Partie I - Théodore

J'ai toujours rêvé d'avoir des pouvoirs. Tout le monde au collège m'appelle ''le lapin'' parce qu'ils trouvent que j'ai de grandes dents. Si j'avais droit à un vœu, c'est ce que je ferais en premier. Corriger mes trop grandes dents qui dépassent un peu de ma bouche.

Le deuxième vœu que j'exaucerais, ce serait faire en sorte que mes parents me comprennent sans que je ne leur dise quelque chose.

« Ta journée s'est bien passée, mon chéri ? »

Non, bien sûr. Mais jamais je ne vous le dirais.

Et puis enfin, en troisième, corriger ma vue. Oui, car je suis un lapin bigleux.

En plus, je suis le modèle-type de l'enfant parfait : fils unique, obéissant, bon à l'école...

Encore une bonne raison de se moquer de moi pour ces imbéciles.

J'habite au cœur de Lyon, à la Croix-Rousse. J'aime mon quartier, autant que le petit appartement à haut plafond de mes parents dans lequel nous habitons. Je vais au collège le plus proche de chez moi, à 10 minutes de trajet environ.

Driiing !

Fin du cours de maths. Fin de la journée. Pas trop tôt.

Je rentre chez moi. J'ai l'impression d'être suivi. Je regarde derrière moi, discrètement, dans la vitrine d'un magasin. La bande de Hugo me suit en ricanant. Oh non. Je viens d'arriver au fameux feu rouge qui est près de chez moi et réputé pour sa longueur légendaire. Je suis obligé de m'arrêter, et j'entends Hugo qui s'approche à pas pesants...

« Alors, le Lapin bigleux, on m'attend pas ? »

Ouh là. Le « Lapin bigleux ». Hugo doit vraiment avoir eu une sale note en maths. La fin est proche pour moi.

« Feu vert, feu vert, feu vert ! » je pense très fort.

Soudain l'impossible se produisit. Le feu passa au vert deux ou trois secondes, juste le temps moi de passer en courant. C'est bizarre, mais pas le temps de me poser des questions. Je cours jusque chez moi sans me retourner.

Une chose à savoir sur Hugo, c'est que depuis qu'il a failli se faire renverser par une voiture à 5 ans, il traverse TOUJOURS au feu vert, alors plus de risques pour moi.

Je n'en peux plus. Tous les soirs c'est pareil, ou presque. Ces imbéciles me suivent à la sortie, ils se croient malins, oh, oui !

Le pire, c'est que j'ai l'impression que même les profs s'acharnent sur moi. Tenez : en cours de maths, la dernière fois, on se faisait passer des mots en classe avec Ben.

Ben, c'est mon meilleur ami, mon seul ami aussi, mais je l'adore. Nous ne nous fâchons jamais, on est toujours complices. En cours de maths, même si on est voisins – comme dans la plupart des matières d'ailleurs, enfin à chaque fois qu'on peut choisir nos places –, on ne parle pas. M. Kalis, pire prof de maths de son état, ne veut qu'on parle sous aucun prétexte, sous peine de deux heures de colle. C'est pour cette raison qu'il nous laisse choisir nos places, car de toute façon, de la sixième à la troisième, en passant par les cinquièmes et les quatrièmes, son cours se passe sans le moindre bruit.

Revenons-en au fait. Donc, en cours de maths, on se faisait passer des mots en classe avec Ben. Sur ce le prof nous voit et nous prend le mot, comme presque à chaque cours – avec le temps il ne nous dit plus rien. Sauf que j'ai remarqué qu'il ne lit à toute la classe que les mots un minimum humiliants pour moi.

À la cantine, je mange avec mon livre pour seule compagnie chaque midi – Ben ne mange jamais à la cantine, il dit qu'il n'y a pas assez de beignets.

Encore une chose bizarre : lundi dernier, j'avais prévenu mes parents que je resterais jouer chez Ben et qu'à 18h je serais à la maison. Ayant oublié l'heure, je suis parti de chez lui en catastrophe à moins cinq, alors que j'habite a un quart d'heure de chez lui. Chose étrange, sur le chemin du retour je n'ai croisé aucun feu rouge : alors que d'habitude il y en a cinq ou six, ce jour-là je n'ai vu que des feux verts.

