Il est impuissant.

Tandis qu'il se tord le cou pour essayer de garder l'entièreté du corps du monstre dans son champ de vision, Tadashi rage autant qu'il tremble. Bien sûr il a peur, mais ce n'est rien à côté du sentiment submergeant, inéluctable, de ne disposer d'aucun moyen d'influer le cours des événements.
Il inspire. Dick lui a dit d'esquiver, pas d'attaquer, et à présent qu'il est face au danger la raison le dispute à la frustration. Si seulement...

« Trois minutes ! » Il sursaute presque. Trois minutes, ce n'est presque rien. Il recule, se déplace en crabe. Surtout ne lui tourne pas le dos, se répète-t-il. Trois minutes. Et il est impuissant.

Plus loin Dick protège vaillamment Lydia de son corps, et Tadashi l'admire et le jalouse en même temps. Lui aussi il peut être brave, se dit-il. Mais comment ?

Le dragon balance la tête de gauche à droite. Il s'intéresse davantage à Dick qu'à lui, remarque Tadashi. Il ne sait pas trop s'il doit s'en réjouir ou s'en agacer.

Il observe. À une dizaine de pas de lui à peine, une épée est fichée dans un bloc de pierre grossièrement taillé. Qu'il la récupère et il aura une chance de victoire, il en est convaincu. Il lui faut juste être rapide. Et agile.
Il bande ses muscles. Il lui faut juste choisir le bon moment.

Inspiration, expiration... Le dragon ne s'intéresse pas à lui.

— Tadashi ! crie Dick. Tadashi, ne fais pas de conneries !

Le dragon s'intéresse à Dick. Et Dick va avoir besoin d'aide, c'est évident.
Souffle retenu. Il faut juste choisir le bon moment.

Détonation.
Tadashi reconnaîtrait ce bruit entre mille. Un cosmodragon. Le capitaine ?

Touché à la tempe, le monstre se rejette en arrière avec un rugissement de douleur, exposant ses flancs. Exposant son ventre.

Le bon moment.

Tadashi s'élance.

Ne réfléchis pas. Cours.

L'épée est lourde et il a besoin de ses deux mains pour la soulever.

Cours.

Le dragon grogne et hurle et se tortille et griffe le sol de ses pattes. Sa gueule ensanglantée claque dans le vide. Un cratère de chair fumante a remplacé son œil.

Cours.

Dick crie. Lydia crie.

Cours plus vite !

L'épée racle le sol dans un crissement de métal. La poitrine du dragon est cuirassée d'écailles, tout comme le reste de son corps, mais là, à la jointure de sa patte avant, à la base de son cou reptilien, se détache un triangle de peau nue et fripée.

Tadashi fait balancier, se sert du poids de l'arme pour augmenter son élan, vise du mieux qu'il peut... « Deux minutes ! » Pfeuh. C'est plus qu'il n'en faut.

Il pèse de tout son poids.

L'épée s'enfonce jusqu'à la garde.