3 août 2016 - Romain
J'ouvre les yeux et je suis pris d'une violente quinte de toux qui m'arrache un cri de douleur.
Je suis certain que je dois avoir plusieurs côtes fissurées, c'est pas possible autrement.
Je pose une main sur mon front : j'ai l'impression d'entendre encore et encore ces fichues explosions et ça me donne un mal de crâne pas possible.
Je fais une nouvelle fois l'état des lieux de mes blessures : un poignet sans doute fracturé, une plaie à la jambe à cause de ces saloperies de roquettes, une balle qu'il a fallu extraire avec les moyens du bord de mon épaule, des côtes fissurées, une commotion, ouais ça va je m'en sors encore bien.
Ah et j'oublie ce refroidissement et cette putain de fièvre qui a mis je ne sais combien de temps à disparaître.
Au moins, si on sort de ce trou à rat, j'en connais un qui sera content de pouvoir interroger un ennemi.
En prenant la peine de bouger le moins possible, je tourne lentement la tête pour constater que Julien surveille toujours attentivement nos deux prisonniers.
Je repense alors à cette embuscade et à la trahison d'Hamid. Merde, les chefs auraient pu se renseigner un peu mieux à son sujet.
- Arrête de t'agiter comme ça Romain ça sert à rien.
- Je sais, je dois bouger le moins possible en attendant qu'on sorte de cette putain de grotte. Ça fait combien de temps qu'on est ici ? J'en peux plus et puis il faut que...
- Que tu écrives à cette fille pour lui dire que tout va bien, oui je sais. Tu le répètes au moins une centaine de fois par jour mec.
Je détourne à nouveau la tête et je sens un douloureux tiraillement dans le ventre qui n'a rien à voir avec mes blessures.
Éline...
J'avais prévu de lui envoyer un mail le jour où je ne suis pas rentré de mission : je m'étais enfin décidé à lui dire tout ce que je ressentais pour elle.
Elle doit être morte d'inquiétude à l'heure qu'il est.
Et con comme je suis, je n'ai même pas pensé à faire la demande de l'inclure dans les personnes à contacter au cas où il m'arrivait quelque chose.
Je suis impossible. J'avais bien compris qu'elle était effrayée par mon départ en Afghanistan et moi, je suis tellement doué que je n'ai fait qu'aggraver son angoisse.
Mon Dieu j'espère qu'elle va bien. Il faut que je rentre au pays au plus vite. Il faut que je la revoie. Je veux la prendre dans mes bras, je veux sentir son odeur et la chaleur de son corps contre le mien, je veux goûter à la saveur de ses lèvres. Toutes les nuits je ne fais que ça, penser à Éline, encore et encore. Je deviens fou.
Merde, pourquoi est-ce qu'il a fallu que je me trouve aussi loin d'elle pour comprendre ? Pourquoi est-ce que je n'ai pas été capable de lui dire que je l'aimais ? Pourquoi est-ce qu'il a fallu que je vois son sourire sur cette magnifique photo pour percuter ? Pourquoi est-ce que c'est seulement en voyant des rougeurs apparaitre sur ses joues lors de notre premier Skype que j'ai réalisé que c'était elle que j'attendais depuis si longtemps ?
Si belle, si naturelle, si...différente....
Et si elle avait fini par accepter la proposition de ce Loïc qu'elle avait rencontré en boite de nuit ? Je ne m'en remettrai pas.
Je sais que je peux lui apporter tout ce dont elle a besoin, je pourrais la comprendre comme personne d'autre. Mais s'il était trop tard ? Si ce gars avait réussi à profiter de mon absence pour...
Non, je ne veux même pas y penser.
Je ferme à nouveau les yeux. Je me sens épuisé, vidé.
Mon estomac me rappelle que je n'ai plus eu un vrai repas depuis bien longtemps et je grimace. Nos rations de survie sont épuisées et si nous ne sortons pas rapidement d'ici, nous allons vraiment avoir des emmerdes. Je sens déjà que je suis victime de déshydratation et je commence à voir un peu trop d'étoiles à mon goût. Heureusement que je suis couché sinon ça fait longtemps que je serais dans les vapes.