Mais bon, je ne vais pas m'en plaindre non plus...

La seule prof qui est compatissante avec moi, c'est la prof de SVT, Mme Akramiv. Après, ça doit être normal : elle a une coiffure vraiment bizarre, on dû souvent se moquer d'elle, et elle a aussi un nom de famille bizarre. Moi, je l'aime bien. Elle est très sympa avec moi, par exemple en heure de colle, quand le prof qui m'a collé en a marre, elle se propose toujours pour le remplacer, et elle me parle. Elle me dit souvent que je devrais parler avec la CPE, mais je refuse et elle n'insiste pas. Oui, au fait, si je suis collé c'est parce que Hugo fait n'importe quoi en cours et que quand le prof se retourne, il lui dit que c'est moi. Ça marche avec tous les profs, sauf Mme Akramiv bien sûr.

C'est bizarre à dire, mais je crois que j'aime mieux la prof de SVT que mes parents. Mes parents critiquent tout ce que je fais, disent que je ne prends jamais les bonnes décisions...alors que la prof de SVT ne me juge jamais.

J'aimais mieux la primaire, je crois. On s'intéressait à moi, on s'occupait de moi...

Quand je suis arrivée au collège, ça m'a fait un choc : je ne connaissait personne. Enfin sauf Hugo, mais Hugo ça ne compte pas. Une des principales choses que je ne comprends pas, c'est que en primaire, avoir des bonnes notes fait de toi un être respecté, alors qu'au collège, avoir des bonnes notes fait de toi un « intello » (ça sonne comme une insulte). Dans ma classe, les seules personnes qui ne se moquent pas de moi sont :

-Ben (c'est normal, je dirais)

-Lisa, une fille qui adore le rose, les licornes...et qui tient un carnet comme moi, sauf qu'elle appelle ça son journal intime et qu'elle le trimballe de partout en le serrant dans ses bras.

-Anne-Lise, une fille super bizarre. Tous les jours, après les cours, une espèce de limousine noire vient la chercher et tous les matins la même voiture l'amène devant le collège. Ben dit que c'est parce que c'est une star de cinéma en train de percer et que ses parents sont de riches dirigeants. Il pense qu'elle habite dans un hôtel à Paris et qu'elle ne voit ses parents qu'une fois par mois environ. Moi, je pense surtout que Ben a flashé sur elle...

« Théodore ! A table !

-Oui maman, j'arrive ! »

Ouille. Ça va chauffer...

« Théodore, c'est quoi cette nouvelle heure de colle ? Tu nous donne du souci, tu le    sais ?

-C'est pas moi, maman. Et ça n'a jamais été moi.

Tout d'un coup, je décidai d'avouer tout ceci. Ça me ferait un vœu en moins !

-Qu'est-ce que tu racontes ? Demanda mon père.

-C'est Hugo.

-Hugo ! Ce garçon adorable! Comment oses-tu ? »

Oui, ma mère est amie avec la mère d'Hugo.

« Maman ! J'ai... j'ai une preuve.

-Une preuve ? Bien sûr...

-Ben était en train de filmer avec son téléphone.

-Quel petit voyou celui-là !

-Regarde ! »

Ben a tout filmé. On voit nettement Hugo qui me donne des coups de pieds, me vole et casse mes stylos...

« Quelle horreur ! D'accord Théodore. Mais ce n'est pas chaque fois sa faute, si ?

-Si !

-Viens, allons parler à sa mère...

-NON ! »

Oups. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Si je leur ai dit, c'était juste pour qu'ils arrêtent de me gronder ! Pas pour parler à sa mère...

Je cours m'enfermer dans ma chambre.


J'ai bien dormi, moi ! J'ai fait un rêve ou j'ai tout expliqué à mes parents et...

« Théodore ! Tu es réveillé ? Viens voir !

- Mggggggggn

- J'ai envoyé un message à la maman d'Hugo et...

- QUOIII ?

- Non mais calme toi ! On se voit demain soir avec les enfants pour s'expliquer, vous pourrez repartir sur de bonnes bases... »

Gé-ni-al. Vraiment super. J'espère ne pas trop souffrir aujourd'hui...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top