XXVI.



           Le regard meurtrier de Neven tuait petit à petit son voisin, qui était assis juste en face de lui, le regard baissé sur son plat de frites. Ariel n'avait pas bronché de la soirée, ne relevant pas une seule fois le regard vers le bouclé. Anna et Marion étaient trop concentrées sur les préparations de leur voyage pour y faire attention.

À bout, le plus jeune se leva d'un bond, faisant tourner toutes les têtes vers lui, même celle d'Ari.

— Viens, Ariel, on va aux toilettes, lança Neven, d'un ton sec.

Il vit les yeux de son vis-à-vis s'agrandir, mais celui-ci obtempéra et le suivit docilement jusqu'aux toilettes, le pas traînant.

Neven entra avec Ariel et attendit que la seule autre personne présente dans la pièce finisse de se laver les mains et partir, pour s'approcher de son voisin en fronçant les sourcils. Il lui empoigna le col de sa belle chemise noire et ancra ses yeux clairs dans les siens, sombres.

— Tu te fous de ma gueule, Ariel ?

Il vit son visage exprimer de l'incompréhension, mais Ari ne dit rien, se contentant de l'écouter. Le galeriste était vraiment étrange, depuis le début du repas. Normalement, il était bien plus expressif et parlait souvent pour ne rien dire, tandis que là, il était en retrait. Était-ce à cause du baiser ? Neven souffla, las, et lâcha le plus vieux en s'écartant de lui.

— Tu me devais dix sorties, t'as rompu ta promesse.

— Je... Je croyais que ça ne tenait plus, avoua Ariel, son regard baissé au sol.

— Et pourquoi ça ne tiendrait plus ? Parce qu'on s'est embrassés ?

Ariel planta, cette fois, son regard dans le sien en plissant les yeux.

— " On " ? répéta-t-il. Je t'ai embrassé ! s'exclama soudainement Ariel, qui semblait s'être réveillé à l'instant.

Le bouclé ne comprit pas son agressivité qui sortait de nulle part. Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Ariel fit un pas vers lui, soutenant son regard.

— Je t'ai embrassé, dit-il, comme un écho. Et tu m'as repoussé.

— Qu'est-ce que tu racontes ? lâcha Neven, ennuyé par son comportement. J'y ai répondu, c'est juste toi qui m'a...

" C'est toi qui m'a touché ", voilà ce qu'il s'était apprêté à dire. Mais lui révéler une telle chose n'était pas sans conséquence. Marion n'était même pas au courant de ce qu'il s'était passé dans sa vie pour le changer ainsi. Enfin, elle en avait une vague idée, mais elle ne connaissait pas tout. Alors, en parler avec son voisin, qu'il ne connaissait que depuis quelques mois, c'était clairement hors de question.

— Je ne comprends rien. Je ne te comprends vraiment pas, lança Ariel. De toute manière, c'était une erreur de ma part, je ne sais pas ce qu'il m'a pris, tu as bien fait de me repousser. Et c'est pigé, notre promesse tient toujours, ajouta-t-il, avant de se précipiter vers la porte et de sortir des toilettes.

Neven ne le comprenait pas non plus, qu'est-ce qu'il était changeant ! Un moment, il le touchait et l'embrassait, puis, l'autre, il le repoussait et était distant. Imbécile de voisin.

Il se regarda dans le miroir et remit correctement quelques boucles rebelles, tira sur son t-shirt et prit le chemin de la sortie lui aussi. Il regagna sa place à leur table, Ariel était de nouveau silencieux, mais, cette fois, il avait les yeux rivés sur les deux femmes qui les accompagnaient. Elles papotaient toujours et Neven se demandait bien comment elles étaient capables de tenir une conversation aussi longue, sans jamais aucun blanc. C'était impressionnant.

Le bouclé mit son coude sur la table et posa son menton sur sa paume. Il s'ennuyait ferme et savait que son voisin était dans le même état. Ses yeux se posèrent sur son visage et, pour une énième fois, il l'observa. Il fut comme attiré par sa bouche, qui s'était déjà posée sur la sienne avec une infinie douceur. C'était complètement paradoxal avec son style de bad boy, il paraissait comme ce mec un peu brut dans ses gestes, qui aimait être sauvage et, pourtant, son baiser lui avait prouvé le contraire.

Il frissonna en se disant qu'il avait envie de tester de nouveau, juste pour savoir si son voisin était toujours tendre et doux ou si c'était juste la timidité qui le poussait à agir de manière édulcorée.

Après quelques minutes, sa tête lui fit rappeler qu'il était dans un endroit bondé, où sévissait un brouhaha incessant. Il prit son visage entre ses mains, ressentant les premières douleurs.

— On devrait rentrer, il se fait tard, annonça Ariel.

Quand Neven releva les yeux, il tomba directement dans ceux du brun. Avait-il prononcé cette phrase pour lui ? C'était sûrement sa manière de se rattraper. Il l'en remercia d'un hochement de tête et les deux couples décidèrent de quitter le restaurant d'un commun accord.

     Une fois de retour, le bouclé retira t-shirt, chaussures et jean, à peine rentré, et se brossa les dents, prêt à aller s'emmitoufler dans les couvertures pour une bonne nuit de sommeil, même s'il avait dormi pratiquement toute la journée. Ses crises le faisaient toujours tomber de fatigue. Marion vint se mettre derrière lui, entoura ses bras autour de son torse et posa sa tête contre son dos. Son instinct le poussait à s'en échapper, mais il commençait à être habituer, avec sa petite-amie, alors il se força à garder contenance et à se persuader qu'elle n'était pas eux.

— C'était cool, cette petite soirée. J'ai vraiment hâte de partir avec Anna, ça promet d'être génial.

Neven la sentait sourire contre lui et ne répondit rien. Il était content pour elle, Marion méritait des vacances pour s'amuser et se détendre, loin de lui et tous ses problèmes.

— Dis... Vous vous êtes dit quoi, avec Ari, dans les toilettes ? demanda-t-elle, curieuse.

L'informaticien recracha le dentifrice et se rinça la bouche, avant de prendre les mains de Marion pour les détacher de son corps et de s'en éloigner.

— Un truc personnel, sinon je l'aurais dit devant vous.

Sa compagne fit une moue boudeuse.

— Tu ne peux vraiment rien me dire ? minauda-t-elle.

Neven déposa un léger baiser sur son front.

— Bonne nuit, Marion.

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