8 février 2017 - Romain

Éline avait peur que le délai soit beaucoup trop court pour que les gens que nous avions invités à notre mariage puissent s'organiser mais à notre grande surprise, tous ont répondu présent.

Ma compagne avait appelé son père deux jours après avoir annoncé notre décision à sa mère.

La conversation avait été assez brève. Au début, Éline avait échangé quelques nouvelles avec Daniel Castellan puis, juste avant de l'informer de notre prochaine union, elle avait souhaité mettre le haut-parleur.

J'avais alors réalisé à ce moment-là qu'il n'était toujours pas au courant de notre relation.

Evidemment, ça lui a fait un choc et...il a très mal pris les révélations de ma fiancée.

Les délais entre notre première rencontre, nos fiançailles et la date que nous avions choisie pour nous marier lui semblaient totalement invraisemblables et pendant plusieurs minutes Daniel Castellan avait essayé de faire fléchir sa fille, la traitant même d'irresponsable et d'inconsciente

D'une voix ferme, Éline lui avait signifié que s'il n'était pas d'accord avec son choix, elle en prenait acte mais que dans ce cas, il était hors de question qu'il se pointe le jour de la cérémonie.

Son père avait grommelé qu'il ne voulait pas rater le mariage de sa cadette et il avait raccroché en lui indiquant qu'il lui confirmerait l'heure d'arrivée de son vol à Zaventem la veille du mariage.

En effet, il avait plusieurs rendez-vous très importants pour finaliser les ventes de quatre propriétés prestigieuses et il ne voulait pas prendre le risque de perdre ses précieuses commissions.

Lorsqu'Éline avait déposé son smartphone, je n'avais pas pu me retenir de dire tout haut ce que je pensais de son paternel. Elle m'avait donné raison même si je devais reconnaître qu'à la décharge de Daniel Castellan, apprendre que sa fille va se marier quatre semaines avant la date fixée sans même savoir qu'elle était en couple, à sa place, je l'aurai eue mauvaise.

Mais comme ma compagne me l'avait répété à plusieurs reprises, il avait coupé tous les ponts avec elle depuis le divorce, et il ne se préoccupait plus d'elle.

Cela fait huit jours que j'ai débuté à l'ERM et j'adore ma nouvelle fonction. J'ai eu un peu de mal à me souvenir que j'avais été promu capitaine et au début je fronçais toujours les sourcils lorsque quelqu'un s'adressait à moi et énonçait mon grade.

J'ai récupéré toutes mes capacités physiques et j'avoue que cela me plait de montrer à certains petits jeunes prétentieux qu'à presque trente ans je suis toujours capable de courir dix bornes dans un temps plus qu'honorable.

Si je n'ai aucun souci avec les deuxième et troisième années qui ont déjà appris depuis longtemps à respecter le règlement, il n'en va pas de même avec les nouvelles recrues, celles qui ont intégré la première année de cursus de l'ERM. Tous âgés entre dix-huit ans et vingt-deux ans, ils sont persuadés, pour une bonne moitié, d'être des super héros dotés d'un mental pouvant résister à toutes les épreuves possibles et imaginables. Ils prennent donc de haut, de très haut parfois pour le noyau dur de la promotion, les officiers instructeurs et depuis septembre, plusieurs d'entre eux ont déjà été exclus de l'armée tandis que d'autres ont une liste de rappels à l'ordre plus importante que tous les autres élèves de l'ERM réunis.

Dire qu'ils croyaient que j'allais être cool avec eux...

Ce matin justement je débute ma journée avec ces fortes têtes. Dans le lot, il y a trois filles. Elles au moins, sont disciplinées et je n'ai encore rien trouvé à leur dire sinon que leur endurance n'est franchement pas terrible.

D'après mes collègues cependant, elles sont très intelligentes et elles font partie des meilleurs éléments en ce qui concerne la formation théorique.
Le problème c'est qu'elles se sont engagées, selon moi, pour tenter de draguer de beaux mecs en uniforme.

