Chapitre 17 - Brooklyn 🌶️

Je retins un gémissement de douleur alors que la main de Carlyle s'abattait avec force sur ma fesse. Un picotement enveloppa ma peau avant de disparaître. Aussi étrange que celui puisse paraître, cela avait quelque chose d'excitant. Quelque chose d'agréable à ce que Carlyle me touche de manière si intime.

Il ne frappait pas aussi fort qu'Alres. Il ne me laisserait pas de bleus. Un violent sentiment de culpabilité comprima ma poitrine, je serrai les poings sur le canapé. Je devais endurer sans un mot, sans une plainte. Je méritais ce qui m'arrivait, je l'avais provoqué intentionnellement, je l'avais poussé à exprimer sa colère. Je ne l'avais jamais vu si énervé et je compris que je l'avais blessé, que je l'avais laissé espérer sans lui donner un signal clair. Je ne pensais pas que mon attitude joueuse lui ferait tant de mal et j'avais besoin qu'il me punisse pour cela. J'avais besoin de souffrir physiquement pour oublier la douleur psychique. J'avais besoin qu'il me remette à ma place pour me sentir pardonné. J'avais conscience que ma réflexion était bancale, tout était biaisé par les manipulations d'Alres. Mais je n'arrivais pas à tout oublier. La douleur m'avait accompagné tant de temps que, telle une addiction, j'avais besoin de la sevrer.

Je mis quelques secondes à réaliser que Carlyle ne me frappait pas. Il n'avait assené qu'un coup avec force, imprimant sa main sur ma peau. Pourtant, j'avais le souffle court, la peau brûlante et le cul douloureux. Un frisson me parcourut alors que mon trentenaire posait ses doigts avec douceur sur ma fesse. Il caressa ma peau de la pulpe de son index ce qui me fit tressaillir. La douleur ajoutée à son toucher délicat me déroutait. Mes jambes tremblaient, mes pieds me faisaient mal, je me sentais instable sur ses talons noirs. Les doigts de Carlyle passèrent sur l'élastique de mon string avant de glisser le long de ma jambe. Mon souffle se coupa et mes frissons s'intensifièrent tandis que son majeur et son annulaire caressèrent l'intérieur de ma cuisse. Je crus m'effondrer lorsque l'extrémité de son pouce frôla une partie bien trop intime. Un halètement de plaisir m'échappa. Carlyle cessa ses caresses, mais garda la main posée sur ma fesse. La chaleur de sa paume fit naître un curieux plaisir dans mon ventre.

— Carlyle... murmurai-je.

Sa main quitta mon corps en entendant ma voix épuisée et emplie de larmes qui ne demandaient qu'à couler. Je le sentis s'éloigner de moi. Ses pas paraissaient incertains. Avec peine, je me redressai. Mes jambes tremblaient, je m'appuyai contre le canapé. En face de moi, Carlyle pleurait en silence. Mon cœur se serra. C'était de ma faute, je l'avais poussé à me frapper. Je l'avais poussé à renier ses propres valeurs pour me faire pardonner. Pardonner de quoi ? Je ne savais même plus. Je me sentis honteux de l'avoir poussé à cette extrémité. Il ne se rendait pas compte des larmes qui dévalaient ses joues. Dans ses prunelles bleues, je lus de la culpabilité, le remord de m'avoir frappé, mais également le désir de me voir habillé ainsi, marqué par sa main. Mes yeux dérivèrent vers son ventre, puis son entre-jambe, qui ne me laissa aucun doute sur l'état dans lequel il était.

— Putain... qu'est-ce que j'ai fait ?... Brooklyn, qu'est-ce que j'ai fait ?

Non sans difficulté, je m'approchai de lui. De mes pouces, j'essuyai les larmes sur ses joues. Il frissonna à mon contact. Je me collai à lui et levai les yeux avec innocence. L'une de mes mains se faufila dans sa nuque et rapprocha nos visages. Je crevais d'envie d'embrasser ses lèvres pulpeuses, d'effacer la culpabilité que je lisais dans ses beaux yeux. Ses pupilles se dilatèrent et ses doigts se posèrent dans le creux de mes reins, effleurant le haut de ma fesse écarlate. Je frissonnai à mon tour, le désir dépassant la culpabilité et les souvenirs. Je me serrai davantage contre lui, lui explicitant clairement ce que je voulais lorsque nos bas-ventres se rencontrèrent. Il me fixait avec tant de convoitise que mon cœur s'emballait. Mon pouce effleura le coin de ses lèvres et je rapprochai son visage du mien pour ancrer définitivement nos prunelles. 