Sayed, l'un des policiers afghans qui nous accompagnait, revient alors dans la grotte avec un air triomphant.
- Ça y est, ils sont partis !
- Tu es certain ?
- Oui, oui, j'ai réussi à atteindre le village et j'ai pu contacter notre supérieur. Il va prévenir votre officier. Et il y a des hommes qui vont monter la garde aux alentours.
- Oh seigneur enfin !
Je ferme les yeux pour savourer cette nouvelle et je réalise à quel point je suis faible. Je sais que j'ai perdu beaucoup de sang et avec le manque de nourriture et d'eau, je me demande si je serais encore capable de marcher.
Je sais que je suis le plus amoché du groupe. Julien a eu le temps de se cacher derrière des rochers tout comme nos collègues afghans. Et comme j'ai été à moitié inconscient un certain temps je ne me suis presque pas alimenté. Résultat, je suis certain que je ressemble plus à un zombie qu'autre chose.
Quand j'y repense je me demande quand même comment j'ai fais pour me traîner jusqu'ici. L'adrénaline sans doute, le stress, la panique, la volonté de m'en sortir vivant coûte que coûte. Sûrement un peu de tout ça.
Dans le lointain j'entends des bruits. Un moteur ?
J'ai le réflexe de vouloir me redresser brusquement mais ce geste me fait hurler de douleur. Je m'effondre à nouveau lourdement sur le sol tout en plaquant mes mains sur mon torse.
A moitié sonné, j'entends des éclats de voix non loin de l'entrée de notre grotte mais je suis incapable de déterminer dans quelle langue ces gens s'expriment.
Puis j'entends Julien pousser des cris de joie et je reconnais alors les intonations graves de notre capitaine.
- Putain les mecs vous nous avez fait une peur bleue ! Heureusement que Sayed a réussi à établir une connexion !
Merde, il est dans un sale état notre lieutenant. Il s'est passé quoi ?
- Il était devant quand ça a pété. Moi j'étais derrière avec les autres, on a pu se mettre à l'abri mais pas lui.
Il a été projeté en arrière sur les rochers. C'est limite étonnant que ses blessures ne soient pas plus importantes.
- Il a quoi ?
- Il a sans doute eu une commotion. Il a le poignet fracturé, sûrement quelques côtes froissées, une plaie à l'épaule, on lui a extrait une balle mais bon, on a fait comme on a pu, il a aussi une plaie à la jambe qui est assez moche et qui est en train de s'infecter à mon avis et le plus problématique c'est qu'il n'a plus rien dans le corps depuis plusieurs jours et avant cela, il ne mangeait déjà quasiment rien.
- Déshydratation ?
- Oui mais sévère et salement avancée. Il a fait de la fièvre au début, il s'est chopé un refroidissement comme il est allongé là dans les courants d'air. On a essayé de le déplacer un peu mais il hurle dès qu'on essaye de le bouger.
Ça fait deux jours que son état s'est aggravé. Il est de nouveau brûlant alors qu'il ne cesse de dire qu'il a froid, il vomit régulièrement et parfois, il crache du sang, sa peau est sèche, il se plaint de vertiges et il a régulièrement des étourdissements.
- C'est pas bon du tout ça.
J'ai trop mal à la tête, je n'arrive plus à me concentrer sur la conversation. Je commence alors à grelotter puis je suis pris de convulsions et je me mets à vomir sans pouvoir m'arrêter.
Lorsque j'arrive à me calmer, je me sens totalement épuisé. Les bruits autour de moi semblent avoir diminués, des points noirs apparaissent devant mes yeux puis, juste avant que je ne sombre dans l'inconscience, j'entends des hurlements autour de moi.
- Putain c'est pas vrai, amenez le matériel ! Allez bougez-vous le cul, on est en train de le perdre !
Romain bordel reste avec nous, tu peux pas nous faire ça ! Romain, reste avec nous !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top