30 décembre 2016 - Éline

- C'est très joli comme région.

- Tu n'étais jamais venu par ici auparavant ?

- Non, jamais. En hiver, je suis sur les pistes de Savoie et en été, j'ai mes habitudes dans un camping en Ardèche. Même après le divorce de mes parents, ma mère et moi nous avons continué à y aller à deux.

Encaissé dans une belle vallée, Clervaux est une bourgade pittoresque et manifestement très fréquentée par les touristes.

La ville n'est pas grande mais elle compte quand même trois hôtels tous installés au centre, non loin du château médiéval datant du douzième siècle.

Romain galère un peu pour trouver le parking de l'hôtel : il faut dire que la circulation en centre-ville se fait essentiellement à sens unique et que la petite place où se trouve l'hôtel est entièrement piétonnière.

Bien qu'il existe des emplacements pour les clients juste derrière l'hôtel, Romain préfère laisser sa BMW dans le garage souterrain, fermé et surveillé de jour comme de nuit.

Sa voiture c'est sacré, il ne veut même pas songer à l'éventualité que quelqu'un l'abime ou pire la lui vole.

Résultat, il s'énerve pendant dix bonnes minutes pour se garer correctement entre deux pilastres de béton.

Je vois que finalement un parking souterrain, qu'il soit en Belgique, au Luxembourg ou en France, a toujours les mêmes inconvénients : des places plutôt correctes pour des petites voitures urbaines mais pas pour des SUV ou des modèles sport comme celui de mon compagnon.

Le check-in est effectué rapidement et avec un petit pincement au cœur je ne peux m'empêcher de soupirer discrètement devant l'air qu'affiche la réceptionniste en dévorant Romain du regard.

Rien à faire, je ne m'y habitue pas.

Peu désireux de se retrouver avec la majorité des clients, mon homme m'entraîne rapidement vers notre chambre. Ou plutôt notre suite duplex.

Je reste un instant la bouche grande ouverte en entrant dans une sorte de petit salon au milieu duquel trône une imposante cheminée avec feu ouvert où crépitent déjà quelques bûches.

Je n'ai absolument pas l'impression de me retrouver dans une chambre d'hôtel, c'est assez impressionnant.

- Ça te plait ?

- Mon dieu, tu es absolument génial. J'adore ! Je ne t'imaginais pas aussi romantique en fait...

- C'est que tu as encore beaucoup de choses à apprendre sur moi alors...

Hum,...le spa ouvre à 10 heures et je me disais que, pour éviter la foule, nous pourrions peut-être...y aller maintenant ?

Je souris en observant mon compagnon. Vu que le port du maillot y est interdit, je comprends que Romain veut absolument y aller pendant un moment où l'affluence devrait être très réduite.

Nous nous changeons dans notre suite puis nous revêtons par-dessus nos maillots, les peignoirs fournis par l'hôtel.

Lorsque nous arrivons à l'espace wellness, je constate que mon homme est terriblement tendu. A l'accueil, une dame d'une cinquantaine d'années nous explique le fonctionnement de l'espace bien-être puis nous nous dirigeons vers le spa.

Il n'est pas très grand : il comporte deux saunas, un hamman, une grotte saline et une cabine à infrarouge. Le plafond, de couleur bleu foncé et parsemé de petites lampes LED donne un côté très intime à l'endroit.

Pour rassurer mon compagnon qui regarde autour de lui comme s'il était à la recherche d'un potentiel ennemi, je lui dis :

- Tu es très doué pour me faire des surprises. Tu as fait le bon choix.

- Hum...je n'en suis plus si sûr.

- Mais détend-toi Romain ! Tu vois je garde ma ser...mon essuie sur moi et je n'ai pas l'intention de l'enlever.

- Sous la douche il faudra bien.

- Oui bah on s'arrangera pour y aller quand il n'y a personne de ce côté-là.

Ahhhh ce qu'ils sont possessifs ces mecs je vous jure !

- QUOI ?

- Bon monsieur le soldat, venez par ici, parce que moi, j'ai bien l'intention de profiter de tout cela.

Comme à son habitude quand il est contrarié, Romain grommèle en anglais dans ses dents.

Dans le premier sauna où nous nous rendons il n'y a personne mais mon compagnon ne peut s'empêcher de vérifier toutes les trente secondes que ma serviette cache bien toutes les parties intimes de mon corps.

Enfin, il finit par se détendre un peu mais je remarque cependant un voile de tristesse dans ses beaux yeux marron.

- Tu penses au divorce de tes parents n'est-ce pas ?

Romain n'ose pas me regarder et il détourne la tête tout en me serrant un peu plus fort contre lui. Je tente alors de le rassurer comme je peux car je sais que cette situation, ajouté à nos problèmes personnels, le déstabilise énormément.

- Ne pense pas que cela va créer des conflits avec tes frères. Vous formez un groupe soudé. Vous l'avez dit vous-même tous les trois il y a deux jours. Vous savez parfaitement que vous n'êtes pas responsable de cette situation. Le plus important c'est de soutenir ta maman, de l'aider dans ses démarches.

- Tu crois que je suis trop sévère avec mon père ?

- Hum...je ne suis peut-être pas la personne la plus...apte à répondre à cela vu qu'il ne m'aime pas...

Tu sais, j'ai quasiment rayé mon propre père de ma vie. Je n'ai pas aimé la façon dont il a trompé ma mère, sa façon de tout lui mettre sur le dos, de lui faire croire qu'elle était responsable. Je n'ai pas du tout apprécié qu'il se barre aux USA dans l'idée de se faire un maximum de fric sans penser une seule seconde à mon avenir, alors,... je te comprends. Et...je pense que j'aurais sans doute réagi exactement de la même manière que toi.

