XXII.

— Nous allons poursuivre ce que nous avions débuté la dernière fois que l'on s'est vus. Je vous en prie, reprenez.

Neven tenta de se souvenir de ce qu'il avait raconté lors du premier rendez-vous. Il s'était confié à propos de son enfance, de ses parents, qui l'avaient surprotégé au point de lui interdire d'avoir des amis, car était trop dangereux. Il se rappelait également avoir mentionné le fait qu'il ne pouvait pas avoir de petite-amie, sa mère avait peur des répercutions émotionnelles que cela pouvait engendrer sur lui. En bref, il avait été enfermé dans une prison dorée pendant toute son enfance. Mais, à l'adolescence, il s'était rebellé. Il avait pris les devants et s'était détaché de ses géniteurs un peu trop collants. Sa vie d'adolescent avait donc débuté avec de l'alcool à flot et quelques drogues, comme les joints, les cigarettes, de temps en temps, et un peu de drogues dures.

— Est-ce que vous vous êtes fait des amis, durant cette période ? questionna la psychologue, son petit carnet dans les mains.

Le bouclé réfléchit. Il avait en tête un certain Nolan, assez petit, blond vénitien et aux yeux incroyablement bleus.

— Juste une connaissance, mais pas vraiment un ami. C'est lui qui m'a fait entrer dans des soirées, c'est lui qui m'a filé ma première cuite, mon premier joint, aussi.

— Êtes-vous encore en contact ?

Neven secoua doucement la tête, pour lui faire comprendre qu'ils ne se voyaient plus à l'heure actuelle.

— Et que lui diriez-vous si vous le revoyiez ?

— Je ne lui dirais rien. En revanche, je lui mettrai mon poing dans la figure, répondit le brun en serrant ses dents.

Le bouclé entendit le crayon griffonner la feuille à la suite de sa phrase.

— Pourriez-vous m'expliquer pourquoi ? reprit-elle.

Neven remua sur le siège, mal à l'aise. Si elle cherchait à le faire réagir, elle avait trouvé comment s'y prendre. Il n'avait certainement pas envie de parler de cette pourriture qui l'avait abandonné ce jour-là. Il était à deux doigts de se lever pour prendre la fuite, quand la vieille femme prit les devants en lui disant que ce n'était pas grave s'il ne parlait pas, qu'il le ferait une autre fois. Il se radoucit.

Elle lui demanda, ensuite, ce dont il avait envie de discuter. Une chose qui lui " faisait du bien, qui montrait du progrès " dans son comportement. Presque instantanément, l'image de son voisin lui vint en tête.

— Je...

Il ne savait pas comment expliquer ça. Avait-il rencontré une personne ? Parlait-il bien à son voisin ? Neven se demandait qu'elle était la meilleure phrase pour l'introduire.

— Il y a ce garçon qui vit dans la maison d'à côté, lâcha-t-il, finalement.

Cela lui paraissait plus approprié. Ariel et lui n'étaient pas amis, ils ne s'étaient pas " rencontrés " pour le devenir et ils ne tendaient pas à l'être non plus. Ils passaient juste quelques instants ensemble, c'était son quota de sociabilité chaque jour, rien de plus.

— Parlez-moi-en.

Que pouvait-il bien dire à son sujet ? Il s'appelait Ariel, pour commencer.

— Il s'appelle Ariel.

Quoi d'autre ? Il a un corps de fou, musclé à la perfection.

— Il fait de la musculation.

C'est un pot-de-colle. Toujours à venir le voir, à vouloir l'aider, à insister pour le connaître.

— Il a vingt-cinq ans, mais bientôt vingt-six. Il est galeriste, plus précisément sous-directeur, car c'est son meilleur ami qui est directeur.

Le grand brun ne savait pas beaucoup de choses sur lui.

— Il aime les chats, mais il n'y en a pas chez lui. Il aime aussi les bergers allemands, les peluches et les pandas. Il joue à la play et il se mord la langue quand son personnage est en danger, mais aussi...

Neven se stoppa en écarquillant les yeux. Comment avait-il retenu tout ça ? Il se tourna vers la psy, qui affichait un petit sourire en écrivant toujours, sans le regarder. Quand elle s'aperçut que son patient avait les yeux posés sur elle, elle reprit aussitôt un air sérieux et leva le menton.

— Je peux savoir pourquoi vous souriez ? demanda Neven, sur la défensive.

— Excusez-moi, c'est juste que cette rencontre est une aubaine pour vous. Je veux dire, vous n'avez jamais autant parlé de vous-même jusqu'à présent. C'est bon signe.

Le bouclé se leva d'un bond et prit la porte sans même dire au revoir. La psy devait avoir l'habitude, en quelques séances, il se tirait sans un mot à chaque fois. Elle l'énervait dès qu'elle donnait son avis. Neven savait qu'il avait juste du mal à accepter la vérité, mais là, ça le mettait en furie de savoir qu'Ariel était un " bon signe " pour lui. Et puis quoi, encore ? Elle va leur demander de se marier pour son bien ? N'importe quoi.

Il entra dans sa voiture et claqua violemment la portière. Le bouclé posa sa tête sur le guidon, dépité. Il fit ses exercices de respiration : inspirer par le nez, expirer par la bouche. Il répéta ce geste plusieurs fois, mais il sentit son corps trembler.

Merde, merde, merde !

Il essayait de se raisonner, de se dire que tout allait bien, qu'il était dans sa voiture, que rien ne pouvait lui arriver, mais les spasmes s'intensifièrent. Les nausées et le mal de ventre apparurent en même temps. La panique le gagna et il récupéra difficilement son téléphone dans l'arrière poche de son jean. Il tenta de se contrôler pour appeler Marion, sa main tremblait bien trop pour qu'il soit précis. Son autre main ouvrit la portière de sa voiture et il mit les deux pieds en dehors de celle-ci, sur le béton du parking sous-terrain. Le téléphone à l'oreille, il entendit la douce voix de sa compagne décrocher.

" Marion... Viens... Viens me chercher, réussit-il à dire.

— Tu es chez la psy ?

— Parking...

— J'arrive mon cœur, ne bouge pas, je suis là dans quelques minutes, d'accord ? "

Mais Neven n'arrivait déjà plus à lui répondre. Marion essayait d'être calme et paisible pour l'apaiser, mais il sentait bien qu'elle paniquait encore plus que lui.

Il était souvent agacé par Marion, il lui reprochait toujours des choses, il l'ignorait même la plupart du temps, mais il savait qu'elle était la seule à pouvoir le calmer, qu'elle était toujours là pour lui. C'était une fille en or, une petite perle qui prenait soin de lui chaque jour, sans relâche, là où n'importe qui se serait enfuit dès le deuxième jour. Il se rendait compte de la chance qu'il avait de l'avoir à ses côtés.

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