— Faut demander aux gens.

Lydia a des idées bien arrêtées. Juchée sur le fauteuil en attente de remontage, elle pointe son index sur lui comme un dresseur sur un chiot récalcitrant. Harlock n'aime pas du tout.

— Si c'est pour qu'ils me re-punissent, c'est non, s'agace-t-il. Je vais pas rester enfermé à attendre qu'ils ne trouvent rien !

Elle rit. Il se renfrogne. Que sait-elle de plus que lui ?

— J'parle pas de l'équipage, capitaine !... Faut aller voir les gens, en ville ! Tu fais toujours ça sur les autres planètes quand tu as besoin de quelque chose, tu as oublié ?

Harlock recule d'un pas. Il n'a pas oublié. Il a... Il est... Il secoue la tête. Il n'a pas oublié.

— Je ne peux pas interroger les gens au hasard, rétorque-t-il. Ce serait trop long. Et j'ai pas le temps.
— Grand-Père dit toujours « le capitaine est parti chercher des infos dans un bar louche, si ça se passe mal je vais encore devoir le ramasser à la petite cuillère ». Et après il dit souvent « nom d'une loutre » quand il apprend que tu as fait des bêtises.

La fillette pose l'index sur ses lèvres avec une moue concentrée.

— Du coup je pense qu'il faut aller dans un bar louche.

Harlock cille. Le pire c'est qu'elle a raison. On trouve les infos auprès des indics, et les indics dans les bars louches. Pourquoi Lydia a-t-elle été obligée de le lui rappeler ?

— ... et ça doit être facile à trouver un bar louche, non ? conclut-elle.

Elle termine avec un sourire resplendissant auquel il répond d'un rictus crispé. Oui un bar louche c'est facile à trouver. Il suffit de se diriger vers des quartiers périphériques moins bien entretenus, de traîner dans des ruelles plus sombres, de pénétrer dans des bâtiments plus délabrés. C'est facile et cela nécessite d'autres connaissances, qui filent entre ses doigts tels les grains d'un sablier.
Il serre le poing, comme s'il pouvait par ce geste retenir le temps.

— On va prendre un graviscoot, décide-t-il.

Lydia le suit jusqu'au hangar.

Ils slaloment entre les jets, se faufilent derrière un glisseur, atteignent enfin une rangée de quatre graviscoots parqués dans leurs racks. Harlock s'arc-boute pour libérer un engin de son plot de chargement. Les adultes sont occupés ailleurs. Tant mieux.

— T'es pas obligée de venir si t'as pas envie d'être punie, dit-il à Lydia.
— Je veux t'aider ! rétorque-t-elle.

Il hausse les épaules. Okay.

Personne ne les remarque tandis qu'il pousse le graviscoot à l'extérieur du vaisseau.

— Tu sais le conduire, hein ?

Oui. Son oncle l'a privé de sortie pour cette raison pas plus tard que... que... Il y a deux jours. Quand il a testé la machine de son cousin autour du quartier. Il y a deux jours je me suis posé dans cette vallée avec l'Arcadia.

Il se hisse sur la selle, aide Lydia à s'installer derrière lui, met les gaz. La ville est là-bas, à l'autre bout de la vallée. Lydia se cramponne aux pans de son blouson.

— Faut juste faire attention à ce que ça ne se passe pas mal ! lui crie-t-elle par-dessus le bruit du vent. J'ai pas pris de cuillère pour te ramasser !