi coupable.
— Papa ! Mais qu'est-ce que t'as fichu ?
— Hm...
Une affreuse douleur me vrilla les tempes. Je parvins à peine à me tourner sur le canapé. Mon corps semblait ankylosé et encore imprégné par l'alcool que j'avais ingéré. Ma bouche était pâteuse et ma gorge si sèche que ça en devenait douloureux. En grognant, j'enfouis mon visage dans les coussins et me positionnai confortablement pour ne pas tomber.
— Papa ! Lève-toi ! Les grands-parents arrivent bientôt !
Léo s'agitait autour de moi. Il me secoua l'épaule tout en hurlant dans mes oreilles. Sale gosse, laisse-moi dormir.
— C'est quoi toutes ces bouteilles ? Tu t'es bourré la gueule ? insista-t-il.
— J'ai fait n'importe quoi... grognai-je en me retournant sur le dos.
— Je vois ça ! Sérieux, papa ! T'as quel âge ? Lève-toi maintenant !
Je posai une main sur mon visage, essayant d'enlever les traces de sommeil. Mon esprit était encore imbibé d'alcool, mais se souvenait de toutes les bêtises que j'avais commises la veille. Brooklyn. Allait-il bien ? Avait-il encore mal ? Avait-il pu dormir ? Je saisis mon visage à deux mains, culpabilisant encore et pour toujours. Comment en était-on arrivé là ? Un long soupir m'échappa, suivi par une douleur lancinante dans mon crâne. Je repoussais mes cheveux en arrière tandis que Léo ouvrait le rideau. Le soleil se précipita dans la pièce. Il fut si vif que cela me brûla les yeux. Je fermai les paupières un instant et cela eut l'avantage de me remettre les idées en place.
— Quelle heure est-il ? demandai-je finalement.
— Huit heures vingt. Les grands-parents arrivent vers neuf heures, ils m'ont envoyé un message.
— Quoi ?
Je me précipitai sur ma veste de costume qui trainait sur le sol de l'entrée et saisis mon téléphone. Quinze appels en absence de ma mère entre hier soir et ce matin, quarante-trois messages de mes deux parents réunis. Putain. Une goutte de sueur glissa le long de mon front lorsque j'avisai le dernier message de ma mère : tu as intérêt à avoir une explication. Celui de mon père me donna le vertige ; prépare-toi, nous sommes là dans quarante minutes.
La panique explosa dans ma tête. Mes mains se mirent à trembler. Qu'est-ce que j'allais faire ? Qu'est-ce que je pouvais dire pour atténuer leur colère ? Dans quelle merde m'avait-on encore mis ? Comment leur expliquer que la femme qui avait interrompu ce rendez-vous n'était pas une femme, mais l'homme que j'aimais ? C'était impossible. Je ne voyais aucune solution pour me tirer de ce mauvais pas. Je ne réalisai même pas que j'avais laissé tomber mon téléphone.
Léo me saisit la main et je lui lançai un regard terrifié. Il dut saisir l'importance de la situation vu l'inquiétude qui se lisait sur son visage.
— Qu'est-ce que je vais faire ? On va me retirer ta garde, soufflai-je.
— Papa, arrête de dramatiser, s'il te plait.
— Je ne dramatise pas !
Je tremblais davantage. La peur couplée aux résidus d'alcool me donnait la nausée, j'eus envie de vomir. Me voyant pâlir à vue d'œil, Léo me fit asseoir sur l'une des chaises de la salle à manger. Il se pencha pour être à ma hauteur. Sa main paraissait si chaude dans la mienne glacée d'angoisse.
— Va voir Brooklyn et demande lui de l'aide.
— Il refusera, murmurai-je.
— Brook ne te refuse jamais rien.
Cette fois-ci il avait toutes les raisons du monde de refuser. Je l'avais frappé et lui avais brisé le cœur, pourquoi m'aiderait-il ? Je n'étais que le connard qui lui avait donné de faux espoirs avant de le jeter. Léo me tira par la main avant de me pousser vers la porte.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je ne sais pas ce qui s'est passé hier soir entre vous deux, mais si tu ne lui demandes pas, il ne viendra pas.
— Léo...
— Tu m'as toujours dit que si je ne tentais rien, je n'aurais rien. Alors va lui demander de l'aide.
