7 décembre 2016 - Éline
Je compte les heures. Mon Dieu je n'en peux plus. Ma mère a raison, Jade a raison. Je vais finir par devenir folle avec toutes ces séparations. Et au plus le temps passe, au plus je déprime. Ou alors je suis de très mauvaise humeur.
Avec mes élèves, j'arrive encore à me contrôler mais certains jours, je n'ai pas envie de donner cours. Parce que sans Romain à mes côtés je me sens incomplète.
Je crois que sans lui, après les attentats, je serais très vite tombée dans la dépression. C'est lui qui m'a forcé à me bouger, à sortir, à passer du temps avec mes amies. S'il n'avait pas été la derrière moi, je ne sais pas comment j'aurais évolué.
Je me demande toujours comment j'ai fait pour aller le rejoindre à Bruxelles la première fois. Rien que l'idée de me retrouver dans cet aéroport ravagé par les bombes m'avait fait vomir à plusieurs reprises les deux jours qui avaient précédé mon départ.
Avant de quitter mon appart, je regarde une nouvelle fois le fond d'écran de mon smartphone avant de mettre mon téléphone dans la poche de mon manteau.
Je n'ai jamais été amoureuse comme ça, comme je le suis maintenant de Romain. Au plus je passe du temps avec lui, au plus je me rends compte de tout ce qui manquait dans ma vie. J'imagine mon futur avec lui, je me projette dans l'avenir, ce que je ne faisais pas avec mes ex. Romain m'a montré réellement ce que cela signifiait être deux.
J'ai toujours cru que des sentiments de cette intensité, on ne les trouvait que dans les livres, dans ces bouquins que l'on appelle romans à l'eau de rose.
Pourtant je vis très mal mes séparations d'avec Romain. A chaque fois c'est un véritable déchirement. Jade m'a même dit qu'elle me trouvait terne, fade, sans énergie, sans envie. Et elle a raison.
Sans Romain, je ne vis plus vraiment. Je suis perdue. C'est dingue quand même.
Lorsque j'arrive à l'école, je tente de me composer une tête acceptable. Je salue avec un sourire la secrétaire puis je me rends dans le local réservé aux professeurs.
J'arrive toujours vers 8h sur place car cela me permet d'éviter une partie des bouchons et comme mon premier cours ne commence qu'à 9h, j'ai l'occasion d'échanger et de discuter avec mes collègues.
C'est un moment que j'aime tout particulièrement car nous nous conseillons mutuellement pour nos cours mais nous parlons également de trucs plus privés également. J'ai beaucoup de chance, il y a une très bonne ambiance parmi les profs. En fait c'est très simple, ceux qui ne s'intègrent pas ou qui ne veulent pas s'intégrer, ne restent jamais très longtemps.
Et à mon sens il s'agit vraiment de mauvaise volonté car je n'ai jamais vécu le moindre conflit avec mes collègues. Une petite tension de temps en temps cela arrive, nous ne sommes pas des robots mais jamais rien de très grave. Une petite discussion permet toujours de mettre les choses à plat.
Le mois de décembre est plus calme que les autres mois car nos élèves ont leur première session d'examens de l'année. Quand je ne surveille pas, je donne des cours de rattrapage ou je corrige les copies et les documents que mes élèves ont dû réaliser pour moi.
Ce matin nous discutons de nos idées de cadeaux de Noël pour nos proches. Christelle, qui ne sait toujours pas que j'ai un homme dans ma vie, insiste pour m'emmener ce weekend au marché de Noël car elle n'a pas encore eu le temps d'y aller.
- Éline, s'il te plait ! En plus, Sandrine m'a dit qu'elle avait repéré quelques militaires hyper sexy.
C'est très simple, pour mes deux collègues, tout ce qui porte un uniforme, c'est-à-dire pompier, militaire et policier, est sexy.
Seigneur, le jour où elle verra Romain pour la première fois elle ne va pas s'en remettre. Et elle va me maudire de lui avoir caché la vérité.
Je refuse gentiment sa proposition, prétextant des trucs à faire avec ma mère. Je sais, c'est moche de mentir comme ça mais je ne me suis toujours pas décidée à dévoiler à mes collègues qu'un mec vraiment trop canon va me rejoindre dans deux jours pour passer le weekend avec moi.
Christelle me fait une petite moue boudeuse puis nous passons en revue les copies de l'examen que nous avons surveillé elle et moi la veille.
Il s'agissait notamment de rédiger une lettre de motivation et un cv selon ce que nos élèves avaient appris en classe depuis le début de l'année scolaire.
