Zero prend son temps pour récapituler la situation au capitaine de manière neutre et posée. Dieu merci, Tochiro ne l'interrompt pas avec une de ces tirades enflammées, gorgées d'émotions et souvent un tantinet décousues dont il a le secret. Harlock paraît désorienté par son expérience (un état somme toute très compréhensible), inutile d'ajouter à sa confusion.

Le docteur a un pincement au cœur en observant le visage juvénile. Il y discerne les expressions propres au capitaine, bien sûr, cette façon qu'il a de serrer les mâchoires, ce pli qui se forme au coin de ses paupières quand il est contrarié, cette obstination têtue à garder ses problèmes pour lui. Adulte, Harlock est passé maître dans l'art de ne rien laisser filtrer des tourments intérieurs qui l'habitent. À sept ans c'est plus compliqué et, même s'il n'est pas très loquace, sa figure plus mobile, dépourvue de toute cicatrice, trahit émotions et désarroi.

— Reposez-vous, lui conseille-t-il. Tochiro et moi vous ferons part de toute avancée.

Harlock opine sans desserrer les lèvres. Le connaissant, il est sûrement en train de préparer sa fuite, sourit Zero in petto. Cette fichue tête de mule a toujours assimilé son infirmerie au neuvième cercle de l'enfer. Mais bon... Peu importe, dans le cas présent. Tout comme Tadashi, le capitaine est en bonne santé hormis ce « léger » problème d'âge, aucune raison donc de l'empêcher de se dégourdir les jambes s'il le souhaite.

Le docteur fixe le jeune garçon, qui ne parvient définitivement pas à masquer ses intentions aussi bien qu'un adulte, hausse un sourcil qu'il espère pas trop sarcastique.

— Et... termine-t-il. J'ai laissé sur la table des vêtements qui doivent être, euh... à peu près à votre taille.

La garde-robe de Tadashi. Harlock va flotter dedans, mais c'est toujours mieux que rien.

— Il a l'air de le supporter plutôt bien, lui dit Tochiro une fois qu'ils sont sortis de la chambre de soins.
— Mouais... J'aimerais poser un diagnostic catégorique, mais vous savez comme moi à quel point c'est compliqué de savoir ce qu'il a dans la tête.

Zero soupire. Il aimerait donner de bonnes nouvelles à Tochiro. L'ingénieur attend un « tout est sous contrôle, trouvez comment faire marcher cette machine à l'envers et tout ira bien ». Sauf que non.

— Contrairement à Tadashi, le capitaine a subi une régression cellulaire, développe-t-il. Ses souvenirs semblent intacts, mais si son réseau synaptique est revenu à ce qu'il était quand il avait sept ans, je ne sais pas s'il sera en mesure de les conserver très longtemps.
— Vous voulez dire qu'il va devenir amnésique, doc ?
— Je veux dire qu'il est possible qu'il finisse par croire qu'il a sept ans, ce qui techniquement est le cas. Et je suis incapable de déterminer si cela va causer des dommages permanents.

Zero soupire encore. Il est médecin, pas devin.

Au pire, songe-t-il, il est même possible qu'Harlock croie déjà avoir sept ans.

Il préférerait que non.