Je caresse doucement le visage de Romain : je déteste le voir ainsi, aussi triste. Au moins je pourrais l'épauler. Le divorce de mes parents s'est très mal passé, je sais à quoi m'attendre cette fois, surtout que le Colonel Dalmans est...oui, il est sûrement la personne la plus détestable que je connaisse.

Pendant une bonne heure je ne cesse de chercher des sujets de conversation qui permettent à Romain de se détendre et de ne plus penser à ses parents quelques temps.

L'espace wellness est pratiquement vide. Nous ne croisons qu'un couple de retraités et je manque d'attraper un fou-rire quand je vois Romain observer discrètement l'homme pendant qu'il se dirige vers le hamman.

Et quand je me dirige vers la douche, mon compagnon se place carrément à l'entrée pour surveiller les allées et venues des autres clients.

Lorsque je le rejoins je prends un peu de temps pour remettre ma serviette correctement : il me saute presque dessus pour s'assurer que ni ma poitrine ni mon entrejambe ne sont visibles.

A ce stade ce n'est même plus de la possessivité ou de la jalousie...

Lorsque nous quittons le spa, je me sens vraiment bien, vraiment très détendue. Mon homme a décidément de très bonnes idées. Je lui dis en me blottissant contre lui tandis que nous retournons à notre chambre.

- Hum... mais je ne suis pas certain de renouveler l'expérience.

- Ah mais moi j'en redemande au contraire ?

- Ah bon ?

- Oui, c'est...comment te dire...j'avoue que de savoir que tu ne portais rien en dessous de ta...de ton essuie...

- Tu es comme ça toi ?

Au moins ça a le mérite de le faire rire. Et lorsque nous quittons l'hôtel pour aller faire une promenade dans la ville, Romain a retrouvé le sourire.

Comme à Bruxelles, je trouve qu'il y a une belle ambiance festive dans les rues de la petite bourgade luxembourgeoise. L'attentat au marché de Noël de Berlin il y a dix jours a bien évidemment changé un peu la donne mais j'ai l'impression qu'ici les gens n'y pensent pas vraiment.

Je suis ravie du choix de Romain : Clervaux est une petite ville très agréable. L'éternelle romantique que je suis est comblée je dois dire.

Par moment j'ai l'impression d'être presque seule au monde avec mon compagnon. Il multiplie les gestes tendres à mon égard et je me sens terriblement bien avec lui.

Lorsque nous approchons de l'hôtel, je l'arrête et je l'enlace tendrement.

- Je t'aime Romain. Même si tu ne peux t'empêcher de douter de nous, je suis dingue de toi. Je ne me suis jamais sentie aussi bien de ma vie. Il n'y a qu'avec toi, que je me sens heureuse, que je me sens vraiment moi...Il n'y a que toi, qui me fait cet effet-là, cet effet de bonheur total...Tu es toute ma vie. J'ai tellement hâte que nous puissions vivre ensemble, ne plus avoir à affronter la distance, ne plus avoir ce pincement douloureux lorsque je sais que c'est bientôt l'heure de se quitter. Je voudrais tellement que le temps s'arrête lorsque je suis avec toi, et qu'il ne s'accélère pas par la suite.

Il ne dit rien mais il a les larmes aux yeux.

Il m'entraîne ensuite sans rien dire vers le restaurant de l'hôtel adjacent au nôtre. La décoration y est classique et soignée et une nouvelle fois, je suis charmée par l'ambiance calme et romantique du lieu. Bien que le restaurant soit presque complet, il n'est pas bruyant. Je jette un regard sur la salle pendant que nous attendons notre entrée et Romain me dévisage d'un air inquiet et il me prend doucement la main.

- Quelque chose ne va pas ?

- Oh, non ! Non, tout va bien. C'est juste que...je ne suis pas habituée à tout ça. Je veux dire... mes ex n'étaient pas...aussi attentionnés. On était plus des amis en fait, je n'ai jamais eu de projet sérieux avec aucun des deux. Pas...pas comme maintenant.

- Et...ça te fait peur on dirait ?

- Non. Non étrangement, je n'ai pas peur. Parce que j'ai appris à te connaître différemment, sans te voir pendant des mois. Et je sais que ce qui nous lie est fort, très fort.

Nous passons une partie de l'après-midi dans notre chambre. Romain reçoit un appel de Grégoire au sujet de sa maman qui a prolongé son séjour en Angleterre. Le Colonel Dalmans cherche, via son avocat, à jeter le discrédit sur sa femme. Je comprends à présent pourquoi Romain ne cessait de dire que son père était obnubilé par les apparences et je me demande d'où peut provenir cette obsession.

Je me rends compte également que jamais mon compagnon, ni ses frères d'ailleurs n'avaient évoqués leurs grands-parents paternels et je me demande si l'attitude du Colonel ne peut pas s'expliquer, en partie du moins, par l'éducation qu'il a reçu auparavant.

Par précaution je préfère ne pas aborder le sujet avec Romain. Je préfère que cela vienne de lui spontanément.

Le soir venu, tandis que je me prépare à rejoindre mon homme dans notre lit, je songe alors à ce que Jade m'avait dit lorsque nous avions fait cette sortie au marché de Noël de Lyon : elle était persuadée que Romain allait me demander en mariage à Noël mais il ne l'avait pas fait.

Tandis que je m'endors dans les bras de mon compagnon, je commence à paniquer : et s'il ne voulait pas ?

Mes parents ont divorcé, ça c'est très mal passé. Les siens ont entamé une procédure en ce sens et c'est le bordel le plus complet.

Et si Romain redoutait que cela nous arrive également ?

Et s'il décidait un jour de mettre un terme à notre relation parce qu'il craint de vivre le même scénario ?

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