Très vite, je remarque que trois élèves ont vraisemblablement triché. Chaque année c'est la même chose, ils rivalisent d'ingéniosité pour planquer leurs copions. Mais cette fois, puisqu'ils n'avaient ni feuille ni trousse ni même smartphone avec eux, Christelle et moi nous sommes convaincu que l'un d'entre eux a réalisé le travail puis qu'il l'a envoyé par mail aux deux autres. Nous avions vérifié que la connexion internet était coupée et qu'ils n'avaient pas accès au réseau de l'école mais manifestement, l'un des trois est un petit génie de l'informatique.
Nous convenons de convoquer nos élèves séparément afin de tirer cette affaire au clair puis nous continuons nos corrections.
Pendant notre pause de midi, Sandrine, Christelle et moi nous discutons au sujet de nos tricheurs. La majorité de nos élèves sont des adultes et s'ils agissent dans la vie professionnelle comme ils le font à l'école, ils finiront par avoir de gros ennuis. Au lycée, ils risquaient de recommencer leur année mais ici, c'est leur job qu'ils risquent de perdre.
Je ne comprends pas car tricher ne leur rend pas service, surtout au sujet de leurs compétences professionnelles. Nous plaisantons ensuite sur le fait que nous n'avons pas encore eu les traditionnelles demandes de cours privés de la part de certains de nos élèves qui ne se privent pas pour nous draguer ouvertement durant les cours.
Si Romain voyait ça, je pense que les deux-trois gars qui m'ont déjà fait quelques réflexions n'auraient plus qu'à prendre leurs jambes à leur cou.
Après avoir terminé mes corrections je me rends dans l'une des classes où je dois surveiller un examen.
Il s'agit de la classe qui suit les cours du niveau intermédiaire d'Office 2013. Ils doivent réaliser une présentation PowerPoint en utilisant des fonctionnalités avancées du logiciel.
Certains, qui n'ont quasiment pas assisté aux cours depuis le début de l'année se contentent de faire acte de présence puis ils partent après cinq minutes. J'ai moi-même rédigé les consignes avec Christelle et je trouve que nous n'avons pas été trop sévères.
Pourtant, après une demi-heure, un de nos élèves se lève en soupirant. Il m'indique qu'il a réussi une moitié des exercices demandés mais qu'il abandonne pour le reste.
Depuis quelques mois, une bonne moitié des adultes qui suivent nos cours y sont obligés par leur employeur ou par Pole Emploi dans le cadre de leur recherche d'emploi et bien souvent ces gens ne sont pas motivés.
Du coup, j'ai franchement l'impression de perdre mon temps.
Nous avons d'ailleurs une réunion prévue avec la directrice après les vacances de Noël, je me demande bien ce qu'elle va nous dire à ce sujet.
En fin d'après-midi je m'apprête à quitter la salle des profs quand l'alarme incendie se déclenche brusquement. Je saisis mon sac et je sors rapidement pour m'occuper de l'évacuation des élèves. Le traditionnel exercice ayant eu lieu il y a un mois et demi, je sais qu'il s'agit d'une véritable alerte.
Je fais le tour des classes qui me sont dévolues dans pareille situation et je compte chaque élève un par un. Nous évacuons le bâtiment dans le calme et nous nous rassemblons dans le petit parc situé à côté de l'école tandis que les deux ouvriers qui s'occupent de l'entretien des bâtiments ainsi que le concierge se dirigent vers le local où le feu s'est déclenché.
Heureusement plus de peur que de mal, car après l'inspection des pompiers qui sont très vite arrivés sur place et qui nous ont certifié que le départ de feu était maîtrisé, deux jeunes adultes qui sont en formation chez nous à la demande de leur employeur viennent nous indiquer très gênés qu'ils avaient voulu fumer une cigarette en cachette et qu'ils avaient jeté précipitamment leur mégot mal éteint dans une poubelle en entendant quelque entrer dans la pièce où ils s'étaient réfugiés.
Après avoir discuté quelques instants avec les pompiers et la directrice de notre établissement, je me dirige vers le petit parking réservé aux enseignants, qui se trouve en face de l'école.
A cette heure, la circulation est dense et peu d'automobilistes sont disposés à me laisser passer. Enfin, après avoir vu passer devant moi au moinsune dizaine de véhicules je m'engage sur le passage pour piétons. Je suis environ à la moitié lorsque, dans un crissement de pneus, une voiture surgit de la petite ruelle qui longe le parking et fonce vers moi à toute vitesse. Je ne suis pas assez rapide et je me sens projetée violemment sur le sol.
J'entends des hurlements autour de moi puis tout devient noir.
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*part se cacher très loin pour éviter de se faire taper dessus par ses lecteurs....
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