Ce fantasme de l'uniforme je vous jure...

Le prof de Sociologie y a eu droit, le capitaine-commandant Kleynen qui donne cours de psychologie militaire y a eu droit...En fait tous ceux qui ont moins de trente-cinq ans sont des cibles potentielles. Et je ne parle même pas des autres élèves officiers qui ont déjà eu quelques conversations avec ces trois demoiselles.

Lorsque je me dirige vers le secrétariat pour signaler ma présence, l'une d'entre elles s'y trouve également.

Je me fais littéralement harponné à la sortie de la pièce par cette charmante personne qui se demande comment elle pourrait améliorer ses résultats en sport. A la fin de son petit discours soigneusement préparé elle conclut :

- Est-ce que vous donnez des cours particuliers Capitaine ?

Je manque de m'étrangler en entendant sa question. D'un ton sec je lui réponds par la négative et je lui suggère d'aller se préparer afin de ne pas être en retard à mon cours. Aujourd'hui, puisqu'ils ont athlétisme j'ai prévu une grosse séance de fractionné et je sais qu'à la fin de l'heure, ils seront tous crevés.

Tant pis. Ils doivent comprendre qu'une bonne condition physique peut leur sauver la vie.

C'est ce qui m'a permis de tenir en Afghanistan dans cette grotte pourrie coupée du monde.

Je grimace en songeant à cette période de ma vie que je souhaite oublier au plus vite. L'expression de mon visage alerte quelques-uns de mes élèves : le plus hardi finit par oser braver l'interdit de m'adresser la parole pendant l'exercice.

- Capitaine Dalmans ? Est-ce que tout va bien ?

- Parfaitement élève-officier Pauwels. Et vous me ferez vingt pompes à la fin du cours pour ne pas avoir respecté les consignes.

Mes élèves s'apprêtent à regagner les vestiaires pour une rapide toilette et je complète la feuille de présence que l'un d'entre eux déposera au secrétariat lorsqu'un officier s'approche de moi :

- Capitaine Dalmans, votre belle-sœur et votre fiancée sont à l'accueil et désirent vous voir le plus rapidement possible.

A l'évocation d'Éline tout mon corps se crispe. J'indique d'un ton sec aux aspirants officiers de quitter les lieux immédiatement et je suis d'un pas rapide mon collègue sans prendre la peine de me préoccuper des regards curieux que me lancent mes élèves.

Éline et Myriam se trouvent au Corps de garde et discutent avec un officier : elles ont le visage tendu et lorsqu'elles me voient elles grimacent toutes les deux.

Je me dirige automatiquement vers ma compagne et je lui prends les mains, craignant qu'elle n'ait une mauvaise nouvelle à m'annoncer.

- Myriam m'a accompagnée car j'aurais mis bien plus de temps si j'étais venue avec le tram ou le bus. Ta maman m'a appelée : elle se trouve à l'hôpital car elle a fait un malaise après avoir reçu un appel de ton père. Grégoire est en salle d'opération et Florian est en mission à Beauvechain. Comme elle savait que tu n'étais pas joignable non plus elle m'a contactée. J'ai parlé à l'infirmière qui s'occupe d'elle : tout va bien, ils vont la garder quelques jours en observation mais...cette dame m'a dit qu'il valait mieux éviter toute contrariété dans les prochaines semaines. Romain...IL m'a appelée aussi. Ton message vocal d'hier soir l'a mis hors de lui. Il m'a menacée encore une fois.

- Alors il ne me laisse pas le choix : ce soir, je t'emmène au commissariat de Woluwé et nous y déposerons une plainte pour harcèlement, menaces et...et de quoi l'obliger à nous foutre la paix pour au moins les cinquante prochaines années. Mais putain quoi, il ne peut pas nous lâcher ?

J'échange encore quelques mots avec ma compagne puis je remercie Myriam de l'avoir accompagnée jusqu'à l'école. Ma belle-sœur m'informe qu'elles vont aller rendre une petite visite à ma mère afin d'avoir de plus amples informations au sujet de sa santé et d'une éventuelle prolongation de son séjour à l'hôpital.

