Aux Murs, l'heure est à l'émeute. Le service d'ordre lutte pour contenir la foule, qui malgré les coups de matraques électriques gronde et presse comme un autocuiseur sur le point d'exploser. Des bagarres éclatent entre spectateurs surchauffés. Le vacarme aux abords de l'arène est insoutenable. La rumeur est à peine atténuée par les vitres épaisses de la mezzanine dans laquelle Dick et Tadashi ont été jetés.

— Putain mais vous êtes qui ? leur aboie-t-on. Et d'où est-ce que vous sortez ?

La pièce est meublée chichement, mais de manière à indiquer sans le moindre doute la hiérarchie en vigueur. Un bureau de bois massif, derrière lequel un homme sec en complet de haute couture les considère d'un regard perçant. Une walkyrie et un gorille, de part et d'autre de la porte. Et Dandy, qui fait les cent pas autour d'eux tel un ragondin hystérique. Le boss, ses gardes du corps, et le second couteau qui se démène pour garder les faveurs du chef.

Dick se tend. Il va falloir jouer serré. Mentionner l'Arcadia peut-il lui apporter un avantage ? réfléchit-il. Non, pas tout de suite. Conservons cet atout pour plus tard.

— Moi je venais juste parier, lâche-t-il. Je fréquente pas mal les arènes mais je dois dire que j'ai plutôt l'habitude de la boxe ou de la lutte libre. C'est quoi, cette bestiole ?

Dandy lève la main pour le frapper. Son boss le stoppe d'un simple « hum ». Le rabatteur recule, la bouche tiraillée d'un tic nerveux.

— Ici c'est moi qui pose les questions, susurre le boss.

Du coin de l'œil, Dick voit Tadashi se raidir sur ses appuis. Le gosse a les nerfs solides et du courage juvénile imbécile à revendre, constate-t-il avec une fierté toute paternelle. Pas sûr que cela leur suffise pour se tirer d'affaire, cependant. À deux contre quatre (surtout vu les gabarits de Walkyrie et Gorille), les pronostics sont loin de pencher de leur côté.

Le boss continue de les scruter avec insistance. Dick se sent... disséqué. Sa gorge se serre lorsque Tadashi subit le même sort et que le mafieux conclut son examen par un léger sourire.

— Les interruptions comme celle-ci sont rares, de nos jours, poursuit le boss du même ton doucereux. Je n'en ai jamais été témoin, mais j'ai souvenir d'histoires qui m'ont été racontées... Rappelez-moi dans quel hôtel vous êtes descendus ?

Il sait, comprend Dick. L'Arcadia n'était pas sous bouclier de camouflage lorsqu'ils ont atterri, ils se sont posés à proximité du temple, le temple et l'arène de combat sont liés...

— Ça ne vous regarde pas, répond-il.
— Bien sûr, bien sûr...

Les yeux du boss sont deux fentes étroites. Son sourire suinte de venin.

— Nous allons annoncer une Épreuve Majeure, siffle-t-il sans quitter Tadashi du regard. La première depuis des décennies.

Il dévoile ses dents. Dick s'attend presque à y voir des crocs.

— Un jour faste pour nous, ajoute-t-il. Et pour vous... peut-être aussi.

Il se tourne vers ses sbires. Toute trace d'amusement a disparu de son visage.

— En attendant, gardez-les-moi au frais !