Mon fils me poussa à nouveau en avant. Un soupir m'échappa. Il avait raison, si je ne tentais rien, Brooklyn ne viendrait pas de lui-même. C'était l'occasion pour m'excuser et pour tenter de m'expliquer. Je jetai un coup d'œil à l'horloge : huit heures vingt-huit. Il ne me restait plus beaucoup de temps avant que mes parents ne débarquent. Alors j'écoutais Léo. Je saisis une pastille à la menthe dans le paquet de bonbons qui trainait dans l'entrée avant de courir jusqu'à l'immeuble d'en face. Je montai les escaliers au pas de course et toquai à l'appartement de Brook.
La Bloody Mary ne tarda pas à ouvrir. Mon cœur rata un battement alors que j'avisais son front en sang, son visage exsangue et ses cheveux désordonnés. La colère s'alluma dans ses prunelles rouges et il croisa les bras sur sa poitrine. Il ne portait rien si ce n'était son peignoir de satin. L'inquiétude souffla ma panique et j'oubliai presque la raison de ma venue. J'allais tendre la main vers son visage, mais les mots, d'une froideur extrême, qu'il m'adressa me figèrent.
— Qu'est-ce que tu veux, Carlyle ?
— Qu'est-ce qui est arrivé à ton front ?
Brooklyn fronça les sourcils et apposa ses doigts à sa blessure. Il fixa le liquide carmin qui maculait sa peau comme s'il réalisait pour la première fois qu'il était blessé. Il haussa finalement les épaules.
— Rien de grave, j'ai dû me cogner en tombant.
— En tombant ? Mais...
— Qu'est-ce que tu veux, Carlyle ? répéta-t-il.
Il ne me laissa pas le temps de répondre et tourna les talons pour retourner dans son salon. Je connaissais suffisamment la Bloody Mary pour savoir que c'était une invitation à entrer. Alors que je franchissais le chambranle, j'avisai son lit à peine défait et la paperasse sur la table du salon.
— Tu... As-tu dormi ? demandai-je.
— Mon tapis était particulièrement confortable, répliqua-t-il en se servant un verre d'eau.
— Quoi ? Tu... tu as dormi par terre ?
Brooklyn me lança un regard entendu chargé de colère. Bien sûr qu'il avait dormi par terre. Comment aurait-il pu dormir de toute manière ? Une perle de sueur glissa le long de ma nuque alors que la Bloody Mary buvait son verre d'eau.
— Brook... pour hier soir, je...
— Ne dis rien. Je ne veux rien entendre.
Les yeux baissés sur le liquide cristallin, il posa son verre. Ses mains tremblaient. La culpabilité grossissait dans ma gorge, m'empêchant presque de parler. Putain, mais qu'est-ce que j'avais fait ! Une colère sourde enfla dans ma poitrine. Je m'en voulais tellement d'avoir agi ainsi sous le coup de la rage. Comment rattraper cela ?
J'avançai d'un pas vers Brooklyn et tendis la main vers son visage. Mes doigts effleurèrent sa peau. Elle était douce mais incroyablement froide ; du marbre précieux, solide mais si fragile. Ma main se posa avec délicatesse sur sa joue.
Brooklyn ferma les yeux et je sentis un infime tressaillement l'agiter. Lui avais-je fait mal ? Mon pouce caressa sa pommette, il trembla plus fort. Ma main descendit et caressa sa lèvre. Sa peau se réchauffait à mesure que je la parcourais, mais ses tremblements ne cessaient pas. Mes paupières se fermèrent un instant, savourant le toucher de sa peau soyeuse contre la mienne si rêche.
Un liquide froid coula le long de mes doigts. J'ouvris les yeux. Brooklyn pleurait. Les larmes glissaient lentement, laissant un sillon brillant sur ses joues. L'incompréhension cisailla mon esprit et intensifia ma culpabilité. Qu'avais-je encore fait pour que Brooklyn se mette ainsi à pleurer ? Ma main se crispa et Brook ouvrit les yeux. Ses prunelles reflétaient une telle souffrance que je me sentis suffoquer. La Bloody Mary sembla reprendre ses esprits. Il se dégagea et essuya précipitamment ses joues. Il recula jusqu'à être caché derrière sa cuisine. Je clignai des paupières, essayant de comprendre ce qui venait de se passer.