— As-tu envie de me faire l'amour, Carlyle ?

Je pressai mon corps contre lui. Une grimace de douleur m'échappa lorsque ses doigts descendirent sur ma fesse. Et cela brisa la tension entre nous. Carlyle cligna des paupières, ses pupilles s'étrécirent et la culpabilité souffla le désir ardent qui y brûlait. Il s'éloigna brusquement de moi, me laissant pantelant au milieu de mon salon. Il me détaillait avec horreur, réalisant ce qu'il venait de faire.

— Je ne peux pas... pas comme ça...

Sans un mot de plus, il se précipita hors de l'appartement. Le sol sembla s'effondrer sous mes pieds. J'eus la force de me trainer jusqu'à mon immense fenêtre où je le vis traverser la rue en furie. Il tira les rideaux de sa baie vitrée et cela m'acheva ; Carlyle ne fermait jamais ce rideau. Mes jambes cédèrent, je me retrouvai à genoux sur le tapis, les yeux fixés dans le vide. Tant d'émotions se bousculaient dans ma poitrine que je ne savais pas ce que je devais ressentir dans un tel moment. Venait-il vraiment de détruire tous mes espoirs ? Ne l'avais-je pas cherché pourtant ? Qui aurait envie de faire l'amour à quelqu'un comme moi ? Pourquoi ne pouvais-je pas être clair dans mes propos et mes envies ? Pourquoi ne lui avais-je pas dit que je l'aimais ?

Je me laissai tomber sur le sol. Mes cheveux se répandirent autour de moi telle une mare de sang, le sang qui s'échappait de la plaie béante de mon cœur. Ma retenue se brisa finalement, laissant échapper les larmes amères de la déception. Elles se transformèrent bien vite en sanglots. À bout de souffle, angoissé et coupable, je m'autorisai à sombrer dans les ténèbres de l'inconscience.

Samedi

Je me réveillai aux alentours de trois heures du matin. Mon corps était douloureux à cause de la position inconfortable dans laquelle j'avais dormi. Je mis quelque secondes à retrouver mes esprits. Mes yeux picotaient et ma peau tiraillait à cause des larmes. Je me sentais nauséeux, malade même. Tremblant, je portai une main à mon front, il était brûlant. Avais-je de la fièvre ? Qu'importe, je ne travaillais pas demain.

Avec peine, je me levai et titubai jusqu'à ma chambre où je récupérai mon peignoir en satin. Mon cul, malgré le seul coup reçu, était douloureux, je ne supporterais pas de porter autre chose que cette matière. Je finis par ôter mes talons, mon corset et mon string. Avec prudence, je me glissai dans la douche. L'eau froide brûla ma peau mais apporta un réconfort bienvenu. Je lavai mes cheveux et les tressai. Non sans difficulté, je parvins à mettre de la crème sur ma peau abimée. Je pris même un antalgique pour apaiser la douleur qui torturait mon crâne.

Il était plus de quatre heures du matin lorsque je m'effondrai sur mon lit. Je ne parvenais pas à trouver une position confortable pour dormir. Mon esprit était vide, épuisé. Il se repassait en boucle ce qui s'était passé et plus je revoyais ces images, plus je regrettais d'avoir accepté la proposition de Léo. J'aurais dû me mêler de ce qui me regardait. Je venais de perdre celui que j'aimais, celui que je considérais comme ma famille. Une fois de plus, j'étais seul. Cela me serra la gorge, j'eus du mal à retenir mes larmes. Pourquoi l'amour faisait si mal ? J'explosai en sanglots pour la deuxième fois et me roulai en boule dans mon lit. Je ne voulais plus tomber amoureux, je ne voulais plus souffrir autant. Je ressentis la fuite de Carlyle comme un abandon et le fait d'y repenser m'empêchait de respirer. J'eus le sentiment de mourir tant j'avais mal. Qu'est-ce que j'avais fait pour mériter ça ? Étais-je si insignifiant pour recevoir un tel mépris ? Pour qu'on m'arrache le cœur dès que j'osais donner ma confiance ?

