19 - Zero

Le glisseur s'immobilise dans un crissement de freins au pied des marches qui mènent au temple. Zero scrute les environs : cette ombre derrière ce muret, là-haut, entraperçue une fraction de seconde, n'est-ce pas Lydia ?
Au sommet de l'escalier, à l'extrémité du large balcon surplombant la vallée, le médecin ramasse un sac à dos orné d'une tête de licorne.

— Si jamais il est arrivé quoi que ce soit... répète-t-il entre ses dents serrées.

Une volée de marches plus bas, Tochiro garde le nez collé à sa tablette polyfonctions.

— Je ne détecte pas d'anomalie énergétique et pas de traces résiduelles, doc. Ni aucune source active. S'il y a une IA dans les parages, elle est éteinte pour le moment.

Ce n'est pas de nature à rassurer Zero.
Des graviers roulent sur la pente, une pierre dévale le versant abrupt avec des « tac-tac » qui claquent comme des coups de fusil. Il sursaute.

— Grand-Père ! Tu viens pour nous aider ?

Lydia surgit soudain sur le perron et se jette dans ses bras, rayonnante.

— J'ai monté la garde ! annonce-t-elle toute fière. Je t'ai vu arriver de loin !

Zero l'examine, l'air sévère. Elle lui sourit. Est-elle consciente des risques qu'elle a pris ? Probablement pas. A-t-elle vraiment pris des risques ? Inutile de tenter le diable.

— On rentre sur l'Arcadia, ma puce. C'est trop dangereux, ici.

La petite fille fait la moue, puis son visage s'éclaire tandis qu'elle fixe un point derrière Zero.

— J'ai pas eu peur, le capitaine était là pour me protéger !

Le médecin se retourne posément. Le capitaine, hein...

— Le capitaine ferait bien de se souvenir qu'il est loin d'être aussi fort que d'habitude, rétorque-t-il.

Lorsqu'il croise le regard d'Harlock, il constate que 1) contrairement à Lydia, lui est parfaitement conscient des risques qu'il a pris, et 2) il n'en a rien, mais alors absolument rien à battre.
Zero étrécit les paupières. Il y a de la rébellion ouverte dans l'attitude d'Harlock, une arrogance de gamin bien décidé à n'écouter aucun des conseils qui lui seront donnés – un trait de caractère typique du capitaine, évidemment, qui n'en a toujours fait qu'à sa tête, mais... exacerbé.

— On rentre maintenant, répète-t-il.

Harlock se raidit, son expression se ferme. Ses yeux ne quittent pas le médecin et l'auraient sûrement étendu raide mort s'ils en avaient été capables.

— Vous n'avez qu'à y aller. Moi j'ai encore...
Maintenant, capitaine. Et tout le monde.

Cause toujours, disent les yeux d'Harlock. Zero ne s'en laisse pas conter. Il y a une différence entre une obstination adulte et un caprice de gamin, et ceci est un caprice. Et même si Lydia est autrement plus facile à vivre, il a l'expérience de la situation.
À un moment il faut faire preuve d'autorité parentale.

— Non, assène-t-il. On rentre.

Il saisit le poignet d'Harlock d'un mouvement vif, pousse Lydia devant lui, fait signe à Tochiro et reprend le chemin du glisseur. Harlock gigote sans parvenir à dégager sa main, renâcle, se tortille. La descente de l'escalier est une lutte implacable.

— Lâche-moi ! se plaint Harlock. Tu m'fais mal !

Zero pince les lèvres.

— Je veux bien comprendre que tu aies des circonstances atténuantes, mon garçon, mais en l'occurrence soit tu me suis sans faire d'histoires, soit je te colle une torgnole et je te porte jusqu'au glisseur. C'est clair ?

Silence. Affrontement muet. La posture d'Harlock oscille entre « vous n'oseriez pas » et « vas-y frappe, j'en ai vu d'autres ». Zero ne cède pas, ni ne relâche sa prise.

— C'est clair ? répète-t-il.

Harlock ne baisse pas les yeux. S'il était ainsi dans sa jeunesse, ça a dû être l'enfer pour qui l'a élevé, songe Zero. Il compte mentalement jusqu'à trois. Désolé capitaine, mais on ne va pas non plus y passer la nuit.

Lorsqu'il empoigne le garçon par la taille et le cale sous son bras comme un paquet de linge sale, il constate toutefois une résistance plus molle que ce à quoi il s'était attendu – comme si l'enfant n'osait finalement pas le bourrer de coups de poings et de pieds. Peut-être l'adulte là-dessous s'est-il aperçu de l'inanité de sa réaction. Ou peut-être est-ce le calme avant la tempête.

Le retour vers l'Arcadia est lourd de bouderie renfrognée et, Zero en est persuadé, de colère infantile rentrée. Aussi décide-t-il de ne prendre aucun risque.

— Puisque vous ne pouvez pas vous empêcher de faire des conneries, je vous consigne dans votre chambre, capitaine.

Porte verrouillée de l'extérieur. Manuellement. En espérant que cette petite vipère ne se faufile pas dans les conduits d'aération, ce dont il est – hélas – tout à fait capable.

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