Lorsqu'Éline s'apprête à repartir, j'oublie que je me trouve sur mon lieu de travail : je l'enlace tendrement et je l'embrasse avec un peu trop d'ardeur au goût de ma belle-sœur qui s'éclaircit bruyamment la gorge afin de me rappeler à l'ordre.

Avec un petit sourire, je me recule légèrement puis j'attends qu'Éline et Myriam quittent le bâtiment pour me retourner et gagner la salle des profs.

Sauf que, face à moi, j'ai une nouvelle fois ..., la demoiselle qui aimerait beaucoup que je lui donne des cours particuliers.

- Un problème ?

Mon ton est glacial car je comprends qu'elle m'a vu avec ma compagne. Bon, je n'ai rien à cacher, mes collègues savent tous que je vais me marier mais être pris sur le fait par un élève, ça ne me plait pas du tout.

La jeune femme secoue la tête et elle rougit violemment.

- Pardonnez-moi Capitaine d'être arrivée à un moment inopportun mais je venais vous transmettre un message de la part du 1er Sergent-major De Greef. J'espère que vous n'avez pas de graves ennuis. Était-ce votre épouse ?

Non mais vraiment, elle en a du toupet celle-là ! Bah, puisque mademoiselle semble avoir des vues sur ma personne, autant anéantir immédiatement ses espoirs :

- Ma fiancée. Nous nous marions dans deux semaines. Ce qui me fait penser que ce sera l'Adjudant Jeuniaux qui me remplacera pendant mon absence. Et il me semble urgent de le prévenir de votre conduite qui laisse grandement à désirer.

- Je ne comprends pas ? Capitaine ?

- Oh...vous ne comprenez pas ? La drague ne fait pas partie du cursus il me semble. Je suis votre officier supérieur et vous êtes là pour devenir un soldat de l'armée belge, pas pour faire du charme à tous vos professeurs. Si vous croyez que je n'ai pas remarqué votre petit manège...Et votre demande ridicule au sujet des cours particuliers m'a particulièrement irrité. Je ne suis pas intéressé par une aventure avec l'une de mes élèves. Tâchez d'en prendre bonne note et de transmettre le message à vos amies. La prochaine fois, ce sera un rappel à l'ordre.

Je suis d'une humeur massacrante toute la journée à cause des ennuis de santé de ma mère et je ne montre aucune pitié pour les aspirants officiers qui ont sport avec moi aujourd'hui.

Avant de quitter l'établissement à la fin de mon dernier cours, je surprends dans les couloirs une conversation entre les trois filles de première année :

- Tu es certaine ? Il va vraiment se marier ?

- Oh oui ! Et la manière dont il a embrassé sa fiancée, je peux vous dire que nous n'avons aucune chance.

- Merde, pourquoi tous les mecs canons de l'ERM sont-ils déjà casés ?

Vu son caractère, il n'a pas dû apprécier de te voir le Capitaine Dalmans ?

- Il m'a menacé d'un rappel à l'ordre, il m'a dit qu'il n'était pas intéressé par une aventure avec l'une de ses élèves et que je devais vous signaler à toutes les deux également.

- Oh fait chier il nous a grillées alors ?

- En même temps, tu baves littéralement dès que tu le vois.

- Il est tellement sexy... ! Comment veux-tu que je l'ignore ?

Avant qu'elles ne puissent m'apercevoir, je détale rapidement avec, bien malgré moi, un petit sourire sur le visage : je crois bien que je vais m'amuser avec ces trois-là...


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N'ayant pas besoin de trop d'infos pour cette partie, je vous poste ce chapitre en espérant qu'il vous plaise ;-)

N'oubliez pas de voter pour ma nouvelle au concours Au féminin Michel Lafon, vous avez jusqu'au 9 janvier 2019. Elle s'intitule Dernier Voyage ( dans le thème " il n'y avait pas de train alors..." Je vous poste le lien direct en commentaire, merci pour votre soutien ! 


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