43 - Jelle
Au moment où la navette pirate s'extirpe du canyon dans un rugissement de moteurs, Jelle s'aperçoit (enfin) qu'elle a suivi le mouvement et embarqué sans vraiment réfléchir. À bord d'un appareil pirate, donc. Elle se demande si cet acte la bascule de facto parmi les criminels recherchés. Elle se demande comment cela va affecter sa vie. Elle regarde Franz. Le capitaine Harlock, corrige-t-elle. Elle n'arrive pas à s'y habituer.
Le disque de cristal est tiède dans sa paume. C'est étrange de réaliser que le devenir du hors-la-loi le plus célèbre de la galaxie est entre ses mains. Jelle referme ses doigts sur la surface lisse, déglutit. Que lui réserveront les pirates si elle échoue ?
Elle parcourt l'habitacle de la navette des yeux. Curieusement, elle ne parvient pas à s'effrayer. Un homme à l'allure débonnaire sermonne la petite Lydia, un jeune gars d'une vingtaine d'années se trémousse sur le siège voisin de celui où est installé Franz, Kei Yuki discute à voix basse avec un nerd à lunettes. Tous ces gens ont l'air... normaux. Seul le pilote et son faciès d'ancien boxeur ressemble davantage à l'image classique que Jelle se fait d'un pirate. Et encore.
— J'me pose au pied du grand escalier ! annonce celui-ci.
Après un court débat et une protestation enfantine fermement réprimée, le pilote reste dans la navette avec Lydia. Les autres suivent Jelle dans le Temple Primaire. L'endroit est lugubre, bien plus décrépi que les Murs, mais elle retrouve le chemin facilement – les lieux sont, il est vrai, beaucoup plus petits.
Le monolithe se dresse au milieu de son alcôve. Jelle inspire.
— Ce qui fut, sera, énonce-t-elle. Le rite est accompli.
Elle s'avance, hésite. Dans ses souvenirs, les prêtres avaient posé le disque au sol, mais où ? Y a-t-il un réceptacle, une encoche ? Là, cette dalle paraît plus usée... Faute de mieux, Jelle y laisse le disque avant de reculer en silence, puis elle se passe la langue sur les lèvres. Et maintenant ?
Elle fait signe au garçon à l'épée. Elle fait signe à Franz. Elle tique. Les compétiteurs portaient des robes cérémonielles, se rappelle-t-elle, et elle comprend brusquement leur utilité. Transformation. Variation de taille. Mais pour les corps seulement, pas pour les vêtements.
Jelle s'agenouille près de Franz (le capitaine Harlock. Décidément elle n'y parviendra pas). Le garçon est tremblotant sur ses jambes, pâle et le visage défait. Avec délicatesse, elle lui pose son propre manteau sur les épaules.
— Tiens encore un peu, lui souffle-t-elle. C'est presque fini.
Sur le sol, le disque s'estompe tandis que le monolithe bruisse de fourmillements électriques. La pierre noire s'illumine de l'intérieur jusqu'à devenir transparente. L'espace d'un instant, Jelle y distingue enchâssés des milliers de filaments cuivrés.
La voix surgit de nulle part en une psalmodie monocorde.
— Enfant... Tu es revenu fort d'une expérience nouvelle. Utilise-la pour suivre le chemin qui s'ouvre à toi.
Jelle retient une grimace désabusée. Toute cette installation complexe pour un « simple » rite de passage à l'âge adulte. Cela avait du sens, autrefois. Aujourd'hui, cela lui semble ridicule.
La lumière s'intensifie. Les pierres résonnent à l'infini.
— Vous construisez l'avenir. Allez !
Flash.
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