Ma respiration était saccadée et je mis de longues minutes à me calmer. L'espace d'un instant, j'eus envie de sortir et d'oublier tout cela dans l'alcool. Mais cela ne réglerait pas le problème, bien au contraire. La seule chose qui pouvait m'aider serait de dormir, j'étais épuisé. Je n'y parvenais pas. Alors je me levai et serrai davantage mon peignoir. Le travail m'aiderait à oublier mon cœur blessé.

Les joues encore luisantes de larmes, je sortis mon ordinateur et ouvris les onglets utiles. Durant les heures qui suivirent, je repris tout le dossier des pierres bipolaires et reléguai ma déception au fin fond de mon esprit. Je dessinai à nouveau le cercle de la magie et le placardai contre le mur de mon salon. J'établis des liens, fis des hypothèses, mais comme pour ma vie amoureuse, j'aboutis dans une impasse. L'apparition d'une magie bipolaire n'existait pas dans l'histoire de la magie, aucun cas n'avait été recensé. Les Anciens Écrits supposaient que c'était impossible que cela n'arrive. Deux magies qui s'assemblaient signaient le début de la fin. Page était mort. Était-ce le sort qui nous attendait Rolland et moi ? Je repensai au cinquantenaire. Depuis combien de temps portait-il une magie trafiquée ? Et qu'en était-il de la mienne ? Quel événement avait pu déclencher la mutation du tissu magique ? J'avais beau y penser, rien dans les dix dernières années n'aurait pu déclencher une telle chose. Cela ne pouvait signifier qu'une chose : le déclenchement remontait à la période de mon amnésie. Je revis les flashs de mes souvenirs oubliés. Tout me laissait supposer qu'il s'agissait d'un lieu médical et donc que cette magie bipolaire n'était pas naturelle, qu'elle avait été créée de toute pièce. Mais comment ? 

Je sentis une migraine serrer mes tempes alors que je m'accrochais à cette hypothèse. Existait-il des lieux susceptibles de modifier la magie ? Un laboratoire. Ce mot surgit dans mon esprit sans que je ne l'ai formulé. Et aussitôt, je ressentis des vertiges. Je dus prendre appui contre la table tant ils étaient violents. Une fièvre vive m'assaillit et sans que je ne puisse réaliser ce qui m'arrivait, je me sentis perdre connaissance. Mon corps s'effondra, mon front frappa le coin de la table. Je m'évanouis, la tête en sang sur mon parquet.

Ça y est ! Regarde, sa pierre a changé ! s'exclama une première voix. Putain, c'est pas trop tôt ! Quinze ans pour en arriver à ce résultat ! grogna une deuxième voix. On a été patient, rit une troisième. 

Je clignai des paupières, m'éveillant. La lumière m'agressa alors que j'ouvrais les yeux. La pièce autour de moi était blanche, les murs placardés de carrelage et de planches d'anatomie. Au loin, j'aperçus des éprouvettes et des seringues reposer sur un chariot à roulettes. Je n'étais plus dans mon salon, mais à nouveau contentionné à une table de métal. Mes poignets et mes chevilles étaient retenus par des sangles de cuir et m'empêchaient de bouger. Sur mon sternum reposait mon rubis. Il brillait et couvrait mon abdomen de taches rouges. Mon cœur rata un battement en avisant la masse sombre qui grossissait dans le ventre de la pierre. De petites parcelles violettes apparurent à la surface du minéral. Un profond malaise m'envahit alors que je comprenais ce qui m'arrivait. Moi aussi j'étais atteint du mal des pierres bipolaires. Le doute n'était plus permis.

Je m'agitai, tirant sur les sangles pour me libérer. La peur grandissait dans mon ventre comme une tumeur. L'angoisse se diluait dans mon sang, aucun de mes liens ne voulaient céder. Je ne pouvais même pas m'entailler pour utiliser ma magie. Le désespoir m'envahit. Mes efforts ne payèrent pas, mais attirèrent l'attention de mes geôliers. Ils chuchotèrent quelque chose que je ne compris pas. L'un d'eux s'avança. Je ne distinguais pas son visage, il était voilé par une sorte de brouillard. Une main se posa sur ma joue et le pouce de l'individu caressa ma pommette.