Brooklyn resserra les pans de son peignoir et croisa les bras sur sa poitrine, comme pour se protéger d'un mal inconnu. Sa colère semblait s'être atténuée.
— Pourquoi es-tu venu ? finit-il par interroger.
— J'ai besoin de ton aide.
Brooklyn me fixa un instant de son regard pourpre. Ses prunelles luisaient d'une intensité que je ne leur avais jamais vue. Elles étaient magnifiques.
— Tu veux que je reprenne mon rôle de Lyn parce que tes parents vont débarquer, n'est-ce pas ? affirma-t-il.
— Comment...
— Je le sais, c'est tout.
Il détourna le regard, tout à coup gêné. Je n'osais rien dire. Comment savait-il ce que j'allais lui demander ? Quelque chose clochait, mais je ne parvenais pas à identifier quoi. Brooklyn avait toujours eu un sixième sens extraordinaire, c'était probablement cela. Je contournai la table pour me rapprocher de lui. Il fuit immédiatement ce qui me brisa le cœur. Sans me regarder, il murmura :
— Je ne peux pas, Carlyle. Pas après ce qui s'est passé hier soir.
Je m'en doutais, mais l'entendre me fit mal. Bien plus que je ne voulais l'admettre. J'avais tout fait foirer.
— C'est de ma faute, souffla Brooklyn. Je... je n'aurais pas dû accepter la proposition de Léo. Je suis désolé d'avoir interféré dans ta vie, je ne m'en mêlerai plus.
— Tu n'as pas à t'excuser, Brooklyn. Je...
J'inspirai longuement.
— Je t'aime, Brooklyn. S'il te plait, j'ai besoin de toi.
La Bloody Mary ne se retourna pas. Ses épaules tremblaient. Pour la première fois, il paraissait si fragile, prêt à se briser. Le temps s'était arrêté, je ne voyais plus que ses tremblements. Et finalement, il détruisit tous mes espoirs.
— Je ne peux pas.
Il me planta au milieu de son salon en s'enfermant dans sa chambre. Je restai un instant choqué avant de reprendre mes esprits. À quoi m'attendais-je ? À ce qu'il saute dans mes bras tout sourire en me chuchotant son amour réciproque ? Quel idiot. Évidemment qu'il allait me rejeter ! Je l'avais frappé et lui avais brisé le cœur. Mais aurais-je seulement pu lui faire l'amour après l'avoir puni ainsi ? Non, je n'aurais jamais pu, mon corps aurait refusé de lui-même. Ce que je redoutais tant venait de se produire ; notre amitié s'était brisée et je savais que rien ne pourrait la reconstruire. Je n'avais pas de larmes à verser, tout était de ma faute.
Alors le cœur en vrac, l'esprit vide et la culpabilité ancrée dans ma poitrine, je quittai son appartement. Léo m'accueillit avec le sourire, sourire qui disparut bien vite lorsqu'il aperçut mes yeux brillants et mon visage démuni. Sans aucune explication, je me laissai tomber sur le canapé. Mes maux de tête revenaient serrer mes tempes. J'avais un instant oublié ma gueule de bois. Ma vie était devenue un dépotoir, à l'image des cadavres de bouteilles qui trônaient sur le tapis.
— Mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria Léo.
— Je décuve, répondis-je en me roulant dans les coussins.
— Tu te fous de moi ! Ils vont arriver.
— J'ai l'air de me foutre de toi ? Accueille les et je me lèverai si j'en ai envie.
Je m'installai confortablement pour panser la plaie béante de mon cœur. La peur que m'inspirait la venue de mes parents s'était complètement estompée. Je ne voyais plus que l'air souffrant de Brooklyn et sa voix tremblante. Vidé de toute énergie, je me réfugiai dans une somnolence réconfortante.
Je ne saurais dire combien de temps j'avais somnolé lorsque des coups retentirent. Léo ne tarda pas à ouvrir la porte. Il accueillit ses grands-parents avec un enthousiasme feint. Ma mère lui donna le change, je l'entendis embrasser mon fils sur la joue et lui demander comment il allait. Mon père en revanche n'entra pas dans ce jeu de bienséance.
— Où est-il ? vociféra-t-il.
Je grognai alors que ma migraine s'accentuait. Pourquoi était-il obligé de hurler ? Avec nonchalance, je levai la main et l'agitai dans les airs. Mes parents ne voyaient que le dos de mon canapé et mon bras depuis l'entrée.