— Doucement, petite merveille. Tu vas te faire mal.

— Laissez-moi partir ! hurlai-je.

Seul un rire me répondit. Les doigts sur mon visage se firent plus sévères. Je m'agitai à nouveau lorsqu'une seringue apparut dans mon champ de vision. Que voulaient-ils m'injecter ? Je paniquai alors que l'embout métallique s'infiltrait sous ma peau. Je criai de douleur lorsque mon corps se mit à brûler. Ma conscience s'étiola rapidement, laissant place à un vide abyssal.

Je me réveillai en sursaut sur le sol de mon salon. Mon corps était trempé d'une sueur glaciale. Mes cheveux, dénoués de leur tresse, collaient à mon front maculé de sang. La douleur de mon crâne me fit grimacer. Putain, mais qu'est-ce qui m'arrivait ? Pourquoi ce cauchemar revenait-il sans cesse ? Un nœud broyait ma gorge. C'étaient des souvenirs, mes souvenirs d'un passé oublié. M'avait-on enlevé ? Au fond de mon âme, je sus que non. Ce n'était pas un enlèvement. Mais que faisais-je dans ce laboratoire ? Car après tout, les éléments que j'avais aperçus ne me laissaient aucun doute, il s'agissait bien d'un laboratoire.

Une fièvre glaçante s'empara de mon corps alors qu'une pensée terrifiante me traversa. Maladroitement, je dénouai mon peignoir pour saisir ma pierre. L'améthyste se mêlait avec une harmonie désarmante au rubis. Je ne cherchai pas à le nier, j'avais suffisamment de preuves pour affirmer que j'étais à la fois de la magie du sang et de la pensée. Comment en étais-je arrivé là ? Cela avait un rapport avec ce laboratoire, l'un des hommes avait dit que ma pierre avait changé. Qu'avaient-ils expérimenté pour réussir à changer la structure même de la magie ? Mon esprit prit peur, se verrouillant à toutes réflexions. Je ne voulais plus savoir, je voulais oublier, laisser mes souvenirs sous clé. Pourtant, je n'étais plus le seul concerné, Page et Rolland avaient eux aussi une pierre bipolaire.

Encore sous le choc, je réussis à me lever et à tituber jusqu'à ma cuisine. Je me laissai tomber sur une chaise, mais la douleur qui me saisit me rappela vite à l'ordre. Mauvaise idée de s'asseoir... Je me sentais désorienté, je ne savais pas quoi faire. Mes pensées se mélangeaient, se rejouaient ma dispute avec Carlyle, mes souvenirs oubliés, ma pierre bipolaire. J'étais perdu, incapable de prendre une décision. Je détestais ce sentiment d'impuissance. Finalement, je fis ce qui me paraissait le plus sensé : appeler mon chef. Je récupérai mon téléphone dans mon sac abandonné à l'entrée et composai le numéro de Thussvor. J'allais presser la touche d'appel lorsque l'on sonna à ma porte. Qui osait me déranger dans un moment pareil ? J'avisai l'heure sur mon téléphone : huit heures et demi. Il était plus tard que je ne le pensais. Un soupir m'échappa, mais cela me fit reprendre mes esprits. Je parvins à retrouver mon sang-froid et ouvris la porte sans me rendre compte que j'étais encore en peignoir et la tête en sang.

Je me confrontai à deux prunelles bleues. L'inquiétude qu'elles laissaient transparaitre me vexa presque. Je me figeai sur place. Mon corps me rappela immédiatement les événements de la veille, surtout ses mains sur mon cul. Une colère froide mêlée de culpabilité m'envahit. Comment osait-il se pointer chez moi après ce qui s'était passé hier soir ? Comment pouvait-il se tenir devant moi après m'avoir brisé le cœur ? Je croisai les bras sur ma poitrine pour empêcher les tremblements qui m'assaillaient.

— Qu'est-ce que tu veux, Carlyle ?

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