— Qu'est-ce que tu as fait, Carlyle ? continua de vitupérer mon père.
Sans répondre, je m'assis sur le canapé. Je n'avais aucune envie de me disputer avec lui. Je n'entendais même pas ce qu'il me hurlait. Mon esprit ne cessait de revenir à Brooklyn. Lui seul comptait à cet instant, le reste n'avait pas d'importance, pas même notre enquête commune. Je finis par me lever alors que mes vertiges s'estompaient.
La colère de ma mère s'estompa alors qu'elle avisait mon allure de cadavre. Au contraire, celle de mon père flamba.
— Ne me dis pas que tu as bu ?
— Je ne te le dirai pas, répondis-je en haussant les épaules.
Il me foudroya du regard. Physiquement, je lui ressemblais. Même cheveux noirs, même yeux clairs, même visage taillé à la serpe. Il n'aurait pas pu me renier même s'il l'avait voulu. Ma mère ressemblait davantage à Léo, petite avec des boucles blondes et un visage rond. Seuls ses yeux bleus prouvaient notre lien. À l'instant, ils reflétaient bien plus d'inquiétude que de colère.
— Depuis combien de temps nous mens-tu, Carlyle ? m'apostropha mon père alors que je ramassais mes bouteilles vides.
— Mentir sur quoi ? répondis-je encore dans le cirage.
— Ne joue pas au con ! Depuis combien de temps sors-tu avec cette fille ?
Que dire ? Suivre le délire que Léo avait crée ou dire la vérité ? Je lançai un coup d'œil à mon fils. Il restait en retrait, l'air inquiet. Il savait que je me disputais souvent avec ses grands-parents, mais j'essayais de ne pas le faire devant lui pour éviter de le choquer.
Voyant que je ne trouverais pas de réponse du côté de mon fils, je décidai de ne pas répondre. Titubant, je parvins jusqu'à la cuisine pour y déposer les verres vides. Mon silence agaça mon père qui frappa la table du poing. Si Léo et ma mère sursautèrent, moi je ne bronchai pas.
— Depuis combien de temps sors-tu avec cette fille ? répéta-t-il.
— Qu'est-ce que ça peut faire ? Qu'est-ce que ça change ? soupirai-je en levant les yeux au ciel.
— Ne nous prends pas pour des cons ! Tu as humilié Olivia et ta mère vient de perdre une cliente à cause de toi ! Te rends-tu compte que tu viens d'entacher notre nom et notre réputation ?
La fureur dans ses yeux m'exaspéra. Ce n'était que ça, une question d'argent, d'honneur et de réputation. Mes parents ne vivaient que pour ça. La dignité de leur nom comptait bien plus que mes propres émotions. Mais hier soir, j'avais enfreint cette règle et fait une tache sur l'emblème des Morgenstern. J'avais ruiné leurs efforts en me trouvant une « fille » qui n'était pas de notre milieu de bourgeois guindés et condescendants. Et mon père avait visiblement du mal à accepter cet affront.
— Je l'aime, dis-je finalement. Elle fera une très bonne maman et elle sait se comporter en société.
— Ce n'est pas ce que je te demande ! Elle n'est pas de notre milieu ! Qu'est-ce que les gens vont dire à ton avis ?
— Aucune idée et à vrai dire, je m'en fous.
La froideur de mon ton eut au moins l'effet de le faire taire. L'espace d'un instant, il ne sut plus que dire. Je me retins de lever les yeux au ciel et me servis un verre d'eau dans lequel je jetai un cachet. Mes maux de tête me vrillaient le crâne avec une telle intensité que je dus m'asseoir. Je me frottai les yeux d'une main faible pour apaiser la brûlure qui sciait mes tempes.
— Quel bel exemple tu donnes à Léo, cracha mon paternel avec dégoût. Un alcoolique qui ne sait pas gérer sa vie !
Cela brisa définitivement ma retenue. La colère qui m'envahit fut plus froide que la glace. Je fusillai mon père de mes prunelles bleues et me levai. Je me postai devant lui. Nous faisions la même taille. Je levai le menton, lui adressant mon meilleur sourire arrogant.
— Venant de celui qui n'a jamais élevé ses enfants, je le prends comme un compliment. Le seul souvenir que tu m'as laissé c'est ton absence et tes crises de colère. Alors ne te vante pas d'être un père irréprochable.
Je ne vis pas la gifle venir. Sa main me heurta avec tant de violence que je chancelai. J'entendis Léo crier. Ma mère finit par intervenir avant que mon père ne m'en colle une deuxième. Elle le saisit par le bras et le fit reculer. Ma peau brûlait et je sentis le sang affluer. Sa chevalière allait laisser un hématome au coin de mes lèvres. Quel connard. Un rire nerveux m'échappa.
— Bel exemple, frapper ton fils devant ton petit-fils. J'aurais pas fait mieux.
— Espèce de...
— Herbert, calme-toi, s'il te plait, ordonna ma mère de sa voix ferme.
Elle me lança un regard appuyé, exigeant que je ne jette pas d'huile sur le feu déjà vif. Je frottai un instant ma blessure, furieux qu'il ose lever la main sur moi devant Léo. Mon fils vint timidement enlacer ma main. Il me regardait avec peine et j'eus peur qu'il ne se mette à pleurer. Il ne s'attendait visiblement pas à ce que cette discussion tourne aussi mal. Je lui ébouriffai les cheveux et le serrai contre moi.
Mon père allait répliquer lorsque l'on sonna à la porte. Je fronçai les sourcils, étonné d'avoir de la visite un samedi matin. Je restai un instant figé et ma mère posa sa main sur mon épaule.
— Tu ne vas pas répondre ?
— Si si, j'y vais.
Je lâchai Léo et ouvris la porte avec lenteur. Je manquai de m'évanouir alors que j'avisais la personne qui se tenait face à moi. Ses longs cheveux rouges avaient été soigneusement lissés et encadraient avec délicatesse son doux visage maquillé. Un pansement était visible sur son front, en partie caché par son brushing. Ses yeux poudrés de fards dorés m'adressaient un regard que je ne parvenais pas à décrypter. Ses lèvres rouge sang esquissèrent un sourire timide.
Je le détaillai de la tête aux pieds. Il portait une tenue simple. Un body blanc serrait sa taille et se laissait deviner sous sa chemise blanche légèrement transparente. Un pantalon fluide noir masquait ses jambes mais sous-entendait la finesse de celles-ci. Une veste de costume décontractée reposait sur ses épaules qui ne tremblaient plus. À son cou, brillait une chaîne en or à laquelle était accroché un diamant. Celui-ci rappelait les deux strass qui ornaient ses boucles d'oreille pendantes. Ses talons noirs vernis claquèrent sur le sol alors qu'il avançait pour me serrer dans ses bras.
Je restai complètement tétanisé sur le seuil de l'entrée alors qu'il m'enlaçait. Son parfum assaillit mes narines et je me sentis vaciller. Il avait gardé son parfum habituel, celui que j'aimais tant. Je le serrai avec force contre moi avant de le saisir par les épaules pour mieux l'observer. Avec un rictus moqueur, il me chuchota :
— Ferme la bouche, tu es ridicule, chéri.
Il embrassa la joue que mon père avait giflée. Sa douceur me fit tressaillir. Une marque de rouge à lèvres ornait désormais ma peau. Sûr de lui, Brooklyn avança dans le salon. Ma mère le dévisageait avec surprise alors que mon père ne laissait rien paraitre. Léo brisa le froid qui menaçait de s'installer.
— Lyn !
Il se jeta dans les bras de la Bloody Mary qui lui rendit son étreinte. Elle lui ébouriffa les cheveux en souriant.
— Bonjour, Léo. Comment vas-tu ?
Mon fils sourit et serra plus fort la taille fine de Brook. Cette scène, bien qu'elle m'attendrissait, me figeait d'incompréhension. Qu'est-ce que Brooklyn fichait ici après avoir refusé de m'aider ? Instinctivement, je sus que c'était Léo qui avait convaincu la Bloody Mary de venir à ma rescousse.
— Qui êtes-vous ? intervint mon père avec mauvaise humeur.
Brook releva la tête et dévisagea mon paternel de ses prunelles pourpres. Un sourire satisfait apparut sur ses lèvres alors que Léo continuait de le tenir par la taille comme un enfant s'accrochant à sa mère.
— Lyn, enchantée. Je suis la compagne de Carlyle.
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